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21/06/2022 | FRANCE | N°20BX02749

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 21 juin 2022, 20BX02749


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société européenne de promotion et d'investissements (SEPI) a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la délibération du 13 décembre 2016 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Muretain, dénommée Le Muretain Agglo, a validé les termes de la promesse de vente des lots A1.1, A1.2, B1 et B2, situés ZAC " Porte des Pyrénées ", à la société Sodec, ainsi que la décision implicite née le 15 avril 2017 rejetant son recours gracieux.

Par un jug

ement n° 1702625 du 24 janvier 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société européenne de promotion et d'investissements (SEPI) a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la délibération du 13 décembre 2016 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération du Muretain, dénommée Le Muretain Agglo, a validé les termes de la promesse de vente des lots A1.1, A1.2, B1 et B2, situés ZAC " Porte des Pyrénées ", à la société Sodec, ainsi que la décision implicite née le 15 avril 2017 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1702625 du 24 janvier 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 21 août 2020 et le 6 janvier 2022, la SEPI, représentée par la SCP Bignon Lebray, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 24 janvier 2020 ;

2°) d'annuler la délibération du 13 décembre 2016, ainsi que la décision implicite née le 15 avril 2017 ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération du Muretain la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête d'appel, présentée dans les délais, est recevable ;

- le jugement est irrégulier en ce que les premiers juges ont omis de répondre, d'une part, au moyen tiré de l'insuffisante information des élus du fait de l'absence de communication de la promesse de vente et, d'autre part, s'agissant du prix de cession, au décalage existant entre le prix au mètre carré viabilisé et le prix net que percevra effectivement la communauté d'agglomération ;

- l'information communiquée aux élus préalablement au vote de la délibération était insuffisante dès lors que, d'une part, la promesse de vente ne leur a pas été communiquée, et que, d'autre part, aucune note explicative ne leur a été transmise, enfin l'avant-projet de délibération ne comportait aucune information sur la divisibilité du foncier vendu, sur le prix de chaque lot et sur le bilan financier net de l'opération ;

- l'information était également insincère s'agissant de l'intégration au dernier moment d'un mécanisme de garantie à première demande en faveur de l'acquéreur ;

- la délibération litigieuse est entachée d'une erreur de droit dès lors que la cession a été réalisée à un prix inférieur à la valeur vénale, eu égard notamment à l'offre qu'elle-même avait faite deux ans auparavant et à l'absence de prise en compte des frais de viabilisation des terrains laissés à la charge du vendeur ; cette différence entre le prix convenu et la valeur vénale s'est accrue à la suite d'une modification ultérieure de la délibération qui a revu à la baisse le prix de cession et est démontrée par la vente en 2019 d'une partie du lot A1 à un autre acquéreur pour un prix bien supérieur.

Par un mémoire, enregistré le 10 février 2021, la société Sodec, représentée par la SCP Courrech et associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la SEPI en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête d'appel est irrecevable faute de motivation ;

- aucun des moyens soulevés par la société européenne de promotion et d'investissements n'est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 décembre 2021, la communauté d'agglomération du Muretain (" Le Muretain agglo "), représentée par la SCP Bouyssou et associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la SEPI en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête d'appel est irrecevable pour tardiveté ;

- aucun des moyens soulevés par la société européenne de promotion et d'investissements n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B... A...,

- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,

- et les observations de Me Eizaga, substituant le cabinet Bignon Lebray, avocat de la SEPI, de Me Sire représentant Le Muretain Agglo et de Me Laporte représentant la société Sodec.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 13 décembre 2016, la communauté d'agglomération du Muretain, dénommée " Le Muretain Agglo ", a validé les termes d'une promesse de vente à conclure avec la société SODEC, portant sur des terrains constituant une partie du macro lot A et le macro lot B de la zone d'aménagement concertée (ZAC) " Porte des Pyrénées " de la commune de Muret. Ces terrains, dénommés lots A1.1, A1.2, B1 et B2 pour les besoins de l'opération, et qui représentent une superficie d'environ 189 000 m², y sont cédés pour un prix de 14 065 000 euros hors taxes. La SEPI, qui avait auparavant entamé en vain des pourparlers avec la communauté d'agglomération pour l'achat de ces parcelles, a saisi le tribunal administratif de Toulouse afin d'obtenir l'annulation de la délibération du 13 décembre 2016, ensemble de la décision implicite rejetant son recours gracieux reçu le 15 février 2017. Par jugement du 24 janvier 2020 dont la SEPI relève appel, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, les premiers juges ont répondu au point 4 du jugement attaqué au moyen tiré du caractère insuffisant de l'information dont aurait disposé les élus, pour l'écarter. Par suite, les premiers juges qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments invoqués, dont l'allégation de la SEPI selon laquelle les membres du conseil communautaire n'auraient pas disposé de la promesse de vente, qui était au surplus inopérante, n'ont pas entaché leur jugement d'une omission à statuer.

3. En second lieu, en estimant au point 6 du jugement attaqué que la somme correspondant au coût de viabilisation des parcelles, à la charge de la communauté d'agglomération en sa qualité d'aménageur de la ZAC, ne pouvait être regardée comme une libéralité venant en déduction du prix de cession de l'emprise foncière objet de la promesse de vente, les premiers juges ont nécessairement écarté l'argumentation de la SEPI relative au décalage existant entre le prix au mètre carré viabilisé et le prix net retiré par la communauté d'agglomération de cette opération immobilière. Ils ont ainsi répondu au moyen soulevé devant eux.

Sur la légalité de la délibération du 13 décembre 2016 :

4. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, rendu applicable à la communauté d'agglomération Le Muretain par l'article L. 5211-1 du même code : " (...) une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. ". Aux termes de l'article L. 2121-13 de ce code : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération. ".

5. Le défaut d'envoi, avec la convocation aux réunions du conseil communautaire de la note explicative de synthèse portant sur chacun des points de l'ordre du jour prévue à l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales entache d'irrégularité les délibérations prises, à moins que le président de la communauté d'agglomération n'ait fait parvenir aux membres du conseil, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d'une information adéquate pour exercer utilement leur mandat. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions. Elle n'impose pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises.

6. Il ressort des pièces du dossier que les conseillers ont reçu, avec la convocation à la séance du conseil communautaire, un " avant-projet " de délibération, auquel était joint l'avis de France Domaine du 4 mai 2016 et une plaquette de présentation de la société Sodec. Cet " avant-projet ", qui désignait l'acquéreur et les parcelles concernées, avec leur superficie et leur implantation, précisait les prestations que chaque partie s'engageait à assurer, ainsi que le prix de cession et ses modalités de règlement, et prévoyait l'énoncé de clauses suspensives et d'une clause de non-concurrence au profit de l'acquéreur, valait note explicative de synthèse au sens des dispositions précitées de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales.

7. Il ressort des énonciations dénuées d'ambiguïtés de cet " avant-projet " que la cession concerne quatre lots dénommés A1.1, A1.2, B1 et B2 qui constituent un tout indivisible d'une superficie d'environ 189 000 m2, vendus en une seule fois à la société Sodec pour un montant de 14 065 000 euros hors taxe. La SEPI ne saurait utilement se prévaloir de la condition, insérée dans la délibération et tenant à ce que la société Sodec devra avoir engagé les démarches pour la réalisation d'un pôle loisirs sur les lots A1.1 et A1.2 avant de pouvoir se porter acquéreur des deux autres lots relatifs au pôle commercial, pour soutenir que l'information communiquée aux élus en amont de la séance s'agissant de l'objet de la vente, de ses modalités ou du prix de chacun des lots aurait été insuffisante. En outre, si les coûts de viabilisation des parcelles n'apparaissent pas dans cet " avant-projet ", il est constant qu'ils sont mentionnés dans l'avis de France Domaine qui y était joint. Relevant de l'aménagement de la ZAC, ils n'avaient au demeurant pas à être pris en compte dans la détermination de la valeur foncière de l'emprise foncière. Par ailleurs, l'insertion dans la délibération d'une garantie à première demande au profit de la société Sodec, alors qu'elle ne figurait pas dans l' " avant-projet ", n'est pas de nature à avoir privé les membres du conseil d'une information nécessaire à l'exercice de leur mandat dès lors qu'elle est sans incidence sur les finances de la collectivité. Dans ces conditions, et alors qu'aucune disposition du code général des collectivités territoriales ni aucun principe n'imposait au président de la communauté d'agglomération de communiquer aux membres du conseil le projet de contrat de cession des parcelles préalablement à la séance, les conseillers communautaires ont disposé d'une information suffisante leur permettant de se prononcer en toute connaissance de cause sur le bien-fondé de la délibération qui leur était soumise.

