Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... D... et Mme A... B..., épouse D..., ont demandé au tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2014, pour un montant total de 29 245 euros, de l'année 2015, pour un montant total de 19 278 euros, et de l'année 2016, pour un montant total de 20 124 euros, ainsi que la décharge des amendes fiscales infligées à Mme D... en application de l'article 1736 du code général des impôts, pour des montants de 35 621 euros au titre de l'année 2015 et de 48 159 euros au titre de l'année 2016.
Par un jugement n° 1900353 du 22 décembre 2020, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 16 mars 2021, M. et Mme D..., représentés par Me Chaia, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 décembre 2020 du tribunal administratif de la Martinique ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 à 2016 ;
Ils soutiennent que :
En ce qui concerne la procédure :
- elle est irrégulière pour l'année 2016, dès lors que l'administration les a privés de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
- en vertu de l'article 199 undecies A du code général des impôts , ils devaient bénéficier de la réduction d'impôt, pour un montant de 4 104 euros, pour investissement outre-mer ;
En ce qui concerne les pénalités :
- l'amende sur honoraires rétrocédés non déclarés, appliquée sur le fondement du I de l'article 1736 du code général des impôts doit être déchargée, dès lors que Mme D... a procédé aux régularisations nécessaires dans les délais requis au titre des années 2015 et 2016 ; à cet égard, ils produisent des justificatifs montrant que ces régularisations ont bien été effectuées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions relatives à la majoration de 25 % sont irrecevables, dans la mesure où les sommes correspondantes ont déjà été dégrevées ;
- les autres moyens soulevés par M. et Mme D... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... F...,
- et les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme D..., ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces de leur dossier fiscal au titre de l'année 2014, à l'issue duquel les revenus d'activité non déclarés du foyer ont été taxés d'office. Par ailleurs, Mme B..., épouse D..., a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur son activité d'infirmière libérale exercée au François, ayant porté sur les années 2015 et 2016. À la suite de ces deux contrôles, M. E... et Mme A... D... ont fait l'objet, les 27 décembre 2017 et 11 avril 2018, de deux propositions de rectification les informant de l'intention du service de les assujettir à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2014, 2015 et 2016. Par une troisième proposition de rectification du 11 avril 2018, il a été, en outre, porté à la connaissance de Mme D... l'intention de l'administration de lui infliger l'amende fiscale prévue par l'article 1736 du code général des impôts au titre des années 2015 et 2016. Après avoir obtenu le dégrèvement partiel d'une partie de ces sommes, M. et Mme D... ont formé une réclamation préalable, qui a été rejetée par décision du 11 avril 2019. Ils font appel du jugement du tribunal administratif de la Martinique du 22 décembre 2020, qui a rejeté leur demande tendant à la décharge des impositions supplémentaires restant à leur charge, pour un montant total de 152 427 euros.
Sur les conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales, applicable à la procédure de redressement contradictoire : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis soit de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 du code général des impôts, soit de la Commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires prévue à l'article 1651 H du même code, soit du comité consultatif prévu à l'article 1653 F du même code, soit de la commission départementale de conciliation prévue à l'article 667 du même code (...) ". Aux termes de l'article L. 76 du même livre : " (...) Lorsque le contribuable est taxé d'office en application de l'article L. 69, à l'issue d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle, la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires peut être saisie dans les conditions prévues à l'article L. 59 (...) ". Aux termes de l'article L. 73 du livre des procédures fiscales : " Peuvent être évalués d'office : (...) 2° Le bénéfice imposable des contribuables qui perçoivent des revenus non commerciaux ou des revenus assimilés lorsque la déclaration annuelle prévue à l'article 97 du code général des impôts n'a pas été déposée dans le délai légal (...) ".
3. Les époux D... soulèvent en appel comme devant les premiers juges le moyen selon lequel l'administration les aurait privés de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.
4. Cependant, la procédure de taxation du revenu global des époux D... et la procédure de taxation de l'activité professionnelle de la seule Mme D... relèvent de deux procédures distinctes. Ainsi, en l'espèce, d'une part, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme D... ont été assujettis au titre de l'année 2014 procèdent d'une procédure de redressement contradictoire initiée par une proposition de rectification adressée au foyer fiscal le 27 décembre 2017. Les requérants n'ont présenté aucune observation à la suite de cette proposition de rectification, se plaçant ainsi en situation d'accord tacite. Ils ne peuvent dès lors valablement se prévaloir de ce que l'administration ne les aurait pas informés de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires en application de l'article L. 59 cité précédemment du livre de procédures fiscales. Au demeurant, la commission n'a pas à connaître des matières autres que celles pour lesquelles sa compétence est expressément prévue et n'est pas compétente en matière de taxation du revenu global, même si les revenus du foyer fiscal de l'année 2016 ont été taxés selon la procédure contradictoire. D'autre part, si Mme D..., après avoir sollicité et obtenu un délai supplémentaire de réponse, a effectivement présenté des observations à la suite de la proposition de rectification du 11 avril 2018, ce dernier document, qui concernait la reconstitution de ses bénéfices non commerciaux non déclarés, se rattachait à la procédure d'évaluation d'office dont elle a fait l'objet en application du 2° de l'article L. 73 du livre de procédures fiscales, du fait du défaut de dépôt de ses déclarations professionnelles au titre des années 2015 et 2016. Ainsi, compte-tenu de la situation d'évaluation d'office dans laquelle était placée Mme D..., la garantie prévue à l'article L. 59 cité précédemment du livre de procédures fiscales n'était pas applicable.
5. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'absence de possibilité de saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires doit être écarté, les contribuables n'ayant été privés d'aucun droit fondamental lié à la défense.
En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :
6. Aux termes de l'article 46 AG quaterdecies de l'annexe III au code général des impôts : " V.- Pour bénéficier de l'avantage fiscal prévu à l'article 199 undecies A du code général des impôts, les contribuables sont tenus de joindre à la déclaration de revenus de chacune des années ouvrant droit au bénéfice de la réduction d'impôt une note annexe établie sur un imprimé fourni par l'administration et comportant, selon la nature des investissements et le taux qui leur est applicable, les modalités de calcul de la réduction d'impôt ".
7. Si M. et Mme D... soutiennent qu'ils pouvaient bénéficier de la réduction d'impôt prévue en matière d'investissements en outre-mer par l'article 199 A undecies du code général des impôts à hauteur de 4 704 euros, ils n'en justifient pas davantage en appel qu'en première instance, faute d'apporter la moindre précision ou de produire un quelconque justificatif à l'appui de leurs écritures. Le moyen doit, par suite, être écarté.
En ce qui concerne les pénalités :
8. Aux termes de l'article 240 du code général des impôts : " 1. Les personnes physiques qui, à l'occasion de l'exercice de leur profession versent à des tiers des commissions, courtages, ristournes commerciales ou autres, vacations, honoraires occasionnels ou non, gratifications et autres rémunérations, doivent déclarer ces sommes. / (...) La déclaration peut être souscrite selon les modalités prévues au premier alinéa de l'article 87 A, quel que soit le statut du tiers bénéficiaire, durant le mois de janvier de l'année civile qui suit celle au cours de laquelle ces sommes ont été versées (...) ". Aux termes de l'article 1736 du même code: " I. - 1. Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % des sommes non déclarées le fait de ne pas se conformer aux obligations prévues à l'article 240 et au 1 de l'article 242 ter et à l'article 242 ter B. L'amende n'est pas applicable, en cas de première infraction commise au cours de l'année civile en cours et des trois années précédentes, lorsque les intéressés ont réparé leur omission, soit spontanément, soit à la première demande de l'administration, avant la fin de l'année au cours de laquelle la déclaration devait être souscrite. / La personne tenue d'effectuer une déclaration en application de l'article 240 peut régulariser les déclarations des trois années précédentes sans encourir l'application de l'amende prévue au premier alinéa du présent 1 lorsque les conditions suivantes sont réunies : elle présente une demande de régularisation pour la première fois et est en mesure de justifier, notamment par une attestation des bénéficiaires, que les rémunérations non déclarées ont été comprises dans les propres déclarations de ces derniers déposées dans les délais légaux, à condition que le service puisse être en mesure de vérifier l'exactitude des justifications produites. Cette demande de régularisation peut avoir lieu au cours du contrôle fiscal de la personne soumise à l'obligation déclarative (...) ".
9. Il résulte de l'instruction que, lors du contrôle sur place, le service vérificateur a constaté que les honoraires rétrocédés aux infirmiers qui ont remplacé Mme D... sur sa tournée lors de ses absences n'avaient fait l'objet, en méconnaissance des obligations déclaratives qui s'imposaient à elle en application des dispositions de l'article 240 précité du code général des impôts, d'aucune déclaration au titre des années vérifiées et qu'aucune régularisation n'avait non plus été effectuée. Par suite, les honoraires ainsi rétrocédés au titre des années 2015 et 2016, soit 71 240,08 euros et 96 318,70 euros, ont été assujettis, en vertu du I de l'article 1736 du code général des impôts, à l'amende de 50 % pour des montants respectifs de 35 621 euros et 48 159 euros.
10. Si Mme D... soutient qu'elle a réparé ces omissions en souscrivant pour chacune de ces deux années une déclaration modèle DAS 2-T, ces déclarations, datées du 24 janvier 2018, sont toutefois intervenues postérieurement aux délais fixés par le premier alinéa de l'article 1736 du code général des impôts, qui expiraient respectivement le 31 décembre 2016 pour les rémunérations versées en 2015 et le 31 décembre 2017 pour les rémunérations versées en 2016, alors en outre que les montants portés dans le documents DAS 2 sont inférieurs aux montants des honoraires rétrocédés comptabilisés au titre de l'année 2015.
11. De plus, en se bornant à produire à nouveau en appel les attestations de deux des neuf bénéficiaires qu'elle a déclarés pour l'année 2015 et de trois des neufs bénéficiaires qu'elle a déclarés pour l'année 2016, Mme D... ne justifie pas que l'ensemble des rémunérations qu'elle n'a pas déclarées ont été comprises dans les propres déclarations des bénéficiaires déposées dans les délais légaux et que l'administration serait en mesure de vérifier l'exactitude des justifications produites, dès lors que les attestations émanant de certains bénéficiaires font seulement état des montants perçus et ne justifient pas que les intéressés auraient eux-mêmes déclaré en temps utile les sommes perçues. Il s'ensuit, comme l'ont relevé les premiers juges, que les déclarations souscrites par Mme D... le 24 janvier 2018 ne remplissaient pas les conditions de régularisation fixées par le deuxième alinéa de l'article 1736 du code général des impôts. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a pu infliger à la requérante l'amende prévue au I de cet article.
12. Il résulte de tout ce qui précède que les époux D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté leur demande.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D... et Mme A... B..., épouse D..., ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Copie en sera adressée au directeur de contrôle fiscal Sid-Ouest.
Délibéré après l'audience du 2 juin 2022 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,
Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 juin 2022.
La rapporteure,
Florence F...
Le président,
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX01135