Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 425 180,20 euros émis le 31 mai 2016 par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Gironde, correspondant aux interventions effectuées dans le cadre de l'activité de la structure mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) au cours de l'année 2015 ou, à titre subsidiaire, d'annuler ce titre exécutoire en tant qu'il excède 1 642 interventions, et de prononcer la décharge de l'obligation de payer les sommes correspondantes.
Par un jugement n° 1603216 du 13 février 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 18BX01534 du 23 juin 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux a déchargé le CHU de Bordeaux de l'obligation de payer les sommes correspondant aux interventions du SDIS de la Gironde effectuées au cours de l'année 2015 pour le compte de la " SMUR d'Arès " et rejeté le surplus de ses conclusions.
Par une décision n° 443335 du 30 décembre 2021, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté pour le centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 23 juin 2020 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de la requête d'appel et a renvoyé l'affaire dans la même mesure à la même cour.
Procédure devant la cour avant cassation :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 13 avril 2018 et le 30 avril 2019, le CHU de Bordeaux, représenté par la SCP Guillemoteau Bernadou Raffy, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 février 2018 ;
2°) d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 425 180,20 euros émis le 31 mai 2016 par le SDIS de la Gironde ou, à titre subsidiaire, de l'annuler en tant qu'il excède
1 642 interventions, et de prononcer la décharge de l'obligation de payer les sommes correspondantes ;
3°) de mettre à la charge du SDIS de la Gironde une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- dès lors que le SDIS n'a pas produit le bordereau du titre de recettes signé par le colonel D... B..., adjoint au directeur du SDIS, dont le nom figure comme ordonnateur sur le titre exécutoire, c'est à tort que le tribunal a écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales ; la circonstance qu'un état de recettes a été signé par le directeur ne saurait suppléer cette carence ;
- le titre exécutoire contesté correspond pour partie à des " jonctions SMUR " consécutives à des interventions sur la voie publique ou à des départs en prompt secours des sapeurs-pompiers ; contrairement à ce qu'ont relevé les premiers juges, il ne ressort d'aucune pièce produite par les parties que le centre de réception et de régulation des appels (CRRA) relevant du service médical d'urgence (SMUR) de l'établissement de santé et le centre de traitement des appels (CTA) du SDIS seraient interconnectés ; il appartient au SDIS de justifier que les transports " en jonction " non admis ont été réalisés à la demande de la régulation médicale du CRRA 15 ; le CHU n'est pas en mesure de produire un listing des transports que le SDIS revendique à tort ;
- c'est à tort que le tribunal a jugé que la " SMUR d'Arès " gérée par la fondation Wallerstein, entité juridique autonome autorisée à cet effet par une décision de l'agence régionale de l'hospitalisation du 20 mars 2007, ne saurait être considérée comme une structure autonome du CHU de Bordeaux et que son activité était incluse dans la convention conclue avec le SDIS ; ce dernier aurait dû signer une convention avec l'association " Les Amis de l'Œuvre Wallerstein " qui gère le centre médico-chirurgical Wallerstein à Arès et est autorisée à gérer une SMUR, comme il l'a fait avec le centre hospitalier de Libourne ; la circonstance que le CHU a tardivement pris conscience de ces facturations ne permet pas d'établir un quelconque acquiescement.
Par des mémoires en défense enregistrés les 22 mars, 22 mai 2019 et
24 février 2020, le SDIS de la Gironde, représenté par le cabinet Lexia, conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce qu'il soit enjoint au CHU de Bordeaux, avant dire droit, de communiquer le listing faisant apparaître l'exhaustivité des transports médicalisés par les équipes de la SMUR intervenues avec un véhicule de secours et d'assistance aux victimes, et ce faisant le listing complet des interventions consécutives à un départ préalable du SDIS ou réalisées sur des lieux publics, et demande à la cour de mettre à la charge du CHU de Bordeaux une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens invoqués par le CHU de Bordeaux ne sont pas fondés.
