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09/06/2022 | FRANCE | N°21BX00738

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 09 juin 2022, 21BX00738


Vu la procédure suivante :

M. D... et Mme C... E..., agissant en leur nom et au nom de leur enfant A..., ont demandé au tribunal administratif de Saint-Martin de condamner le centre hospitalier Louis-Constant Fleming à verser, à leur fils A... une provision de 1 500 000 euros ainsi qu'une rente trimestrielle de 36 764,44 euros ou 402,90 euros par jour, à Mme E... une provision d'un montant de 400 000 euros et à M. E... une provision d'un montant de 200 000 euros.

Par un jugement n° 1100066 du 30 décembre 2015, le tribunal administratif

de Saint-Martin a condamné

le centre hospitalier Louis-Constant Fleming à verser au jeune A... une i...

Vu la procédure suivante :

M. D... et Mme C... E..., agissant en leur nom et au nom de leur enfant A..., ont demandé au tribunal administratif de Saint-Martin de condamner le centre hospitalier Louis-Constant Fleming à verser, à leur fils A... une provision de 1 500 000 euros ainsi qu'une rente trimestrielle de 36 764,44 euros ou 402,90 euros par jour, à Mme E... une provision d'un montant de 400 000 euros et à M. E... une provision d'un montant de 200 000 euros.

Par un jugement n° 1100066 du 30 décembre 2015, le tribunal administratif

de Saint-Martin a condamné le centre hospitalier Louis-Constant Fleming à verser au jeune A... une indemnité de 389 478, 27 euros ainsi qu'une une rente trimestrielle de 8 147, 20 euros,

à M. et Mme E..., une somme de 3 433,60 euros, à Mme E..., une somme de 36 000 euros et à M. E... une somme de 40 000 euros.

Par un arrêt n° 16BX00804 du 24 juillet 2018, rectifié par un arrêt du 18 février 2019, et un arrêt n° 16BX00804 du 31 décembre 2018 la cour a, sur appel des consorts E..., condamné le centre hospitalier Louis-Constant Fleming à verser :

- à M. et Mme E..., en leur qualité de représentants légaux de leur fils A..., une somme de 153 407,36 euros au titre des dépenses de santé, frais divers, frais de déplacement, frais de véhicule et logement adaptés et préjudice scolaire, une somme de 88 000 euros au titre des préjudices personnels subis par celui-ci, une somme de 883 245 euros au titre du préjudice d'assistance par une tierce personne ainsi qu'une indemnité trimestrielle au titre des frais liés au handicap d'un montant représentatif de la prise en charge à domicile de A..., déterminé sur la base d'un taux quotidien fixé à 215 euros ;

- à M. et Mme E..., une somme de 5 927, 18 euros au titre des frais divers ;

- à Mme E..., une somme 40 000 euros au titre de ses préjudices propres.

Par une décision n° 428513, 428515,428516 du 16 février 2021, le Conseil d'Etat a, sur les pourvois de M. et Mme E..., du centre hospitalier Louis-Constant Fleming

de Saint-Martin et de la SHAM, annulé l'arrêt de la cour du 24 juillet 2018 en tant qu'il statue sur les frais échus et à échoir pour l'achat de chaussures orthopédiques, la prise en charge des besoins futurs de A... en soutien psychologique jusqu'à son dix-huitième anniversaire, le remboursement des séances de "biofeedback" suivies en août 2015 et des frais de déplacement, en octobre 2015, du médecin espagnol en charge du suivi des interventions de myoténotomie, les frais exposés pour l'acquisition d'un fauteuil de balançoire, le surplus des demandes de A... et de ses parents au titre des frais de déplacement pour se rendre à des séances de soins et de suivi médical, les pertes de gains professionnels de M. E... et la rente trimestrielle au titre de l'assistance pour tierce personne, annulé l'arrêt de la cour du 31 décembre 2018 en tant qu'il statue sur la rente trimestrielle due par le centre hospitalier au titre de l'assistance par tierce personne, et renvoyé l'affaire à la cour dans la limite des cassations prononcées.

Par des mémoires, enregistrés les 30 juin et 22 novembre 2021, M. et Mme E..., agissant en leur nom propre et en qualité de représentants légaux de leur fils A..., représentés par Me Mescam, demandent à la cour ;

1°) de condamner le centre hospitalier Louis-Constant Fleming à leur verser une provision complémentaire de 496 944, 11 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 3 août 2011, au titre des préjudices subis par A... tenant aux frais de chaussures orthopédiques, aux frais de psychothérapie, aux séances de biofeedback et de myoténotomie, à l'achat d'un siège de balançoire et aux frais d'assistance par tierce personne pour la période de

septembre 2018 à août 2021 ;

2°) de condamner le centre hospitalier Louis-Constant Fleming à leur verser, à compter du 1er septembre 2021, une rente au titre des frais d'assistance par tierce personne, au prorata du nombre de nuits passées au domicile familial au cours du trimestre, d'un montant quotidien de 460, 80 euros par jour non scolarisé et de 307, 20 euros par jour de présence à l'institut d'éducation motrice, revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale ;

3°) de condamner le centre hospitalier Louis-Constant Fleming à verser

à M. E... une somme de 683 562, 14 euros, assortie des intérêts à compter

du 3 août 2011, au titre de son préjudice économique ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier Louis-Constant Fleming une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- leurs conclusions relatives aux frais d'achat de semelles orthopédiques sont recevables ; l'état de santé de A... n'étant pas consolidé, ils sont recevables à actualiser leurs demandes indemnitaires ; en tout état de cause, leurs conclusions n'excèdent pas le montant total des sommes demandées en première instance ;

