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21/06/2022 | FRANCE | N°22BX00168

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 21 juin 2022, 22BX00168


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une ordonnance en date du 16 juillet 2020, enregistrée au greffe du tribunal administratif de la Martinique le 27 juillet 2020, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a, en application de l'article R. 77-12-2 du code de justice administrative, attribué à ce tribunal le jugement de la requête présentée par l'association de défense des investisseurs en Nov'Accès (ADIN).

L'ADIN a demandé au tribunal administratif de la Martinique de reconnaître aux investisseurs du programme

Nov'Accès le droit d'être déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une ordonnance en date du 16 juillet 2020, enregistrée au greffe du tribunal administratif de la Martinique le 27 juillet 2020, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a, en application de l'article R. 77-12-2 du code de justice administrative, attribué à ce tribunal le jugement de la requête présentée par l'association de défense des investisseurs en Nov'Accès (ADIN).

L'ADIN a demandé au tribunal administratif de la Martinique de reconnaître aux investisseurs du programme Nov'Accès le droit d'être déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2015 à la suite de la remise en cause du bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies C du code général des impôts, concernant des investissements réalisés dans le secteur du logement social en outre-mer dans le cadre du programme Nov'Accès.

Par un jugement n° 2000373 du 15 novembre 2021, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête et des pièces, enregistrées les 15 et 17 janvier 2022, l'ADIN, représentée par Me Moysé et Me Beaujour, demande à la cour d'annuler le jugement n° 2000373 du tribunal administratif de la Martinique du 15 novembre 2021.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il ne vise ni n'analyse avec une précision suffisante les conclusions et moyens des parties ; en particulier, il ne vise pas la note en délibéré produite postérieurement à l'audience ;

- la requête qu'elle a présentée a pour vocation de se substituer aux requêtes individuelles que les requérants, personnes physiques, auraient pu individuellement introduire ; ainsi, sa requête devant le tribunal était recevable dès lors qu'elle a produit la copie de réclamations individuelles formées auprès des services fiscaux par plusieurs investisseurs du programme Nov'Accès.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête en soutenant que les moyens soulevés par l'association requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 7 mars 2022 la clôture d'instruction a été fixée au 25 mars 2022 à 12h00.

Un mémoire, présenté pour l'ADIN, a été enregistré le 25 mars 2022 à 17h03, soit après la clôture d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... B...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,

- et les observations de Me Beaujour, représentant l'ADIN.

Considérant ce qui suit :

1. La société NB finances et patrimoine, monteur en défiscalisation, a commercialisé, au cours de l'année 2015, un programme de réhabilitation de logements anciens dénommé " Nov'accès " présenté comme ouvrant droit au bénéfice de la réduction d'impôt sur le revenu, prévue au VI de l'article 199 undecies C du code général des impôts, à raison d'investissements réalisés en outre-mer dans le logement social, dont plus de 700 contribuables ont souhaité bénéficier. A compter de l'année 2018, l'administration fiscale a toutefois remis en cause le bénéfice de ces réductions d'impôt sur le revenu en adressant aux contribuables concernés des propositions de rectification. L'ADIN a alors engagé une action en reconnaissance de droits, sur le fondement des dispositions de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative, qui a été attribuée à la compétence du tribunal administratif de la Martinique par une ordonnance du président de la section du contentieux du Conseil d'État en date du 16 juillet 2020. L'association relève appel du jugement par lequel ce tribunal a rejeté sa demande tendant à reconnaître aux investisseurs du programme Nov'Accès le droit d'être déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2015, à la suite de la remise en cause du bénéfice de la réduction d'impôt prévue au VI de l'article 199 undecies C du code général des impôts.

Sur la régularité du jugement :

2. En vertu de l'article R. 731-3 du code de justice administrative, toute partie à l'instance peut, à l'issue de l'audience, adresser au président de la formation de jugement une note en délibéré. Aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " La décision mentionne que l'audience a été publique / (...) / Mention est également faite de la production d'une note en délibéré. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'il est régulièrement saisi à l'issue de l'audience, d'une note en délibéré émanant de l'une des parties, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant de rendre sa décision ainsi que de la viser, sans toutefois l'analyser, dès lors qu'il n'est pas conduit à rouvrir l'instruction et à la soumettre au débat contradictoire pour tenir compte des éléments nouveaux qu'elle contient.