Procédure devant la cour après cassation :
Par des mémoires, enregistrés les 7 et 21 mars 2022, le CHU de Bordeaux, représenté par la selarl Bernadou avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 février 2018 ;
2°) d'annuler partiellement le titre exécutoire en tant qu'il excède
1 642 interventions, et de prononcer la décharge de l'obligation de payer les sommes correspondantes ;
3°) de mettre à la charge du SDIS de la Gironde une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il reprend les mêmes moyens que ceux développés dans ses écritures précédentes.
Par des mémoires, enregistrés les 8 et 22 mars 2022, le SDIS de la Gironde, représenté par le cabinet Lexia, conclut :
1°) à titre principal au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire à ce que le CHU soit déchargé de l'obligation de payer les seules sommes qu'il conteste ;
3°) à ce qu'il soit enjoint au CHU de Bordeaux, avant dire droit, de communiquer le listing faisant apparaître l'exhaustivité des transports médicalisés par les équipes de la SMUR intervenues avec un véhicule de secours et d'assistance aux victimes, et ce faisant le listing complet des interventions consécutives à un départ préalable du SDIS ou réalisées sur des lieux publics, le cas échéant sous astreinte ;
4°) à ce que soit mise à la charge du CHU de Bordeaux une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués par le CHU de Bordeaux n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- l'arrêté du 24 avril 2009 relatif à la mise en œuvre du référentiel portant sur l'organisation du secours à la personne et de l'aide médicale urgente ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C... A...,
- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,
- et les observations de Me Bernadou représentant le CHU de Bordeaux et de Me Ruffié représentant le SDIS de la Gironde.
Considérant ce qui suit :
1. Le CHU de Bordeaux a conclu, le 14 juin 2007, avec le SDIS de la Gironde, une convention relative au remboursement des interventions du SDIS dans le cadre de l'activité de la structure mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) relevant du CHU. Sur le fondement de cette convention, le SDIS de la Gironde a émis, le 31 mai 2016, un titre exécutoire d'un montant de 425 185,20 euros correspondant, pour 190 080 euros, à la facturation du forfait annuel et, pour 235 105,20 euros, à 1 739 interventions facturables au-delà du forfait, réalisées selon lui au cours de l'année 2015 dans le cadre de cette convention. Le CHU de Bordeaux, estimant que la convention ne permettait la prise en charge ni des transports effectués par le SDIS lorsque celui-ci s'était rendu en urgence auprès de la victime dans le cadre d'une intervention dite de " prompt secours " ou d'un accident survenu sur la voie publique, ni des transports dits " de jonction " avec " la SMUR d'Arès ", a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler ce titre exécutoire ou, à tout le moins, de l'annuler en tant qu'il excède 1 642 interventions, et de le décharger de l'obligation de payer les sommes correspondantes. Par un jugement du 13 février 2018, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes. Par un arrêt du 23 juin 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux, saisie par le CHU de Bordeaux, l'a déchargé de l'obligation de payer la somme correspondant aux interventions du SDIS de la Gironde effectuées au cours de l'année 2015 pour le compte de la " SMUR d'Arès " et a rejeté le surplus de ses conclusions. Par une décision du 30 décembre 2021, le Conseil d'Etat, saisi d'un pouvoir présenté par le CHU, a annulé cet arrêt en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de la requête d'appel et renvoyé l'affaire dans cette mesure devant la cour.
Sur la régularité en la forme du titre exécutoire :
2. Aux termes des dispositions du 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " Quelle que soit sa forme, une ampliation du titre de recettes individuel ou de l'extrait du titre de recettes collectif est adressée au redevable. (...) / En application de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délais de recours. / Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation. ". Il résulte de ces dispositions du code général des collectivités territoriales, éclairées par les travaux préparatoires de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures d'où ses deux derniers alinéas sont issus, d'une part, que le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif doivent mentionner les nom, prénoms et qualité de l'auteur de cette décision, au sens de l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, codifié depuis lors au premier alinéa de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, de même par voie de conséquence que l'ampliation adressée au redevable, et d'autre part, qu'il appartient à l'autorité administrative de justifier en cas de contestation que le bordereau de titre de recettes comporte la signature de cet auteur.