- le préjudice lié aux frais d'achat de semelles orthopédiques doit être indemnisé au regard du besoin et non de la dépense ; le besoin est en l'espèce incontestable, et a été retenu par l'expert ; une indemnité de 2 226, 75 euros doit leur être allouée en se basant sur un besoin de deux paires par an du 15 février 2010 au 15 février 2021, un coût de 126, 52 euros par paire, déduction faite du remboursement partiel par l'assurance maladie, et un taux de perte de chance de 80 % ;

- une somme de 316 euros doit leur être allouée au titre des frais de psychothérapie exposés entre le 24 juillet 2018 et la majorité de A... ; la nécessité de la poursuite de cette prise en charge psychologique a été retenue par le Conseil d'Etat ; sur la base des justificatifs produits et après application du taux de perte de chance, une somme de 316 euros doit leur être allouée à ce titre ;

- les frais de séances de biofeedback suivies par A... en août 2015 se sont élevés

à 1 500 euros, et les frais de déplacement d'un médecin espagnol pour une séance de myoténotomie en octobre 2015 se sont élevés à 70 euros ; une somme complémentaire de 1 256 euros, correspondant à 80 % du montant total de ces frais, doit donc leur être allouée ;

- l'achat d'un siège de balançoire spécial handicap est nécessaire pour A..., atteint d'un retard mental et qui ne peut utiliser un siège de balançoire classique ; après application du taux de perte de chance, une somme de 208, 80 euros doit leur être allouée à ce titre ;

- l'indemnisation des frais de déplacements de A... ne peut être limitée au seul voyage en avion à B... en février 2008 ; le déplacement effectué à B... n'a pu se faire qu'en avion ; le billet d'avion correspondant ayant été perdu, il convient de se référer au prix du billet payé en février 2008 ; ils se sont rendus à Barcelone à cinq reprises depuis la naissance de A... pour des séances de myoténotomie ; il convient de les indemniser de ces déplacements, réalisés en voiture, en se basant sur un trajet aller-retour de 1 300 km, des frais de péage de 70, 80 euros par trajet et sur le barème fiscal pour un véhicule de 6 CV ; ils ont aussi exposé des frais de déplacement en taxi pour se rendre de leur domicile parisien à des séances de kinésithérapie et de rééducation psychomotrice ; ils ont ensuite exposé des frais de déplacement en voiture pour se rendre de leur domicile à Saint Médard en Jalles à des séances de kinésithérapie, de rééducation psychomotrice, de podologie, d'ophtalmologie, à des examens de radiologie, à une consultation d'ostéopathie réalisée dans la perspective de mise en place de séances de myoténotomie, à une séance de bilan post-myoténotomie, à des séances de neuro feedback qui relèvent de la même branche que les soins de biofeedback, de psychothérapie, d'ostéopathie, de prothésiste, d'ORL et d'allergologie ; une somme totale de 15 093, 36 euros doit leur être allouée après application du taux de perte de chance ;

- s'agissant des frais d'assistance par tierce personne à compter de septembre 2018, il convient de se baser sur un besoin de 24 heures par jour, et de 16 heures par jour s'agissant des 144 jours par an durant lesquels A... est scolarisé ; il convient cependant de prendre en compte, depuis septembre 2018, les jours d'éviction scolaire ; l'indemnisation doit être faite sur la base d'un taux horaire de 24 euros ; sur ces bases, une somme de 477 843, 20 euros leur sera allouée pour la période allant de septembre 2018 à juillet 2021 ; à compter d'août 2021, l'indemnisation leur sera allouée sous forme d'une rente, versée de manière trimestrielle, de 460, 80 euros par jour à domicile et de 307, 20 euros par jour de scolarisation, au prorata du nombre de nuits passées au domicile au cours d'un trimestre ; le montant de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé perçu depuis septembre 2018 n'a pas à être déduit de leur indemnisation dès lors que le montant cumulé de cette indemnisation et de cette allocation n'excède pas le montant total des frais d'assistance par tierce personne ; la rente assistance tierce personne doit être versée au-delà des 18 ans de A..., dans l'attente de l'expertise relative à l'état consolidé de A... ;

- ils doivent être indemnisés de leur préjudice propre lié aux frais de déplacement à B... en août 2018 ; ce déplacement n'a pu se faire qu'en avion ; les billets d'avion correspondants ayant été perdus, il convient de se référer au prix des billets payés en

février 2008 ;

- le Conseil d'Etat a retenu le lien de causalité entre l'installation en métropole et la perte de revenus de M. E... ; il est porteur d'un handicap qui limite ses possibilités d'emplois ; il n'est pas parvenu, malgré ses démarches de recherche d'emploi, à retrouver un niveau de rémunération équivalent à celui qu'il avait en Guadeloupe ; il convient de se baser sur le revenu annuel de 25 845 euros perçu en 2005, et d'appliquer l'indice INSEE ; de 2006 à 2020, sa perte de revenus s'élève à 225 173, 85 euros, à laquelle il faut ajouter une perte de retraite

de 628 506, 82 euros, soit une indemnisation totale de 682 944, 54 euros après application du taux de perte de chance ; il n'a connu l'étendue réelle de sa perte de revenus que postérieurement au jugement attaqué, de sorte que la fin de non-recevoir opposée à ses conclusions indemnitaires ne peut être accueillie.