3. Il résulte de l'instruction qu'après l'audience publique, qui s'est tenue le 21 octobre 2021, l'ADIN a adressé au tribunal administratif de la Martinique, par voie électronique au moyen de l'application informatique " Télérecours ", une note en délibéré enregistrée au greffe le 28 octobre 2021, soit avant la lecture du jugement attaqué le 15 novembre 2021. Ce jugement, dont les visas ne font pas mention de cette note en délibéré, est ainsi entaché d'une irrégularité et doit, en conséquence, être annulé.

4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu pour la cour, ainsi que le sollicite le ministre de l'économie, des finances et de la relance, de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande de l'ADIN devant le tribunal administratif de la Martinique.

Sur l'action en reconnaissance de droits :

5 Aux termes de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative : " L'action en reconnaissance de droits permet à une association régulièrement déclarée ou à un syndicat professionnel régulièrement constitué de déposer une requête tendant à la reconnaissance de droits individuels résultant de l'application de la loi ou du règlement en faveur d'un groupe indéterminé de personnes ayant le même intérêt, à la condition que leur objet statutaire comporte la défense dudit intérêt. Elle peut tendre au bénéfice d'une somme d'argent légalement due ou à la décharge d'une somme d'argent illégalement réclamée. Elle ne peut tendre à la reconnaissance d'un préjudice. / Le groupe d'intérêt en faveur duquel l'action est présentée est caractérisé par l'identité de la situation juridique de ses membres. (...) ". Aux termes de l'article R. 77-12-4 du même code : " Pour l'application de l'article R. 421-1, la décision attaquée est la décision de rejet explicite ou implicite opposée par l'autorité compétente à la réclamation préalable formée par le demandeur à l'action. / Le silence gardé pendant plus de quatre mois par l'autorité compétente sur la réclamation préalable vaut décision de rejet. (...) ". L'article R. 421-1 du même code énonce quant à lui que : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision (...) ". Il résulte de ces dispositions combinées qu'une action en reconnaissance de droits doit, à peine d'irrecevabilité, être dirigée contre un refus opposé à l'association régulièrement déclarée ou au syndicat professionnel régulièrement constitué qui, en vertu des dispositions de l'article L. 77-12-1 du code de justice administrative, sont seuls compétents pour introduire une telle action.

6. D'une part, la circonstance que, conformément aux dispositions de l'article R. 77-12-2, du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, par une ordonnance du 16 juillet 2020, a attribué au tribunal administratif de la Martinique le jugement de la requête présentée par l'ADIN tendant à la reconnaissance de droits ne saurait préjuger de la recevabilité de cette action. Il en est de même de l'ordonnance du 1er avril 2021 par laquelle le président du tribunal administratif de la Martinique a refusé de transmettre au Conseil d'Etat une question prioritaire de constitutionnalité présentée par l'ADIN et de celle du 18 mai 2021 par laquelle le juge des référés de ce tribunal a rejeté, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administratif, la requête de l'ADIN tendant à la suspension de décisions de recouvrement d'impositions supplémentaires.

7. D'autre part, ainsi que le fait valoir le ministre de l'économie, des finances et de la relance, il ressort des pièces du dossier que si l'ADIN a transmis certaines réclamations individuelles émanant de contribuables tendant à la décharge d'impositions supplémentaires mises à leur charge au titre de l'année 2015, elle n'a pas elle-même adressé auprès de l'administration fiscale une réclamation tendant à la reconnaissance, en faveur des investisseurs du programme Nov'Accès, de leur droit à être déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de cette même année, à la suite de la remise en cause du bénéfice de la réduction d'impôt sur le revenu prévue au VI de l'article 199 undecies C du code général des impôts. Dès lors, faute d'être dirigées contre le rejet exprès ou implicite d'une réclamation préalable formée par l'ADIN elle-même, les conclusions en reconnaissance de droits présentées par l'intéressée sont irrecevables et doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2000373 du 15 novembre 2021 du tribunal administratif de la Martinique est annulé.

Article 2 : La demande présentée par l'association de défense des investisseurs en Nov'Accès devant le tribunal administratif de la Martinique est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association de défense des investisseurs en Nov'Accès et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2022.

Le rapporteur,

Michaël B... La présidente,

Evelyne BalzamoLa greffière,

Camille Péan

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX00168

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00168
Date de la décision : 21/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : MOYSE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-06-21;22bx00168 ?
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