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28/06/2022 | FRANCE | N°19BX04693

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 28 juin 2022, 19BX04693


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de la Martinique, d'une part, d'annuler l'arrêté du ministre des affaires sociales et de la santé en date du 6 juin 2016, en tant qu'il ne lui a pas accordé la prise en charge de ses frais de changement de résidence entre le territoire métropolitain et la Martinique, ainsi que la décision du 5 septembre 2016 rejetant son recours gracieux et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 13 500 euros en réparation des préjudices subis à la s

uite de ce refus de prise en charge.

Par un jugement n° 1800403, 1800404 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de la Martinique, d'une part, d'annuler l'arrêté du ministre des affaires sociales et de la santé en date du 6 juin 2016, en tant qu'il ne lui a pas accordé la prise en charge de ses frais de changement de résidence entre le territoire métropolitain et la Martinique, ainsi que la décision du 5 septembre 2016 rejetant son recours gracieux et, d'autre part, de condamner l'Etat à lui verser une somme de 13 500 euros en réparation des préjudices subis à la suite de ce refus de prise en charge.

Par un jugement n° 1800403, 1800404 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de la Martinique a annulé l'arrêté du ministre des affaires sociales et de la santé du 6 juin 2016, en tant qu'il n'a pas accordé à Mme D... la prise en charge de ses frais de changement de résidence entre le territoire métropolitain et la Martinique ainsi que la décision du 5 septembre 2016 rejetant son recours gracieux, a enjoint au ministre de procéder à la liquidation de l'indemnité de changement de résidence dans un délai d'un mois, a condamné l'Etat à verser à Mme D... la somme de 1 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2016 en réparation des troubles dans ses conditions d'existence et de son préjudice moral et a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 décembre 2019, Mme D..., représentée par le cabinet Cassel (Selafa), demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 3 octobre 2019 en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à sa demande indemnitaire ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 8 684,98 euros en réparation de ses préjudices avec intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'ont jugé les premiers juges, il existe un lien direct entre le refus illégal de prise en charge de ses frais de changement de résidence et son préjudice financier dès lors, d'une part, que les frais de transport de personnes ne sont pas pris en charge a posteriori et, d'autre part, que le décret du 12 avril 1989 prévoit un système d'avance ;

- son préjudice financier correspond à une perte de 4 000 euros résultant de la cession de ses biens mobiliers et au coût du prêt souscrit, pour un montant de 684,98 euros ;

- les troubles dans ses conditions d'existence doivent être chiffrés à 3 000 euros et son préjudice moral à 1 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 avril 2021, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête et demande à la cour, par la voie de l'appel incident :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 3 octobre 2019 en tant qu'il a annulé l'arrêté du 6 juin 2016 ainsi que la décision du 5 septembre 2016, enjoint de procéder à la liquidation de l'indemnité de changement de résidence dans un délai d'un mois, et condamné l'Etat à verser à Mme D... une indemnité de 1 000 euros ;

2°) de rejeter la demande de première instance de Mme D....

Il fait valoir que :

- la demande de Mme D... ne relevait pas des dispositions du dernier alinéa du I de l'article 19 du décret du 12 avril 1989 dès lors que son changement d'affectation fait suite à une demande de mutation ; les services accomplis en qualité d'agent contractuel ne peuvent être pris en compte qu'à la seule occasion d'une première nomination dans la fonction publique ;

- aucun des moyens soulevés par Mme D... dans sa requête d'appel n'est fondé.

Par une lettre du 31 mai 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel incident dirigées contre le jugement du tribunal administratif de la Martinique en tant qu'il a annulé l'arrêté du 6 juin 2016 et la décision du 5 septembre 2016 et enjoint de procéder à la liquidation de l'indemnité de changement de résidence, qui relèvent d'un litige distinct de celui relatif à la réparation du préjudice subi du fait de la non-prise en charge des frais de changement de résidence.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 89-271 du 12 avril 1989 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... A...,