Par un mémoire enregistré le 29 octobre 2021, le centre hospitalier Louis-Constant Fleming de Saint-Martin et la SHAM, représentés par Me Le Prado, concluent au rejet des conclusions des consorts E....

Ils soutiennent que :

- les conclusions tendant à la réparation des frais d'achat de semelles orthopédiques sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables ;

- les conclusions tendant à la réparation des pertes de gains professionnels

de M. E... sont irrecevables en ce qu'elles excèdent la somme demandée à ce titre en première instance ;

- le préjudice lié aux frais d'achat de semelles orthopédiques est un préjudice matériel pour lequel la réalité des dépenses effectivement exposées doit être établie ; en l'espèce, seule une facture de 126, 52 euros est produite ; M. et Mme E... étaient en mesure de conserver les factures d'achat de chaussures ; l'indemnisation ne saurait excéder la somme

de 126, 52 euros ;

- les conclusions de M. et Mme E... tendant au versement d'une somme

de 316 euros au titre des frais de psychothérapie peuvent être accueillies ;

- le tribunal a déjà alloué aux époux E... une somme de 15 070 euros au titre des séances de biofeedback et de myoténotomie ; les requérants ne justifient pas qu'une somme complémentaire de 1 256 euros leur serait due ;

- la nécessité de l'achat d'un fauteuil de balançoire n'est pas établie ; il ne résulte pas de l'instruction qu'un tel matériel serait nécessaire au développement de A... ;

- les frais de déplacement à Barcelone ont déjà été indemnisés par le tribunal au titre des frais de biofeedback et de myoténotomie ; le déplacement à Evry pour une séance d'ostéopathie n'est pas justifié, un tel besoin n'ayant pas été retenu par l'expert ; en admettant même un tel besoin, il n'est pas justifié de la nécessité de réaliser ces soins à 620 km du domicile des intéressés ;

- les frais de déplacement pour des séances de neuro biofeedback et des consultations d'ORL et d'allergologie ne peuvent être indemnisés, la nécessité de tels soins n'ayant pas retenue par l'expert ;

- s'agissant de l'assistance par tierce personne, il n'est pas établi qu'elle impliquerait une technicité particulière justifiant un coût horaire supérieur à 13 euros ; le temps passé en institution ne peut être pris en compte, et il convient de suspendre le versement de la rente en cas d'hospitalisation ; le montant des aides perçues au titre de cette assistance doit être déduit de l'indemnisation allouée ;

- M. E... n'établit pas qu'il ne pouvait pas retrouver un emploi avec un salaire équivalent en métropole, ni davantage qu'il aurait continué à travailler pour le compte du même employeur et à percevoir le même salaire s'il n'avait pas déménagé ; en cas d'indemnisation de la perte de revenus alléguée, elle ne saurait être calculée sur la base des revenus qu'il percevait en 2005 avec une revalorisation et jusqu'à l'âge de la retraite ; la somme allouée ne saurait excéder celle de 20 000 euros accordée par le tribunal.

Par une ordonnance du 24 novembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée

au 7 janvier 2022.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience

Ont été entendus au cours de l'audience publique

- le rapport de Mme Beuve Dupuy, première conseillère,

- les conclusions de Mme Gallier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Veyrières pour les consorts E... et Me Gilbert pour le centre hospitalier Louis-Constant Fleming de Saint-Martin et la SHAM

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... a, le 15 février 2003, accouché au centre hospitalier Louis-Constant Fleming du jeune A..., qui est atteint d'un handicap caractérisé par une tétraparésie spastique avec absence de langage, retard mental et troubles de l'attention. Par un jugement

du 30 décembre 2015, le tribunal administratif de Saint-Martin a jugé que les manquements commis par la sage-femme ayant pris en charge Mme E... lors de son accouchement, en particulier l'absence de prise en compte des signes de souffrance fœtale ayant entraîné un retard d'extraction, laquelle aurait dû être réalisée précocement par césarienne, avaient fait perdre à A... une chance d'éviter tout ou partie des séquelles dont il est resté atteint, et a fixé le taux

de perte de chance à 80 %. Le tribunal a condamné le centre hospitalier Louis-Constant Fleming à verser à A..., à titre provisionnel pour la période allant de sa naissance à sa majorité,

une somme de 389 478, 27 euros ainsi qu'une rente trimestrielle de 8 147, 20 euros,

à M. et Mme E..., une somme de 3 433,60 euros, à Mme E..., une indemnité

de 36 000 euros et à M. E... une indemnité de 40 000 euros. Par un arrêt

du 24 juillet 2018, rectifié par un arrêt du 18 février 2019, et un arrêt du 31 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux a confirmé l'engagement de la responsabilité pour faute du centre hospitalier et le taux de perte de chance de 80 % et a condamné le centre hospitalier à verser à M. et Mme E..., en leur qualité de représentants légaux de leur fils A..., à titre de provision jusqu'à sa majorité, une somme de 153 407,36 euros au titre des dépenses de santé, frais divers, frais de déplacement, frais de véhicule et logement adapté et préjudice scolaire, une somme de 88 000 euros au titre des préjudices personnels subis par celui-ci, une somme

de 883 245 euros au titre du préjudice d'assistance par une tierce personne ainsi qu'une indemnité trimestrielle au titre des frais liés au handicap d'un montant représentatif de la prise en charge à domicile de A..., déterminé sur la base d'un taux quotidien fixé à 215 euros. La cour a en outre condamné le centre hospitalier à verser à M. et Mme E... une somme

de 5 927, 18 euros au titre des frais divers et à Mme E... une somme de 40 000 euros au titre de ses préjudices propres. La cour a enfin rejeté le surplus des conclusions indemnitaires.

