Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La Fédération des associations départementales pour adultes et jeunes handicapés (A...) d'une part, le comité central d'entreprise (CCE) de la Fédération des A... et le comité d'établissement (CE) du Puy-de-Dôme Corrèze d'autre part, ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 29 février 2016 par lequel le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) Aquitaine Limousin Poitou Charentes, devenue Nouvelle Aquitaine, a prononcé le transfert de l'autorisation de gestion de l'établissement et service d'aide par le travail (ESAT) de Chamboulive / Saint-Viance de la Fédération des A... à l'association départementale A... de la Corrèze.
Par un jugement nos 1601736, 1601878 du 30 janvier 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.
Par un arrêt n° 18BX01176,18BX01295 du 12 mai 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement et l'arrêté du 29 février 2016, et rejeté le surplus des demandes des parties.
Par une décision du 14 octobre 2020, le Conseil d'État n'a pas admis le pourvoi en cassation formé par l'association départementale pour adultes et jeunes handicapés D... contre l'arrêt n° 18BX01176,18BX01295 de la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Procédure devant la cour :
Par lettre du 16 avril 2021, la Fédération des associations départementales pour adultes et jeunes handicapés (A...) a contesté le classement administratif en date du 18 mars 2021 de sa demande d'injonction à l'ARS d'ordonner à la fédération départementale des A... de la Corrèze de " cesser la gestion de fait " de l'ESAT de Chamboulive, et demandé à la cour l'ouverture d'une procédure en exécution de l'arrêt n°18BX01176,18BX01295.
Par une ordonnance du 12 mai 2021, la présidente de la cour a ouvert une procédure juridictionnelle à l'effet d'assurer si nécessaire l'exécution de l'arrêt susvisé.
Par un mémoire, enregistré le 1er juillet 2021, la Fédération des associations départementales pour adultes et jeunes handicapés (A...), demande à la cour :
1°) d'enjoindre à l'ARS de prendre les mesures propres à assurer la remise en gestion effective de l'ESAT par la Fédération des A... dès la notification de la décision, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
2°) de mettre à la charge de l'ARS Nouvelle Aquitaine une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- en excès de pouvoir, l'annulation rétroactive d'une décision administrative impose de rétablir les parties dans la situation qui était la leur avant la décision litigieuse. A la suite de l'annulation de la décision de transfert du 29 février 2016 par la Cour, elle doit être regardée comme rétablie dans sa position initiale de titulaire des autorisations de gestion de l'ESAT, nonobstant le renouvellement tacite des autorisations en cours d'instance dont l'ARS avait pris acte par arrêté du 22 décembre 2016. Dès lors que l'ARS n'avait pas enjoint à la Fédération des A... de déposer un dossier de renouvellement, compte tenu des résultats positifs de l'évaluation externe, le renouvellement tacite de l'autorisation de gestion résulte de l'effet de l'article L 313-5 du code de l'action sociale et des familles. La décision du 22 décembre 2016 étant purement recognitive, elle n'est pas susceptible de créer des droits ;
- en tout état de cause, par l'effet rétroactif de l'annulation de la décision de transfert, le renouvellement de l'autorisation de gestion doit donc être regardé comme étant intervenu rétroactivement au seul bénéfice de la Fédération des A..., désormais réputée titulaire de l'autorisation de gestion à la date du renouvellement ;
-l'arrêté du 8 janvier 2021 de l'ARS retirant l'arrêté du 11 septembre 2020 valant cession d'autorisation à la Fédération des A... méconnaît l'autorité de chose jugée de l'arrêt du 12 mai 2020 ;
-l'APAJH 19 se trouve nécessairement privée de l'autorisation de gestion de l'ESAT par l'effet de l'annulation de la décision de transfert du 29 février 2016, de sorte que l'exécution effective de l'arrêt de la cour implique nécessairement que le juge de l'exécution enjoigne à l'ARS de faire cesser la gestion irrégulière par l'APAJH 19 de l'ESAT de Chamboulive ;
- dès lors que l'article L. 313-14 du code de l'action sociale et des familles permet à l'ARS d'adresser des injonctions à un établissement, elle doit mettre fin à l'infraction d'exploitation sans autorisation réprimée à l'article L.313-22 1° de ce code, au besoin en faisant usage des pouvoirs qu'elle détient en application de l'article L. 313-14 du code de l'action sociale et des familles, et assurer le transfert sans délais à la Fédération des A... de tous les moyens nécessaires pour assurer la gestion de l'ESAT ;
-il devra également être enjoint à l'ARS de saisir le procureur de la République en application de l'article 40 du code de procédure pénale de l'infraction précitée, qui est un délit.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... B...,
- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Margelidon, représentant la Fédération des A....