3. Toutefois, il résulte des articles L. 100-1 et L. 100-3 du code des relations entre le public et l'administration que les dispositions de ce code ne s'appliquent pas, sauf exception, aux relations entre personnes morales de droit public. L'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration n'est ainsi pas applicable dans un litige opposant deux personnes publiques.
4. Par suite, un établissement public ne peut se prévaloir de ces dispositions à l'encontre d'une décision émise par un autre établissement public. Il s'ensuit que le CHU de Bordeaux ne saurait utilement soutenir que, faute de comporter de signature, le titre litigieux méconnaîtrait les dispositions du 4° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales.
Sur le bien-fondé de la créance :
5. D'une part, aux termes de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors applicable : " Les services d'incendie et de secours (...) / concourent, avec les autres services et professionnels concernés, (...) aux secours d'urgence. / Dans le cadre de leurs compétences, ils exercent les missions suivantes : (...) / 4° Les secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes ainsi que leur évacuation ". L'article L. 742-11 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction alors applicable, prévoit que : " Les dépenses directement imputables aux opérations de secours au sens des dispositions de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales sont prises en charge par le service départemental d'incendie et de secours (...) ". L'article L. 1424-42 du code général des collectivités territoriales dispose, dans sa rédaction alors applicable, que : " Le service départemental d'incendie et de secours n'est tenu de procéder qu'aux seules interventions qui se rattachent directement à ses missions de service public définies à l'article L. 1424-2. / (...) Les interventions effectuées par les services d'incendie et de secours à la demande de la régulation médicale du centre 15, lorsque celle-ci constate le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés, et qui ne relèvent pas de l'article L. 1424-2, font l'objet d'une prise en charge financière par les établissements de santé, sièges des services d'aide médicale d'urgence. / Les conditions de cette prise en charge sont fixées par une convention entre le service départemental d'incendie et de secours et l'hôpital siège du service d'aide médicale d'urgence, selon des modalités fixées par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de la sécurité sociale (...) ".
6. D'autre part, aux termes de l'article L. 6311-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : " L'aide médicale urgente a pour objet, en relation notamment avec les dispositifs communaux et départementaux d'organisation des secours, de faire assurer aux malades, blessés et parturientes, en quelque endroit qu'ils se trouvent, les soins d'urgence appropriés à leur état ". L'article L. 6311-2 du même code prévoit, dans sa rédaction alors applicable, que : " Seuls les établissements de santé peuvent être autorisés, conformément au chapitre II du titre II du livre Ier de la présente partie, à comporter une ou plusieurs unités participant au service d'aide médicale urgente, dont les missions et l'organisation sont fixées par voie réglementaire. / Un centre de réception et de régulation des appels est installé dans les services d'aide médicale urgente. (...) / Dans le respect du secret médical, les centres de réception et de régulation des appels sont interconnectés avec les dispositifs des services de police et d'incendie et de secours. / Les services d'aide médicale urgente et les services concourant à l'aide médicale urgente sont tenus d'assurer le transport des patients pris en charge dans le plus proche des établissements offrant des moyens disponibles adaptés à leur état, sous réserve du respect du libre choix ". L'article R. 6311-1 du même code précise que : " Les services d'aide médicale urgente ont pour mission de répondre par des moyens exclusivement médicaux aux situations d'urgence. / Lorsqu'une situation d'urgence nécessite la mise en œuvre conjointe de moyens médicaux et de moyens de sauvetage, les services d'aide médicale urgente joignent leurs moyens à ceux qui sont mis en œuvre par les services d'incendie et de secours " et l'article R. 6311-2 que : " Pour l'application de l'article R. 6311-1, les services d'aide médicale urgente : / (...) 2° Déterminent et déclenchent, dans le délai le plus rapide, la réponse la mieux adaptée à la nature des appels ; / (...) 4° Organisent, le cas échéant, le transport dans un établissement public ou privé en faisant appel à un service public ou à une entreprise privée de transports sanitaires (...) ". L'article R. 6123-15 de ce code dispose que : " Dans le cadre de l'aide médicale urgente, la structure mobile d'urgence et de réanimation mentionnée à l'article R. 6123-1 a pour mission : / 1° D'assurer, en permanence, en tous lieux et prioritairement hors de l'établissement de santé auquel il est rattaché, la prise en charge d'un patient dont l'état requiert de façon urgente une prise en charge médicale et de réanimation, et, le cas échéant, et après régulation par le SAMU, le transport de ce patient vers un établissement de santé (...) ". L'article D. 6124-12 de ce code permet aux services d'incendie et de secours de mettre des équipages et véhicules à disposition d'une structure mobile d'urgence et de réanimation dans le cadre, qui régit alors cette mise à disposition, d'une convention avec l'établissement de santé autorisé à disposer d'une telle structure. Il résulte de l'article R. 6312-15 du même code que ces services, indépendamment de la conclusion d'une telle convention, peuvent être amenés à intervenir pour effectuer des transports sanitaires d'urgence faute de moyens de transport sanitaire.