2. Par une décision n° 428513, 428515,428516 du 16 février 2021, le Conseil d'Etat a, sur les pourvois de M. et Mme E..., du centre hospitalier Louis-Constant Fleming de Saint-Martin et de la SHAM, annulé l'arrêt de la cour du 24 juillet 2018 en tant qu'il statue sur les frais échus et à échoir pour l'achat de chaussures orthopédiques, la prise en charge des besoins futurs de A... en soutien psychologique jusqu'à son dix-huitième anniversaire, le remboursement des séances de "biofeedback" suivies en août 2015 et des frais de déplacement, en octobre 2015, du médecin espagnol en charge du suivi des interventions de myoténotomie, les frais exposés pour l'acquisition d'un fauteuil de balançoire, le surplus des demandes de A... et de ses parents au titre des frais de déplacement pour se rendre à des séances de soins et de suivi médical, les pertes de gains professionnels de M. E... et la rente trimestrielle au titre de l'assistance par tierce personne, annulé l'arrêt de la cour du 31 décembre 2018 en tant qu'il statue sur la rente trimestrielle due par le centre hospitalier au titre de l'assistance par tierce personne, et renvoyé l'affaire à la cour dans la limite des cassations prononcées.

Sur les préjudices de A... E... :

En ce qui concerne les dépenses de santé :

S'agissant des frais d'achat de chaussures orthopédiques :

3. M. et Mme E... demandent à la cour de leur verser une somme

de 2 226, 75 euros correspondant à l'achat de deux paires de chaussures orthopédiques par an pour la période allant du 15 février 2010 au 15 février 2021, date à laquelle A... est devenu majeur.

4. La personne qui a demandé au tribunal administratif la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors qu'ils se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle. Par suite, contrairement à ce que soutiennent le centre hospitalier Louis-Constant Fleming de Saint-Martin et la SHAM, les requérants sont recevables à demander pour la première fois en appel la réparation du préjudice lié aux frais d'achat de chaussures orthopédiques, imputable selon eux aux fautes commises par le centre hospitalier le jour de la naissance de A....

5. Il résulte de l'instruction, en particulier de l'annexe au rapport d'expertise judiciaire déposé le 7 juillet 2014, que le handicap présenté par A... justifie le port de chaussures orthopédiques, à renouveler tous les six mois en fonction de la croissance. A... étant devenu majeur le 15 février 2021, les dépenses y afférentes ne sont plus à échoir à la date du présent arrêt. Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à demander une provision dont le montant serait évalué en fonction d'un besoin futur, mais cette provision doit être fixée sur la base des frais effectivement exposés jusqu'au 15 février 2021. A cet égard, les appelants produisent une première facture d'achat d'une paire de chaussures orthopédiques établie le 31 octobre 2012 pour un montant de 149 euros. Cependant, cette facture ne fait pas apparaître la part prise en charge par l'assurance maladie, et les requérants ont affirmé dans leurs écritures de première instance, notamment dans un mémoire enregistré le 5 octobre 2015, soit postérieurement à cette facture, que les chaussures orthopédiques achetées pour leur fils leur avaient été intégralement remboursées. Les appelants produisent une seconde facture, établie le 4 avril 2016 pour un montant de 187,50 euros dont 126, 52 euros restant à leur charge, et font valoir qu'ils n'ont pas conservé les autres factures d'achat, ce qui rend inutile une mesure d'instruction. Dans ces conditions, après application du taux de perte de chance, le préjudice doit être fixé à la somme

de 101, 21 euros.

S'agissant des frais de soutien psychologique et de sophrologie exposés

du 24 juillet 2018 au 15 février 2021 :

6. Il résulte de l'instruction que A..., confronté du fait de son handicap à des difficultés émotionnelles et relationnelles, a bénéficié depuis l'arrêt de la cour du 24 juillet 2018 et jusqu'à sa majorité de séances de soutien psychologique et de sophrologie. M. et Mme E... justifient des frais engagés jusqu'à la majorité de A... par la production des factures correspondantes, d'un montant total de 395 euros. Après application du taux de perte de chance, il y a lieu de condamner le centre hospitalier à leur verser une somme de 316 euros à ce titre.

S'agissant des soins de " biofeedback" en août 2015 et de " myoténotomie " en

octobre 2015 :

7. M. E... justifie, par la production des factures y afférentes, avoir exposé une dépense de 1 500 euros correspondant aux séances de " biofeedback " suivies par A...

du 17 au 22 août 2015 à Paris et une dépense de 70 euros correspondant aux frais de déplacement d'un médecin espagnol pour la réalisation, le 24 octobre 2015, d'une séance de " myoténotomie ". Contrairement à ce que font valoir le centre hospitalier et son assureur, l'indemnité de 15 070 euros allouée par le tribunal administratif de Saint-Martin au titre

des soins de biofeedback et de myoténotomie, portée à 23 639 euros par l'arrêt de la cour

du 24 juillet 2018, n'incluait pas ces dépenses d'un montant total de 1 570 euros. Compte tenu du taux de perte de chance, il y a lieu d'allouer à M. et Mme E... une provision complémentaire de 1 256 euros.

