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07/07/2022 | FRANCE | N°21BX02557

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 07 juillet 2022, 21BX02557


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014, 2015 et 2016.

Par un jugement n° 1906170 du 15 avril 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a réduit la base de l'impôt sur le revenu assigné à Mme A... au titre des années 2014 et 2015 dans la catégorie des revenus fonciers, respectivement, à 32 514 euros et 23

679 euros, a ainsi déchargé la contribuable, en droits et majorations, des cotisat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014, 2015 et 2016.

Par un jugement n° 1906170 du 15 avril 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a réduit la base de l'impôt sur le revenu assigné à Mme A... au titre des années 2014 et 2015 dans la catégorie des revenus fonciers, respectivement, à 32 514 euros et 23 679 euros, a ainsi déchargé la contribuable, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014 et 2015 à concurrence de la réduction des bases d'imposition, et a rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 juin 2021, et un mémoire en réplique, enregistré le 21 janvier 2022, Mme A..., représentée par Me Lange, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1906170 du 15 avril 2020 du tribunal administratif de Bordeaux en ce qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions, tendant à la décharge des suppléments d'imposition auxquelles elle a été soumise dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

2°) de prononcer la décharge totale, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2014, 2015 et 2016, restant à sa charge dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- les premiers juges ont omis de répondre à son moyen tiré de l'irrégularité des procès-verbaux sur lesquels l'administration s'est fondée pour rejeter la comptabilité de la SARL A..., dès lors qu'elle a refusé de signer lesdits procès-verbaux et qu'ils ne portent pas mention de ce refus, en violation de l'article L. 13 A du livre des procédures fiscales. De ce fait, ils ont insuffisamment motivé leur jugement au regard des prescriptions de l'article L. 9 du code de justice administrative ;

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :

- les procès-verbaux n'ont aucune valeur probante quant aux irrégularités constatées dans la comptabilité de la SARL A..., dès lors qu'ils n'ont été ni contresignés par la SARL, ni complétés de la mention de son refus, en violation de l'article L. 13 A du livre des procédures fiscales ;

- les irrégularités relevées par le service ne concernent que l'année 2014, et la preuve de telles irrégularités n'est pas apportée pour les deux années suivantes ;

- l'enregistrement des recettes de l'établissement que gère la SARL A... a été effectué conformément à la loi fiscale et à l'instruction BOI-BIC-DECLA-30-10-20-50 n° 40 qui est opposable à l'administration ;

- la comptabilité et les tableaux de recettes ont été correctement tenus au jour le jour au regard du mode d'exploitation atypique de cet établissement ;

En ce qui concerne la reconstitution de recettes :

- la méthode de reconstitution retenue par l'administration est viciée et aboutit à des résultats exagérés ; en particulier, le service n'a pas pris en compte les différents modes de commercialisation, à savoir la commercialisation de menus avec boissons comprises ou à volonté, le fait qu'une même spécialité alcoolique pouvait être écoulée selon plusieurs modes, au verre, en mix, en punch, en cocktail, en bouteille pour certains alcools premium, le fait que deux spécialités alcooliques présentant des qualités et des prix d'achat différents ont été à tort considérées comme commercialisées au même prix ;

- dès lors, elle ne saurait être imposée au titre des revenus distribués sur le bénéfice que la SARL A... aurait prétendument omis de déclarer ;

- en tout état de cause, l'administration ne pouvait valablement taxer les revenus distribués à son profit sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 ou du c de l'article 111 du code général des impôts, en se bornant à relever qu'elle était maître de l'affaire, sans établir qu'elle avait réellement appréhendé les sommes réputées distribuées ;

-à titre subsidiaire, elle revendique, pour l'année 2014, l'application du système du quotient de l'article 160-0 A du code général des impôts.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 16 décembre 2021 et le 20 avril 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- il sollicite une substitution de base légale au profit du c de l'article 111 du code général des impôts pour la fraction des recettes non comptabilisées et non prises en compte dans la détermination des bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés, soit les montants de 1 383 euros au titre de l'année 2014 et 19 681 euros au titre de l'année 2015 ;

- par ailleurs, les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 avril 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 28 avril 2022.

Mme A... a présenté un nouveau mémoire, enregistrée le 2 juin 2022, reprenant les mêmes moyens que ceux précédemment invoqués.

Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a produit un mémoire en réplique, enregistré le 13 juin 2022, concluant aux mêmes fins par les mêmes moyens que ses précédentes écritures, qui n'a pas été communiqué.

Mme A... a présenté une note en délibéré, enregistrée le 30 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... D...,

- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique,

- et les observations de Me Lange, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) A..., dont Mme B... A... est gérante et associée majoritaire, a pour principale activité l'exploitation du bar-restaurant " Le Torito Café " à Bordeaux. Mme A... est également associée majoritaire (99,90 %) de la société civile immobilière (SCI) A..., qui a pour activité principale la gestion immobilière, notamment la location de l'immeuble d'exploitation du " Torito ", et qui n'est ni soumise à l'impôt sur les sociétés ni dotée de la transparence fiscale. En 2017, ces deux sociétés ont fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016. Au cours de ces contrôles, le service vérificateur a notamment remis en cause le caractère probant de la comptabilité de la SARL A... et a procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires qui a mis en évidence des minorations de recettes. Le service a également constaté, à partir de l'analyse du compte bancaire de la SCI A..., que celle-ci avait perçu de la SARL A... des recettes plus importantes que les loyers effectivement déclarés. En conséquence, à raison, d'une part, des revenus réputés distribués par la SARL A... et correspondant aux minorations de recettes révélées par la vérification de comptabilité, d'autre part, des résultats reconstitués de la SCI A..., Mme A... a été assujettie, respectivement dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et dans la catégorie des revenus fonciers, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2014 à 2016 pour un montant total, en droits et majorations, de 257 560 euros. Par un jugement du 15 avril 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a réduit les bases d'imposition de Mme A... dans la catégorie des revenus fonciers et l'a déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt dans cette catégorie de revenus à due concurrence de la réduction prononcée. Mme A... fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions, tendant à la décharge des impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au tire des années 2014 à 2016, dont elle demande la décharge totale.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Les irrégularités affectant les procès-verbaux de défaut de présentation de la comptabilité au regard des exigences prévues par l'article 13 A du livre des procédures fiscales sont sans influence sur la régularité ou le bien-fondé des impositions. Dès lors, en ne répondant pas au moyen de la requérante, tiré de ce que les procès-verbaux du 30 novembre 2017 et du 7 décembre 2017 ne mentionnaient pas son refus de les signer, qui était inopérant, les premiers juges n'ont pas entaché la régularité de leur jugement.

Sur les conclusions à fin de décharge :

En ce qui concerne le rejet de la comptabilité de la SARL A... :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu (...) ". Il résulte de ces dispositions que la charge de démontrer les graves irrégularités dont serait entachée la comptabilité de la société requérante incombe en tout état de cause à l'administration.

5. Aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration. (...) ". Aux termes du 3° du I de l'article 286 du code précité, dans sa version alors en vigueur : " Toute personne assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée doit (...) si elle ne tient pas habituellement une comptabilité permettant de déterminer son chiffre d'affaires tel qu'il est défini par le présent chapitre, avoir un livre aux pages numérotées sur lequel elle inscrit, jour par jour, sans blanc ni rature, le montant de chacune de ses opérations, en distinguant, au besoin, ses opérations taxables et celles qui ne le sont pas. / Chaque inscription doit indiquer la date, la désignation sommaire des objets vendus, du service rendu ou de l'opération imposable, ainsi que le prix de la vente ou de l'achat, ou le montant des courtages, commissions, remises, salaires, prix de location, intérêts, escomptes, agios ou autres profits. / Toutefois, les opérations au comptant peuvent être inscrites globalement en comptabilité à la fin de chaque journée lorsqu'elles sont inférieures à 76 € pour les ventes au détail et les services rendus à des particuliers. Le montant des opérations inscrites sur le livre est totalisé à la fin du mois. / Le livre prescrit ci-dessus ou la comptabilité en tenant lieu, ainsi que les pièces justificatives des opérations effectuées par les redevables, notamment les factures d'achat, doivent être conservés selon les modalités prévues au I de l'article L. 102 B du livre des procédures fiscales ; les pièces justificatives relatives à des opérations ouvrant droit à une déduction doivent être d'origine ".

