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16/06/2022 | FRANCE | N°21BX04760

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 16 juin 2022, 21BX04760


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, par deux requêtes distinctes, d'une part, d'annuler l'arrêté du 18 juin 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination et d'autre part, d'annuler la décision du 5 août 2019 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé de faire droit à sa demande de regroupement familial

présentée en faveur de son épouse.

Par un jugement n° 1904045-1905329 du 15 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. J... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, par deux requêtes distinctes, d'une part, d'annuler l'arrêté du 18 juin 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé le renouvellement d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de destination et d'autre part, d'annuler la décision du 5 août 2019 par laquelle le préfet de la Haute-Garonne a refusé de faire droit à sa demande de regroupement familial présentée en faveur de son épouse.

Par un jugement n° 1904045-1905329 du 15 juin 2020, le tribunal administratif de Toulouse a fait droit à ses demandes.

Par une requête, enregistrée le 3 juillet 2020, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de rejeter les demandes portées par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que :

- les soins nécessaires à l'état de santé de M. A... sont disponibles dans son pays d'origine ;

- ne disposant pas d'un droit de séjour en France, sa demande de regroupement familial ne peut qu'être rejetée.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 et 29 octobre 2020 et le 19 novembre 2020, M. A..., représenté par Me Rivière, demande à la cour :

- de rejeter la requête du préfet de la Haute-Garonne ;

- d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois ;

- de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est signée d'une personne incompétente et est irrecevable ;

- les moyens de la requête sont infondés.

Par une seconde requête, enregistrée le 3 juillet 2020, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 15 juin 2020.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 28 octobre et 19 novembre 2020, M. A..., représenté par Me Rivière, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'État au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un arrêt n° 20BX02193-20BX02195 du 18 décembre 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la requête n° 20BX02193 du préfet de la Haute-Garonne et prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la requête n° 20BX02195.

Par une décision n° 449917 du 30 décembre 2021, le Conseil d'État a annulé l'arrêt du 18 décembre 2020 et renvoyé l'affaire devant la cour.

Procédure devant la cour après cassation :

Par un mémoire, enregistré le 21 février 2022, le préfet de la Haute-Garonne conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens.

Par une ordonnance du 28 mars 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 avril 2022.

Par un mémoire, enregistré le 15 avril 2022, M. A..., représenté par Me Rivière, demande à la cour :

- de rejeter la requête du préfet de la Haute-Garonne ;

- d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois ;

- de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable, Mme C... n'ayant pas reçu délégation de signature ;

- le traitement de son affection n'est pas disponible au Bangladesh ;

- les conditions climatiques et atmosphériques au Bangladesh rendent illusoire tout traitement de son asthme sévère ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation professionnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. A... a produit une note en délibéré, enregistrée le 19 mai 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme G... I...,

- les conclusions de Mme D... H...,

- et les observations de Me Rivière, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. J... A..., de nationalité bangladaise, est entré irrégulièrement en France, selon ses déclarations, en 2011, et a sollicité son admission au bénéfice de l'asile le 12 janvier 2012. Cette demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 15 mars 2012, confirmée le 29 mai 2013 par la Cour nationale du droit d'asile. Le 8 septembre 2015, il a demandé la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, et a bénéficié d'un tel titre jusqu'au 21 septembre 2017. Le 27 juillet 2017, il a déposé une demande de renouvellement de son titre de séjour, mais, par arrêté du 18 juin 2019, le préfet a rejeté cette demande, a fait obligation à M. A... de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

2. Par ailleurs, le 30 août 2018, M. A... a demandé le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse de nationalité bangladaise. Par décision du 5 août 2019, le préfet de la Haute-Garonne a rejeté cette demande, au motif que, du fait de l'arrêté du 18 juin 2019 lui refusant le renouvellement de son titre de séjour, il ne se trouvait plus en situation régulière sur le territoire français.

3. M. A... a saisi le tribunal administratif de Toulouse de demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 juin 2019 et de la décision du 5 août 2019. Par un jugement du 15 juin 2020, le tribunal administratif de Toulouse a fait droit à ses demandes, et, par un arrêt du 18 décembre 2020, la présente cour a confirmé ce jugement. Toutefois, par une décision n° 449917 du 30 décembre 2021, le Conseil d'État a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour.

