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30/06/2022 | FRANCE | N°20BX00093

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 30 juin 2022, 20BX00093


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner le centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde et son assureur, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), a` lui verser une somme de 23 174,50 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'infection contractée selon lui à l'occasion de sa prise en charge au sein de cet établissement.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Charente-Maritime a demandé au tribunal administratif de condamner le centr

e hospitalier de Brive-la-Gaillarde à lui verser une somme totale de 18 465,49...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner le centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde et son assureur, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), a` lui verser une somme de 23 174,50 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'infection contractée selon lui à l'occasion de sa prise en charge au sein de cet établissement.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Charente-Maritime a demandé au tribunal administratif de condamner le centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde à lui verser une somme totale de 18 465,49 euros au titre des débours échus et futurs, assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2018, et une somme de 1 066 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Par un jugement n° 1700714 du 7 novembre 2019, le tribunal administratif de Limoges a condamné le centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde à verser à M. C... une somme de 15 824,50 euros en réparation de ses préjudices et à verser à la CPAM de la Charente-Maritime une somme de 15 791,11 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2018, au titre des débours échus jusqu'au 3 septembre 2014, une rente annuelle de 1 896,77 euros, revalorisée annuellement par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code la sécurité sociale au titre de ses débours futurs, et une somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion. Le tribunal a renvoyé la CPAM de la Charente-Maritime devant le centre hospitalier en ce qui concerne les débours exposés entre le 4 septembre 2014 et la date du jugement, et a mis à la charge du centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 200 euros et une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 6 janvier, 4 février 2020 et 12 mai 2020, 25 février 2021, 22 avril et 13 mai 2022, le centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde et la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), représentés par Me Le Prado, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 novembre 2019 du tribunal administratif de Limoges ;

2°) de rejeter les demandes présentées par M. C... et la CPAM de la Charente-Maritime devant le tribunal administratif.

Ils soutiennent que :

- contrairement à ce que soutient M. C..., la requête d'appel est recevable dès lors qu'elle est accompagnée du jugement attaqué et qu'elle comporte un exposé des faits et une critique des motifs et du dispositif du jugement attaqué ;

- le jugement est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont le tribunal a été saisi ;

- le tribunal a statué ultra petita en condamnant le centre hospitalier à verser à la CPAM une rente annuelle de 1 896,77 euros au titre des débours futurs alors que la demande dont il était saisi était limitée à 18 465,49 euros, incluant 2 674,38 euros de frais futurs ; en outre, il n'a pas précisé la nature et le montant des débours correspondant à la somme annuelle de 1 896,77 euros ;

- c'est à tort que le tribunal a renvoyé la caisse devant le centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde s'agissant des débours non justifiés exposés entre le 4 septembre 2014 et la date du jugement, alors que la caisse n'avait formulé aucune demande en ce sens ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que M. C... avait été victime d'une infection nosocomiale ;

- les demandes de la caisse présentées pour la première fois en appel sont irrecevables ;

- la notification des débours et la liste des frais remboursés produites par la CPAM ne permettent pas d'établir que les frais actuels et futurs dont elle demande le remboursement seraient exclusivement imputables à l'infection et non à l'évolution naturelle de l'état de santé de M. C... ; les soins de kinésithérapie exposés apparaissent directement liés l'accident de novembre 2012 et auraient été nécessaires en l'absence d'infection nosocomiale ; les frais liés au matelas anti-escarre, au lit médicalisé et au fauteuil roulant ne sont pas imputables à l'infection ; alors que la liste des débours produite par la CPAM fait état de frais s'élevant à un total de 21 564, 64 euros au 21 juillet 2021, sa demande porte sur une somme de 22 431, 63 euros ; s'agissant des dépenses actuelles figurant sur le détail des débours, seuls celles également mentionnées dans l'attestation d'imputabilité peuvent être indemnisées.

Par un mémoire enregistré le 17 février 2020, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par Me Ravaut, conclut à sa mise hors de cause.

Il soutient que :

- le seuil de gravité ouvrant droit à une indemnisation au titre de la solidarité nationale n'est pas atteint dès lors que l'infection nosocomiale dont a été victime M. C... lui a causé un préjudice fonctionnel permanent de 10 % ;

- le centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde ne conteste ni le caractère nosocomial de l'infection, ni le droit à indemnisation de M. C....

