Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2012 et 2013.
Par un jugement n° 1800298 du 15 avril 2020, le tribunal administratif de La Réunion a déchargé M. A... de la majoration de 40 % appliquée pour manquement délibéré et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour administrative d'appel :
Par une requête, enregistrée le 15 juillet 2020, M. A... représenté par Me Poitrasson, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1800298 du tribunal administratif de La Réunion du 15 avril 2020 en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012 ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens, en ce compris le droit de plaidoirie de treize euros.
Il soutient que :
- la société Ambulance Bernard, dont il est gérant et associé, exerce une activité de transport de personnes qui est incluse dans le dispositif de réduction d'impôt prévu à l'article 199 undecies B du code général des impôts et, partant, est éligible au régime d'abattement fiscal prévu à l'article 44 quaterdecies du même code ;
- le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que la circonstance que l'activité donne lieu à des facturations dont le remboursement est pris en charge par des organismes sociaux a une influence sur sa qualification ;
- l'activité de la société ne saurait être assimilée à l'exploitation d'un service d'ambulances et, partant, du secteur de la santé, exclu du bénéfice de l'abattement, dès lors qu'elle n'utilise, pour les besoins de son activité, que des ambulances de catégorie C, des véhicules sanitaires légers et des taxis, qui n'entrent pas dans la classification de la sous-catégorie 86-90-14 de la nomenclature des activités françaises ; à supposer que les ambulances de catégorie C puissent être regardées comme relevant de cette rubrique, l'activité principale de la société est éligible à l'abattement dès lors que le seuil de 50 % exigé de prestations autres que le transport par ambulances est atteint ;
- en tout état de cause, le secteur d'activité de la santé humaine, exclu du bénéfice de l'abattement, ne comprend pas l'activité de transport sanitaire de personnes par taxis, véhicules sanitaires légers et ambulances de catégorie C, qui constituent des véhicules terrestres à moteur ; les ambulanciers ne sont pas habilités à accomplir des actes médicaux ;
- l'absence de rehaussement des résultats de la société au titre de l'année 2013 constitue une prise de position formelle opposable à l'administration fiscale sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;
- un rescrit publié au BOFIP le 26 février 2020 admet que l'éventuelle prise en charge des frais de transport des patients de leur domicile vers un établissement de soins est sans conséquence sur le bénéfice de l'abattement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... D...,
- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,
- et les observations de Me Poitrasson, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Ambulance Bernard, dont M. A... est gérant et associé majoritaire, exerce son activité à Saint-Paul (Réunion) et a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2011, 2012 et 2013. A l'issue des opérations de contrôle, le service lui a notifié des rehaussements dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux résultant, notamment, de la remise en cause de l'abattement sur les bénéfices réalisés en zone franche d'activité des départements d'outre-mer prévu à l'article 44 quaterdecies du code général des impôts au titre des exercices clos en 2011 et 2012. Le 8 octobre 2014, une proposition de rectification a également été adressée au foyer fiscal de M. A..., l'informant des modifications apportées à son revenu imposable au titre, notamment, de l'année 2012, consécutivement aux opérations de contrôle menées à l'endroit de la société. Par un jugement du 15 avril 2020, le tribunal administratif de La Réunion a déchargé l'intéressé de la majoration de 40 % appliquée pour manquement délibéré et a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2012. M. A... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas intégralement fait droit à sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si le requérant soutient que le tribunal a commis une erreur de droit en estimant que le financement de l'activité de la société Ambulance Bernard par des organismes de sécurité sociale avait une incidence sur sa qualification, cette erreur, à la supposer établie, n'affecte que le bien-fondé du jugement et non sa régularité. Par suite, à supposer que l'appelant ait entendu ainsi invoquer un moyen tiré de l'irrégularité du jugement, ce moyen ne saurait être accueilli.