En ce qui concerne les frais divers :

S'agissant des frais exposés pour l'acquisition d'un fauteuil de balançoire :

8. M. et Mme E... ont acquis le 3 juillet 2016 un siège de balançoire adapté, pour un poids maximal de 70 kg. Il résulte de l'instruction que A..., âgé de 13 ans à la date de cet achat mais atteint d'un important retard mental, présente une tétraplégie avec hypertonie des quatre membres faisant obstacle à ce qu'il puisse s'adonner à la balançoire sans siège adapté. Dans ces conditions, et alors même que l'expertise judiciaire n'a pas mentionné la nécessité d'un tel équipement, cette dépense a été rendue nécessaire par les fautes commises par le centre hospitalier à la naissance de A.... Cette dépense s'étant élevée à 261 euros d'après la facture correspondante, il y a lieu d'allouer à ce titre, après application du taux de perte de chance, une somme de 208, 80 euros.

S'agissant des frais de déplacement :

9. En premier lieu, il résulte de l'instruction que A... s'est rendu à B... en août 2008 pour y suivre des séances de " biofeedback ", thérapie qui n'était alors pas encore importée en France. Si les requérants ne sont pas en mesure de produire les justificatifs des frais de déplacement de A... correspondants, l'existence d'un tel préjudice n'est pas contestée. Dans ces conditions, le déplacement n'ayant pu qu'être effectué par avion, il y a lieu d'évaluer les frais occasionnés par ce déplacement par référence au coût du billet d'avion exposé en février 2008, période à laquelle A... s'était rendu une première fois à B... pour y suivre le même traitement, soit 599, 64 euros d'après la facture produite. Contrairement à ce que font valoir le centre hospitalier et la SHAM, ces frais n'ont pas été indemnisés par le jugement du tribunal administratif de Saint-Martin qui, à son point 11, n'a accueilli la demande relative aux frais de déplacement que s'agissant de ceux exposés pour se rendre à B... en février 2008.

10. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que A..., qui vit à Saint-Médard-en-Jalles (Gironde) depuis mai 2005, s'est rendu à Barcelone en octobre et décembre 2008,

juin 2010, avril 2013 et avril 2016 pour y suivre des séances de " myoténotomie " destinée à éliminer ses multiples rétractions musculaires par chirurgie percutanée, et améliorer la fonctionnalité de ses muscles. Les requérants affirment que les trajets ont été réalisés en voiture, et établissent, par la production des factures d'achat de véhicule et d'un certificat d'immatriculation, que leurs véhicules successifs étaient dotés d'une puissance de 6 CV à la date de ces déplacements. Compte tenu de la distance de 1 300 kilomètres parcourue pour chacun de ces déplacements et du barème fiscal kilométrique applicable pour un trajet de moins

de 5 000 km et un véhicule de 6 CV au titre des années en cause, soit 0, 536 en 2008, 0, 544 en 2010, 0, 565 en 2013 et 0, 568 en 2016, les frais de transport peuvent être estimés à 3 572 euros. Il convient également de prendre en compte les frais de péage, qui peuvent être estimés à un total de 150 euros pour les cinq trajets parcourus en se basant sur la note de frais établie par les requérants en 2021. Ainsi qu'il a été dit au point 9, ces frais de déplacement, évalués à la somme totale de 3 722 euros, n'ont pas été indemnisés par le tribunal administratif de Saint-Martin.

11. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que A..., installé avec sa mère

à Issy-les-Moulineaux de septembre à novembre 2003, s'est rendu à onze séances de kinésithérapie à Paris et à deux séances de rééducation psychomotrice à Boulogne. Les requérants soutiennent, sans être contredits, que, du fait du lourd handicap présenté par l'enfant, ces trajets, qui ne pouvaient être réalisés en transports en commun, l'ont été en taxi. Les requérants affirment qu'ils n'ont pas conservé les justificatifs de paiement des courses en taxi. Eu égard à l'estimation du montant des courses en taxi en 2015 produite par les requérants, et afin de tenir compte de ce que cette estimation a été faite plusieurs années après les déplacements en cause, il y a lieu de retenir un coût unitaire de 40 euros par déplacement pour se rendre aux séances de kinésithérapie et de 20 euros par déplacement pour se rendre aux séances de psychomotricité, soit un coût total de 480 euros.

12. En quatrième lieu, les requérants établissent que, dans le cadre du suivi multidisciplinaire que nécessite son handicap, A..., dont le domicile est à Saint-Médard-en-Jalles, a suivi des séances de kinésithérapie dans un cabinet situé à 15 km du domicile. Selon les affirmations non contredites des requérants, corroborées par un certificat médical établi

le 22 avril 2008, il a bénéficié de deux séances par semaine à partir du 17 mai 2005 et jusqu'à son entrée en institut d'éducation motrice (IEM) en septembre 2009, soit 52 séances en 2005, 104 en 2006, 104 en 2007, 104 en 2008 et 70 en 2009. Il ne résulte pas de l'instruction,

et notamment pas du relevé de débours produit en première instance par la caisse de sécurité sociale de la Guadeloupe, que les frais de déplacement pour se rendre à ces séances auraient été pris en charge par l'assurance maladie. M. et Mme E... établissent aussi que A... a suivi, du 19 mai 2005 et jusqu'à son entrée en IEM, des séances de psychomotricité dans un cabinet distant de 16,5 km du domicile à raison d'une séance par semaine en 2005,

soit 28 séances, puis, d'après le listing fourni, 74 séances en 2006, 25 séances en 2007,

