Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 29 décembre 2017 par lequel le préfet de la Creuse a ordonné la saisie définitive de ses armes, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux du 28 mai 2018, de condamner l'État à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation de ses préjudices financiers, moraux et des troubles dans ses conditions d'existence et d'enjoindre au préfet précité de procéder à la restitution d'une carabine à air comprimé n° de matricule 61, d'un fusil de chasse n° de matricule 1395, d'un fusil de chasse n° de matricule 1360 et d'une carabine de chasse et de tir n° matricule 1CA16848.
Par un jugement n° 1801904 du 23 juillet 2020, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 22 septembre 2020, le 18 mai 2021 et le 7 avril 2022, M. A..., représenté par Me Plas, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 23 juillet 2020 en tant qu'il rejette sa demande tendant à la condamnation de l'État à l'indemniser des préjudices subis du fait de l'illégalité fautive de l'arrêté préfectoral du 29 décembre 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 décembre 2017 par lequel le préfet de la Creuse a ordonné la saisie définitive de ses armes, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux du 28 mai 2018 ;
3°) de condamner l'État à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation de ses préjudices financiers, moraux et des troubles dans ses conditions d'existence.
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de droit dès lors que le préfet a méconnu l'autorité de la chose jugée en ne procédant pas à la restitution de ses armes à la suite du jugement du 19 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 22 juillet 2015 ;
- de plus, cet arrêté est entaché d'une erreur d'appréciation dès lors que, conformément à l'article R. 312-6 du code de la sécurité intérieure, le certificat médical du 5 décembre 2017 établit que son état de santé ne présente aucune contre-indication à la détention d'armes et à la pratique de la chasse ;
- il est en droit d'obtenir la réparation des préjudices subis en raison de l'illégalité de l'arrêté concerné.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 3 décembre 2020 et le 8 septembre 2021, la préfète de la Creuse conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable en raison de ce que l'appelant se borne à réitérer ses écritures de première instance, sans critiquer le jugement attaqué ;
- par ailleurs, aucune illégalité fautive n'a été commise et les préjudices allégués ne sont pas établis.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rey-Bèthbéder, président-rapporteur,
- et les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a fait l'objet d'un arrêté préfectoral ordonnant la conservation pendant un an par les services de gendarmerie de ses cinq armes, qui ont été remises à ces derniers le 6 juillet 2014. Par un arrêté du 22 juillet 2015, le préfet de la Creuse a prononcé, sur le fondement des articles L. 312-7 et suivants du code de la sécurité intérieure, la saisie définitive de quatre armes soumises à déclaration ou enregistrement, ainsi que l'interdiction d'en acquérir ou d'en détenir de nouvelles quelle que soit leur catégorie. Par un jugement du 19 octobre 2017, le tribunal administratif de Limoges a annulé cette décision. Par un nouvel arrêté du 29 décembre 2017, le préfet de la Creuse a prononcé la saisie définitive des quatre armes de M. A... ainsi que l'interdiction de détenir ou d'acquérir des armes. Par un courrier du 18 mai 2018, M. A... a sollicité le retrait de cette décision et l'indemnisation de ses préjudices en lien avec l'illégalité de l'arrêté du 29 décembre 2017. Cette demande a fait l'objet d'une décision de rejet du préfet le 28 mai 2018.
2. M. A... relève appel du jugement du 23 juillet 2020 du tribunal administratif de Limoges qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 décembre 2017 et de la décision du 28 mai 2018 du préfet de la Creuse ainsi qu'à la condamnation de l'État à l'indemniser des préjudices subis en raison de l'illégalité fautive de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation:
3. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".
