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09/06/2022 | FRANCE | N°20BX00207

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 09 juin 2022, 20BX00207


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 28 décembre 2017 du ministre des armées rejetant son recours formé devant la commission des recours des militaires à l'encontre de la décision du 8 juin 2017 par laquelle le ministre des armées l'a affectée à la base aérienne de Bordeaux.

Par un jugement n° 1800254 du 18 novembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requ

ête et des mémoires, enregistrés le 15 janvier 2020, le 3 juillet 2020 et le 31 mars 2022, Mme ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la décision du 28 décembre 2017 du ministre des armées rejetant son recours formé devant la commission des recours des militaires à l'encontre de la décision du 8 juin 2017 par laquelle le ministre des armées l'a affectée à la base aérienne de Bordeaux.

Par un jugement n° 1800254 du 18 novembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 15 janvier 2020, le 3 juillet 2020 et le 31 mars 2022, Mme B..., représentée par Me Maumont, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 18 novembre 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 28 décembre 2017 du ministre des armées rejetant son recours formé devant la commission des recours des militaires à l'encontre de la décision du 8 juin 2017 par laquelle le ministre des armées l'a affectée à la base aérienne de Bordeaux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la mesure constitue une sanction disciplinaire déguisée ou à tout le moins prise en considération de la personne et elle n'a pas été mise à même de consulter son dossier ;

- compte tenu des agissements de harcèlement moral qu'elle y a subi, la ministre a commis une erreur manifeste d'appréciation en l'affectant à la base aérienne de Bordeaux ;

- la décision est entachée d'un détournement de pouvoir et méconnait l'article L. 4121-5 du code de la défense.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2022, la ministre des armées, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- la loi du 22 avril 1905 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... E...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., épouse C..., a été recrutée dans l'armée de l'air à compter du 3 septembre 1999 après avoir réussi le concours d'admission au sein de l'orchestre de l'armée de l'air de Dijon en qualité de clarinettiste. En juillet 2009, en raison de la dissolution de la Musique des forces armées de Dijon, elle a été mutée à la Musique des forces aériennes à la base aérienne de Bordeaux-Mérignac. Son mari, agent de maîtrise à la SNCF, n'a cependant pas pu obtenir sa mutation dans cette ville. Mme B... a été placée en congés de maladie à compter du 11 janvier 2016 puis a bénéficié de congés de longue durée, non imputables au service, du 10 juin 2016 au 9 juin 2017. Durant cette période de congé de longue durée, Mme B... a été affectée au département d'administration du personnel en position spéciale à Tours. Le 15 avril 2017, elle a demandé à reprendre le service. Après qu'elle ait été reconnue apte à la reprise de ses fonctions par le service de santé des armées, le ministre des armées l'a, par une décision du 8 juin 2017, rappelée en service à compter du 10 juin 2017 et l'a affectée à la base aérienne de Bordeaux-Mérignac. Le 3 août 2017, Mme B... a formé un recours contre cette décision, en tant qu'elle l'affecte à Bordeaux, devant la commission des recours des militaires, qui a été rejeté en dernier lieu par une décision de la ministre des armées du 28 décembre 2017. Mme B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler cette décision. Elle relève appel du jugement de ce tribunal du 18 novembre 2019 rejetant sa demande.

2. D'une part, aux termes de l'article L. 4121-5 du code de la défense : " (...) Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les mutations tiennent compte de la situation de famille des militaires, notamment lorsque, pour des raisons professionnelles, ils sont séparés : /1° De leur conjoint (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier, qu'à la fin de son congé de longue durée et à la suite de l'avis du service de santé des armées estimant qu'elle était apte à la reprise du service actif, Mme B... a été informée, le 8 juin 2017, de sa reprise du service au sein de la base aérienne de Bordeaux, poste dans lequel elle était affectée précédemment à ses congés de maladie. Si ce poste est éloigné du lieu de résidence de son mari, à Paris, la ministre soutient sans être sérieusement contredite qu'aucun poste vacant n'était disponible à Villacoublay dans les fonctions souhaitées par Mme B.... Par ailleurs, alors qu'elle est séparée géographiquement de son conjoint depuis 2009, Mme B... a refusé en 2012 un poste d'archiviste à Paris, ainsi qu'une affectation sur un poste de soutien au sein de la Musique de l'air à Villacoublay. S'il était loisible à cette musicienne de refuser ce poste technique qui ne correspondait pas à ses attentes, elle ne peut reprocher à son administration de ne pas avoir fait droit à sa demande de mutation pour rapprochement de conjoint dès lors qu'aucun autre poste conforme à ses vœux n'était vacant. En outre, la ministre des armées soutient, sans être sérieusement contredite, que la garnison de Bordeaux présentait, au moment de l'édiction de la décision affectant Mme B... dans son poste d'origine, un taux de satisfaction de son effectif de 81 % alors que celle de Villacoublay présentait un taux de satisfaction de 96 %. Ainsi, il résulte de ce constat que la décision du 28 décembre 2017 d'affecter Mme B... au sein de l'unité la plus déficitaire a été prise dans l'intérêt du service. Par suite, cette décision, qui affecte Mme B... sur son ancien poste, n'est pas contraire aux dispositions citées au point 2.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 4123-10-2 du code de la défense : " Aucun militaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel./ Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un militaire en prenant en considération :/ 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral mentionnés au premier alinéa ;/ 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ;/ 3° Ou le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. (...) ".

5. Ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Bordeaux, il ressort des pièces du dossier que les enquêtes administratives réalisées au sein de la Musique des forces aériennes à la base aérienne de Bordeaux-Mérignac ont révélé des dysfonctionnements concernant l'organisation globale du service, un management défaillant, une désinformation des musiciens, alors que, dans le même temps, le service subissait une augmentation du nombre des représentations, une réduction des effectifs et une dégradation des conditions de transport. Toutefois, cette mauvaise ambiance de travail affectait l'ensemble des soixante-trois agents de cette unité implantée sur la base aérienne de Bordeaux-Mérignac et ne concernait pas spécifiquement Mme B.... Par ailleurs, les témoignages et les éléments de l'enquête judiciaire produits par Mme B... confirment les carences de l'encadrement envers l'ensemble des musiciens mais ne démontrent pas que l'intéressée aurait été victime de manière répétée de discrimination, de propos désobligeants ou misogynes. Si Mme B... fait valoir qu'elle n'a pas évolué dans son métier, il ne ressort pas des pièces du dossier que son poste n'était pas adapté à ses compétences. De même elle ne démontre pas que des permissions d'absence lui auraient été refusées sans motif, ni même qu'elle aurait subi des pressions pour quitter la Musique de Bordeaux. Enfin il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait fait l'objet d'un refus à sa demande de changement de son instrument de musique alors que les autres musiciens auraient été mieux dotés. Si la requérante se plaint de contrôles exercés sur ses absences autorisées, ce seul agissement, à supposer qu'il ait été injustifié, ne suffit pas à caractériser l'existence d'agissements de harcèlement moral dirigés contre elle.

6. Il résulte de ce qui vient d'être dit au point 5, que les faits énoncés par Mme B... ne sont pas susceptibles de faire présumer l'existence d'agissements de harcèlement à son encontre. Aussi, en l'absence d'agissements constitutifs de harcèlement moral, la ministre des armées n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en affectant Mme B... à la base aérienne de Bordeaux, ni entaché sa décision de détournement de pouvoir.

7. Enfin, aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et de recettes de l'exercice 1905 : " Tous les (...) militaires (...) ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office, soit avant d'être retardé dans leur avancement à l'ancienneté. ". Il résulte de ces dispositions, qu'un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même de demander la communication de son dossier, en étant averti en temps utile de l'intention de l'autorité administrative de prendre la mesure en cause. Dans le cas où l'agent public fait l'objet d'un déplacement d'office, il doit être regardé comme ayant été mis à même de solliciter la communication de son dossier s'il a été préalablement informé de l'intention de l'administration de le muter dans l'intérêt du service, quand bien même le lieu de sa nouvelle affectation ne lui aurait pas alors été indiqué.

8. La réaffectation de Mme B... dans son service d'origine à Bordeaux-Mérignac, à la suite de sa reprise d'activité, n'emporte aucune diminution de ses attributions ou de sa rémunération, ni dégradation de ses conditions de travail. Eu égard à ce qui vient d'être dit, l'affectation de Mme B... dans son poste d'origine, à l'issue d'un congé de longue durée et en l'absence de faits de harcèlement moral relevés à son encontre, ne saurait être regardée ni comme une sanction déguisée, ni comme une mesure prise en considération de la personne, ni comme une mutation d 'office. Dans ses conditions, l'intéressée n'avait pas à être mise à même de prendre connaissance de son dossier en application de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 28 décembre 2017 par laquelle le ministre des armées l'a affectée à Bordeaux. Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 12 mai 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juin 2022.

La rapporteure,

Fabienne E... La présidente,

Marianne HardyLa greffière,

Marion Azam Marche

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX00207


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00207
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SELARL MDMH;SELARL MDMH;SELARL MDMH

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-06-09;20bx00207 ?
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