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09/06/2022 | FRANCE | N°21BX02249

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 09 juin 2022, 21BX02249


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a formé un recours devant le tribunal administratif de la Guyane qui a été regardé comme tendant à ce qu'il prononce le remboursement de l'indu de rémunération d'un montant de 5 412,99 euros mis à la charge de l'intéressée par un titre exécutoire du 15 avril 2010.

Par un jugement n° 1900743 du 25 février 2021, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande comme tardive.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 mai

2021 et le 18 octobre 2021, Mme C... B..., représentée par Me Jean Merlet-Bonnan, demande à la co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... a formé un recours devant le tribunal administratif de la Guyane qui a été regardé comme tendant à ce qu'il prononce le remboursement de l'indu de rémunération d'un montant de 5 412,99 euros mis à la charge de l'intéressée par un titre exécutoire du 15 avril 2010.

Par un jugement n° 1900743 du 25 février 2021, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande comme tardive.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 mai 2021 et le 18 octobre 2021, Mme C... B..., représentée par Me Jean Merlet-Bonnan, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 février 2021 ;

2°) d'annuler les titres de perception du 23 mars 2010 et du 15 avril 2010 ;

3°) d'annuler l'avis de saisie à tiers détenteur du 11 mai 2015 ;

4°) d'annuler le rejet implicite de son recours gracieux du 14 octobre 2018 ;

5°) de prononcer la décharge de l'obligation de payer la somme de 5412,99 euros ;

6°) d'enjoindre à l'administration de lui rembourser la somme de 5412,99 euros ;

7°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont considéré sa requête irrecevable ;

- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de statuer sur les demandes qui leur étaient présentées ;

- les sommes réclamées sont prescrites ;

- le titre de perception émis le 15 avril 2010 n'est pas justifié.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 septembre 2021, le recteur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'elle est tardive et donc irrecevable et que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le livre des procédures fiscales ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me Merlet Bonnan, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., inspectrice de l'éducation nationale, a reçu une lettre de relance datée du 21 janvier 2015 relative au paiement d'un indu de rémunération sur les périodes de septembre et octobre 2008 dont elle a eu connaissance au plus tard le 22 avril 2015. Le 11 mai 2015, une notification de saisie à tiers détenteur a été émise par la direction régionale des finances publiques de la Martinique pour un montant total de 5 412,99 euros, sur le fondement d'un titre de perception du 15 avril 2010. Par un courrier reçu le 3 juillet 2015 par la direction régionale des finances publiques de la Martinique, Mme B... a contesté cette saisie à tiers détenteur, sans obtenir de réponse expresse. Le 26 mars 2018, une mise en demeure de payer a été émise à son encontre pour un montant de 5 412,99 euros. Mme B... a formé, le 14 octobre 2018, auprès de la direction régionale des finances publiques de la Martinique, un recours contre cette mise en demeure qui a été implicitement rejeté et il a été procédé à une saisie sur ses salaires des mois d'avril et mai 2019. Mme B... a alors formé devant le tribunal administratif de la Guyane, le 21 mai 2019, un recours que le tribunal a regardé comme tendant à ce qu'il prononce " le remboursement de l'indu sur rémunération d'un montant total de 5 412,99 euros mis à la charge de l'intéressée par un titre exécutoire du 15 avril 2010 ". Mme B... relève appel du jugement du 25 février 2021 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande comme tardive.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Aux termes de l'article R. 431-1 du code de justice administrative : "Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire". Aux termes de l'article R. 751-3 du même code : "Sauf disposition contraire, les décisions sont notifiées le même jour à toutes les parties en cause et adressées à leur domicile réel, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, sans préjudice du droit des parties de faire signifier ces décisions par acte d'huissier de justice. (...) ". Aux termes de l'article R. 811-2 du même code : "Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 et R. 751-4. (...)". Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence de disposition contraire, alors même qu'une partie aurait fait élection de domicile chez son avocat pendant la durée de l'instance, la notification régulière de la décision juridictionnelle à son domicile réel fait courir le délai d'appel à l'encontre de cette décision

3. Par ailleurs aux termes de l'article R. 811-5 de ce code : " Les délais supplémentaires de distance prévus à l'article R. 421-7 s'ajoutent aux délais normalement impartis. (...) ".

4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié à Mme B... le 27 février 2021 à son domicile réel situé en Guyane. Par suite, sa requête enregistrée à la cour le 26 mai 2021, soit avant l'expiration du délai de trois mois prévu dans un tel cas par les dispositions citées ci-dessus, n'était pas tardive alors même qu'elle déclare élire domicile au cabinet de son avocat situé en métropole. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée par le recteur de l'académie de la Guyane doit être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. Il ressort des écritures de première instance que Mme B..., qui a présenté son recours sans avocat, devait être regardée, compte tenu des moyens soulevés, comme contestant le titre de perception du 15 avril 2010, émis le 23 mars 2010 par le rectorat de l'académie de la Guyane, et la notification de saisie à tiers détenteur du 11 mai 2015 et comme demandant, par voie de conséquence, la décharge de la somme de 5 412,99 euros ainsi que son remboursement. Or il résulte de l'examen du jugement attaqué que les premiers juges ont regardé la demande de Mme B... comme dirigée seulement contre la notification de saisie à tiers détenteur et comme demandant le remboursement des sommes prélevées sur ses rémunérations. Il s'ensuit que le jugement attaqué doit être annulé en tant que le tribunal administratif de la Guyane a omis de statuer sur les conclusions présentées par Mme B... tendant à l'annulation du titre de perception du 15 avril 2010, émis le 23 mars 2010, et à la décharge de la somme portée sur ce titre.

6. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement sur ces conclusions par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de la Guyane.

Sur la recevabilité des demandes de Mme B... devant le tribunal administratif :

7. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci en a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressée sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. Dans le cas où le recours juridictionnel doit obligatoirement être précédé d'un recours administratif, celui-ci doit être exercé, comme doit l'être le recours juridictionnel, dans un délai raisonnable.

8. S'agissant des titres exécutoires, sauf circonstances particulières dont se prévaudrait son destinataire, le délai raisonnable ne saurait excéder un an à compter de la date à laquelle le titre, ou à défaut, le premier acte procédant de ce titre ou un acte de poursuite a été notifié au débiteur ou porté à sa connaissance.

9. S'agissant des actes de poursuites, si la notification de la décision ne comporte pas les mentions prévues par l'article R. 421-5 du code de justice administrative ou si la preuve de la notification de cette décision n'est pas établie, le contribuable doit adresser sa réclamation dans un délai raisonnable à compter de la date à laquelle l'acte de poursuite lui a été notifié ou de celle à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. Sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le contribuable, ce délai ne peut excéder un an.

10. En l'espèce, il résulte de l'instruction que Mme B... a eu connaissance du titre de perception du 15 avril 2010 au plus tard le 3 juillet 2015, date de réception par la direction régionale des finances publiques de la Martinique de son recours administratif préalable dirigé contre la notification de saisie à tiers détenteur du 11 mai 2015, qui constitue un acte de poursuite émis en vue du recouvrement de la somme portée sur ce titre de perception, lequel était bien mentionné sur cette notification. Dès lors, alors même que la notification de saisie à tiers détenteur ne comportait pas d'indication sur la possibilité de contester le titre de perception ni sur les voies et délais de recours, que l'administration ne lui a pas communiqué ce titre de perception et qu'il n'a pas été accusé réception de son recours dirigé contre la notification de saisie à tiers détenteur, c'est à compter du 3 juillet 2015 que le délai d'un an indiqué aux points précédents a commencé à courir tant à l'encontre du titre de perception du 15 avril 2010 qu'à l'encontre de la saisie à tiers détenteur du 11 mai 2015. A cet égard, la mise en demeure de payer émise le 26 mars 2018, qui n'est pas le premier acte de poursuite porté à la connaissance de Mme B..., n'a pu avoir pour effet de rouvrir ou de proroger le délai dont elle disposait pour contester le titre de perception du 15 avril 2010 et la saisie à tiers détenteur du 11 mai 2015. Par ailleurs, les circonstances invoquées par Mme B... tenant à l'envoi de la lettre de relance datée de 2015 à une adresse erronée, à une absence de communication d'information sur la créance malgré ses demandes et à une communication du titre de perception en septembre 2019, qui ne faisaient pas obstacle à ce qu'elle saisisse le juge, ne peuvent être regardées comme constituant des circonstances particulières au sens des considérations rappelées aux points 7 à 9. Dans ces conditions, les conclusions de Mme B... tendant à l'annulation du titre de perception du 15 avril 2010 et de la saisie à tiers détenteur du 11 mai 2015, enregistrées au greffe du tribunal administratif de la Guyane le 21 mai 2019, étaient tardives et, par suite, irrecevables.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de la Guyane tendant à l'annulation du titre de perception du 15 avril 2010, émis le 23 mars 2010, doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins de décharge. Il en est de même, par voie de conséquence et sans qu'il soit besoin d'examiner leur recevabilité, de ses conclusions tendant à l'annulation du rejet implicite du recours gracieux qu'elle a formé le 14 octobre 2018 contre la mise en demeure de payer émise à son encontre le 26 mars 2018.

12. Il résulte également de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la saisie à tiers détenteur et au remboursement des sommes prélevées en exécution de cet acte de poursuite. Par suite, le surplus des conclusions de sa requête doit être rejetée y compris ses conclusions aux fins de décharge et de remboursement ainsi que, dans les circonstances de l'espèce, celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Guyane du 25 février 2021 est annulé en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions présentées par Mme B... tendant à l'annulation du titre de perception du 15 avril 2010, émis le 23 mars 2010, et à la décharge de la somme ainsi mise à sa charge.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de la Guyane tendant à l'annulation de ce titre de perception et à la décharge de la somme ainsi mise à sa charge et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et des sports.

Copie en sera transmise pour information au recteur de l'académie de Guyane et au directeur régional des finances publiques de la Martinique.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juin 2022.

La présidente-rapporteure,

Marianne A...La présidente-assesseure,

Fabienne Zuccarello

La greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°21BX02249 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02249
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Marianne HARDY
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SELAS D'AVOCATS EXEME ACTION

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-06-09;21bx02249 ?
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