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19/05/2022 | FRANCE | N°22BX00436

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 19 mai 2022, 22BX00436


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 29 avril 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans.

Par un jugement n° 2102521 du 1er juillet 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordea

ux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 f...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. I... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 29 avril 2021 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de deux ans.

Par un jugement n° 2102521 du 1er juillet 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 4 février 2022, M. I..., représenté par Me Duten, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 1er juillet 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 29 avril 2021 ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la préfète ne justifie pas de l'absence ou de l'empêchement des personnes bénéficiant de la délégation de signature avant le signataire de l'arrêté litigieux ;

- l'arrêté est dépourvu de base légale ;

- la préfète a méconnu le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation dès lors que son état de santé nécessite un suivi médical spécialisé ;

- l'arrêté litigieux méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il est bien intégré en France ;

- cet arrêté méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie d'une situation exceptionnelle au regard de son intégration sur le territoire français et de son état de santé ;

- la préfète a commis une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 mars 2022, la préfète de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens de M. I... ne sont pas fondés.

M. I... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme H... D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. I..., ressortissant géorgien né le 19 avril 1969, entré sur le territoire français au mois de septembre 2018 selon ses déclarations, a demandé le réexamen de sa demande d'asile. Cette demande a été rejetée par une décision du 5 mars 2021. Par un arrêté du 29 avril 2021, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. I... relève appel du jugement du 1er juillet 2021 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 avril 2021.

2. En premier lieu, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la préfète de la Gironde a, par un arrêté du 7 décembre 2020 régulièrement publié au recueil des actes administratifs n°

33-2020-196 du même jour, donné délégation à Mme E... B..., chef du bureau de l'asile et du guichet unique, signataire de l'arrêté du 29 avril 2021, à l'effet de signer toutes décisions prises en application des livres III, IV, V et VII du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en cas d'absence ou d'empêchement de M. A... du Payrat, de Mme G..., de Mme C... et de M. F.... Il ne ressort pas des pièces du dossier que ces derniers n'auraient pas été absents ou empêchés à la date de l'arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit être écarté.

3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, ni n'est même allégué, que M. I... aurait porté à la connaissance de la préfète de la Gironde des éléments relatifs à son état de santé, alors qu'il est constant qu'il n'a pas demandé de titre de séjour en tant qu'étranger malade. Par suite, le moyen tiré de ce que la préfète n'aurait pas procédé à un examen approfondi de sa situation en ne prenant pas en compte son état de santé doit être écarté.

4. En troisième lieu, d'une part, il ressort des termes de l'arrêté en litige que la préfète de la Gironde a constaté que M. I... ne pouvait pas bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11 et de l'article L. 313-35 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, lesquels sont soumis à la reconnaissance du statut de réfugié par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile. D'autre part, la préfète a considéré, après examen de la situation de l'intéressé au regard des éléments portés à sa connaissance, qu'il n'entrait dans aucun autre cas d'attribution de titre de séjour de plein droit. Enfin, la préfète a pu, alors qu'elle a estimé que M. I... ne pouvait pas bénéficier d'un titre de séjour, et en application des dispositions du 4° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur version alors en vigueur selon lesquelles " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) L'étranger n'a introduit une première demande de réexamen, qui a fait l'objet d'une décision d'irrecevabilité par l'office en application du 3° de l'article L. 723-11, qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement ", décider d'édicter une obligation de quitter le territoire français à l'encontre du requérant, qui ne bénéficiait plus du droit de se maintenir sur le territoire français, le réexamen de sa demande d'asile ayant été rejeté. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions de refus de titre de séjour et portant obligation de quitter le territoire français seraient privées de base légale doivent être écartés.

5. En quatrième lieu, aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

6. Ainsi qu'il a été rappelé au point 3, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. I..., qui n'a pas déposé de demande de titre de séjour en tant qu'étranger malade, aurait porté à la connaissance de la préfète des éléments relatifs à son état de santé. L'intéressé verse au dossier un certificat du 20 mars 2020 établi par un infirmier d'un centre du comité d'étude et d'information sur les drogues et les addictions attestant de son suivi au sein du programme Méthadone, ainsi qu'un certificat établi le 27 mai 2021, soit postérieurement à l'arrêté litigieux, par un médecin du même centre selon lequel il souffre d'un trouble sévère de l'usage des opiacés nécessitant un suivi spécialisé par un addictologue et un traitement de substitution par méthadone. Il ne ressort cependant d'aucun élément au dossier, et il n'est d'ailleurs pas allégué, que les soins dont bénéficie actuellement M. I... ne seraient pas disponibles dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tel que soulevé par le requérant, doit être écarté.

7. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. I... aurait présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La préfète, n'étant pas tenue, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si M. I... pouvait prétendre à un titre de séjour sur ce fondement, et n'ayant pas procédé à cet examen à titre gracieux, le requérant ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, ce moyen doit être écarté.

8. En sixième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits de libertés d'autrui ".

9. M. I... fait valoir qu'il est entré sur le territoire français depuis le mois de septembre 2018, soit un peu moins de trois ans à la date de l'arrêté litigieux. S'il soutient être intégré en France, il ne verse au dossier aucun document permettant de justifier d'une telle intégration, ni ne fait état d'aucune attache particulière qu'il aurait formée sur le territoire national et ne conteste pas avoir des attaches familiales dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de quarante-neuf ans. En outre, M. I... ne peut se prévaloir de son état de santé pour caractériser l'existence de liens qu'il aurait formés en France. Dans ces conditions, l'arrêté du 29 avril 2021 ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant au regard des buts qu'il poursuit. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. Enfin, pour les motifs énoncés aux points 6 et 9, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise la préfète de la Gironde doit être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. I... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Sa requête doit ainsi être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. I... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. J... I... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 21 avril 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mai 2022.

La rapporteure,

Charlotte D...La présidente,

Marianne Hardy La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22BX00436 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00436
Date de la décision : 19/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : DUTEN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-05-19;22bx00436 ?
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