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt définitif, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution (...). Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte. (...) ". L'article L. 921-5 prévoit que : " (...) Lorsque le président estime qu'il a été procédé à l'exécution ou que la demande n'est pas fondée, il en informe le demandeur et procède au classement administratif de la demande. " Aux termes de l'article R. 921-6 du même code : " Dans le cas où le président estime nécessaire de prescrire des mesures d'exécution par voie juridictionnelle, et notamment de prononcer une astreinte, ou lorsque le demandeur le sollicite dans le mois qui suit la notification du classement décidé en vertu du dernier alinéa de l'article précédent et, en tout état de cause, à l'expiration d'un délai de six mois à compter de sa saisine, le président de la cour ou du tribunal ouvre par ordonnance une procédure juridictionnelle. (...) Lorsqu'elle prononce une astreinte, la formation de jugement en fixe la date d'effet ".
2. Par un arrêté du 30 mai 1990, le préfet du Limousin a autorisé l'APAJH de la Corrèze à créer un centre d'aide par le travail de 20 places à Chamboulive, devenu ultérieurement l'ESAT de Chamboulive / Saint-Viance. Par une délibération du 29 avril 2003, le conseil d'administration de l'APAJH de la Corrèze, qui rencontrait de graves difficultés de gestion, a décidé de confier provisoirement la gestion de cet établissement à la Fédération des A.... L'APAJH de la Corrèze et la Fédération des A... ont conclu à cet effet une " convention de reprise " d'une durée de cinq ans à compter du 1er janvier 2004 sous condition résolutoire de " transfert des agréments et de toute autorisation administrative ou judiciaire nécessaire ". Le préfet de la Corrèze, puis l'ARS, ont implicitement pris acte de cet accord en rendant la Fédération des A... seule destinataire de toute décision administrative ou budgétaire relative à la gestion de l'établissement et en lui délivrant les autorisations d'extension de l'établissement en cause, accordées par arrêtés des 6 juillet 2006, 14 décembre 2007 et 23 octobre 2008. La convention a été tacitement reconduite une fois pour la même durée, puis, par une délibération du 16 décembre 2014, l'assemblée générale de l'APAJH de la Corrèze, réunie en session extraordinaire, a décidé de ne pas la renouveler à compter du 1er janvier 2015. Par lettre du 23 février 2015, le directeur délégué à l'autonomie de l'ARS a pris acte de cette décision et demandé à l'APAJH de la Corrèze de le tenir informé de ses démarches relatives aux modalités du transfert de gestion de l'ESAT de Chamboulive / Saint-Viance. Ces démarches n'ont pu aboutir en raison de la volonté de la Fédération des A... de conserver la gestion de l'établissement, dont elle estimait que le développement par la construction d'un nouveau bâtiment pour la filière bois était hors de portée des moyens financiers et humains de l'association locale.
3. L'APAJH de la Corrèze a alors sollicité auprès de l'ARS le transfert de l'autorisation " de gestion ". Par un arrêté du 29 février 2016, le directeur général de l'ARS, constatant à cette date " l'absence de délégation de gestion " du fait du non-renouvellement de la convention, ainsi que l'absence d'incidence du transfert sur la prise en charge des personnes accueillies, a fait droit à cette demande. La Fédération des A..., le comité central d'entreprise (CCE) de la Fédération des A... et le comité d'établissement (CE) du Puy-de-Dôme Corrèze de la Fédération des A... ont relevé appel du jugement du 30 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de cet arrêté.
4. Par un arrêt n°18BX01176,18BX01295 du 12 mai 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé l'arrêté pour le motif unique que la décision de transfert de l'autorisation dont la Fédération des A... était titulaire devait être regardée comme l'abrogation d'une décision créatrice de droit, qui ne pouvait intervenir sans que la Fédération, qui ne l'avait pas demandée, puisse faire valoir ses observations.
5. La Fédération des A... ayant fait pression sur l'ARS Nouvelle Aquitaine à plusieurs reprises pour obtenir une autorisation à son profit qu'elle estimait due en exécution de cet arrêt, le directeur de l'ARS a pris le 11 septembre 2020 un nouvel arrêté abrogeant un arrêté du 22 décembre 2016 par lequel il avait accordé l'autorisation à l'APAJH 19 pour une nouvelle période de 15 ans expirant en 2032, et reconnaissant la Fédération des A... comme titulaire de l'autorisation. L'exécution de cette décision a toutefois été suspendue par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux du 13 octobre 2020 aux motifs que l'exécution de l'arrêt de la cour du 12 mai 2020 n'impliquait pas ce nouveau transfert et que celui-ci n'avait pas été précédé d'une procédure contradictoire au bénéfice de l'APAJH de la Corrèze. L'ARS a alors, par une décision du 8 janvier 2021, retiré l'arrêté du 11 septembre 2020 et confirmé celui du 22 décembre 2016.