8. En second lieu, aux termes des dispositions du second alinéa de l'article L. 5211-37 du code général des collectivités territoriales : " Toute cession d'immeubles ou de droits réels immobiliers envisagée par un établissement public de coopération intercommunale donne lieu à délibération motivée de l'organe délibérant portant sur les conditions de la vente et ses caractéristiques essentielles. La délibération est prise au vu de l'avis de l'autorité compétente de l'Etat. (...) ".

9. Une collectivité publique ne peut céder un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur à une personne poursuivant des fins d'intérêt privé que lorsque la cession est justifiée par des motifs d'intérêt général et comporte des contreparties suffisantes. Pour déterminer si la décision par laquelle une collectivité publique cède à une personne privée un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur est, pour ce motif, entachée d'illégalité, il incombe au juge de vérifier si elle est justifiée par des motifs d'intérêt général. Si tel est le cas, il lui appartient ensuite d'identifier, au vu des éléments qui lui sont fournis, les contreparties que comporte la cession, c'est-à-dire les avantages que, eu égard à l'ensemble des intérêts publics dont la collectivité cédante a la charge, elle est susceptible de lui procurer, et de s'assurer, en tenant compte de la nature des contreparties et, le cas échéant, des obligations mises à la charge des cessionnaires, de leur effectivité. Il doit, enfin, par une appréciation souveraine, estimer si ces contreparties sont suffisantes pour justifier la différence entre le prix de vente et la valeur du bien cédé.

10. Il ressort des pièces du dossier que la cession des parcelles litigieuses au prix de 74 euros hors taxe le mètre carré est conforme à l'avis que France Domaine a rendu le 4 mai 2016 et qui a, en outre, relevé que ce prix était supérieur aux prix habituellement constatés dans d'autres zones d'activités à Muret. Pour soutenir que ce prix était insuffisant, la SEPI ne peut utilement se prévaloir ni de circonstances postérieures à l'adoption de la délibération du 13 décembre 2016, ni du prix qu'elle avait convenu avec la communauté d'agglomération dans une promesse de vente deux ans auparavant, ni même soutenir que le coût de viabilisation des parcelles devrait être pris en compte dans la détermination du prix dès lors que cette dépense est relative à l'aménagement de la ZAC. Par suite, contrairement à ce qu'il est soutenu, la communauté d'agglomération Le Muretain n'a pas méconnu le principe selon lequel une collectivité publique ne peut céder un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur.

11. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, que la SEPI n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 13 décembre 2016 et, par voie de conséquence, de la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération du Muretain, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SEPI demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SEPI la somme de 1500 euros à verser à la communauté d'agglomération du Muretain et la somme de 1 500 euros à verser à la société Sodec.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société européenne de promotion et d'investissements est rejetée.

Article 2 : La société européenne de promotion et d'investissements versera à la communauté d'agglomération du Muretain la somme de 1 500 euros et à la société Sodec la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société européenne de promotion et d'investissements, à la communauté d'agglomération du Muretain et à la société Sodec.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Karine Butéri, présidente,

M. Olivier Cotte, premier conseiller,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 juin 2022.

Le rapporteur,

Olivier A...

La présidente,

Karine Butéri

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20BX02749


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02749
Date de la décision : 21/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUTERI
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : BIGNON LEBRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-06-21;20bx02749 ?
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