21 séances en 2008 et 12 séances en 2009. A... s'est également rendu, en 2007, 2008 et 2009, à trois séances de podologie dans un cabinet situé à 23 km du domicile. Le rapport d'expertise judiciaire retient par ailleurs la nécessité de réaliser une fois par an une radiographie du dos et des hanches, et les requérants affirment, sans être contredits, que ces examens ont été réalisés, pour chacune des années 2005 à 2015, dans un cabinet situé à Mérignac, soit à 21 km de leur domicile. Il est également démontré que A... s'est rendu au CHU de Bordeaux, situé à 13, 5 km du domicile, pour deux séances d'ophtalmologie par an de 2005 à 2013, une intervention de ténotomie le 1er mars 2012 et des injections de toxine botulique réalisées, d'après les éléments versés, en juin 2007, en mars 2008, en octobre 2012, en mai, septembre et décembre 2014, en mai et décembre 2015, en octobre 2016, en mars, juin, août et novembre 2017, en mars et

juin 2018, en janvier, juin, septembre et décembre 2019 et en juin et novembre 2020. A... s'est également rendu, de mars à mai 2014, à 20 séances de " neurofeedback ", lesquelles ont pour objet de renforcer le contrôle émotionnel et sont ainsi en lien avec son handicap, assurées dans un cabinet situé à 8, 5 km du domicile. Il a aussi consulté une psychologue, dont le cabinet est situé à 4 km du domicile, à raison de 4 séances en 2014 et 9 séances en 2015. Il s'est rendu à trois consultations ophtalmologiques en 2013, 2016 et 2018 dans une clinique située à 30 km du domicile. Doivent également être regardés comme rendues nécessaires par la lourdeur du handicap et la spécificité de la prise en charge requise, l'évaluation ostéopathique

du 28 janvier 2009, faite dans le cadre de la mise en place de séances de " myoténotomie ", puis le bilan " post-myoténofasciotomie " du 27 octobre 2017, organisés par l'association " Un sourire pour l'espoir " à Evry, soit à 600 km du domicile familial. En revanche, les requérants n'établissent pas la réalité des consultations chez un ostéopathe et un prothésiste au titre desquelles ils sollicitent l'indemnisation de frais de déplacement, et ne démontrent pas que les trois consultations chez un ORL et la séance chez un allergologue dont ils font état seraient en lien avec le handicap conservé par A... du fait des fautes commises dans sa prise en charge.

13. Compte tenu de ce qui a été dit, les requérants établissent avoir parcouru, afin de se rendre aux consultations médicales retenues au point 12, 2 097 km en 2005, 4 416 km en 2006, 3 680 km en 2007, 3 614 km en 2008, 3 619 km en 2009, 75 km en 2010, 75 km en 2011,

129 km en 2012, 135 km en 2013, 474 km en 2014, 147 km en 2015, 87 km en 2016, 1308 km en 2017, 114 km en 2018, 108 km en 2019 et 54 km en 2020. Compte tenu du barème fiscal kilométrique applicable pour un trajet de moins de 5 000 km et un véhicule de 6 CV au titre des années en cause, soit 0, 505 en 2005, 0, 514 en 2006, 0, 521 en 2007, 0, 536 en 2008 et 2009,

0, 544 en 2010, 0, 561 en 2011 et 2012, 0, 565 en 2013, 0, 568 de 2014 à 2018 et 0, 574 en 2019 et 2020, ces frais de transport peuvent être estimés à 10 651 euros.

14. Il résulte de ce qui a été dit aux points 9 à 13 que les frais de déplacement de A... pour se rendre aux diverses consultations et soins nécessités par son handicap se sont élevés à la somme totale de 15 452, 64 euros. Il y a lieu d'allouer à M. et Mme E..., après application du taux de perte de chance de 80 %, une somme de 12 362euros à ce titre.

En ce qui concerne les frais d'assistance par une tierce personne :

S'agissant des frais pour la période allant du 1er septembre 2018 au 15 février 2021 :

15. Par sa décision du 16 février 2021, le Conseil d'Etat a annulé l'article 6 de l'arrêt

du 24 juillet 2018 fixant, jusqu'à la majorité de A..., le montant de la rente trimestrielle due par le centre hospitalier au titre de l'assistance par tierce personne sur une base de 80 euros par jour, sous déduction le cas échéant de la prestation de compensation du handicap versée pour cette même période ou du complément d'allocation d'éducation de l'enfant handicapé. Il a également annulé l'article 2 de l'arrêt du 31 décembre 2018 condamnant le centre hospitalier, à compter de la rentrée scolaire 2018 et par trimestre échu, à verser une indemnité au titre des frais liés au handicap d'un montant représentatif de la prise en charge à domicile de A..., déterminé sur la base d'un taux quotidien fixé à 215 euros. Il s'ensuit que les motifs de l'arrêt du 24 juillet 2018 qui constituaient le soutien nécessaire de son article 6, relatifs à la durée du besoin en tierce personne de A..., au nombre annuel de jours de scolarisation de l'enfant en IEM et au montant quotidien de la rente à verser, ne sont plus revêtus de l'autorité de la chose jugée.

16. A... étant devenu majeur le 15 février 2021, les frais d'assistance par tierce personne exposés du 1er septembre 2018 à sa majorité ne sont plus à échoir, mais échus, à la date du présent arrêt.

