Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... et A... D... ont saisi le tribunal administratif de Bordeaux de deux requêtes tendant à la condamnation de la commune de Braud-et-Saint-Louis à leur verser la somme de 64 750 euros en réparation des préjudices résultant de la présence d'un ralentisseur au droit de leur maison d'habitation et à ce qu'il soit enjoint à la commune de supprimer ce ralentisseur, puis à la condamnation solidaire de la commune de Braud-et-Saint-Louis et du département de la Gironde à leur verser la somme de 67 000 euros en réparation de leurs préjudices et à ce qu'il soit enjoint à la commune et au département de supprimer le ralentisseur.
Par un jugement nos 1800344, 1801299 du 24 septembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné la commune de Braud-et-Saint-Louis à verser à M. et Mme D... la somme de 10 000 euros, a mis à la charge définitive de la commune de Braud-et-Saint-Louis les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 6 166,20 euros, ainsi qu'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
I. Sous le n° 19BX04474, par une requête enregistrée le 22 novembre 2019, la commune de Braud-et-Saint-Louis, représentée par Me Boissy, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 24 septembre 2019 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme D... devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge solidaire de M. et Mme D... les dépens ainsi qu'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier ; en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, il ne comporte pas les signatures du rapporteur et du président de la formation de jugement ;
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré qu'elle était le maître d'ouvrage du plateau ralentisseur litigieux du fait de la convention conclue avec le département de la Gironde le 20 février 2012 ; un ralentisseur situé sur une voie départementale a le caractère d'accessoire de cette voie ; la convention de 2012 ne lui a pas transféré la maîtrise d'ouvrage du plateau surélevé, qui demeure incorporé à la route départementale ; le département de la Gironde est ainsi responsable des nuisances occasionnées par le fonctionnement de cet ouvrage public ;
- à supposer qu'elle soit reconnue responsable des préjudices résultant des nuisances sonores occasionnées par le ralentisseur, elle ne saurait supporter le coût des opérations d'expertise relatives aux fissures affectant l'immeuble de M. et Mme D..., lesquelles sont imputables à un vice dans la mise en œuvre de l'enduit du mur ; l'analyse des nuisances sonores, intégralement confiée au sapiteur, a induit un coût de 2 498,94 euros ;
Par un mémoire en défense enregistré le 2 novembre 2021, M. et Mme D..., représentés par Me Maixant, concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Braud-et-Saint-Louis d'une somme de 7 091,94 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et demandent à la cour, par la voie de l'appel incident, de porter la somme allouée par le tribunal au titre de leurs préjudices à 81 250 euros, de porter la somme mise à la charge de la commune de Braud-et-Saint-Louis au titre des dépens à 9 165, 50 euros, et d'enjoindre à cette commune de procéder à la dépose du ralentisseur.
Ils soutiennent que :
- le tribunal a fait une évaluation insuffisante de leur préjudice de jouissance subi depuis la pose du ralentisseur en janvier 2012 ; ce préjudice doit être évalué au regard de la valeur locative de leur immeuble ou sur la base d'une indemnité de 418,01 euros par mois ;
- le tribunal a fait une évaluation insuffisante de leur préjudice moral ;
- les dépens ont été sous-estimés par le tribunal ; les frais de l'expertise judiciaire, qui incluent les honoraires du sapiteur, se sont élevés à 8 665,14 euros ; ils ont en outre exposé des frais de constat d'huissier pour un montant de 496,36 euros ;
- leurs frais d'avocat ont été sous-évalués par le tribunal.