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

4. Par arrêté du 2 avril 2020, publié au recueil des actes administratifs spécial du même jour, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme F... C..., adjointe au chef du bureau de l'éloignement et du contentieux des étrangers, à l'effet de signer " l'ensemble des pièces, mémoires en défense et requêtes d'appel, relatives aux contentieux de toutes décisions prises en matière de droit des étrangers, devant les juridictions administratives et judiciaires ". Le moyen tiré de ce que la requête du préfet de la Haute-Garonne serait signée d'une autorité incompétente doit être écarté.

Sur l'arrêté du 18 juin 2019 :

En ce qui concerne le moyen retenu par les premiers juges :

5. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de

médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. /

L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du

ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de

l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".

6. L'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 1er octobre 2017 mentionne que l'état de santé de M. A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que l'état de santé de l'intéressé peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine.

7. M. A..., qui souffre d'une pathologie respiratoire chronique associée à un asthme allergique sévère, fait valoir qu'il est traité par Symbicort 400, Montelukast, Azélastine et Salbutamol, et que ces médicaments ne sont pas disponibles au Bangladesh. Toutefois, il n'établit ni même n'allègue qu'il ne pourrait y bénéficier d'un traitement équivalent. Il produit le certificat du 1er août 2017 d'un médecin généraliste de " La Case de Santé " à Toulouse, qui affirme que " la qualité des services de soins au Bangladesh n'est pas comparable aux standards européens " et se prévaut des chiffres de la mortalité au Bangladesh. Il produit également le certificat d'un membre de l'association " Médecins du monde ", du 25 juillet 2019, qui affirme que l'appareil respiratoire qu'il utilise la nuit ne peut fonctionner correctement au Bangladesh, en raison de la chaleur et des fréquentes coupures d'électricité nocturnes. Toutefois, ces éléments, dont au demeurant aucun n'émane des médecins, généralistes et spécialistes, chargés du suivi de l'intéressé, ne sont pas de nature à démontrer qu'il ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé au Bangladesh. De même, l'appelant n'établit pas l'impossibilité d'entretenir son appareil respiratoire au Bangladesh. S'il se prévaut également de la pollution de l'air au Bangladesh, facteur aggravant de son asthme, cet élément n'est pas de ceux dont l'administration doit faire application en vertu du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu, pour annuler l'arrêté du 18 juin 2019 et, par voie de conséquence, la décision du 5 août 2019, le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. Toutefois, il appartient à la cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'ensemble des moyens présentés par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse.

9. Par arrêté du 10 novembre 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme E... B..., directrice des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer les décisions de refus d'admission au séjour et les mesures d'éloignement. Le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté serait signé d'une autorité incompétente doit être écarté.

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

10. Il résulte des termes de la décision contestée que le préfet ne s'est pas cru lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

11. M. A... se prévaut d'un contrat à durée indéterminée à temps plein en qualité de cuisinier serveur depuis le 3 avril 2018. Toutefois, il n'est pas isolé dans son pays d'origine, où vit son épouse. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :

12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté.

13. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait contraire à l'article 3-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, M. A... ne pouvant bénéficier au Bangladesh d'un traitement adapté à son état de santé, doit être écarté.

14. Le présent arrêt statut sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 15 juin 2020, et les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution doivent être rejetées.

15. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Garonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 18 juin 2019 et la décision du 5 août 2019. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions de M. A... à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 15 juin 2020 est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du préfet de la Haute-Garonne tendant au sursis à exécution du jugement du 15 juin 2020.

Article 3 : Les demandes portées par M. A... devant le tribunal administratif de Toulouse, ainsi que ses conclusions reconventionnelles, sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. J... A... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2022 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 juin 2022.

La rapporteure,

Frédérique I...Le président

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX04760


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 21BX04760
Date de la décision : 16/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : RIVIERE LUDOVIC AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-06-16;21bx04760 ?
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