17. Il résulte de l'instruction, notamment du certificat médical établi par

un neuro-pédiatre les 23 mai et 30 août 2018, que l'état de grande dépendance de A... ne lui permet pas de rester seul, une surveillance continue rapprochée nuit et jour étant nécessaire en raison du risque d'encombrement respiratoire et de vomissements. Son besoin d'assistance par une tierce personne doit, compte tenu de la gravité du handicap, être évalué à 24 heures par jour, ramené à 16 heures au titre des jours où A... est scolarisé en IEM. Il résulte des attestations établies le 25 mars 2021 par l'IEM accueillant A... que, sur la période allant

du 1er septembre 2018 au 15 février 2021, ce dernier a été scolarisé 177 jours et est resté à son domicile les 721 jours restants. Le besoin d'assistance par tierce personne pour la période allant du 1er septembre 2018 au 15 février 2021 doit, dans ces conditions, être fixé à un total

de 20 136 heures.

18. Il résulte des factures et fiches de paie versées au dossier que, au titre de la période en cause, cette assistance a été apportée par des personnes salariées à hauteur de 1 867, 5 heures, pour un coût de 43 338, 98 euros comprenant le recours à une association prestataire de services puis les salaires chargés exposés par M. et Mme E.... L'assistance a, pour le surplus, qui peut être estimé à 18 268,5 heures, été apportée par les parents de A.... En se fondant sur un taux horaire moyen de rémunération, tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche, fixé à 14 euros, et en retenant une base annuelle

de 412 jours, incluant les congés payés, il sera fait une exacte appréciation de l'assistance apportée par M. et à Mme E... en l'évaluant à 288 692 euros. Par suite, les frais d'assistance de A... pour la période allant du 1er septembre 2018 au 15 février 2021 peuvent être fixés à la somme totale de 332 030, 98 euros, soit une indemnisation de 265 624 euros après application du taux de perte de chance.

19. En vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire de l'indemnisation allouée à la victime d'un dommage corporel au titre des frais d'assistance par une tierce personne le montant des prestations dont elle bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. Cette règle ne trouve à s'appliquer que dans la mesure requise pour éviter une double indemnisation de la victime. Par suite, lorsque la personne publique responsable n'est tenue de réparer qu'une fraction du dommage corporel, notamment parce que la faute qui lui est imputable n'a entraîné qu'une perte de chance d'éviter ce dommage, la déduction ne se justifie, le cas échéant, que dans la mesure nécessaire pour éviter que le montant cumulé de l'indemnisation et des prestations excède le montant total des frais d'assistance par une tierce personne.

20. Il résulte de l'instruction, et en particulier de l'attestation de paiement établie

le 29 juin 2021 par la Caisse d'allocations familiales (CAF), que M. et Mme E... ont perçu l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé pour un montant total de 21 646, 18 euros au titre de la période allant du 1er septembre 2018 au 15 février 2021. Le montant cumulé de cette allocation et de l'indemnisation qui doit être mise à la charge du centre hospitalier n'excède pas le montant total des frais d'assistance. Par suite il n'y a pas lieu de déduire cette allocation de l'indemnité de 265 624 euros allouée à A....

S'agissant des frais pour la période postérieure au 15 février 2021 :

21. La cour ne peut statuer, dans le cadre de la présente instance, que dans la limite des cassations prononcées par la décision du Conseil d'Etat du 16 février 2021. Les conclusions de M. et Mme E... tendant à la réparation des frais d'assistance par tierce personne subis par A... depuis son dix-huitième anniversaire ne peuvent, par suite, être accueillies.

Sur les préjudices de M. et Mme E... :

En ce qui concerne les frais de déplacement :

22. Ainsi qu'il a été dit au point 9, A... s'est rendu à B... en août 2008 pour y suivre des séances de " biofeedback ". Si les requérants ne sont pas en mesure de produire les justificatifs des frais de déplacement de Mme E..., il est constant que cette dernière avait accompagné son fils à B... lors du premier déplacement effectué en février 2008. Le déplacement n'ayant pu qu'être effectué par avion, il y a lieu d'évaluer les frais de transport de Mme E... par référence au coût du billet d'avion en février 2008, soit 718, 64 euros d'après la facture produite. En revanche, il n'est pas établi que M. E..., qui ne justifie pas avoir accompagné son fils lors du premier déplacement en février 2008, l'aurait accompagné à B... en août 2008, ni même que l'accompagnement des deux parents de A... aurait été requis. Dans ces conditions, les frais de déplacement de M. et Mme E... afférents au déplacement en août 2008 à B... doivent être évalués à 718, 64 euros, soit une indemnité

de 574 euros après application du taux de perte de chance.

En ce qui concerne le préjudice économique de M. E... :

23. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. E... a occupé, sous couvert d'un contrat à durée indéterminée, un emploi d'assistant technique conseiller en Guadeloupe