II. Sous le n° 19BX04477, par une requête enregistrée le 22 novembre 2019, M. et Mme D..., représentés par Me Maixant, demandent à la cour :
1°) de réformer le jugement du 24 septembre 2019 en tant que le tribunal administratif de Bordeaux a limité à la somme de 10 000 euros l'indemnité qu'il a condamné la commune de Braud-et-Saint-Louis à leur verser en réparation de leurs préjudices ;
2°) de porter à la somme de 81 500 euros le montant de l'indemnité due par la commune de Braud-et-Saint-Louis ;
3°) d'enjoindre à la commune de Braud-et-Saint-Louis de procéder à la dépose du ralentisseur ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Braud-et-Saint-Louis une somme de 9 161,50 euros au titre des dépens ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Braud-et-Saint-Louis une somme de 7 091,94 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le tribunal a fait une évaluation insuffisante de leur préjudice de jouissance subi depuis la pose du ralentisseur en janvier 2012 ; ce préjudice doit être évalué au regard de la valeur locative de leur immeuble ou sur la base d'une indemnité de 418,01 euros par mois ; le ralentisseur aurait pu être édifié en retrait de leur immeuble, et l'argumentation de la sécurité a été utilisée comme un leurre ; le ralentisseur a été maintenu en dépit des nuisances sonores, alors que ses effets escomptés en termes de baisse de la vitesse des véhicules ne se sont pas produits ;
- le tribunal a fait une évaluation insuffisante de leur préjudice moral ;
- les dépens ont été sous-estimés par le tribunal ; les frais de l'expertise judiciaire, qui incluent les honoraires du sapiteur, se sont élevés à 8 665,14 euros ; ils ont en outre exposé des frais de constat d'huissier pour un montant de 496,36 euros ;
- leurs frais d'avocat ont été sous-évalués par le tribunal.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 mars 2021, le département de la Gironde, représenté par Me Lasserre, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge solidaire de la commune de Braud-et-Saint-Louis et de M. et Mme D... d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la commune, qui a décidé et financé la mise en place d'un ralentisseur et de coussins berlinois sur la RD 136 et a fait exécuter les travaux sous son contrôle, est maître d'ouvrage du ralentisseur implanté au droit de la maison d'habitation de M. et Mme D... ; ce ralentisseur, constitué d'un plateau surélevé sans modification de la structure de la chaussée, entre dans la catégorie des aménagements que le maire peut mettre en place au titre de ses pouvoirs de police et n'a pas pour effet de modifier l'assiette de la voie ; le maire ayant le pouvoir de décider l'installation d'un tel ouvrage, le département ne peut être regardé comme maître d'ouvrage ;
- la convention signée le 20 février 2012 n'a pas eu pour but de transférer la maîtrise d'ouvrage comme l'avance la commune, mais simplement d'organiser une répartition des rôles entre autorités gestionnaires de voirie ; cette coordination entre les deux collectivités permet de constater la maîtrise d'ouvrage au regard des prescriptions qu'elle attribue à la commune :
- le chiffrage des préjudices des époux D... est excessif.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2021, la commune de Braud-et-Saint-Louis, représentée par Me Boissy, conclut au rejet de la requête de M. et Mme D... et à la mise à la charge de ces derniers des dépens et d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- un ralentisseur situé sur une voie départementale a le caractère d'accessoire de cette voie ; la convention de 2012 ne lui a pas transféré la maîtrise d'ouvrage du plateau surélevé, qui demeure incorporé à la route départementale ; le département de la Gironde est ainsi responsable des nuisances occasionnées par le fonctionnement de cet ouvrage public ;
- M. et Mme D... n'apportent aucun élément de nature à démontrer le trouble de jouissance allégué ; ils n'ont pas été privés de la jouissance de leur logement entier et aucune précision n'est donnée sur les pièces impactées par les nuisances sonores ; l'estimation de la valeur locative de leur immeuble n'est assortie d'aucun élément probant ; les nuisances sonores en cause, occasionnées par le passage des tracteurs et de poids-lourds empruntant la route menant à la centrale nucléaire de Blaye, ne présentent pas un caractère régulier et répétitif, de jour comme de nuit ;
- les requérants n'établissement pas avoir subi un préjudice moral, qu'ils s'abstiennent d'ailleurs de décrire ;
- elle n'a pas été rendue destinataire de l'ordonnance de taxation des frais d'expertise du 7 novembre 2017 ; cette ordonnance ne lui est donc pas opposable, de sorte que les frais d'expertise ne peuvent pas être mis à sa charge ; elle ne saurait supporter le coût des opérations d'expertise relatives aux fissures affectant l'immeuble de M. et Mme D..., lesquelles sont imputables à un vice dans la mise en œuvre de l'enduit du mur ; l'analyse des nuisances sonores, intégralement confiée au sapiteur, a induit un coût de seulement 2 498,94 euros ;
- les conclusions des requérants relatives aux frais de sapiteur et d'huissier de justice sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ;
- les requérants n'établissent pas avoir exposé des frais d'avocat à hauteur de 7 091,94 euros.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la voirie routière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E... B...,
- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Dubois, représentant la commune de Braud-et-Saint-Louis, de, Me Maixant représentant M. et Mme D..., et F..., représentant le département de la Gironde.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme D... sont propriétaires d'un immeuble à usage d'habitation situé au lieu-dit " Bouinot " à Braud-et-Saint-Louis, en bordure de la route départementale n° 136. En vertu d'une convention conclue avec le département de la Gironde le 20 février 2012, la commune de Braud-et-Saint-Louis a fait procéder à la pose d'un ralentisseur de type plateau surélevé sur cette route départementale au niveau de l'habitation des époux D.... Estimant avoir subi des préjudices du fait de l'implantation de ce ralentisseur, M. et Mme D... ont saisi le juge des référés d'une demande d'expertise. Par une ordonnance du 4 mars 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux a ordonné une expertise au contradictoire de la commune de Braud-Saint-Louis et du département de la Gironde, en vue de décrire les désordres affectant la maison à usage d'habitation des requérants et d'en déterminer les causes. L'expert s'est adjoint un sapiteur qui a réalisé des mesures acoustiques, et le rapport d'expertise a été déposé le 6 novembre 2017. M. et Mme D... ont adressé les 22 novembre et 11 décembre 2017 à la commune de Braud-et-Saint-Louis et au département de la Gironde des réclamations tendant à l'indemnisation des préjudices qu'ils imputaient aux nuisances sonores générées par la présence et le fonctionnement du ralentisseur.
