Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une première requête, Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 2 août 2018 par lequel le maire de Marsac-sur-l'Isle a ordonné l'interruption des travaux entrepris 31 route de l'Evêque et la remise en état des lieux.
Par une seconde requête elle a demandé au tribunal d'annuler la décision du 20 novembre 2018 par laquelle le maire de Marsac-sur-l'Isle a refusé de lui délivrer un certificat de permis de construire tacite pour la construction d'une maison située sur cette parcelle.
Par un jugement n° 1804341-1900156 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 septembre 2020, Mme A..., représentée par Me Starosse, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 juillet 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 août 2018 et la décision du 20 novembre 2018 du maire de Marsac-sur-l'Isle ;
3°) d'enjoindre au maire de Marsac-sur-l'Isle de lui délivrer un certificat de permis de construire tacite pour la construction d'une maison individuelle de 69 m² sur la parcelle cadastrée AI30 dans un délai de quinze jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Marsac-sur-l'Isle une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne l'arrêté du 2 août 2018 :
- il est entaché d'erreur de fait dès lors qu'elle était titulaire d'un permis de construire tacite ainsi que cela est établi par l'attestation de dépôt de dossier rédigée par le maire le 7 février 2018 ;
- il est entaché d'erreur de droit dès lors que les dispositions de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme ne donnent pas compétence au maire pour ordonner la remise en état des lieux ou la démolition des constructions ;
- il a été pris au terme d'une procédure irrégulière en l'absence de procédure contradictoire ;
- il est insuffisamment motivé ;
En ce qui concerne la décision du 20 novembre 2018 :
- elle est entachée d'erreur de fait dès lors qu'elle était titulaire d'un permis de construire tacite ainsi que cela est établi par l'attestation de dépôt de dossier rédigée par le maire le 7 février 2018 ;
- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que le retrait de ce permis implicite ne pouvait intervenir au-delà du délai de trois mois à compter de sa délivrance.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 février 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 mars 2022, la commune de Marsac-sur-l'Isle, représentée par la cabinet Cazcarra et Jeanneau avocats, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme;
- le code de justice administrative
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... D...,
- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,
- et les observations de Me Cazcarra, représentant la commune de Marsac-sur-l'Isle.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... est propriétaire d'un terrain d'une superficie de 5 109 m², cadastré section AI n° 30, situé 31 route de l'Evêque à Marsac-sur-l'Isle sur lequel elle a entrepris la construction d'une maison d'habitation. Par arrêté du 2 août 2018, le maire de la commune de Marsac-sur-l'Isle lui a ordonné d'interrompre ces travaux au motif qu'ils avaient été entrepris sans autorisation et de remettre les lieux en l'état. Par une première requête, Mme A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler cet arrêté du 2 août 2018. Elle a parallèlement sollicité auprès du maire la délivrance d'un certificat de permis de construire tacite, qui a été refusée le 20 novembre 2018 et dont elle a demandé l'annulation au tribunal par une seconde requête. Elle relève appel du jugement du 7 juillet 2020 par lequel le tribunal a rejeté ses demandes.
Sur la légalité de l'arrêté du 2 août 2018 :
2. D'une part, l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme dispose que : " (...) Dès qu'un procès-verbal relevant l'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 du présent code a été dressé, le maire peut également, si l'autorité judiciaire ne s'est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l'interruption des travaux (...) Dans le cas de constructions sans permis de construire ou d'aménagement sans permis d'aménager, ou de constructions ou d'aménagement poursuivis malgré une décision de la juridiction administrative suspendant le permis de construire ou le permis d'aménager, le maire prescrira par arrêté l'interruption des travaux ainsi que, le cas échéant, l'exécution, aux frais du constructeur, des mesures nécessaires à la sécurité des personnes ou des biens ; copie de l'arrêté du maire est transmise sans délai au ministère public (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 424-2 du code de l'urbanisme : " Le permis est tacitement accordé si aucune décision n'est notifiée au demandeur à l'issue du délai d'instruction (...) ". Aux termes de l'article R. 423-3 du même code : " Le maire affecte un numéro d'enregistrement à la demande ou à la déclaration et en délivre récépissé dans des conditions prévues par arrêté du ministre chargé de l'urbanisme ". Aux termes de l'article R. 423-19 de ce code : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet ".