4. Il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal d'audition de M. A... que l'intéressé a déclaré s'être vu notifier le 29 décembre 2017 à 17 heures l'arrêté préfectoral n° CAB2017032 par lequel le préfet de la Creuse a procédé à la saisie de ses quatre armes. Il ressort également des pièces du dossier que la décision contestée porte mention des voies et délais de recours. Dans ces conditions et comme l'ont relevé les premiers juges, le recours gracieux formé par M. A... le 18 mai 2018 n'a pas eu pour effet de proroger le délai de recours prévu par les dispositions précitées de l'article R. 421-1 du code de justice administrative. Par suite, c'est à bon droit que le jugement attaqué a accueilli la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté des conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 29 décembre 2017, ensemble la décision du 28 mai 2018 portant rejet du recours gracieux dirigé contre cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'indemnisation :
5. L'appelant soutient que l'arrêté du 29 décembre 2017 pris par le préfet de la Creuse est illégal en ce qu'il est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation et que cette illégalité fautive doit ainsi conduire à l'engagement de la responsabilité de l'État pour faute.
6. S'agissant, en premier lieu, de l'erreur de droit dont serait entaché cet arrêté, elle découlerait de la méconnaissance par le préfet de l'autorité de la chose jugée en ne procédant pas à la restitution de ses armes à la suite du jugement du 19 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 22 juillet 2015. Cependant, dans ce même jugement, le tribunal a rejeté les conclusions de l'intéressé à fin d'injonction de lui restituer ses armes. Au demeurant, l'arrêté du 29 décembre 2017 se fonde sur de nouveaux éléments de fait postérieurs au jugement précité, notamment sur trois procès-verbaux de renseignement administratif établis par les services de gendarmerie de Bourganeuf le 20 mai 2016 et les 6 et 26 décembre 2017 ainsi que sur le courrier du maire de Pontarion en date du 5 décembre 2017 émettant un avis défavorable à la restitution des armes saisies. Par conséquent, le moyen tiré de l'existence d'une méconnaissance de l'autorité de la chose jugée ne peut qu'être écarté.
7. En ce qui concerne, en second lieu, l'existence d'une erreur d'appréciation, si l'appelant s'appuie sur un certificat médical du 5 décembre 2017 indiquant que son état de santé ne présente aucune contre-indication à la détention d'armes et à la pratique de la chasse, il résulte de l'instruction, d'abord, que M. A... a été admis en établissement psychiatrique en 2014 en raison d'intentions suicidaires et de menaces de mort à l'encontre de son épouse, qu'en outre et ainsi que mentionné dans un procès-verbal de renseignement administratif établi par les services de gendarmerie le 20 mai 2016, il a tenu des propos confus, aurait eu une attitude inquiétante dans la cour d'une école en invectivant violemment une institutrice devant ses élèves apeurés et aurait eu des propos menaçants tels que " j'ai envie de tuer un gendarme ", qu'une brève enquête de voisinage révèle également qu'il suscite auprès des riverains une réelle inquiétude et, enfin, qu'il ressort du procès-verbal de renseignement administratif établi le 26 décembre 2017 par les services de gendarmerie qu'il " est suivi à l'hôpital psychiatrique de Bourganeuf et qu'il est en soins réguliers auprès de l'établissement plusieurs fois par semaine ". Dans ces conditions et contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le préfet n'a commis aucune erreur d'appréciation des risques que le comportement ou l'état de santé de l'intéressé présentait pour lui-même ou pour autrui en décidant la saisie définitive de ses armes dans son arrêté du 29 décembre 2017.
8. Il suit de ce qui vient d'être exposé que cet arrêté n'est entaché d'aucune illégalité fautive et, en conséquence, que les conclusions indemnitaires de M. A... ne peuvent qu'être rejetées.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 décembre 2017 et de la décision du 28 mai 2018 du préfet de la Creuse ainsi qu'à la condamnation de l'État à l'indemniser des préjudices subis en raison de l'illégalité fautive de cet arrêté. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée à la préfète de la Creuse.
Délibéré après l'audience du 19 mai 2022 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,
Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 juin 2022.
La présidente-assesseure,
Frédérique Munoz-PauzièsLe président-rapporteur,
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 20BX03187