6. Une comptabilité présentée au cours d'un contrôle comporte de graves irrégularités lorsque, notamment, l'exploitant n'est pas en mesure de produire les pièces justificatives permettant d'établir le détail et la réalité des recettes enregistrées globalement, ce qui empêche de rattacher les produits vendus aux factures d'achat correspondantes. À cet égard, si les dispositions précitées du 3° de l'article 286 du code général des impôts prévoient que les opérations au comptant peuvent être inscrites en comptabilité à la fin de chaque journée, lorsqu'elles sont inférieures à un certain montant, elles n'exonèrent pas le contribuable de l'obligation de produire, conformément aux dispositions de l'article 54, des pièces justificatives telles que des fiches de caisse ou bandes de caisse enregistreuse, de nature à établir la consistance des recettes portées en comptabilité. Il s'ensuit que l'absence de présentation de telles pièces justificatives de recettes suffit pour que la comptabilité d'une entreprise soit regardée comme dépourvue de valeur probante.

7. Mme A... fait valoir que le rejet de la comptabilité de la SARL A... ne serait pas fondé et que les irrégularités relevées par le service ne concernent que l'année 2014, la preuve de telles irrégularités n'étant pas apportée pour les deux années suivantes.

8. Il résulte de l'instruction qu'à l'occasion des opérations de contrôle de la société A..., le vérificateur a écarté comme irrégulière et non probante la comptabilité qui lui a été présentée. Pour ce faire, il a relevé le défaut de présentation de l'inventaire des stocks permettant de vérifier les montants figurant dans la comptabilité de l'entreprise, ainsi que, au regard des éléments obtenus par les fournisseurs de la société (sociétés Métro, Velayos, La Cave à Titoune, France-Boisson, Promocash et Inter Boisson Service) dans le cadre du droit de communication, l'absence de comptabilisation de certaines factures d'achats et des enregistrements globalisés de charges et produits comptabilisés en opérations diverses. Le vérificateur a également et surtout constaté que les recettes déclarées, enregistrées mensuellement sur la base de récapitulatifs journaliers globalisés, n'étaient justifiées ni par des tickets Z ni par des fichiers de gestion de la caisse enregistreuse informatisée, celle-ci n'étant jamais utilisée selon les déclarations de la gérante, qui a affirmé s'appuyer uniquement sur les bons de commandes, les reçus de paiement par carte bancaire et des notes manuscrites. Or, ces tableaux mensuels de recettes journalières présentés lors des opérations de contrôle ne pouvant permettre à eux seuls de justifier les recettes, dans la mesure où ils se limitent à détailler par journée les modes de paiement en ventilant les recettes par taux de taxe sur la valeur ajoutée, sans préciser ni la nature, ni le nombre ni la catégorie des consommations, si bien qu'aucun rapprochement entre les ventes, les achats et les stocks n'a pu être effectué par le service. S'agissant des notes manuscrites, la société n'a pas été en mesure de les produire, alléguant, sans l'établir, un dégât des eaux qui les aurait détruites. Dans ces conditions, en l'absence de présentation de pièces justificatives de recettes autres que des tableaux mensuels précités, c'est à bon droit que la comptabilité de la société requérante, qui n'a pu fournir le détail de ces ventes journalières, a été écartée comme dépourvue de valeur probante.

9. Il résulte également de l'instruction que, contrairement aux affirmations de la requérante, l'administration a apporté la preuve de l'existence de graves irrégularités pour chacun des exercices vérifiés. Ainsi, outre les irrégularités afférentes au seul exercice clos le 31 décembre 2014, telles que, notamment, des ajouts forfaitaires de produits enregistrés en opérations diverses, il est apparu que le défaut de pièces justificatives destinées à permettre la reconstitution des recettes, enregistrées comme cela a été dit de façon mensuelle, concernait l'ensemble des exercices vérifiés. Le service a ainsi relevé l'absence d'inventaire des stocks ainsi que le défaut de comptabilisation de factures d'achat au titre de l'ensemble de la période vérifiée, et non du seul exercice 2014.

10. En deuxième lieu, l'article L. 13 A du livre des procédures fiscales prévoit qu'en cas de vérification de comptabilité, " le défaut de présentation de la comptabilité est constaté par procès-verbal que le contribuable est invité à signer ". Mme A... soutient que l'administration, pour rejeter la comptabilité de la SARL A..., ne pouvait se fonder sur les procès-verbaux, ceux-ci étant dépourvus de valeur probante, dès lors qu'ils n'ont été ni contresignés par la société, ni complétés de la mention de son refus, en violation de l'article L. 13 A du livre des procédures fiscales.