Par un mémoire enregistré le 27 avril 2020, M. C..., représenté par Me Chassagne Delpech, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde et de la SHAM d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que des entiers dépens.

Il soutient que :

- à titre principal, la requête n'est ni signée, ni motivée ni en droit et en fait, aucun argument n'ayant été invoqué durant le délai d'appel ; elle n'est pas accompagnée d'un bordereau listant les pièces produites en première instance ; elle est ainsi irrecevable ;

- à titre subsidiaire, le centre hospitalier ne conteste pas les condamnations prononcées à son profit par le jugement attaqué.

Par un mémoire, enregistré le 30 mai 2022, les ayant-droits de M. C..., représentés par Me Chassagne Delpech, ont informé la cour du décès de M. C..., survenu le 25 juillet 2021, et de ce qu'ils n'entendaient pas reprendre l'instance.

Par des mémoires en défense enregistrés les 17 février 2021 et 11 mai 2022, la CPAM de la Charente-Maritime, représentée par Me Bardet, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde et de la SHAM les sommes de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ainsi que les entiers dépens, et demande à la cour de porter la somme allouée en remboursement de ses débours à 21 564,94 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir et capitalisation.

Elle soutient que :

- le centre hospitalier ne conteste pas l'engagement de sa responsabilité ;

- elle a exposé, en raison de l'infection nosocomiale contractée par M. C..., pour la période allant du 4 février 2013 au 3 septembre 2014, les sommes de 2 843,66 euros au titre des frais médicaux, de 3 738,03 euros au titre des frais pharmaceutiques et de 1 898,24 euros au titre des frais de transport ; ces dépenses sont mentionnées dans l'attestation d'imputabilité établie par le médecin-conseil et sont toutes postérieures à l'hospitalisation au cours de laquelle M. C... a contracté l'infection nosocomiale ;

- à partir du 3 septembre 2014, ses débours doivent être évalués à la somme totale de 13 954, 70 euros ; leur lien avec l'infection nosocomiale est démontrée par la production de l'attestation d'imputabilité établie par le médecin conseil ;

- M. C... étant décédé, elle est en mesure de déterminer le montant de sa créance définitive, qui s'élève à 21 564, 94 euros, correspondant à l'ensemble des frais échus au profit de M. C... ;

- ses conclusions d'appel sont recevables dès lors qu'elle n'était pas en mesure de justifier de frais viagers.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... A...,

- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Demailly, représentant le centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde et la société hospitalière d'assurances mutuelles.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., porteur depuis 1970 d'un clou-plaque d'ostéosynthèse du fémur droit et d'une prothèse totale du genou droit, a fait une chute dans son jardin le 12 novembre 2012. Il a été pris en charge au centre hospitalier de Brive-la Gaillarde, où une radiographie a mis en évidence une fracture medio-diaphysaire du fémur droit avec déplacement, commençant au niveau de l'extrémité inférieure du clou-plaque et finissant à hauteur de la queue de la prothèse de genou. Il a subi le 13 novembre 2012 une intervention d'ostéosynthèse par trois vis et une plaque dix trous. En raison d'une " refracture ", il a été à nouveau hospitalisé du 14 au 24 janvier 2013 au centre hospitalier de Brive-la Gaillarde où a été réalisée une seconde ostéosynthèse par " plaque spéciale " avec vis. Les suites ont été marquées par des douleurs persistantes au niveau du genou droit et une impossibilité de plier la jambe droite. Une ponction au genou réalisée le 18 décembre 2013 a révélé une infection par un staphylocoque blanc.