6. En l'absence de définition, par le jugement ou l'arrêt dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative d'y procéder lui-même en tenant compte des situations de droit et de fait existant à la date de sa décision. Il ne peut toutefois remettre en cause les mesures qui ont précédemment été prescrites ni méconnaître l'autorité qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée. En particulier, la rectification des erreurs de droit ou de fait dont serait entachée la décision en cause ne peut procéder que de l'exercice, dans les délais fixés par les dispositions applicables, des voies de recours ouvertes contre cette décision.
7. Il résulte de l'instruction que l'APAJH de la Corrèze est titulaire depuis l'arrêté du 22 décembre 2016 d'une autorisation de gestion de l'établissement et service d'aide par le travail de Chamboulive / Saint Viance renouvelée pour 15 ans à compter du 3 janvier 2017, décision individuelle dont la légalité n'a alors pas été contestée. Si cet arrêté a été retiré le 11 septembre 2020, ce retrait a lui-même fait l'objet d'une suspension d'exécution par le juge des référés, puis d'un retrait par son auteur le 8 janvier 2021, si bien que l'autorisation du 22 décembre 2016 demeure en vigueur à la date du présent arrêt. Il n'appartient pas à la cour, saisie des seules mesures qu'implique l'arrêt qu'elle a rendu le 12 mai 2020, de se prononcer ni sur la légalité de l'arrêté du 22 décembre 2016, qui ne lui a jamais été soumise, ni sur la légalité de l'arrêté du 8 janvier 2021, qui est contestée dans une instance en excès de pouvoir pendante devant le tribunal administratif de Bordeaux.
8. L'article L. 313-5 du code de l'action sociale et des familles prévoit que : " L'autorisation est réputée renouvelée par tacite reconduction sauf si, au moins un an avant la date du renouvellement, l'autorité compétente, au vu de l'évaluation externe, enjoint à l'établissement ou au service de présenter dans un délai de six mois une demande de renouvellement. (...). L'absence de notification d'une réponse par l'autorité compétente dans les six mois qui suivent la réception de la demande vaut renouvellement de l'autorisation. "
9. Il est constant que l'ARS n'a pas demandé à l'APAJH 19 de présenter une demande de renouvellement, ce qui tend à démontrer qu'elle n'avait pas remis en question les conditions de fonctionnement de l'établissement sous sa gestion. L'arrêté du 22 décembre 2016, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture D... le 30 décembre 2016, indique corriger un précédent arrêté du 23 novembre 2016 qui serait entaché d'une erreur matérielle pour avoir pris acte d'un renouvellement tacite de l'autorisation. Il subordonne expressément, dans son article 3, le renouvellement de l'autorisation aux résultats d'évaluations externes. Il n'est pas établi, ni même allégué, que l'APAJH de la Corrèze aurait fait l'objet d'évaluations négatives de nature à remettre en cause cette autorisation. Dans ces conditions, l'annulation le 12 mai 2020 de la précédente autorisation du 29 février 2016 pour vice de procédure n'emportait nullement obligation pour l'ARS de contraindre l'APAJH de la Corrèze, devenue titulaire d'une nouvelle autorisation non contestée, à restituer la gestion de l'ESAT à la Fédération des A.... Celle-ci n'est pas fondée à soutenir, au regard de cette décision désignant clairement l'APAJH de la Corrèze comme bénéficiaire, qu'un tel renouvellement devrait être regardé comme prononcé à son bénéfice du fait de l'annulation de la décision de transfert de février 2016. Par suite, l'exécution de l'arrêt du 12 mai 2020 n'implique pas les injonctions que la Fédération des A... demande à l'ARS d'adresser à l'APAJH de la Corrèze, ni en tout état de cause que l'ARS signale au procureur de la République, en vertu de l'article 40 du code de procédure pénale, un prétendu délit de gestion de l'ESAT sans autorisation par l'APAJH de la Corrèze.
10. Il résulte de ce qui précède que la demande de la Fédération des A... ne peut qu'être rejetée, ensemble et en tout état de cause les conclusions présentées à l'encontre de l'ARS au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la Fédération des associations départementales pour adultes et jeunes handicapés (A...) est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la Fédération des associations départementales pour adultes et jeunes handicapés (A...), à l'APAJH de la Corrèze et au ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées. Copie en sera adressée à l'Agence régionale de santé de Nouvelle-Aquitaine.
Délibéré après l'audience du 3 mai 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
Mme Marie-Pierre Beuve-Dupuy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mai 2022.
La présidente-assesseure,
Anne Meyer
La présidente, rapporteure,
Catherine B...
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
21BX01848 2