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31/05/2022 | FRANCE | N°21BX03724

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 31 mai 2022, 21BX03724


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire (CHU) de Limoges et son assureur, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), à lui verser une somme totale de 62 815,83 euros en réparation des préjudices qu'il impute à sa prise en charge au sein de cet établissement, et de mettre à la charge solidaire du CHU de Limoges et de la SHAM les frais d'expertise et une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code

de justice administrative.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPA...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner solidairement le centre hospitalier universitaire (CHU) de Limoges et son assureur, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), à lui verser une somme totale de 62 815,83 euros en réparation des préjudices qu'il impute à sa prise en charge au sein de cet établissement, et de mettre à la charge solidaire du CHU de Limoges et de la SHAM les frais d'expertise et une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Loir-et-Cher a demandé au tribunal de condamner solidairement le CHU de Limoges et la SHAM au paiement des honoraires de la médiation et à lui verser une somme 91 890,46 euros, avec les intérêts, au titre de ses débours, ainsi qu'une somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, et de mettre à la charge solidaire du CHU de Limoges et de la SHAM une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1900905 du 5 août 2021, le tribunal administratif de Limoges a rejeté la requête de M. C... et les conclusions présentées par la CPAM du Loir-et-Cher et mis à la charge définitive de M. C... les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal d'un montant de 1 756,80 euros.

Procédure devant la cour :

I) Sous le n° 21BX03724, par une requête, enregistrée le 17 septembre 2021, M. C..., représenté par Me Guiet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 août 2021 du tribunal administratif de Limoges ;

2°) de condamner solidairement le CHU de Limoges et la SHAM à lui verser une somme totale de 62 815,83 euros ;

3°) de mettre à la charge solidaire du CHU de Limoges et de la SHAM les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 756, 80 euros, et une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- selon l'expertise, son dommage trouve son origine dans l'infection nosocomiale contractée au CHU de Limoges, dont la responsabilité sans faute est dès lors engagée ;

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, le litige ressortit à la compétence de la juridiction administrative alors même que les soins ont été prodigués dans le cadre d'une activité libérale ; l'infection nosocomiale se rattache, non pas à l'acte médical réalisé par le médecin, mais à un défaut d'organisation et de fonctionnement de l'établissement hospitalier ;

- il a subi une perte de revenus de 4 168, 83 euros ; une somme de 4 896 euros doit lui être allouée au titre de frais d'assistance par tierce personne en se basant sur un besoin d'une demi-heure par jour pendant 612 jours et un taux horaire de 16 euros ; son déficit fonctionnel temporaire doit être évalué à 5 451 euros ; ses souffrances, estimées à 3,5/7 par l'expert, doivent être évaluées à 6 000 euros ; son préjudice esthétique temporaire doit être évalué à 1 500 euros ; il conserve un déficit fonctionnel permanent de 9 % qui doit être réparé à hauteur de 10 800 euros ; son préjudice d'agrément, retenu par l'expert, doit être évalué à 15 000 euros ; son préjudice esthétique permanent doit être évalué à 5 000 euros ; son préjudice sexuel, qui n'est pas exclu par l'expert, doit être évalué à 10 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2021, le CHU de Limoges et la SHAM, représentés par Me Le Prado, concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que :

- les rapports qui s'établissent entre les patients admis à l'hôpital et les médecins, chirurgiens et spécialistes à plein temps auxquels ils font appel dans les conditions d'une activité libérale relèvent du droit privé ; la question de savoir qui doit prendre en charge les conséquences d'une éventuelle infection nosocomiale est indissociable des circonstances dans lesquelles a eu lieu l'intervention ; en l'espèce, le praticien hospitalier intervenait dans le cadre de son activité libérale, de sorte que le litige relève de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;

- l'expert n'a objectivé aucune anomalie concernant l'état d'asepsie du bloc opératoire et a en revanche retenu un retard de prise en charge efficiente de l'infection par le médecin ayant prodigué les soins dans le cadre de son activité libérale ; ce retard de prise en charge n'est pas imputable à l'établissement, qui n'avait pas même connaissance de l'existence de l'infection nosocomiale contractée par le patient ;

- le préjudice de perte de revenus allégué n'est pas établi ; la somme demandée au titre des frais d'assistance par tierce personne est excessive ; l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire ne saurait excéder 2 109,25 euros ; il convient de déduire de l'indemnité au titre des souffrances endurées la somme versée à M. C... par son assureur ; les sommes demandées au titre des préjudices esthétiques temporaire et définitif et du préjudice d'agrément sont excessives ; le requérant a déjà été indemnisé par son assureur au titre de son déficit fonctionnel permanent.