11. Cependant, comme cela vient d'être rappelé aux points 7 et 8, l'absence de justificatifs des recettes est établie. Dès lors, la circonstance que les procès-verbaux de constatation n'auraient pas été contresignés par la gérante de la société et seraient de ce fait inopposables est sans incidence. Au demeurant, l'établissement d'un procès-verbal en application des dispositions précitées ne constitue pour le vérificateur qu'une simple faculté, destinée à lui faciliter l'administration de la preuve. En conséquence, d'éventuelles irrégularités entachant ce procès-verbal au regard des exigences prévues par l'article L. 13 A, si elles privent celui-ci de sa valeur probante, sont sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition.

12. En troisième lieu, Mme A... réitère en appel le moyen tiré de ce que la SARL A... avait, en raison de son mode de fonctionnement qu'elle considère comme " atypique " et nonobstant l'absence de tickets Z, respecté les conditions posées par le paragraphe 40 de la documentation administrative BOI-BIC-DECLA-30-10-20-50 n° 40 du 17 mars 2014. Cependant, la requérante n'apportant à cet égard aucun élément nouveau, il y a lieu d'adopter les motifs pertinemment retenus par les premiers juges au point 10 de leur jugement.

13. Il résulte de ce qui précède que l'administration apporte la preuve, qui lui incombe, du caractère non probant et non sincère de la comptabilité de la SARL A... et a ainsi pu régulièrement procéder à la reconstitution extracomptable du chiffre d'affaires de l'activité de cette société.

En ce qui concerne la reconstitution du chiffre d'affaires de la SARL A... :

14. D'une part, dans le cas où la comptabilité d'un contribuable a été à bon droit écartée comme non probante, il appartient à l'administration de procéder à l'évaluation du chiffre d'affaires d'après les éléments dont elle dispose.

15. D'autre part, en application des dispositions citées au point 4, compte tenu de ce qui a été dit précédemment et du sens de l'avis rendu le 21 septembre 2018 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur les chiffres d'affaires, la charge de la preuve du caractère exagéré des rectifications en litige incombait à la société A....

16. Il résulte de l'instruction, comme l'ont relevé les premiers juges par un motif qu'il y a lieu d'adopter, que le vérificateur n'a remis en cause que les seules recettes dégagées par la vente des boissons alcoolisées, soumise au taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée, et non celles dégagées par la restauration et la vente de boissons non alcoolisées. Pour reconstituer le chiffre d'affaires correspondant, il a pris en compte les conditions réelles de l'exploitation, à partir d'éléments relevés dans l'entreprise vérifiée et des informations obtenues dans le cadre du débat oral et contradictoire mené avec la gérante de la société A... et son expert-comptable, tels que la nature des boissons et leur prix selon la dose servie. À partir des factures d'achats des boissons correspondantes, et en tenant compte d'un stock constant faute d'inventaire détaillé, il en a déduit le nombre de doses effectivement servies, par nature de produit, qu'il a multiplié par le prix unitaire moyen obtenu à partir de la grille tarifaire que la société lui avait communiquée. Ensuite, pour tenir compte des offerts, de la consommation du personnel et des pertes, selon les modalités particulières de l'exploitation communiquées par la société, notamment les " happy hours " et autres menus " boissons à volonté ", il a appliqué un abattement de 20 % sur le chiffre d'affaires ainsi dégagé par année et par nature de produit. Il n'est pas utilement contesté que le chiffre d'affaires ainsi reconstitué est apparu cohérent avec celui réalisé par le précédent exploitant, également spécialisé dans les soirées étudiantes, mais aussi avec le coefficient de marge généralement constaté dans ce type d'activité, soit entre 3,36 et 4,19.