Sur le bien-fondé des impositions :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
3. D'une part, aux termes de l'article 44 quaterdecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable : " I.- Les bénéfices des entreprises provenant d'exploitations situées (...) à La Réunion peuvent faire l'objet d'un abattement dans les conditions prévues aux II ou III lorsque ces entreprises respectent les conditions suivantes : / (...) / 2° L'activité principale de l'exploitation relève de l'un des secteurs d'activité éligibles à la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B ou correspond à l'une des activités suivantes : comptabilité, conseil aux entreprises, ingénierie ou études techniques à destination des entreprises ; (...) ". L'article 199 undecies B du même code dispose que : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...) dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. / (...) / Toutefois, n'ouvrent pas droit à la réduction d'impôt les investissements réalisés, dans les secteurs d'activité suivants : / (...) / e) Education, santé et action sociale ; (...) ". Il résulte de ces dispositions combinées que le bénéfice de l'abattement prévu au I de l'article 44 quaterdecies du code général des impôts est soumis, notamment, à la condition que l'exploitation concernée exerce à titre principal, soit une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34 du même code et éligible à la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B, soit une activité de comptabilité, de conseil aux entreprises ou d'ingénierie ou d'études techniques à destination des entreprises.
4. D'autre part, aux termes de l'article L. 6312-1 du code de la santé publique : " Constitue un transport sanitaire, tout transport d'une personne malade, blessée ou parturiente, pour des raisons de soins ou de diagnostic, sur prescription médicale ou en cas d'urgence médicale, effectué à l'aide de moyens de transports terrestres, aériens ou maritimes, spécialement adaptés à cet effet. (...) ". Aux termes de l'article L. 6312-2 du même code : " Toute personne effectuant un transport sanitaire doit avoir été préalablement agréée par le directeur général de l'agence régionale de santé. Le refus d'agrément doit être motivé. ". Aux termes de l'article R. 6312-8 du même code : " Les véhicules spécialement adaptés au transport sanitaire ressortissent aux catégories suivantes : / 1° Véhicules spécialement aménagés : / a) Catégorie A : ambulance de secours et de soins d'urgence "ASSU" ; / b) Catégorie B : voiture de secours aux asphyxiés et blessés "VSAB" ; / c) Catégorie C : ambulance ; / 2° Autres véhicules affectés au transport sanitaire terrestre : / - catégorie D : véhicule sanitaire léger. (...) ". Un arrêté du 10 février 2009, en vigueur à la date de l'année d'imposition en litige, fixe les conditions exigées pour les véhicules et les installations matérielles affectés aux transports sanitaires terrestres. Les ambulances de catégorie C y sont définies comme des ambulances conçues et équipées pour le transport sanitaire de patients, en position allongée, dont l'état de santé ne laisse pas présager qu'ils puissent devenir des patients en détresse. Les véhicules sanitaires légers (VSL), de catégorie D, comprennent, quant à eux, les véhicules de type berline, à hayon arrière, break ou à usage multiple, affectés au transport de trois patients au maximum en position assise et disposant notamment d'un nécessaire de secourisme d'urgence rassemblé dans un contenant unique, portable, réservé à cet usage.
5. Il résulte de l'instruction, notamment des termes de la proposition de rectification du 8 octobre 2014, adressée à la société Ambulance Bernard, que pour remettre en cause l'abattement sur les bénéfices réalisés en zone franche d'activité prévu à l'article 44 quaterdecies du code général des impôts, appliqué par la société au titre de l'exercice clos en 2012, l'administration a estimé que son activité principale d'ambulance et de transport de malades entre leur domicile et un centre médical ou hospitalier relevait du secteur d'activité de la santé, exclu du bénéfice de l'avantage fiscal en application des dispositions combinées des articles 44 quaterdecies et 199 undecies B du code général des impôts.
6. En premier lieu et d'une part, M. A... soutient que les ambulances utilisées par la société Ambulance Bernard pour les besoins de son activité sont des véhicules de catégorie C, visés par l'article R. 6312-8 du code de la santé publique, ne disposant pas d'équipement de réanimation ou de personnel médical accompagnant et ne relevant pas, dès lors, du secteur de la santé humaine tel que défini par la Nomenclature des activités françaises (NAF) mais de celui du transport de voyageurs par taxis. Toutefois, la définition dont il se prévaut est issue, non pas de la NAF, mais de la classification des produits française (CPF), à la rubrique 86.90.14, au regard de laquelle la nature du secteur d'activité de la santé, au sens des dispositions combinées des articles 44 quaterdecies et 199 undecies B, ne saurait être appréciée. Dès lors, le moyen doit être écarté.