Par un mémoire, enregistré le 13 décembre 2021, la CPAM de Loir-et-Cher, représentée par Me Maury, demande à la cour d'annuler le jugement du 5 août 2021 du tribunal administratif de Limoges, de condamner solidairement le CHU de Limoges et la SHAM à lui verser une somme totale de 91 890, 46 euros au titre de ses débours, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2021, et une somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, et de mettre à la charge solidaire du CHU de Limoges et de la SHAM les honoraires du médiateur et une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le critère de mise en œuvre de la responsabilité de plein droit prévue à l'article L. 1142-1 I, alinéa 2 du code de la santé publique est celui de la seule localisation de l'acte de soins où l'infection nosocomiale a été contractée ; c'est donc à tort que le tribunal administratif de Limoges a considéré que le litige relevait de la compétence de la juridiction judiciaire et que la responsabilité du CHU de Limoges ne pourrait être recherchée que sur le fondement de la responsabilité pour faute ;

- la responsabilité du CHU de Limoges est engagée à raison de l'infection nosocomiale contractée par M. C... dans cet établissement ; ses débours actuels et futurs au profit de son assuré s'élèvent à la somme totale de 91 890, 46 euros, correspondant aux frais hospitaliers, pharmaceutiques, médicaux d'appareillage et de transport en lien avec l'infection, aux indemnités journalières versées à l'intéressé et aux dépenses de santé futures.

Par une ordonnance du 20 décembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er février 2022.

II) Sous le n° 21BX03817, par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 septembre 2021 et 3 février 2022, la CPAM de Loir-et-Cher, représentée par Me Maury, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 août 2021 du tribunal administratif de Limoges ;

2°) de condamner solidairement le CHU de Limoges et la SHAM à lui verser une somme totale de 91 890, 46 euros au titre de ses débours, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2021, ainsi qu'une somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

3°) de mettre à la charge solidaire du CHU de Limoges et de la SHAM les honoraires du médiateur et une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle gère, par convention de délégation, les créances de la CPAM de l'Indre : la fin de non-recevoir opposée à sa requête d'appel sera donc écartée ;

- le critère de mise en œuvre de la responsabilité de plein droit prévue à l'article L. 1142-1 I, alinéa 2 du code de la santé publique est celui de la seule localisation de l'acte de soins où l'infection nosocomiale a été contractée ; c'est donc à tort que le tribunal administratif de Limoges a considéré que le litige relevait de la compétence de la juridiction judiciaire et que la responsabilité du CHU de Limoges ne pourrait être recherchée que sur le fondement de la responsabilité pour faute ;

- la responsabilité du CHU de Limoges est engagée à raison de l'infection nosocomiale contractée par M. C... dans cet établissement ; si l'expert a retenu un retard de prise en charge efficiente de la complication osseuse, il a conclu à l'absence de lien de causalité entre ce retard et les suites de l'infection nosocomiale ;

- elle produit un justificatif de la créance dont elle sollicite le remboursement ; l'attestation d'imputabilité établie par le médecin-conseil suffit à rapporter la preuve du lien entre les débours et l'infection ; sa créance a été établie conformément aux conclusions de l'expert ; elle produit les décomptes correspondants ; les frais futurs dont elle sollicite le règlement ne sont pas en lien avec l'évolution de la maladie néoplasique de M. C....

Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 et 15 décembre 2021, le CHU de Limoges et la SHAM, représentés par Me Le Prado, concluent au rejet de la requête.

Ils soutiennent que :

- la CPAM du Loir-et-Cher ne justifie pas être régulièrement habilitée pour agir au nom et pour le compte de la CPAM de l'Indre ;

- les rapports qui s'établissent entre les patients admis à l'hôpital et les médecins, chirurgiens et spécialistes à plein temps auxquels ils font appel dans les conditions d'une activité libérale relèvent du droit privé ; la question de savoir qui doit prendre en charge les conséquences d'une éventuelle infection nosocomiale est indissociable des circonstances dans lesquelles a eu lieu l'intervention ; en l'espèce, le praticien hospitalier intervenait dans le cadre de son activité libérale, de sorte que le litige relève de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;

- l'expert n'a objectivé aucune anomalie concernant l'état d'asepsie du bloc opératoire et a en revanche retenu un retard de prise en charge efficiente de l'infection par le médecin ayant prodigué les soins dans le cadre de son activité libérale ; ce retard de prise en charge n'est pas imputable à l'établissement, qui n'avait pas même connaissance de l'existence de l'infection nosocomiale contractée par le patient ;

- le décompte versé par la caisse ne permet pas de distinguer ce qui relève de la seule prise en charge de l'infection nosocomiale et des soins qui auraient de toute façon dû être prodigués à M. C... du fait de sa pathologie initiale ; la caisse ne justifie au demeurant pas de la réalité du montant des dépenses dont elle fait état ; la consolidation ayant été fixée au 12 septembre 2017, les frais futurs sont en lien, non pas avec la complication infectieuse, mais avec l'évolution de la maladie néoplasique initiale du patient.