2. Par une ordonnance du 21 janvier 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Limoges, à la demande de M. C..., a ordonné une expertise médicale dont le rapport a été déposé le 19 août 2016. Par un jugement du 7 novembre 2019, le tribunal administratif de Limoges a retenu la responsabilité du centre hospitalier de Brive-la Gaillarde à raison d'une infection nosocomiale à l'origine d'un déficit fonctionnel permanent de 10 %. Il a condamné le centre hospitalier à verser à M. C... une indemnité de 15 824,50 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Charente-Maritime une somme de 15 791,11 euros au titre des débours échus jusqu'au 3 septembre 2014, une rente annuelle de 1 896,77 euros au titre des débours futurs, et a renvoyé la caisse devant le centre hospitalier en ce qui concerne les débours exposés entre le 4 septembre 2014 et la date du jugement. Enfin, le tribunal a mis à la charge du centre hospitalier les frais d'expertise de 1 200 euros. Le centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde et son assureur, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), relèvent appel de ce jugement. Par la voie de l'appel incident, la CPAM de la Charente-Maritime demande à la cour de porter la somme allouée en remboursement de ses débours à la somme totale de 21 564, 94 euros. M. C... est décédé le 21 juillet 2021, et ses ayant-droits ont informé la cour de ce qu'ils n'entendaient pas reprendre l'instance.

Sur la recevabilité des conclusions d'appel :

En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées à la requête d'appel du centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde et de la SHAM :

3. En premier lieu, en vertu des dispositions combinées des articles R. 414-1 et R. 414-2 du code de justice administrative, lorsqu'un avocat adresse à la cour une requête par l'intermédiaire de l'application informatique dénommée Télérecours, son identification selon les modalités prévues pour le fonctionnement de cette application vaut signature pour l'application des dispositions du code de justice administrative. En l'espèce, la requête d'appel du centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde a été formée au moyen de l'application Télérecours par son avocat. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée par M. C..., tirée de ce que la requête n'aurait pas été signée par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2 du code de justice administrative, doit être écartée.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. (...) Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ". Contrairement à ce que soutenait M. C..., la requête sommaire du centre hospitalier comporte des conclusions, un exposé des faits et des moyens d'appel. Elle est ainsi régulièrement motivée au regard des dispositions précitées.

5. Enfin, aux termes de l'article R. 412-2 du code de justice administrative : " Lorsque les parties joignent des pièces à l'appui de leurs requêtes et mémoires, elles en établissent simultanément un inventaire détaillé (...) ". Si la requête d'appel n'est pas accompagnée d'un bordereau des pièces produites en première instance, les dispositions précitées ne l'imposent pas.

En ce qui concerne la recevabilité des conclusions d'appel de la CPAM de la Charente-Maritime :

6. La CPAM de la Charente-Maritime demande à la cour, par la voie de l'appel incident, de condamner le centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde à lui verser une somme de 21 564,94 euros correspondant à l'ensemble des frais échus au profit de M. C..., et, compte tenu du décès de ce dernier, renonce dans ses dernières écritures au remboursement de frais à échoir postérieurement au présent arrêt. Si le centre hospitalier fait valoir que la caisse serait irrecevable à solliciter pour la première fois en appel le remboursement de frais échus avant le jugement attaqué, ces conclusions se rattachent cependant au même fait générateur que celui invoqué dans la demande de première instance et sont donc recevables dans la limite de la somme globale chiffrée par la caisse devant les premiers juges.

Sur la régularité du jugement attaqué :

7. En premier lieu, contrairement à ce qu'affirment le centre hospitalier et son assureur, sans autre précision, dans leur seule requête sommaire, le jugement est suffisamment motivé.

8. En deuxième lieu, il résulte des écritures de la CPAM de Charente- Maritime de première instance que celle-ci a demandé au tribunal de lui verser, d'une part, une somme de 15 791,11 euros au titre des débours exposés au profit de M. C... jusqu'au 3 septembre 2014, correspondant à la date de consolidation, d'autre part, sous l'intitulé " frais futurs ", une somme de 2 674,38 euros au titre des débours échus depuis cette date, soit une somme totale de 18 465,49 euros. La caisse a précisé solliciter cette somme en " remboursement des prestations qu'elle a servies " et " au titre des prestations versées ". Par suite, en accordant à la caisse, à l'article 4 du jugement, une rente annuelle de 1 896,77 euros au titre des débours à échoir à compter de la date du jugement, le tribunal administratif s'est mépris sur l'étendue du litige et a statué au-delà des conclusions dont il était saisi. De ce fait, l'article 4 du jugement doit être annulé.