2. M. et Mme D... ont saisi le tribunal administratif d'une première requête, enregistrée sous le n° 1800344, tendant à la condamnation de la commune de Braud-et-Saint-Louis à les indemniser sur le fondement de la responsabilité des dommages causés aux tiers par la présence ou le fonctionnement d'un ouvrage public ou, à titre subsidiaire, au titre de la responsabilité pour carence fautive du maire dans la mise en œuvre de ses pouvoirs de police. Ils ont ensuite saisi le tribunal d'une seconde requête, enregistrée sous le n° 1801299, mettant en cause la responsabilité du département de la Gironde au titre d'une faute résidant dans l'autorisation donnée à la commune d'installer un ouvrage inadapté et non-conforme, ou à titre subsidiaire, à raison de la présence et du fonctionnement du ralentisseur en cause, et sollicité la condamnation solidaire du département et de la commune à les indemniser. Par un jugement du 24 septembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux, après avoir joint ces demandes, a considéré que la commune de Braud-et-Saint-Louis, en sa qualité de maître d'ouvrage du ralentisseur, était responsable des dommages résultant de son existence et de son fonctionnement. Le tribunal a également jugé que le maire de Braud-et-Saint-Louis et le département de la Gironde n'avaient pas commis de faute. Il a en conséquence condamné la commune de Braud-et-Saint-Louis à indemniser M. et Mme D... et a rejeté leurs conclusions indemnitaires dirigées contre le département de la Gironde. Il a enfin mis à la charge de la commune une somme de 6 166,20 euros au titre des frais d'expertise et une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
3. La commune de Braud-et-Saint-Louis relève appel de ce jugement en ce qu'il l'a condamnée à indemniser M. et Mme D... et a mis les dépens à sa charge. M. et Mme D... demandent à la cour de réformer le même jugement en tant que le tribunal a limité à la somme de 10 000 euros l'indemnité qu'il a condamné la commune de Braud-et-Saint-Louis à leur verser, de porter cette indemnité à la somme de 81 5050 euros, d'enjoindre à la commune de Braud-et-Saint-Louis de procéder à la dépose du ralentisseur et de mettre à la charge de cette commune une somme portée à 9 161,50 euros au titre des dépens.
Sur la responsabilité de la commune de Braud-et-Saint-Louis :
4. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel.
5. Aux termes de l'article L. 131-1 du code de la voirie routière : " Les voies qui font partie du domaine public routier départemental sont dénommées routes départementales. (...) ". L'article L. 131-2 du même code dispose : " (...) Les dépenses relatives à la construction, à l'aménagement et à l'entretien des routes départementales sont à la charge du département ". Selon l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et les voies de communication à l'intérieur des agglomérations (...) ". Aux termes de l'article L. 131-3 du code de la voirie routière " Le président du conseil départemental exerce sur la voirie départementale les attributions mentionnées à l'article L. 3221-4 du code général des collectivités territoriales ". Selon cet article L. 3221-4 : " Le président du conseil départemental gère le domaine du département. A ce titre, il exerce les pouvoirs de police afférents à cette gestion, notamment en ce qui concerne la circulation sur ce domaine, sous réserve des attributions dévolues aux maires par le présent code et au représentant de l'Etat dans le département ainsi que du pouvoir de substitution du représentant de l'Etat dans le département prévu à l'article L. 3221-5 ". Il résulte des mêmes dispositions que le maire d'une commune est seul compétent, dans le cadre de ses pouvoirs de police de la circulation, pour décider de la mise en place de dispositifs de ralentissement sur les routes départementales à l'intérieur de l'agglomération et sur le territoire de sa commune, dès lors que ces dispositifs n'ont ni pour objet, ni pour effet, de modifier l'assiette de la route départementale. Les dommages résultant de la mise en œuvre ou de l'absence de mise en œuvre de ces pouvoirs de police entraînent, le cas échéant, la responsabilité de la seule commune.
