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05/07/2022 | FRANCE | N°22BX00421

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 05 juillet 2022, 22BX00421


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2105405 du 13 janvier 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 février 202

2, et des pièces enregistrées le 1er mars et le 25 avril 2022 M. B..., représenté par Me Babou, dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 13 septembre 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2105405 du 13 janvier 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 février 2022, et des pièces enregistrées le 1er mars et le 25 avril 2022 M. B..., représenté par Me Babou, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 janvier 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 13 septembre 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale ou la mention salarié dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou subsidiairement de réexaminer sa demande de titre de séjour dans les mêmes conditions ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors que le premier juge n'a pas pris en compte les éléments essentiels relatifs à sa situation personnelle ;

- l'arrêté dans son ensemble est entaché d'un défaut de motivation au regard des dispositions des articles L. 211-2 et suivants du code des relations entre le public et l'administration, la motivation de l'arrêté est stéréotypée et révèle un défaut d'examen approfondi de sa situation personnelle ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions des articles L. 423-22 et L. 435-1 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article L. 5221-5 alinéa 2 du code du travail ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation de sa situation personnelle et entrainerait des conséquences graves au regard de son droit à la vie privée et familiale ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation de l'authenticité des documents établissant sa naissance.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 mars 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête et s'en remet à son mémoire de première instance. Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.

Par une décision du 17 février 2022, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à M. B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité malienne se disant né le 15 juillet 2002, déclare être entré en France en mai 2018. Il a été pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance du département de la Gironde puis a bénéficié, à sa majorité, de contrats de jeune majeur conclus avec le même service. Le 14 novembre 2019, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de jeune majeur ayant été confié au service de l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans. Par une décision du 13 septembre 2021, la préfète de la Gironde a rejeté cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 13 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que les premiers juges ont expressément répondu aux moyens contenus dans la requête de M. B..., en particulier, au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté. Si M. B... soutient au surplus que les premiers juges n'ont pas pris en compte certains des éléments relatifs à sa situation personnelle, un tel moyen se rapporte au bien-fondé du jugement et non à sa régularité. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit être écarté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce même code : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

4. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser à M. B... un titre de séjour, l'arrêté préfectoral litigieux vise les textes dont il fait application, notamment les dispositions applicables au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. L'arrêté précise par ailleurs les éléments relatifs à la situation personnelle et familiale de M. B... et rappelle notamment qu'il est entré en France en mai 2018, que les documents justifiant de son état-civil sont frauduleux, que le récit de son parcours migratoire est lacunaire, qu'il été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance de Bordeaux et a été titulaire d'un contrat jeune majeur, qu'il ne justifie pas de liens privés et familiaux intenses et stables en France, qu'il est arrivé récemment en France, qu'il n'établit pas être isolé dans son pays d'origine, qu'il est démuni de ressources personnelles. Cette motivation, qui révèle l'examen de la situation personnelle de l'intéressé, n'est pas entachée d'insuffisance ni stéréotypée. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué et de l'absence d'examen de sa situation personnelle doivent être écartés.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une part, : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française. ".

6. D'autre part, aux termes de l'article article L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ". L'article 47 du code civil précité pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays. Il résulte également de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis.

7. Il ressort des pièces du dossier qu'à l'appui de sa demande de titre de séjour, le requérant a produit un acte de naissance malien établi le 19 juin 2018, deux jugements supplétifs d'acte de naissance de la cour d'appel de Bamako datés chacun du 16 mai 2018, un extrait d'acte de naissance daté du 11 octobre 2021, un certificat de nationalité malienne daté du 12 novembre 2018 et une carte d'identité. Il ressort toutefois du rapport d'analyse de la cellule fraude documentaire de la direction départementale de la police de l'air et des frontières de Bordeaux en date du 18 novembre 2020, qui a été produit en première instance par la préfète, que l'acte de naissance et les jugements supplétifs ont été obtenus par fraude dès lors, notamment, que les jugements supplétifs ne sont pas renseignés de la même manière, le premier étant renseigné à la main sans comporter la mention de la transcription, et mentionnant la date de naissance du 16 juillet 2002, alors que le second est imprimé avec mention de la transcription, et se borne à mentionner une date de naissance en 2002, que l'acte de naissance et l'extrait de naissance ne font pas apparaître l'imprimeur ni le numéro permettant de relier l'acte de naissance à son registre, que le numéro de jugement supplétif qui en est la référence a été modifié, et qu'il a été signé par une autorité incompétente et que le certificat de nationalité est dépourvu de légalisation par les autorités maliennes. Ces documents ont tous fait l'objet d'un avis défavorable de ce service dont les conclusions ne sont d'ailleurs pas entachées de contradiction contrairement à ce qui est soutenu. Ces éléments tendent à démontrer que les actes d'état civil produits par M. B... à l'appui de sa demande ne sont pas authentiques. Ce dernier n'infirme pas ce constat en se bornant à indiquer que les actes d'état civil et les jugements supplétifs produits ont été délivrés par les autorités maliennes compétentes et respectent la législation malienne et qu'il a entamé les démarches nécessaires et a pris attache avec le consulat du Mali à Paris afin de solliciter son acte de naissance authentifié. S'il produit en cours d'instance une carte d'identité consulaire établie en mars 2022 postérieurement à la décision attaquée, ce document n'est pas un acte d'état-civil et il n'est ni établi ni allégué qu'elle aurait été obtenue sur la base d'autres documents que ceux dont l'authenticité présente un caractère douteux. Dans ces conditions, la préfète a pu légalement considérer que les éléments en sa possession étaient suffisants pour écarter comme dépourvus de valeur probante les actes d'état civil fournis par M. A... et renverser la présomption simple résultant de l'article 47 du code civil, et refuser de délivrer à l'intéressé un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées des articles L. 423-22 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 5221-5, alinéa 2 du code du travail : " L'autorisation de travail est accordée de droit à l'étranger autorisé à séjourner en France pour la conclusion d'un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation à durée déterminée. Cette autorisation est accordée de droit aux mineurs isolés étrangers pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, sous réserve de la présentation d'un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation. ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. B... n'ayant pas sollicité un titre de séjour portant la mention " salarié ", il ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 5221-5, alinéa 2 du code du travail. Par ailleurs, à supposer que le requérant ait entendu en réalité se prévaloir de ces dispositions au soutien de sa demande, la préfète ne s'est pas fondée sur un tel motif pour rejeter sa demande. Par suite, le moyen doit être écarté comme inopérant.

10. Enfin, M. B... reprend, dans des termes identiques et sans critique utile du jugement, ses moyens de première instance tirés de ce que la décision de refus de séjour serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et de la violation de l'article L 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. Au soutien du moyen tiré de la méconnaissance de son droit à la vie privée et familiale, M. B... ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance ni ne critique les réponses apportées par le tribunal administratif. Ses conclusions sur ce point doivent donc être rejetées par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

12. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Les conclusions à fins d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relatives à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience publique du 7 juin 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juillet 2022.

Le président-assesseur,

Dominique FerrariLa présidente,

Evelyne C...Le président-assesseurLa présidente-rapporteure,

E. C...Le greffier,

Christophe Pelletier

Le greffier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00421
Date de la décision : 05/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Evelyne BALZAMO
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : BABOU

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-07-05;22bx00421 ?
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