Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler l'arrêté du 26 février 2019 par lequel le préfet de la Guyane a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 1901625 du 1er avril 2021, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 7 septembre 2021, Mme B..., représentée par Me Marciguey, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Guyane du 1er avril 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 26 février 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Guyane de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours suivant la notification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, et de supprimer son signalement dans le fichier d'information Schengen sous les mêmes conditions d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée s'agissant de sa durée ;
- elle est entachée d'un vice de procédure en ce que son droit à être entendue n'a pas été respecté ;
- elle n'a pas été destinataire auparavant d'une mesure d'éloignement et que la décision produite par le préfet est relative à une tierce personne ;
- elle est illégale en raison de l'absence d'information sur son inscription au fichier d'information Schengen ;
- le préfet a fait une inexacte application des dispositions des 6e et 8e alinéas du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet de la Guyane qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 juillet 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Au cours de l'audience publique a été entendu le rapport de M. C... A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante haïtienne née le 16 avril 1990, est entrée en France le 16 mai 2016 afin de solliciter l'asile. Sa demande de protection internationale a été rejetée en dernier lieu par une décision de la cour nationale du droit d'asile du 17 octobre 2017. Par un arrêté du 15 janvier 2018, le préfet de la Guyane lui a refusé le séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. A la suite d'un contrôle d'identité, le préfet de la Guyane a, par arrêté du 26 février 2019, pris à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans et a fixé le pays de renvoi. Par jugement du 1er avril 2021 dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes des dispositions alors codifiées au III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. / L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II). Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire. / Lorsque l'étranger ne faisant pas l'objet d'une interdiction de retour s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, l'autorité administrative prononce une interdiction de retour pour une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) ". Aux termes de l'article R. 511-3 de ce code : " L'interdiction de retour sur le territoire français prononcée en application du sixième alinéa du III de l'article L. 511-1 est notifiée par voie administrative. (...) ".
3. Pour édicter à l'encontre de Mme B... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, le préfet de la Guyane s'est fondé sur le fait qu'elle n'avait pas respecté le délai de départ volontaire de trente jours qui assortissait l'obligation de quitter le territoire français en date du 15 janvier 2018. Il n'est toutefois pas établi par le préfet qui n'a pas produit en appel et s'est borné en première instance à produire la copie d'une décision comportant le nom d'une autre personne, que cette mesure d'éloignement a été dûment notifiée à Mme B... qui le conteste. Par suite, Mme B... ne pouvant être regardée comme s'étant maintenue irrégulièrement sur le territoire au-delà du délai de départ volontaire, le préfet de la Guyane, en édictant à son encontre une interdiction de retour, a fait une inexacte application des dispositions du III de l'article L. 511-1 précité.
4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 26 février 2019 en tant qu'il a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. " Aux termes de l'article R. 613-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les modalités de suppression du signalement d'un étranger effectué au titre d'une décision d'interdiction de retour sont celles qui s'appliquent, en vertu de l'article 7 du décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées, aux cas d'extinction du motif d'inscription dans ce traitement. " Aux termes de l'article 7 du décret du 28 mai 2010 : " Les données à caractère personnel enregistrées dans le fichier sont effacées sans délai en cas (...) d'extinction du motif de l'inscription. (...) ".
6. Le présent arrêt implique seulement que soit effacé le signalement aux fins de non-admission de Mme B... dans le système d'information Schengen. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de la Guyane de mettre en œuvre la procédure d'effacement de ce signalement dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
7. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Marciguey de la somme de 1 200 euros.
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté préfectoral du 26 février 2019 est annulé en tant qu'il prononce à l'encontre de Mme B... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Guyane de mettre en œuvre la procédure d'effacement du signalement aux fins de non-admission de Mme B... dans le système d'information Schengen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de la Guyane du 1er avril 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Marciguey une somme de 1 200 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : Les conclusions de Mme B... sont rejetées pour le surplus.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Marciguey. Copie en sera transmise au préfet de la Guyane.
Délibéré après l'audience du 7 juin 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Karine Butéri, présidente,
M. Olivier Cotte, premier conseiller,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 juin 2022.
Le rapporteur,
Olivier A...
La présidente,
Karine Butéri
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21BX03690