Par une ordonnance du 4 février 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 février 2022.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... A...,

- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Demailly, représentant le CHU de Limoges et la société hospitalière d'assurances mutuelles.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., qui souffrait d'un cancer de la prostate, a subi au centre hospitalier universitaire de Limoges, le 1er octobre 2015, une prostatectomie totale avec curage ganglionnaire et pose d'une sonde vésicale. A la suite de cette intervention, réalisée par un praticien de l'établissement exerçant en secteur libéral, il a présenté une infection urinaire à pseudomonas aeruginosa qui, malgré la mise en place d'un traitement antibiotique, a évolué en infection osseuse au niveau du bassin. L'intéressé, qui conserve des séquelles de ces complications infectieuses, a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Limoges qui, par une ordonnance du 17 septembre 2018, a ordonné une expertise médicale, dont le rapport a été remis le 19 novembre 2018.

2. M. C... a demandé au tribunal administratif de Limoges de condamner solidairement le CHU de Limoges et son assureur, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), à lui verser une somme totale de 62 815,83 euros en réparation des préjudices qu'il imputait à sa prise en charge au sein de cet établissement et de mettre à la charge solidaire du CHU de Limoges et de la SHAM les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal. La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Loir-et-Cher a demandé au tribunal de condamner solidairement le CHU de Limoges et la SHAM au paiement des honoraires de la médiation qui avait été proposée par la juridiction et à lui verser une somme de 91 890,46 euros au titre de ses débours ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion. Par un jugement du 5 août 2021, le tribunal administratif a rejeté les conclusions indemnitaires de M. C... et de la CPAM du Loir-et-Cher comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître, a mis à la charge définitive de M. C... les frais de l'expertise d'un montant de 1 756,80 euros et a rejeté les conclusions de la caisse relatives aux frais de médiation. Par leurs requêtes enregistrées sous les n° 21BX03724 et 21BX03817, M. C... et la CPAM du Loir-et-Cher relèvent appel de ce jugement.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le CHU de Limoges et la SHAM :

3. L'article L. 221-3-1 du code de la sécurité sociale prévoit que le directeur général de la caisse nationale de l'assurance maladie " est notamment chargé pour ce qui concerne la gestion de la caisse nationale et du réseau des caisses régionales, locales et de leurs groupements : (...) 3° De prendre les mesures nécessaires à l'organisation et au pilotage du réseau des caisses du régime général ; il peut notamment définir les circonscriptions d'intervention des organismes locaux, prendre les décisions prévues aux articles L. 224-11, L. 224-12, L. 224-13 et L. 281-2, et confier à certains organismes, à l'échelon national, interrégional, régional ou départemental, la charge d'assumer certaines missions ".

4. Il résulte de l'instruction que par une décision du 1er janvier 2020, régulièrement publiée, le directeur général de la caisse nationale d'assurance maladie a confié à la CPAM de Loir-et-Cher la prise en charge de l'activité de recours contre les tiers concernant, notamment, les bénéficiaires de la caisse de l'Indre. Il en résulte que, contrairement à ce que soutiennent le CHU de Limoges et la SHAM, la CPAM de Loir-et-Cher est habilitée à agir au nom et pour le compte de la CPAM de l'Indre auprès de laquelle M. C... est assuré.

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ". Aux termes de l'article L. 1142-1-1 du même code : " Ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : / 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales ; / (...) ". Doit être regardée comme présentant un caractère nosocomial au sens de ces dispositions une infection survenant au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de celle-ci, sauf s'il est établi qu'elle a une autre origine que la prise en charge. L'article L. 1142-22 du même code prévoit que l'ONIAM est chargé de l'indemnisation au titre de la solidarité nationale, dans les conditions définies à l'article L. 1142-1-1, des dommages occasionnés par la survenue d'une infection nosocomiale. Il résulte de ces dispositions que les dommages consécutifs à des infections nosocomiales et correspondant à un déficit fonctionnel permanent d'un taux supérieur à 25 %, déterminé par référence au barème figurant à l'annexe 11-2 du code de la santé publique, ouvrent droit à réparation par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale, que ces dommages aient été subis par les patients victimes de telles infections ou par leurs proches. Lorsque le taux de déficit fonctionnel permanent est au plus égal à 25 %, ces dommages engagent la responsabilité de l'établissement de soins, sauf si celui-ci rapporte la preuve d'une cause étrangère.

