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02/06/2022 | FRANCE | N°21BX04672

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 02 juin 2022, 21BX04672


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 20 septembre 2021 par laquelle le préfet de la Martinique l'a assigné à résidence à Fort-de-France pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 2100577 du 9 décembre 2021, le tribunal administratif de la Martinique a annulé la décision du 20 septembre 2021 et a mis à la charge de l'État le paiement de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrat

ive.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 décembre 202...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler la décision du 20 septembre 2021 par laquelle le préfet de la Martinique l'a assigné à résidence à Fort-de-France pour une durée de six mois.

Par un jugement n° 2100577 du 9 décembre 2021, le tribunal administratif de la Martinique a annulé la décision du 20 septembre 2021 et a mis à la charge de l'État le paiement de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2021, le préfet de la Martinique demande à la cour d'annuler ce jugement du 9 décembre 2021 du tribunal administratif de la Martinique.

Il soutient que :

- la décision litigieuse n'est entachée d'aucune incompétence de son auteur ;

- l'intéressé a fait l'objet, le 4 novembre 2019, d'une obligation de quitter le territoire français d'une durée de trente jours, assortie d'une interdiction de quitter le territoire français d'une durée de deux ans, qu'il n'a ni exécutée, ni contestée devant la juridiction administrative, la rendant ainsi exécutoire d'office ;

- cette mesure d'éloignement comportait les voies et délais de recours et a été envoyée par pli recommandé avec accusé de réception à l'adresse communiquée par M. D... à l'administration préfectorale ; l'intéressé a été avisé par les services postaux à ladite adresse le 22 novembre 2019 de la mise en instance du pli au bureau de poste mais ce dernier a été retourné à la préfecture avec la mention " pli avisé et non réclamé " ;

- l'intéressé s'est présenté au sein des locaux de la préfecture le 12 décembre 2019 et a été informé à cette occasion qu'il faisait l'objet d'une mesure d'éloignement réputée notifiée le 22 novembre 2019 ; une copie de cette décision n'a pas pu lui être remise car l'intéressé a quitté précipitamment les locaux de la préfecture avant sa remise effective ; par ailleurs, l'intéressé a été interpellé le 20 septembre 2021 et placé en retenue aux fins de vérification de son droit de circulation et de séjour en France ; à l'occasion de son audition par un agent de la police judiciaire, il déclaré qu'il " savait qu'il devait partir parce qu'il en avait été avisé " mais que sa compagne était enceinte à ce moment-là et qu'il " souhaitait être à ses côtés lors de son accouchement " ;

- si l'intéressé a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent d'un enfant français, il lui appartenait de produire un dossier comportant tous les justificatifs à établir qu'il participe effectivement à l'entretien et à l'éducation dudit enfant depuis sa naissance ou depuis au moins deux ans ; or, le 12 mars 2021, il s'est présenté à son rendez-vous seul en préfecture alors que la présence de ses enfants et de leur mère était nécessaire ; de plus, lorsqu'il a été appelé pour son entretien, il a de nouveau quitté les locaux de la préfecture.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mars 2022, M. A... D..., représenté par Me Constant, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Martinique ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme F... H... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant haïtien, est entré irrégulièrement en France le 3 décembre 2018 sous couvert de son passeport valable du 3 septembre 2018 au 2 septembre 2028. Sa demande d'asile a été définitivement rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 mai 2019. Par une décision du 20 septembre 2021, le préfet de la Martinique l'a assigné à résidence à Fort-de-France pour une durée de six mois. Le préfet de la Martinique relève appel du jugement du 9 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a annulé cette décision et a mis à la charge de l'État le paiement de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. Aux termes de l'article L. 730-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut, dans les conditions prévues au présent titre, assigner à résidence l'étranger faisant l'objet d'une décision d'éloignement sans délai de départ volontaire ou pour laquelle le délai de départ volontaire imparti a expiré et qui ne peut quitter immédiatement le territoire français ". Aux termes de l'article L. 731-3 du même code : " L'autorité administrative peut autoriser l'étranger qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne pouvoir ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, à se maintenir provisoirement sur le territoire en l'assignant à résidence jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ; 2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ; (...) ".