6. Il résulte de l'instruction que, faisant usage de ses pouvoirs de police de la circulation, le maire de Braud-et-Saint-Louis a décidé la pose d'un ralentisseur au droit de la maison d'habitation de M. et Mme D..., sur la route départementale n° 136 traversant l'agglomération de la commune. Si le maire était seul compétent pour prendre cette mesure de police dès lors que le ralentisseur en cause n'avait ni pour objet, ni pour effet de modifier l'assiette de la route départementale, cette circonstance ne permet pas de regarder la commune de Braud-et-Saint-Louis comme ayant la qualité de maître d'ouvrage de ce ralentisseur, incorporé à la voie publique départementale dont il constitue l'accessoire.
7. Par ailleurs, les travaux de réalisation du ralentisseur ont été, en vertu de la convention du 20 février 2012 mentionnée au point 1, financés par la commune de Braud-et-Saint-Louis et réalisés sous sa maîtrise d'ouvrage. Toutefois, le dommage invoqué trouve son origine, non pas dans cette opération de travaux publics, mais dans l'existence et le fonctionnement de l'ouvrage, dont la commune n'est pas devenue propriétaire à l'issue des travaux.
8. Enfin, les stipulations de l'article 3 de la convention, selon lesquelles la commune aura la charge de l'entretien de l'ouvrage et de la gestion des réclamations éventuelles qu'il pourrait susciter de la part des riverains ou usagers, sont relatives aux modalités d'entretien du ralentisseur, et n'ont pas davantage eu pour effet de transmettre à la commune la propriété de cet ouvrage.
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 8 que la commune de Braud-et-Saint-Louis n'a pas la qualité de maître d'ouvrage du ralentisseur litigieux, lequel constitue un accessoire de la voie départementale. Par suite, et contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, sa responsabilité ne saurait être engagée sur le fondement des principes rappelés au point 4 à raison de l'existence et du fonctionnement de ce ralentisseur.
10. Il appartient à la cour, par la voie de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre fondement invoqué par M. et Mme D... à l'appui de leurs demandes tendant à la condamnation de la commune de Braud-et-Saint-Louis à les indemniser, tiré de la faute commise par le maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police.
11. En premier lieu, M. et Mme D... font valoir que le ralentisseur ne serait pas conforme à la réglementation. Cependant, si le rapport d'expertise judicaire mentionne " une hauteur ponctuellement non conforme ", le département de la Gironde a établi le 16 janvier 2014 une fiche de conformité du ralentisseur. Au demeurant, le sapiteur a précisé que le dépassement ponctuel, de l'ordre de 2 cm, de la hauteur maximale autorisée de 15 cm, n'était pas déterminant dans la genèse des nuisances sonores. Dans ces conditions, la faute alléguée ne peut être regardée comme étant à l'origine du dommage dont M. et Mme D... demandent la réparation.
12. En second lieu, M. et Mme D... reprochent au maire de Braud-et-Saint-Louis de s'être abstenu de procéder à la dépose du ralentisseur. Il résulte cependant de l'instruction que la route départementale n° 136, qui relie la centrale nucléaire de Blaye aux autres axes routiers, reçoit de ce fait une importante circulation, et que l'installation du ralentisseur au droit de la propriété des époux D... a été motivée par la nécessité de réduire la vitesse à l'approche d'un virage dépourvu de visibilité. M. et Mme D..., qui ne contestent pas sérieusement ces raisons de sécurité, n'apportent aucun élément de nature à démontrer que, comme ils l'affirment, la mise en place du ralentisseur serait restée sans effet sur la vitesse des véhicules. Ainsi, le maire de Braud-et-Saint-Louis n'a pas commis de faute en décidant son installation et en ne procédant pas à son retrait en dépit des nuisances sonores engendrées.
13. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué, que la commune de Braud-et-Saint-Louis est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée à verser à M. et Mme D... une somme de 10 000 euros et a mis à sa charge une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par ces derniers et non compris dans les dépens.
14. M. et Mme D... ayant également sollicité, en première instance, la condamnation du département de la Gironde à réparer leur dommage, il appartient à la cour d'examiner cette demande dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.