17. En appel pas plus qu'en première instance, Mme A... n'apporte d'élément probant remettant sérieusement en cause la méthode retenue, fondée, contrairement à ce qu'elle soutient, sur des données propres à l'entreprise recueillies contradictoirement au cours du contrôle et sur des factures communiquées par les fournisseurs de celle-ci, et qui tient compte, au regard du taux de perte significatif retenu, des formules " boissons comprises " et de l'importance des offerts résultant du mode de vente " 1 acheté = 1 offert ". Si elle fait valoir que la société a proposé une méthode alternative de reconstitution des recettes au motif du caractère " atypique " de ses pratiques commerciales, celle-ci n'est appuyée d'aucun justificatif et repose uniquement sur des attestations destinées à décrire les modalités de fonctionnement de l'entreprise, établies postérieurement à la vérification de comptabilité et n'ayant par elles-mêmes aucune valeur probante en l'absence de justificatifs établissant leur exactitude. Dans ces conditions, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, la société n'a pas établi, comme cela lui incombait, le caractère excessivement sommaire ou radicalement vicié dans son principe de la méthode appliquée par l'administration. Il suit de ce qui précède que c'est à bon droit que l'administration a rehaussé les résultats de la SARL A....

S'agissant des impositions supplémentaires mises à la charge de Mme A... dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers :

18. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) Toutes les sommes ou valeur mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices (...) ". Aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. les rémunérations et avantages occultes (...) ". En cas de refus des propositions de rectifications par le contribuable qu'elle entend imposer comme bénéficiaire de sommes regardées comme distribuées par une société, il incombe à l'administration d'apporter la preuve que celui-ci en a effectivement disposé, sauf à démontrer qu'il peut être regardé comme le maître de l'affaire.

19. Il n'est pas contesté que Mme A..., qui détient la majorité du capital social, est la seule à diriger le " Torito Café " et à détenir la signature bancaire, est la dirigeante effective de l'entreprise et qui détient le plus important compte courant dans la société A..., doit être regardée comme l'unique maître de l'affaire.

20. Comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, les impositions en litige procèdent de l'inclusion dans les revenus taxables entre les mains de Mme A..., dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement des dispositions précitées du 1 de l'article 109 du code général des impôts, des sommes correspondant aux rehaussements des bénéfices de la SARL A... au titre de l'exercice 2016 et regardées comme des revenus distribués par cette société à l'intéressée. Eu égard à ce qui vient d'être dit au point précédent, l'administration doit être regardée comme démontrant que Mme A..., gérante et associée majoritaire de cette société, était l'unique maître de l'affaire. Dès lors, c'est à bon droit que le service a considéré qu'elle devait être présumée comme ayant appréhendé les sommes correspondant aux rehaussements des résultats de ladite société en 2016.

21. En appel, l'administration sollicite, conformément aux dispositions de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales, que soit substituées, au fondement du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, les dispositions du c de l'article 111 du même code pour la fraction des recettes non comptabilisées et non prises en compte dans la détermination des bénéfices imposables à l'impôt sur les sociétés, soit les montants de 1 383 euros au titre de l'année 2014 et 19 681 euros au titre de l'année 2015. En effet, il résulte de l'article 111 du code général des impôts que l'administration est réputée apporter la preuve que des distributions occultes ont été appréhendées par la personne qui est, dans la société dont des revenus ont été regardés comme distribués, le maître de l'affaire, qualité que Mme A... ne conteste pas. Dès lors, c'est à bon droit que le service a considéré qu'elle devait être présumée avoir appréhendé les revenus occultes précités au titre des années 2014 et 2015.

22. Dans ces conditions, c'est à bon droit que Mme A... a fait l'objet de rehaussements à l'impôt sur le revenu à raison des revenus distribués par la SARL, sur le fondement des articles 109 et 111 du code général des impôts.

23. Si, à titre subsidiaire, Mme A... revendique, dans son mémoire du 21 janvier 2022, l'application, au titre de l'année 2014, du " quotient " prévu par l'article 160-0 A du code général des impôts, cet article n'existe pas. A supposer qu'elle ait entendu invoquer à cet égard le bénéfice des dispositions de l'article 163-0 A du même code, cet article, qui porte sur l'imposition des revenus exceptionnels, ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce.

24. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande, en tant qu'elle tendait à la décharge des suppléments d'imposition mis à sa charge dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre des années 2014, 2015 et 2016.

Sur les frais de l'instance :

25. L'État n'étant pas partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de Mme A... relatives aux frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée à la directrice de contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère,

Mme Laury Michel, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 juillet 2022.

La rapporteure,

Florence D...

La présidente,

Frédérique Munoz-Pauziès

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX02557


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 21BX02557
Date de la décision : 07/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : SELARL LANGE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-07-07;21bx02557 ?
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