7. D'autre part, il résulte des mentions de la NAF, dans sa version en vigueur lors de l'adoption de la loi du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer, dont sont issues les dispositions précitées de l'article 199 undecies B, que le secteur d'activité de la santé et de l'action sociale mentionne comme sous-secteur, à la rubrique 85.1J, celui des " ambulances ". Aux termes de cette même nomenclature, dans sa rédaction en vigueur au titre de l'année d'imposition en litige, à la rubrique 86.90A, le sous-secteur des " ambulances " comprend notamment l'activité de transport par ambulance de patients par tout mode de transport et exclut l'activité de transfert de patients, sans équipement d'intervention ni personnel médical, cette dernière activité relevant du secteur des transports terrestres de voyageurs. Il ressort des termes de la proposition de rectification du 8 octobre 2014 adressée à la société Ambulance Bernard qu'au titre de l'exercice clos en 2012, la société dispose de deux ambulances agréées de catégorie C, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elles ne disposent pas des équipements obligatoires d'intervention prévus par les dispositions de l'arrêté précité du 10 février 2009, tels que des équipements de ventilation/respiration du patient ou de diagnostic. Dès lors, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la société ne met en œuvre aucun véhicule procédant des rubriques précitées de la NAF.
8. En second lieu, il est constant que la société Ambulance Bernard exerce une activité de transport sanitaire soumise aux dispositions précitées du code de la santé publique ainsi qu'aux dispositions réglementaires fixant les caractéristiques et les installations matérielles exigées pour les véhicules affectés à une telle activité. A ce titre, la société dispose notamment de deux ambulances de catégorie C qui bénéficient d'un agrément délivré par l'autorité de santé. Cette activité, exercée au moyen de véhicules spécialement conçus, aménagés et équipés pour le transport sanitaire de patients en position allongée, les réservant à ce seul usage, relève du secteur de la santé, tant au sens de la NAF que des dispositions précitées du e) du I de l'article de l'article 199 undecies B, quand bien même les conducteurs ambulanciers ne sont pas habilités à accomplir des actes médicaux. Si M. A... soutient que la société met également en œuvre son activité au moyen de deux VSL et de taxis, qui ne sont pas spécifiquement conçus et équipés pour le transport de personnes malades, il résulte des termes de la proposition de rectification du 8 octobre 2014 adressée à la société Ambulance Bernard que les recettes provenant de l'activité dite " Ambulance ", déterminées selon les montants portés par la société dans sa comptabilité, non sérieusement remis en cause par la production d'un tableau établi pour les besoins de l'instance et présentant des montants différents, représentent respectivement 53,36 % et 51,20 % du chiffre d'affaires total de la société. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a regardé la société comme exerçant, à titre principal, une activité relevant du secteur de la santé et, pour ce motif, a remis en cause le bénéfice de l'abattement fiscal prévu par les dispositions de l'article 44 quaterdecies du code général des impôts.
Sur l'application de la doctrine administrative :
9. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. ".
10. En premier lieu, le rescrit BOI-RES-000062 publié le 26 février 2020, relatif à l'éligibilité de l'activité de transport par VSL à l'abattement prévu à l'article 44 quaterdecies du code général des impôts, est postérieur à l'année de l'imposition en litige. Il ne peut dès lors et en tout état de cause, être regardé comme interprétant le texte fiscal qui constitue le fondement légal de l'imposition contestée.
11. En second lieu, la circonstance que l'application de l'abattement prévu par les dispositions de l'article 44 quaterdecies du code général des impôts par la société Ambulance Bernard n'a pas fait l'objet d'une rectification par l'administration fiscale au titre de l'année 2013 ne constitue pas une interprétation du texte fiscal dont M. A... pourrait se prévaloir, pour l'imposition établie au titre de l'année 2012, sur le fondement des dispositions de l'article L 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors en vigueur.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande. Les conclusions présentées au titre des article L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 10 mai 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Dominique Ferrari, président-assesseur,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juin 2022.
Le rapporteur,
Michaël D... La présidente,
Evelyne Balzamo
La greffière,
Marie Marchives
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX021792