Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016.
Par un jugement n° 1901091 du 15 avril 2020, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour administrative d'appel :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 15 juillet 2020 et 23 janvier 2022, M. A..., représenté par Me Poitrasson, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1901091 du tribunal administratif de La Réunion du 15 avril 2020 ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens, en ce compris le droit de plaidoirie de treize euros.
Il soutient que :
- la société Ambulance Bernard, dont il est gérant et associé, exerce une activité de transport de personnes qui est incluse dans le dispositif de réduction d'impôt prévu à l'article 199 undecies B du code général des impôts et, partant, est éligible au régime d'abattement fiscal prévu à l'article 44 quaterdecies du même code ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que la circonstance que l'activité donne lieu à des facturations dont le remboursement est pris en charge par des organismes sociaux a une influence sur sa qualification ;
- l'activité de la société ne saurait être assimilée à l'exploitation d'un service d'ambulances et, partant, du secteur de la santé, exclu du bénéfice de l'abattement, dès lors qu'elle n'utilise, pour les besoins de son activité, que des ambulances de catégorie C, des véhicules sanitaires légers et des taxis, qui n'entrent pas dans la classification de la sous-catégorie 86-90-14 de la nomenclature des activités françaises ; à supposer que les ambulances de catégorie C puissent être regardées comme relevant de cette rubrique, l'activité principale de la société est éligible à l'abattement dès lors que le seuil de 50 % exigé de prestations autres que le transport par ambulances est atteint ;
- en tout état de cause, le secteur d'activité de la santé humaine, exclu du bénéfice de l'abattement, ne comprend pas l'activité de transport sanitaire de personnes par taxis, véhicules sanitaires légers et ambulances de catégorie C, qui constituent des véhicules terrestres à moteur ; les ambulanciers ne sont pas habilités à accomplir des actes médicaux ;
- l'absence de rehaussement des résultats de la société au titre de l'année 2011 à 2013 constitue une prise de position formelle opposable à l'administration fiscale sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
- un rescrit publié au Bofip le 26 février 2020 admet que l'éventuelle prise en charge des frais de transport des patients de leur domicile vers un établissement de soins est sans conséquence sur le bénéfice de l'abattement.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 janvier 2021 et 9 février 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... D...,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,
- et les observations de Me Poitrasson, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Ambulance Bernard, dont M. A... est gérant et associé majoritaire, exerce son activité à Saint-Paul (Réunion) et a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2015, 2016 et 2017. A l'issue des opérations de contrôle, le service lui a notifié des rehaussements dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux résultant de la remise en cause de l'abattement sur les bénéfices réalisés en zone franche d'activité des départements d'outre-mer prévu à l'article 44 quaterdecies du code général des impôts, au titre des exercices clos en 2015 et 2016. Le 5 mars 2018, une proposition de rectification a également été adressée au foyer fiscal de M. A..., l'informant des modifications apportées à son revenu imposable au titre des années 2015 et 2016, consécutivement aux opérations de contrôle menées à l'endroit de la société. M. A... relève appel du jugement du 15 avril 2020 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016.
Sur le bien-fondé des impositions :
2. D'une part, aux termes de l'article 44 quaterdecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I.- Les bénéfices des entreprises provenant d'exploitations situées (...) à La Réunion peuvent faire l'objet d'un abattement dans les conditions prévues aux II ou III lorsque ces entreprises respectent les conditions suivantes : / (...) / 2° L'activité principale de l'exploitation relève de l'un des secteurs d'activité éligibles à la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B ou correspond à l'une des activités suivantes : comptabilité, conseil aux entreprises, ingénierie ou études techniques à destination des entreprises ; (...) ". L'article 199 undecies B du même code dispose que : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...) dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. / (...) / Toutefois, n'ouvrent pas droit à la réduction d'impôt les investissements réalisés, dans les secteurs d'activité suivants : / (...) / e) Education, santé et action sociale ; (...) ". Il résulte de ces dispositions combinées que le bénéfice de l'abattement prévu au I de l'article 44 quaterdecies du code général des impôts est soumis, notamment, à la condition que l'exploitation concernée exerce à titre principal, soit une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 du même code et éligible à la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B, soit une activité de comptabilité, de conseil aux entreprises ou d'ingénierie ou d'études techniques à destination des entreprises.