7. Enfin, le paragraphe II.B.1 du titre I du référentiel commun du 25 juin 2008 relatif à l'organisation du secours à personne et de l'aide médicale urgente, annexé à l'arrêté de la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et de la ministre de la santé et des sports du 24 avril 2009, prévoit, pour renforcer la coordination des services publics de façon à apporter la réponse la plus adaptée aux situations d'urgence, d'une part, que tous les appels pour secours et soins d'urgence font l'objet de la régulation médicale par le service d'aide médicale urgente (SAMU) et, d'autre part, que dans les situations de " départ réflexe ", correspondant notamment à l'urgence vitale identifiée à l'appel et aux interventions sur la voie publique ou dans les lieux publics, l'engagement des moyens des services d'incendie et de secours en vue de secours d'urgence précède la régulation médicale, laquelle se fait alors dans les meilleurs délais. En vertu de la circulaire interministérielle du 5 juin 2015 relative à l'application de l'arrêté du 24 avril 2009 relatif à la mise en œuvre du référentiel portant sur l'organisation du secours à personne et de l'aide médicale urgente : " En cas de départ réflexe des moyens du SIS, la régulation médicale par le SAMU intervient dans les meilleurs délais après le déclenchement des moyens du SIS afin de s'assurer de la pertinence des moyens déjà engagés (compétence mobilisée et vecteur utilisé) et de les compléter le cas échéant ".
8. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les services départementaux d'incendie et de secours ne doivent supporter la charge que des interventions qui se rattachent directement aux missions de service public définies à l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales. Figurent au nombre de ces missions celles qui relèvent des secours d'urgence aux personnes victimes d'accidents, de sinistres ou de catastrophes, y compris l'évacuation de ces personnes vers un établissement de santé.
9. Il résulte également de ces dispositions qu'il incombe aux services d'aide médicale urgente de faire assurer aux malades, blessés et parturientes, en quelque endroit qu'ils se trouvent, les soins d'urgence appropriés à leur état et, à cette fin, au centre de réception et de régulation des appels, dit " centre 15 ", installé dans ces services, de déterminer et déclencher, dans le délai le plus rapide, la réponse la mieux adaptée à la nature des appels, le cas échéant en organisant un transport sanitaire d'urgence faisant appel à une entreprise privée de transport sanitaire ou, au besoin, aux services d'incendie et de secours.
