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05/07/2022 | FRANCE | N°22BX00143

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 05 juillet 2022, 22BX00143


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... et M. E... C... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 30 septembre 2021 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2106244 et 2106245 du 3 décembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés du 30 septembre 2021 et a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de procéder à un réexamen de

s dossiers de Mme B... et de M. C... dans un délai d'un mois.

Procédure devant la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... et M. E... C... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 30 septembre 2021 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2106244 et 2106245 du 3 décembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés du 30 septembre 2021 et a enjoint au préfet de la Haute-Garonne de procéder à un réexamen des dossiers de Mme B... et de M. C... dans un délai d'un mois.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et une pièce, enregistrées sous le numéro 22BX00143 le 6 janvier 2022 et le 28 avril 2022, le préfet de la Haute-Garonne, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 3 décembre 2021 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de Mme B... et de M. C....

Il soutient que le moyen retenu par le tribunal administratif de Toulouse pour annuler ses arrêtés n'est pas fondé.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 avril 2022, Mme B... et M. C..., représentés par Me Soulas, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent qu'aucun des moyens n'est fondé.

II. Par une requête et une pièce, enregistrées sous le numéro 22BX00144 le 6 janvier 2022 et le 28 avril 2022, le préfet de la Haute-Garonne, demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du 3 décembre 2021.

Il soutient qu'il existe des moyens sérieux de nature à justifier l'annulation de ce jugement.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 19 avril 2022, Mme B... et M. C..., représentés par Me Soulas, concluent au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent qu'aucun des moyens n'est fondé.

Mme B... et M. C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 17 mars 2022.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme F... H..., a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... et M. C..., de nationalité guinéenne, sont entrés en France le 21 septembre 2017 et le 2 septembre 2019. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'office français de protection des réfugiés et apatrides les 11 et 19 juin 2019, puis par la cour nationale du droit d'asile les 27 mai 2020 et 12 mars 2021. Par des arrêtés du 30 septembre 2021 le préfet de la Haute-Garonne leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Saisi par Mme B... et M. C..., le tribunal administratif de Toulouse a annulé ces arrêtés. Le préfet de la Haute-Garonne relève appel de ce jugement du 3 décembre 2021.

2. Par deux requêtes nos 22BX00143 et 22BX00144, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, le préfet de la Haute-Garonne relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 3 décembre 2021 et demande qu'il soit sursis à son exécution.

Sur le moyen retenu par le tribunal :

3. Pour annuler les arrêtés du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de Toulouse a estimé que le récit de Mme B... et de M. C... selon lequel Mme B... aurait été victime de violences de la part de son père pour avoir eu une relation amoureuse hors mariage avec M. C..., dont sont nés deux enfants, et sur l'impossibilité de régulariser leur situation familiale sans être exposés à des menaces et des violences, était plausible et qu'ainsi les arrêtés contestés méconnaissaient l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car ils portaient une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ils ont été pris.

4. Il ressort des pièces du dossier, qu'ainsi que l'a estimé l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et Cour nationale du droit d'asile, les déclarations des intéressés sont peu concluantes eu égard aux propos convenus qui ont été tenus par les intéressés et eu égard à l'absence d'élément circonstancié sur le mariage forcé de Mme B..., sur ses conditions de vie et sur les circonstances de sa fuite. De même les déclarations de M. C... sont peu personnalisées quant à l'environnement familial de Mme B... alors qu'il affirme avoir eu une relation cachée avec elle pendant vingt ans et qu'ils ont eu des enfants, et le récit de son agression par des membres de la famille de Mme B... est peu consistant. Dans ces conditions, les déclarations des intéressés ne permettent pas de tenir les faits allégués pour établis, ni de regarder comme fondées les craintes de persécution exprimées. Dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a jugé que les mesures d'éloignement prises à l'encontre des requérants portaient à leur droit au respect de leur vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises.

5. Il appartient donc à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme B... et M. C... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Sur la légalité des obligations de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, par un arrêté du 20 septembre 2021, publié le lendemain au recueil administratif spécial de la préfecture, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme G... D..., directrice des migrations et de l'intégration, pour signer les décisions relatives à la police des étrangers. Par suite, les moyens tirés de l'incompétence de l'auteur des actes manquent en fait.

7. En deuxième lieu, les arrêtés contestés visent les dispositions et stipulations dont ils font application, rappellent les conditions de l'entrée et du séjour des intéressés en France, les étapes de la procédure d'examen de leurs demandes d'asile et les principaux éléments de leurs situations personnelle et familiale. Ces arrêtés précisent que les requérants n'établissent pas être exposés à des traitements inhumains ou dégradants en Guinée. Par suite, les moyens tirés du défaut de motivation de ces arrêtés doivent être écartés.

8. En troisième lieu, Mme B... est mariée dans son pays d'origine et a déclaré avoir deux enfants avec M. C..., lesquels résident en Guinée. Les intéressés sont entrés en France à une date récente, en 2017 pour Mme B... à l'âge de 31 ans et 2019 pour M. C... à l'âge de 39 ans, leurs demandes d'asile ont été rejetées et ils ne justifient pas de liens et d'insertion d'une particulière intensité en France. Dans ces conditions, les moyens selon lesquels les décisions contestées auraient porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation au regard de leurs conséquences sur leurs situations personnelles, doivent être écartés.

Sur la légalité des décisions fixant le pays de destination :

9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède qu'en l'absence d'illégalité des décisions d'obligation de quitter le territoire français, Mme B... et M. C... ne sont pas fondés à soutenir que les décisions fixant le pays de destination doivent être annulées, par voie de conséquence de l'illégalité des obligations de quitter le territoire français.

10. En second lieu, et ainsi qu'il a été dit au point 4, si Mme B... et M. C... font valoir qu'ils seraient exposés à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour en Guinée, d'une part l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont rejeté leurs demandes d'asile et d'autre part, ils n'apportent pas d'éléments permettant de démontrer la réalité et l'actualité des risques allégués. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés

11. Il résulte de tout ce qui précède, que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Toulouse a annulé ses arrêtés du 30 septembre 2021 et lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme B... et de M. C... dans le délai d'un mois.

12. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n° 2106244 et 2106245 du 3 décembre 2021 du tribunal administratif de Toulouse, les conclusions de la requête n° 22BX00144 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances, la somme que demandent Mme B... et M. C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 2106244 et 2106245 du 3 décembre 2021 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par Mme B... et de M. C... devant le tribunal administratif de Toulouse et leurs conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 22BX00144 du préfet de la Haute-Garonne.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A... B... et M. E... C....

Copie en sera délivrée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Fabienne Zuccarello, présidente,

Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juillet 2022.

La présidente-rapporteure,

Fabienne H... L'assesseure la plus ancienne,

Christelle Brouard-Lucas

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX00143, 22BX00144


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00143
Date de la décision : 05/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : DIALEKTIK AVOCATS AARPI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-07-05;22bx00143 ?
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