9. En troisième lieu, les premiers juges, après avoir relevé qu'ils n'étaient pas en mesure, au regard des seules pièces communiquées, de déterminer les débours exposés par la CPAM de la Charente-Maritime du fait de l'infection nosocomiale à partir du 4 septembre 2014, ont, à l'article 3 du jugement attaqué, renvoyé la caisse devant le centre hospitalier en ce qui concerne les débours exposés entre le 4 septembre 2014 et la date du jugement. Ainsi que le font valoir le centre hospitalier et son assureur, le tribunal, auquel il appartenait de faire usage de ses pouvoirs d'instruction dès lors qu'il estimait insuffisants les éléments produits, a méconnu l'obligation qui lui est faite d'épuiser son pouvoir juridictionnel. Par suite, l'article 3 du jugement doit être annulé.

10. Il y a lieu, pour la cour de statuer par la voie de l'évocation sur la demande de la CPAM tendant au remboursement des débours échus depuis le 4 septembre 2014, et par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions des parties.

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde :

11. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. (...) ". Doit être regardée, au sens de ces dispositions, comme présentant un caractère nosocomial une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge.

12. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise judiciaire, que la plaque posée lors de l'intervention chirurgicale du 14 janvier 2013 au centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde est à l'origine de l'infection par staphylocoque blanc contractée par M. C.... L'expert indique que l'infection en cause s'est produite durant l'hospitalisation du 14 au 24 janvier 2013, soit au moment de la pose de la plaque, soit par l'intermédiaire d'un écoulement l'ayant fait communiquer avec la peau, et précise que le germe en cause est en faveur d'une origine peropératoire. Il n'est par ailleurs ni établi, ni même allégué que l'infection aurait une autre origine que la prise en charge de M. C... au sein du centre hospitalier. Cette infection doit dès lors être regardée comme présentant un caractère nosocomial au sens des dispositions précitées, ce que le centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde et la SHAM ne contestent pas sérieusement en se bornant à soutenir, sans aucune argumentation, que le tribunal aurait considéré à tort que la responsabilité du centre hospitalier était engagée.

Sur les conclusions de l'ONIAM tendant à sa mise hors de cause :

13. Les dispositions de l'article L. 1142-1-1 du code de la santé publique ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale des dommages résultant d'infections nosocomiales correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 %. Il résulte de l'instruction que l'infection nosocomiale en cause est à l'origine, pour M. C..., d'un déficit fonctionnel permanent de 10 %, inférieur au seuil de 25 %. Par suite, l'ONIAM est fondé à demander sa mise hors de cause.

Sur les droits de la CPAM de la Charente-Maritime :

En ce qui concerne les débours échus avant consolidation :

14. La CPAM de la Charente-Maritime, qui avait évalué les dépenses de santé en lien avec l'infection nosocomiale à 15 791,11 euros en première instance, ramène en appel son estimation à 8 476, 93 euros correspondant, selon un relevé de débours du 16 février 2021 non détaillé, à des frais médicaux, des frais pharmaceutiques et des frais de transport. Toutefois, et ainsi que le soutiennent le centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde et la SHAM, la caisse ne démontre pas que les débours dont elle fait état seraient exclusivement en lien avec l'infection nosocomiale contractée par M. C.... A cet égard, l'attestation d'imputabilité établie le 21 janvier 2021 par le médecin-conseil de la caisse mentionne notamment des dépenses de santé en lien avec le traitement de la " refracture " survenue en janvier 2013 et ne peut ainsi être regardée comme visant uniquement les dépenses liées à la seule infection nosocomiale.