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir travaillé à compter du 1er novembre 2006 en tant que contractuelle au sein de l'agence française de sécurité sanitaire, de l'environnement et du travail (AFSSET), devenue agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) en qualité de pharmacien chef de projet, Mme D... a réussi le concours de pharmacien inspecteur de santé publique et débuté son stage à compter du 1er octobre 2014. Elle a ensuite été titularisée par un décret du 21 janvier 2016, et affectée à l'agence régionale de santé d'Ile-de-France par un arrêté du 20 mai 2016. Par un arrêté du 6 juin 2016, le ministre des affaires sociales et de la santé a accepté sa demande de mutation vers la Martinique à compter du 1er septembre 2016 mais a refusé la prise en charge de ses frais de changement de résidence. Par une décision du 5 septembre 2016, il a rejeté son recours gracieux à l'encontre de cet arrêté. Mme D... a alors saisi le tribunal administratif pour obtenir, d'une part, l'annulation de l'arrêté du 6 juin 2016 en tant qu'il refusait la prise en charge de ses frais de changement de résidence ainsi que celle de la décision du 5 septembre 2016 et, d'autre part, l'indemnisation des préjudices résultant de ce refus à hauteur de 13 500 euros. Par un jugement du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de la Martinique a annulé l'arrêté ministériel du 6 juin 2016, en tant qu'il n'a pas accordé à Mme D... la prise en charge de ses frais de changement de résidence entre le territoire métropolitain et la Martinique ainsi que la décision du 5 septembre 2016 rejetant son recours gracieux, a enjoint au ministre de procéder à la liquidation de l'indemnité de changement de résidence dans un délai d'un mois, a condamné l'Etat à verser à Mme D... la somme de 1 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2016 en réparation des troubles dans ses conditions d'existence et de son préjudice moral et a rejeté le surplus de ses demandes. Mme D... relève appel de ce jugement en tant qu'il a limité à 1 000 euros la réparation de ses préjudices. Par la voie de l'appel incident, le ministre des solidarités et de la santé demande à la cour d'annuler le jugement en tant qu'il a, d'une part, accueilli les conclusions à fin d'annulation et d'injonction et, d'autre part, fait partiellement droit à la demande indemnitaire.

Sur l'appel incident en tant qu'il est dirigé contre les articles 1er et 3 du jugement attaqué :

2. Par la voie de l'appel incident, le ministre des solidarités et de la santé demande l'annulation du jugement du 3 octobre 2019 en tant qu'il a annulé l'arrêté du 6 juin 2016 et la décision du 5 septembre 2016 et lui a enjoint de procéder à la liquidation de l'indemnité pour frais de changement de résidence dans un délai d'un mois. Ces conclusions, présentées après l'expiration du délai d'appel, soulèvent un litige distinct du litige indemnitaire de plein contentieux qui fait l'objet de l'appel principal de Mme D.... Ainsi que la cour en a informé les parties, l'appel incident du ministre est, dans cette mesure, irrecevable et ne peut qu'être rejeté.

Sur les conclusions indemnitaires :

3. Par le jugement du 3 octobre 2019 devenu définitif sur ce point, le tribunal administratif de la Martinique a annulé les décisions du 6 juin 2016 et du 5 septembre 2016 refusant la prise en charge des frais de changement de résidence exposés par Mme D.... Les illégalités de ces décisions constituent des fautes de nature à engager la responsabilité de l'Etat et Mme D... est en droit d'obtenir réparation des préjudices directs et certains en résultant.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction, d'une part, que Mme D... a confirmé accepter sa mutation alors même qu'elle était informée, dès le 22 avril 2016, du refus de prise en charge de ses frais de changement de résidence et, d'autre part, que son conjoint a été placé en disponibilité à compter du 1er septembre 2016 pour la suivre outre-mer, le couple se privant ainsi d'un salaire. Par suite, et alors qu'il n'est pas certain que l'intéressée aurait pu bénéficier d'une avance en cas d'accord de prise en charge de ses frais dès lors que celle-ci n'est pas de droit, le lien direct entre le refus fautif de prise en charge desdits frais et le préjudice financier qu'elle allègue avoir subi du fait de la cession de certains biens mobiliers en urgence, dans des conditions financières peu avantageuses, et de la souscription d'un crédit à la consommation, n'est pas établi. Il suit de là que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal a rejeté sa demande d'indemnisation du préjudice financier allégué.

5. En second lieu, eu égard à ce qui vient d'être dit, Mme D... n'est pas fondée à demander une indemnisation au titre des troubles dans ses conditions d'existence qui seraient caractérisés par la vente bradée de ses biens mobiliers et de la nécessité de souscrire un prêt à la consommation. S'agissant de son préjudice moral né du refus illégal de prise en charge de ses frais de changement de résidence, il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges auraient procédé à une inexacte évaluation en lui allouant à ce titre une indemnité de 1 000 euros.

6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a limité à 1 000 euros l'indemnité versée en réparation de ses préjudices. Le ministre des affaires sociales et de la santé n'est pour sa part pas fondé à demander par la voie de l'appel incident que le jugement soit annulé en tant qu'il a alloué une telle indemnité.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme D... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D... et les conclusions d'appel incident du ministre des solidarités et de la santé sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et à la ministre de la santé et de la prévention.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Karine Butéri, présidente,

M. Olivier Cotte, premier conseiller,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 juin 2022.

Le rapporteur,

Olivier A...

La présidente,

Karine Butéri

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de la prévention en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 19BX04693


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme BUTERI
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : CABINET CASSEL

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 28/06/2022
Date de l'import : 05/07/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19BX04693
Numéro NOR : CETATEXT000045996562 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-06-28;19bx04693 ?
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