du 16 janvier 1986 au 30 novembre 2006, avant de solliciter un congé sans solde d'un an, puis de démissionner le 30 novembre 2007 afin de rejoindre définitivement son épouse et son fils en métropole, cette installation répondant à la nécessité d'offrir à A... une meilleure prise en charge. Il résulte des avis d'impôt sur le revenu établis au titre des années 2005 à 2020 que M. E... n'a pas retrouvé, en métropole, le niveau de revenus que lui procurait son emploi en Guadeloupe. Cependant, s'il établit avoir vainement recherché un emploi équivalent en 2006 et 2007, il ne démontre pas avoir poursuivi de telles recherches à partir de 2008. Il résulte au contraire des avis d'impôts sur les revenus des années 2008 et suivantes qu'à partir de l'année 2008, M. E... a tiré l'essentiel de ses revenus professionnels d'une activité commerciale. Si M. E... fait valoir, en produisant un certificat médical, qu'il est physiquement inapte au port de charges lourdes et au travail sur des machines de travaux publics, il n'établit pas que cette invalidité l'aurait empêché de retrouver un emploi équivalent à celui exercé avant son installation en métropole. En se bornant à produire une lettre de candidature rédigée en 2006 et un refus de recrutement reçu en 2007, le requérant ne démontre pas davantage que sa reconversion, à partir de 2008, dans une activité commerciale, trouverait son origine dans une impossibilité à retrouver un emploi de bureau en métropole. Dans ces conditions, seules les pertes de revenus subies au cours des années 2006 et 2007 doivent être regardées comme imputables au handicap conservé par A... à raison des fautes commises par le centre hospitalier. En se basant sur les avis d'impôt sur les revenus de M. E... des années 2005, 2006

et 2007, et sans qu'il y ait lieu d'appliquer une indexation sur le coût de la vie compte tenu de la brièveté de la période en cause, l'intéressé justifie d'une perte de revenus de 25 939 euros, et peut donc prétendre à une indemnisation de 20 751 euros après application du taux de perte de chance.

24. En second lieu, M. E... n'étant pas, du fait du handicap de son fils, dans l'incapacité de retrouver un emploi lui assurant une rémunération plus élevée que celle perçue depuis sa démission de son emploi en Guadeloupe, les préjudices futurs de perte de revenus et de perte de retraite dont il sollicite la réparation revêtent, à la date du présent arrêt, un caractère purement éventuel. Ses conclusions indemnitaires ne peuvent dès lors, sur ce point, qu'être rejetées.

25. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 23 et 24, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier et la SHAM, l'indemnisation du préjudice économique de M. E... doit être fixée à la somme de 20 751 euros.

26. Il résulte de tout ce qui précède que le centre hospitalier Louis Constant Fleming doit être condamné à verser à M. et Mme E..., en leur qualité de représentants légaux de leur fils A..., une somme de 101, 21 euros au titre des frais d'achat de chaussures orthopédiques, une somme de 316 euros au titre des frais de soutien psychologique et de sophrologie exposés du 24 juillet 2018 au 15 février 2021, une somme de 1 256 euros au titre des séances de "biofeedback" suivies en août 2015 et des frais de déplacement, en octobre 2015, du médecin espagnol en charge du suivi des interventions de myoténotomie, une somme

de 208, 80 euros au titre des frais exposés pour l'acquisition d'un fauteuil de balançoire, une somme de 12 362 euros au titre des frais de déplacement pour se rendre à des séances de soins et de suivi médical et une somme de 265 624 euros au titre des frais d'assistance par tierce personne pour la période du 1er septembre 2018 au 15 février 2021. L'établissement doit aussi être condamné à verser, à M. et Mme E..., une somme de 574 euros au titre des frais de déplacement à B... en août 2018 et, à M. E..., une somme de 20 751 en réparation

de ses pertes de gains professionnels.

Sur les intérêts :

27. Les sommes complémentaires allouées par le présent arrêt à M. et Mme E... porteront intérêts au taux légal à compter du 3 août 2011, ainsi qu'ils le demandent.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

28. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier Louis Constant Fleming une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme E... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le centre hospitalier Louis Constant Fleming est condamné à verser à

M. et Mme E..., en leur qualité de représentants légaux de leur fils A..., une somme

de 101, 21 euros au titre des frais d'achat de chaussures orthopédiques, une somme de 316 euros au titre des frais de soutien psychologique et de sophrologie exposés du 24 juillet 2018 au

15 février 2021, une somme de 1 256 euros au titre des séances de "biofeedback" suivies en août 2015 et des frais de déplacement, en octobre 2015, du médecin espagnol en charge du suivi des interventions de myoténotomie, une somme de 208,80 euros au titre des frais exposés pour l'acquisition d'un fauteuil de balançoire, une somme de 12 362 euros au titre des frais

de déplacement pour se rendre à des séances de soins et de suivi médical et une somme

de 265 624 euros au titre des frais d'assistance par tierce personne pour la période

du 1er septembre 2018 au 15 février 2021.

Article 2 : Le centre hospitalier Louis Constant Fleming est condamné à verser

à M. et Mme E... une somme de 574 euros au titre des frais de déplacement à B...

en août 2018.

Article 3 : Le centre hospitalier Louis Constant Fleming est condamné à verser à M. E... une somme de 20 751 euros en réparation de ses pertes de gains professionnels.

Article 4 : Les sommes citées aux articles 1er, 2 et 3 porteront intérêts légaux à compter

du 3 août 2011.

Article 5 : Le jugement n° 1100066 du 30 décembre 2015 du tribunal administratif

de Saint-Martin est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 6 : Le surplus des conclusions indemnitaires de M. et Mme E... est rejeté.

Article 7 : Le centre hospitalier Louis Constant Fleming versera à M. et Mme E... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... et Mme C... E..., au centre hospitalier Louis-Constant Fleming de Saint-Martin, à la société hospitalière des assurances mutuelles, à la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.

Délibéré après l'audience du 17 mai 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juin 2022.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve Dupuy

La présidente,

Catherine Girault

Le greffier,

Fabrice Benoit

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de la prévention en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX00738


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00738
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : SARL LE PRADO - GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-06-09;21bx00738 ?
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