10. Il résulte de l'instruction que la convention conclue par le CHU de Bordeaux et le SDIS de la Gironde le 14 juin 2007 l'a été pour permettre que, dans le cadre prévu par l'article D. 6124-12 du code de la santé publique, les moyens du SDIS soient, sur demande du " centre 15 ", mis à la disposition de la SMUR pour l'exercice par cette dernière de ses missions, et elle précise à son article 3 qu'elle " trouve sa limite dans les obligations de continuité de service du SDIS et l'exécution de ses missions propres ". Elle ne saurait ainsi régir les interventions du SDIS relevant des missions qui sont dévolues à celui-ci par l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, qu'il est tenu d'assurer et de prendre en charge et lors desquelles il ne peut être regardé comme mettant ses moyens à la disposition d'une SMUR dans le cadre d'une convention librement conclue en vertu de l'article D. 6124-12 du code de la santé publique. Par suite, lorsque le SDIS, après avoir engagé ses moyens dans une situation de " départ réflexe ", laquelle relève de ses missions de service public au titre du 4° de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, procède à l'évacuation de la personne secourue vers un établissement de santé, il lui incombe d'assumer la charge financière de ce transport qui doit être regardé, en vertu des mêmes dispositions, quelle que soit la gravité de l'état de la personne secourue, comme le prolongement des missions de secours d'urgence aux accidentés ou blessés qui lui sont dévolues. La circonstance que la structure mobile d'urgence et de réanimation soit également intervenue sur décision du médecin coordonnateur du " centre 15 " pour assurer, au titre de ses missions propres, la prise en charge médicale urgente de la personne, est sans incidence sur les obligations légales du SDIS, parmi lesquelles figure celle d'assurer l'évacuation de la personne qu'il a secourue vers un établissement de santé.
11. Au cours de l'année 2015, le SDIS de la Gironde a réalisé 3 579 interventions qu'il a facturées au CHU de Bordeaux. Il est constant que 1 937 d'entre elles correspondent à des situations de " départ réflexe " justifiées notamment par l'urgence vitale identifiée à l'appel ou par des interventions sur la voie publique ou dans les lieux publics. Il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que ces situations relèvent des missions de service public du SDIS au titre du 4° de l'article L. 1424-2 du code général des collectivités territoriales, sans que l'intervention concomitante de la structure mobile d'urgence et de réanimation n'ait d'incidence sur les obligations légales du SDIS. Par suite, le SDIS de la Gironde ne pouvait mettre à la charge du CHU de Bordeaux, sur le fondement de la convention du 14 juin 2007, l'obligation de payer les sommes correspondant à ces 1 937 interventions.
12. Il résulte des stipulations de l'article 8 de la convention du 14 juin 2007 que le montant du remboursement des interventions du SDIS est calculé en multipliant le coût unitaire de transport par un forfait annuel de nombre de transports, fixé pour l'année 2015 à 1 600 interventions. Si le nombre de transports recensés s'écarte de plus de 15 %, par rapport au nombre forfaitaire, la participation financière du CHU est alors calculée à partir du forfait, majoré par le produit du coût unitaire avec le nombre de transports réels dépassant le plafond du forfait. En l'occurrence, le nombre d'interventions mis à bon droit à la charge du CHU de Bordeaux s'élève à 1 642 et est compris dans le plafond du forfait. Par conséquent, le CHU de Bordeaux doit être déchargé de l'obligation de payer la somme de 235 105,20 euros.
13. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin pour la cour de mettre en œuvre ses pouvoirs d'instruction, que le CHU de Bordeaux est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à annuler le titre exécutoire du 31 mai 2016 en tant qu'il excède 1 642 interventions et à être déchargé en conséquence de l'obligation de payer la somme de 235 105,20 euros.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CHU de Bordeaux, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le SDIS de la Gironde demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu en revanche de mettre à la charge du SDIS de la Gironde la somme de 1 500 euros à verser au CHU de Bordeaux au même titre.
DECIDE :
Article 1er : Le titre exécutoire du 31 mai 2016 est annulé en tant qu'il excède 1 642 interventions.
Article 2 : Le CHU de Bordeaux est déchargé de l'obligation de payer la somme de 235 105,20 euros.
Article 3 : Le jugement est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2 du présent arrêt.
Article 4 : Le SDIS de la Gironde versera au CHU de Bordeaux la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions du CHU de Bordeaux sont rejetées pour le surplus.
Article 6 : Les conclusions présentées par le SDIS de la Gironde sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Bordeaux et au service départemental d'incendie et de secours de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Karine Buteri, présidente,
M. Olivier Cotte, premier conseiller,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 mai 2022.
Le rapporteur,
Olivier A...
La présidente,
Karine Buteri
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21BX04761