6. Aux termes de l'article L. 6154-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : " Dès lors que l'exercice des missions de service public définies à l'article L. 6112-1 dans les conditions prévues à l'article L. 6112-3 n'y fait pas obstacle, les praticiens statutaires exerçant à temps plein dans les établissements publics de santé sont autorisés à exercer une activité libérale dans les conditions définies au présent chapitre ". Les rapports qui s'établissent entre les malades admis à l'hôpital et les médecins, chirurgiens et spécialistes à temps plein auxquels ils font appel dans les conditions prévues par les dispositions précitées relèvent du droit privé. Si l'hôpital peut être rendu responsable des dommages subis par de tels malades lorsqu'ils ont pour cause un mauvais fonctionnement résultant soit d'une mauvaise installation des locaux, soit d'un matériel défectueux, soit d'une faute commise par un membre du personnel auxiliaire de l'hôpital mis à la disposition des médecins, chirurgiens et spécialistes, ceux-ci doivent répondre des dommages causés par leurs propres manquements dans les conditions du droit privé.

7. Il résulte des dispositions précitées que la survenue d'une infection nosocomiale au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient dans les locaux d'un hôpital public engage de plein droit la responsabilité de cet établissement, alors même que les soins auraient été dispensés par un praticien dans le cadre de son activité libérale.

8. En l'espèce, M. C... a recherché devant le tribunal administratif de Limoges la responsabilité du CHU de Limoges à raison de l'infection nosocomiale contractée lors de sa prise en charge au sein de cet établissement public. Compte tenu de ce qui a été dit au point 7, une telle demande relève de la compétence de la juridiction administrative alors même que les soins ont été prodigués par un praticien exerçant en secteur libéral. Si le CHU de Limoges et la SHAM font valoir que ce praticien a commis une faute dans la prise en charge de l'infection, cette circonstance, qu'il est loisible au centre hospitalier d'invoquer dans le cadre d'une action récursoire contre ce praticien, est sans incidence sur la compétence de la juridiction administrative pour connaître de la demande présentée par M. C... et, au titre de sa subrogation, par la CPAM de Loir-et-Cher.

9. Il résulte de ce qui précède que les appelants sont fondés à demander l'annulation du jugement attaqué qui a rejeté comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître la demande de M. C... tendant à la réparation des préjudices subis du fait de cette infection nosocomiale et celle de la CPAM de Loir-et-Cher tendant au remboursement des débours exposés au profit de son assuré et au versement de l'indemnité forfaitaire de gestion.

10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer les demandes de M. C... et de la CPAM de Loir-et-Cher devant le tribunal administratif de Limoges, y compris leurs conclusions accessoires relatives aux dépens et aux frais de médiation, pour qu'il y statue à nouveau.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par M. C... et la CPAM de Loir-et-Cher au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1900905 du 5 août 2021 du tribunal administratif de Limoges est annulé.

Article 2 : Les demandes de M. C... et de la CPAM de Loir-et-Cher sont renvoyées devant le tribunal administratif de Limoges pour qu'il y soit statué.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à la caisse primaire d'assurance maladie de Loir-et-Cher, au centre hospitalier universitaire de Limoges et à la société hospitalière des assurances mutuelles.

Délibéré après l'audience du 3 mai 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,

Mme Marie-Pierre Beuve-Dupuy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mai 2022.

La rapporteure,

Marie-Pierre Beuve-Dupuy La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de la prévention en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°21BX03724 , 21BX03817 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX03724
Date de la décision : 31/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COMPÉTENCE - RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION.

17-03 Il résulte des dispositions de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique que la survenue d’une infection nosocomiale au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient dans les locaux d’un hôpital public engage de plein droit la responsabilité de cet établissement, alors même que les soins auraient été dispensés par un praticien dans le cadre de son activité libérale, sous réserve des dispositions de l’article L.1142-1-1 du code de la santé publique concernant la prise en charge par la solidarité nationale des conséquences les plus graves de telles infections. Par suite, une action en responsabilité contre cet hôpital du fait d’une infection nosocomiale relève de la compétence de la juridiction administrative, alors même que l’intervention a été réalisée par un praticien dans le cadre de son activité libérale.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITÉ EN RAISON DES DIFFÉRENTES ACTIVITÉS DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTÉ - ÉTABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION.

60-02-01-01 Il résulte des dispositions de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique que la survenue d’une infection nosocomiale au cours ou au décours de la prise en charge d'un patient dans les locaux d’un hôpital public engage de plein droit la responsabilité de cet établissement, alors même que les soins auraient été dispensés par un praticien dans le cadre de son activité libérale, sous réserve des dispositions de l’article L.1142-1-1 du code de la santé publique concernant la prise en charge par la solidarité nationale des conséquences les plus graves de telles infections. Par suite, une action en responsabilité contre cet hôpital du fait d’une infection nosocomiale relève de la compétence de la juridiction administrative, alors même que l’intervention a été réalisée par un praticien dans le cadre de son activité libérale.


Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre BEUVE-DUPUY
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : MAURY;SARL LE PRADO - GILBERT;MAURY

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-05-31;21bx03724 ?
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