4. Mme A... soutient avoir déposé en mairie une demande de permis de construire pour la réalisation des travaux en litige. Toutefois, la seule production d'une attestation établie par l'ancien maire de la commune le 7 février 2018 n'est pas de nature à en justifier alors qu'elle ne produit pas de copie de cette demande, que la commune fait valoir qu'elle n'a trace d'aucune demande et que cette attestation qui ne précise pas le numéro d'enregistrement prévu par l'article R. 423-3 du code de l'urbanisme, ni la date de dépôt du dossier complet, comporte une erreur sur la surface de la parcelle. Les allégations de la requérante selon lesquelles le maire aurait fait preuve de négligence en ne lui délivrant pas ce récépissé ne sont corroborées par aucune pièce du dossier et il lui appartenait de demander ce récépissé à la suite du dépôt de son dossier. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle serait titulaire, en application de l'article R. 424-1 du code de l'urbanisme, d'une décision tacite de permis de construire qui l'autorisait à entreprendre légalement les travaux en litige.
5. Il résulte des dispositions du 10ème alinéa de l'article L. 480-2 du code l'urbanisme précitées que le maire est tenu de prescrire l'interruption des travaux lorsque, comme en l'espèce, il a été constaté que la construction était dépourvue de permis de construire. Par suite, les moyens soulevés par la requérante, tirés de ce que l'arrêté du 2 août 2018 serait insuffisamment motivé et de l'absence de procédure contradictoire préalable, sont inopérants.
6. Aux termes de l'article L.480-5 du code de l'urbanisme : " En cas de condamnation d'une personne physique ou morale pour une infraction prévue aux articles L. 480-4 et L. 610-1 , le tribunal, au vu des observations écrites ou après audition du maire ou du fonctionnaire compétent, statue même en l'absence d'avis en ce sens de ces derniers, soit sur la mise en conformité des lieux ou celle des ouvrages avec les règlements, l'autorisation ou la déclaration en tenant lieu, soit sur la démolition des ouvrages ou la réaffectation du sol en vue du rétablissement des lieux dans leur état antérieur ".
7. La commune soutient qu'elle pouvait prendre la décision de remise en état des lieux sur le fondement de l'article L. 480-2 du code de l'urbanisme qui permet au maire d'ordonner l'exécution, aux frais du constructeur, des mesures nécessaires à la sécurité des personnes ou des biens. Toutefois, la seule référence au caractère inondable de la zone n'est pas suffisante pour justifier de l'existence d'une telle nécessité en l'espèce, alors au surplus que les travaux réalisés qui consistent en une chape de béton et quelques rangs de parpaings, sont limités. Par suite, alors qu'il résulte des dispositions citées au point 6 que seul le juge judiciaire est compétent pour enjoindre la remise en état des lieux, le maire a commis une erreur de droit en ordonnant par l'arrêté contesté la remise en état des lieux.
Sur la légalité de la décision du 20 novembre 2018 :
8. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que Mme A... ne peut être regardée comme ayant déposé une demande de permis de construire pour la réalisation des travaux entrepris sur la parcelle cadastrée section AI n°30, située 31 route de l'Evêque à Marsac-sur-l'Isle. Elle n'était donc pas titulaire d'un permis de construire tacite et la décision attaquée ne constitue pas une décision de retrait d'un certificat de permis tacite. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision de refus de délivrance d'un certificat de permis tacite serait entachée d'erreur de fait et de droit doivent être écartés.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 2 août 2018 en tant qu'il a ordonné la remise en état des lieux.
Sur les frais liés au litige :
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit aux demandes des parties sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté du 2 août 2018 du maire de Marsac-sur-l'Isle est annulé en tant qu'il a ordonné à Mme A... la remise en état des lieux.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 7 juillet 2020 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... et les demandes de la commune de Marsac-sur-l'Isle au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A..., à la commune de Marsac-sur-l'Isle et à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bordeaux en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Fabienne Zuccarello, présidente,
Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère,
Mme Charlotte Isoard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 juillet 2022.
La rapporteure,
Christelle D...La présidente,
Fabienne Zuccarello
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX03012 2