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 6312-1 du code de la santé publique : " Constitue un transport sanitaire, tout transport d'une personne malade, blessée ou parturiente, pour des raisons de soins ou de diagnostic, sur prescription médicale ou en cas d'urgence médicale, effectué à l'aide de moyens de transports terrestres, aériens ou maritimes, spécialement adaptés à cet effet. (...) ". Aux termes de l'article L. 6312-2 du même code : " Toute personne effectuant un transport sanitaire doit avoir été préalablement agréée par le directeur général de l'agence régionale de santé. Le refus d'agrément doit être motivé. ". Aux termes de l'article R. 6312-8 du même code : " Les véhicules spécialement adaptés au transport sanitaire ressortissent aux catégories suivantes : / 1° Véhicules spécialement aménagés : / a) Catégorie A : ambulance de secours et de soins d'urgence "ASSU" ; / b) Catégorie B : voiture de secours aux asphyxiés et blessés "VSAB" ; / c) Catégorie C : ambulance ; / 2° Autres véhicules affectés au transport sanitaire terrestre : / - catégorie D : véhicule sanitaire léger. (...) ". Un arrêté du 10 février 2009, en vigueur à la date de l'année d'imposition en litige, fixe les conditions exigées pour les véhicules et les installations matérielles affectés aux transports sanitaires terrestres. Les ambulances de catégorie C y sont définies comme des ambulances conçues et équipées pour le transport sanitaire de patients, en position allongée, dont l'état de santé ne laisse pas présager qu'ils puissent devenir des patients en détresse. Les véhicules sanitaires légers (VSL), de catégorie D, comprennent, quant à eux, les véhicules de type berline, à hayon arrière, break ou à usage multiple, affectés au transport de trois patients au maximum en position assise et disposant notamment d'un nécessaire de secourisme d'urgence rassemblé dans un contenant unique, portable, réservé à cet usage.
4. Il résulte de l'instruction, notamment des termes de la proposition de rectification du 1er mars 2018, adressée à la société Ambulance Bernard, que pour remettre en cause l'abattement sur les bénéfices réalisés en zone franche d'activité prévu à l'article 44 quaterdecies du code général des impôts, appliqué par la société au titre des exercices clos en 2015 et 2016, l'administration a estimé que son activité principale d'ambulance et de transport de malades entre leur domicile et un centre médical ou hospitalier relevait du secteur d'activité de la santé, exclu du bénéfice de l'avantage fiscal en application des dispositions combinées des articles 44 quaterdecies et 199 undecies B du code général des impôts.
5. Il est constant que la société Ambulance Bernard exerce une activité de transport sanitaire soumise aux dispositions précitées du code de la santé publique ainsi qu'aux dispositions réglementaires fixant les caractéristiques et les installations matérielles exigées pour les véhicules affectés à une telle activité. A ce titre, la société dispose notamment de deux ambulances de catégorie C et de deux VSL qui bénéficient d'un agrément délivré par l'autorité de santé, ainsi que de taxis. Si, ainsi que le soutient l'administration fiscale, la part de l'activité de la société exercée au moyen des ambulances, qui constituent des véhicules spécialement conçus et aménagés pour le transport sanitaire de patients en position allongée, relève du secteur d'activité de la santé, il n'en va pas de même de la part de son activité mise en œuvre au moyen de VSL. L'utilisation de ces derniers, qui ne sont pas spécifiquement aménagés, conçus et équipés pour le transport de personnes malades, les réservant à ce seul usage, mais simplement affectés à un tel transport, ne relève pas du secteur de la santé, tant au sens de la nomenclature des activités françaises (NAF), à la rubrique 86.90A, que des dispositions précitées du e) du I de l'article de l'article 199 undecies B, mais du secteur des transports terrestres de voyageurs d'un lieu à un autre, fut-il pour des besoins d'ordre médical, éligible à l'avantage fiscal en litige. A cet égard, la circonstance relevée par l'administration fiscale tenant à ce que les prestations de transport fournies par la société Ambulance Bernard sont, dans leur ensemble, prises en charge par les organismes sociaux est sans influence sur la qualification de son activité, en fonction des moyens matériels mis en œuvre, au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article 199 undecies B. Par ailleurs, il ressort des relevés individuels d'activité établis par la caisse primaire d'assurance maladie au titre des années 2015 et 2016, produits par le requérant et dont les montants ne sont pas sérieusement contestés par l'administration, que le chiffre d'affaires cumulé provenant de l'activité de transport de la société Ambulance Bernard exercée hors système national inter-régimes (SNIR) et au moyen de VSL et de taxis présente un caractère majoritaire au regard du chiffre d'affaires total réalisé par la société au titre des exercices dont s'agit. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que le service a regardé la société comme exerçant, à titre principal, une activité relevant du secteur de la santé et, pour ce motif, a remis en cause le bénéfice de l'abattement fiscal prévu par les dispositions de l'article 44 quaterdecies du code général des impôts.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande et à obtenir la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016. En revanche, dès lors qu'il résulte de l'instruction que M. A... n'a été assujetti à aucune cotisation supplémentaire de contributions sociales, les conclusions tendant à la décharge de telles cotisations supplémentaires au titre des années 2015 et 2016 ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens. En revanche les droits de plaidoirie ne sont pas au nombre des dépens énumérés par l'article R. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1901091 du 15 avril 2020 du tribunal administratif de La Réunion est annulé.
Article 2 : M. A... est déchargé, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2015 et 2016.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 10 mai 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2022.
Le rapporteur,
Michaël D... La présidente,
Evelyne BalzamoLa greffière,
Marie Marchives
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX021802