Sur la responsabilité du département de la Gironde :
15. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 9 que le département de la Gironde a la qualité de maître d'ouvrage du ralentisseur en cause. Selon le rapport d'expertise et les mesures acoustiques réalisées par un sapiteur, la présence de ce ralentisseur engendre, pour M. et Mme D..., des nuisances sonores particulièrement importantes, notamment au passage des camions semi-remorques, camions bennes, véhicules avec attelages et engins agricoles, qui font obstacle à une jouissance normale de leur maison d'habitation. La responsabilité sans faute du département est dès lors engagée à raison du préjudice anormal et spécial subi par M. et Mme D... du fait de l'existence de ce ralentisseur.
Sur la réparation du dommage de M. et Mme D... :
En ce qui concerne l'indemnisation de leurs préjudices :
16. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise et d'un constat d'huissier du 12 novembre 2015, que M. Mme D... subissent depuis la pose du ralentisseur en 2012 d'importantes nuisances sonores, en particulier lors du passage de véhicules lourds. Ces nuisances, qui ne sont pas continues, ne sont toutefois pas de nature à rendre leur maison inhabitable. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de leur préjudice de jouissance et de leur préjudice moral en les évaluant à la somme globale de 15 000 euros.
17. M. et Mme D... sont en outre fondés à solliciter, au titre des frais divers, l'indemnisation des frais afférents au constat d'huissier établi à leur demande le 12 novembre 2015, qui se sont élevés à 446,36 euros.
18. Il résulte de ce qui précède quele département de la Gironde doit être condamné à verser à Mme et Mme D... une somme de 15 446,36 euros en réparation de leurs préjudices.
En ce qui concerne leur demande tendant au prononcé d'une injonction :
19. Lorsque le juge administratif condamne une personne publique responsable de dommages qui trouvent leur origine dans l'exécution de travaux publics ou dans l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public, il peut, saisi de conclusions en ce sens, s'il constate qu'un dommage perdure à la date à laquelle il statue du fait de la faute que commet, en s'abstenant de prendre les mesures de nature à y mettre fin ou à en pallier les effets, la personne publique, enjoindre à celle-ci de prendre de telles mesures. Pour apprécier si la personne publique commet, par son abstention, une faute, il lui incombe, en prenant en compte l'ensemble des circonstances de fait à la date de sa décision, de vérifier d'abord si la persistance du dommage trouve son origine non dans la seule réalisation de travaux ou la seule existence d'un ouvrage, mais dans l'exécution défectueuse des travaux ou dans un défaut ou un fonctionnement anormal de l'ouvrage et, si tel est le cas, de s'assurer qu'aucun motif d'intérêt général, qui peut tenir au coût manifestement disproportionné des mesures à prendre par rapport au préjudice subi, ou aucun droit de tiers ne justifie l'abstention de la personne publique. En l'absence de toute abstention fautive de la personne publique, le juge ne peut faire droit à une demande d'injonction, mais il peut décider que l'administration aura le choix entre le versement d'une indemnité dont il fixe le montant et la réalisation de mesures dont il définit la nature et les délais d'exécution.
20. Le dommage invoqué par M. et Mme D... trouve son origine dans la seule existence du ralentisseur, sans qu'aucune abstention fautive du département de la Gironde ne puisse être retenue. Leurs conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au département de supprimer le ralentisseur ne peuvent, dès lors, être accueillies.
Sur les dépens :
21. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative dans sa rédaction issue du décret n° 2013-1280 du 29 décembre 2013 : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. L'Etat peut être condamné aux dépens. ".
22. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du département de la Gironde les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 6 166,20 euros par une ordonnance du président du tribunal administratif du 7 novembre 2017, ainsi que les frais de sapiteur, taxés et liquidés à la somme de 2 498,94 euros par une ordonnance du même jour.
Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :
23. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement nos 1800344, 1801299 du 24 septembre 2019 du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : Le département de la Gironde est condamné à verser à M. et Mme D... une somme de 15 446,36 euros
Article 3 : Les frais d'expertise, liquidés et taxés à la somme de 6 166,20 euros, et les frais de sapiteur, taxés et liquidés à la somme de 2 498,94 euros, sont mis à la charge du département de la Gironde.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Braud-et-Saint-Louis, à M. C... D... et Mme A... D... et au département de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 14 juin 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Anne Meyer, présidente,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère,
Mme Charlotte Isoard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022.
La rapporteure,
Marie-Pierre Beuve B...La présidente,
Anne MeyerLa greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne à la préfète de la Gironde en ce qui la concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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Nos 19BX04474, 19BX04477