15. A la suite d'une mesure d'instruction par laquelle la cour a demandé à la caisse de produire le détail (nature et objet) de ses débours en lien avec l'infection à staphylocoque blanc depuis janvier 2013, celle-ci s'est bornée à produire le 14 avril 2022 un " détail des débours " consistant en une liste chronologique de dépenses de santé dont l'intitulé ne permet pas toujours de connaître la nature exacte. Il convient de regarder comme imputables à l'infection nosocomiale les débours correspondant, selon leur intitulé précis, aux dépenses de santé retenues par l'expert, soit l'achat ou le renouvellement d'un fauteuil roulant, une rééducation kinésithépeutique, une antibiothérapie permanente et, compte tenu de ce que l'infection chronique se manifeste par des douleurs, un traitement antidouleur. Pour la période allant du 14 janvier 2013 au 3 septembre 2014, la liste produite par la caisse mentionne 15 séances de kinésithérapie pour un montant total de 243,24 euros. La caisse ne démontre en revanche pas que les autres dépenses mentionnées sur cette liste seraient en lien avec l'infection. Dans ces conditions, la somme de 15 7911 euros allouée par le tribunal, à l'article 2 du jugement, en remboursement des débours exposés par la CPAM de la Charente-Maritime jusqu'au 3 septembre 2014, doit être ramenée à 243, 24 euros. Le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts au 19 janvier 2018. La caisse a demandé la capitalisation des intérêts dans un mémoire enregistré devant la cour le 17 février 2021. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 17 février 2021 ainsi qu'à chaque échéance annuelle.

En ce qui concerne les débours échus après consolidation :

16. Ainsi qu'il a été dit au point 10, il appartient à la cour de se prononcer sur la demande de la CPAM de la Charente Maritime tendant à ce qui lui soient remboursés les débours échus depuis le 4 septembre 2014 par la voie de l'évocation. Le " détail des débours " produit le 12 novembre 2022 comporte, au titre des dépenses retenues par l'expert, des séances de kinésithérapie pour un montant s'élevant, après déduction de la franchise médicale, à 331,81 euros, l'achat d'un fauteuil roulant pour 681,53 euros, et les médicaments Bactrim, Oflocet (antibiotiques) et Doliprane pour un montant total de 4 477,51 euros. La caisse est ainsi seulement fondée à demander la condamnation du centre hospitalier à lui verser une somme totale de 5 490,85 euros au titre de ses débours échus depuis le 4 septembre 2014.

17. Même en l'absence de demande tendant à l'allocation d'intérêts, tout arrêt prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts au taux légal au jour de son prononcé jusqu'à son exécution. Ainsi, les conclusions de la caisse tendant à ce que la somme qui lui est due au titre des débours échus après conciliation porte intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir sont dépourvues de tout objet et doivent être rejetées. La caisse a aussi demandé la capitalisation des intérêts dans un mémoire enregistré le 17 février 2021. Toutefois, à la date du présent arrêt, il n'est pas dû une année d'intérêts. Cette demande ne peut dès lors qu'être rejetée.

En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de gestion :

18. Si le plafond de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale a été réévalué depuis le jugement attaqué, la CPAM de la Gironde ne peut prétendre à une augmentation du montant de cette indemnité dès lors qu'elle n'a pas obtenu en appel de majoration de la somme allouée au titre de ses débours exposés au profit de M. C....

Sur les frais liés au litige :

19. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ". Les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Limoges, liquidés et taxés à la somme de 1 200 euros, doivent être laissés à la charge du centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde.

20. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde et de la SHAM une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens. La CPAM de la Charente-Maritime, qui est une partie perdante, n'est pas fondée à demander l'allocation d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'ONIAM est mis hors de cause.

Article 2 : Les articles 3 et 4 du jugement n° 1700714 du 7 novembre 2019 du tribunal administratif de Limoges sont annulés.

Article 3 : La somme que le centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde a été condamnée à verser à la CPAM de la Charente-Maritime au titre des débours exposés jusqu'au 3 septembre 2014 est ramenée de 15 791,11 euros à 243,24 euros. Les intérêts dus par le centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde sur cette somme seront capitalisés à la date du 17 février 2021 ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : Le centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde est condamné à verser à la CPAM de la Charente-Maritime une somme de 5 490,85 au titre des débours exposés depuis le 4 septembre 2014.

Article 5 : Le surplus du jugement n° 1700714 du 7 novembre 2019 du tribunal administratif de Limoges est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde versera à la succession de M. C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier de Brive-la-Gaillarde, à la Société hospitalière d'assurances mutuelles, à la succession de M. B... C..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Anne Meyer, présidente,

Mme Marie-Pierre Beuve-Dupuy, première conseillère,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve-Dupuy La présidente,

Anne Meyer

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de la prévention en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°20BX00093 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00093
Date de la décision : 30/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MEYER
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : CABINET BARDET ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-06-30;20bx00093 ?
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