3. Pour prononcer l'annulation de la décision du 20 septembre 2021, le tribunal administratif de la Martinique a retenu le moyen tiré de ce qu'elle méconnaissait les dispositions du 1° de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que M. D... ne pouvait être regardé comme s'étant vu régulièrement notifier une quelconque décision portant obligation de quitter le territoire français dont le départ serait expiré.

4. Il ressort des pièces du dossier, notamment de celles produites pour la première fois en appel par le préfet de la Martinique, que l'arrêté du 4 novembre 2019 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans a été notifié à M. D..., avec indication des voies et délais de recours, par lettre recommandée avec accusé de réception présentée le 22 novembre 2019. Le pli recommandé est toutefois revenu à la préfecture de la Martinique avec la mention " pli avisé et non réclamé " et doit, dès lors, être regardé comme notifié à la date de sa présentation. Si l'intéressé soutenait en première instance qu'il ne vivait plus à l'adresse indiquée sur le pli recommandé et qu'il aurait communiqué sa domiciliation, il n'établit ni avoir informé le préfet de la Martinique de ce changement d'adresse, laquelle figurait notamment sur son attestation de demande d'asile délivrée le 1er février 2019, ni qu'il aurait pris les diligences nécessaires pour faire suivre son courrier ou que la notification serait irrégulière à la suite d'une erreur des services postaux. En outre, il ressort du procès-verbal d'audition du 20 septembre 2021 réalisé par un agent de police judiciaire, que l'intéressé a répondu à la question " la préfecture vous a notifié une obligation de quitter le territoire français le 4 novembre 2019, qu'en est-il ' ", " je savais que je devais partir parce que j'ai été avisé, mais ma compagne était enceinte à ce moment et je souhaitais être à ses côtés lors de son accouchement ". Par conséquent, l'arrêté du 20 septembre 2021 n'a pas méconnu les dispositions du 1° de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il suit de là que le préfet de la Martinique est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de la Martinique a annulé la décision du 20 septembre 2021 pour méconnaissance des dispositions du 1° de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal administratif de la Martinique.

Sur les autres moyens soulevés par M. D... devant le tribunal :

7. En premier lieu, par un arrêté du 8 juillet 2021 publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial n° R02-2021-07-08-00002, le préfet de la Martinique a donné délégation à Mme C... B..., adjointe au chef du bureau des migrations et de l'intégration de la préfecture, à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme E... G..., directrice de la réglementation, de la citoyenneté et de l'immigration, les arrêtés relevant des attributions de l'État dans la région et le département, à l'exception des décisions d'expulsion, des décisions portant obligation de quitter le territoire français et de placement en rétention administrative. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision litigieuse doit être écarté.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 732-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'assignation à résidence a été édictée en application des 1°, 2°, 3°, 4° ou 5° de l'article L. 731-3, elle ne peut excéder une durée de six mois. Elle peut être renouvelée une fois, dans la même limite de durée. Toutefois, dans les cas prévus aux 2° et 5° du même article, elle ne peut être renouvelée que tant que l'interdiction de retour ou l'interdiction de circulation sur le territoire français demeure exécutoire ".

9. Il ressort des pièces du dossier que la décision litigieuse a été prise sur le fondement des dispositions précitées des 1° et 2° de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et non, ainsi que l'indique à tort l'intéressé, sur le fondement des dispositions de l'article L. 731-1 de ce code. Par conséquent, en application des dispositions de l'article L. 732-4 de ce code, le préfet de la Martinique était fondé à l'assigner à résidence pour une durée de six mois. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait entachée d'une erreur de droit doit être écarté.

10. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision litigieuse porterait une atteinte disproportionnée à la situation de l'intéressé. Par suite, le moyen doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Martinique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a annulé sa décision du 20 septembre 2021 et a mis à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à verser à M. D... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de la Martinique doit en conséquence être rejetée.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2100577 du 9 décembre 2021 du tribunal administratif de la Martinique est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de la Martinique est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise pour information au préfet de la Martinique.

Délibéré après l'audience du 5 mai 2022 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 juin 2022.

La rapporteure,

Florence H... Le président,

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 21BX04672
Date de la décision : 02/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : CONSTANT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-06-02;21bx04672 ?
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