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19/05/2022 | FRANCE | N°20BX03020

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 19 mai 2022, 20BX03020


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2017 par lequel le ministre de l'éducation nationale a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'un an assortie d'un sursis de onze mois.

Par un jugement n° 1800207 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 15 septembre 2017 du ministre de l'éducation nationale et a enjoint à l'Etat de réintégrer juridiquement M. B... pour la période

pendant laquelle il a été exclu et de reconstituer sa carrière ainsi que ses droit...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 15 septembre 2017 par lequel le ministre de l'éducation nationale a prononcé à son encontre une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'un an assortie d'un sursis de onze mois.

Par un jugement n° 1800207 du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 15 septembre 2017 du ministre de l'éducation nationale et a enjoint à l'Etat de réintégrer juridiquement M. B... pour la période pendant laquelle il a été exclu et de reconstituer sa carrière ainsi que ses droits à pension.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 septembre 2020, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 7 juillet 2020 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. B....

Il soutient que :

- les premiers juges ont commis une erreur d'appréciation ;

- les faits étaient matériellement établis, M. B... a de façon récurrente un comportement inadapté à l'égard des élèves, des propos à connotation sexuelle incompatibles avec sa fonction d'enseignant et des propos humiliants à l'égard d'un élève.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2020, M. B..., représenté par Me Chagnaud, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le décret n°92- 1189 du 6 novembre 1992 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C... D...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me Durand, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., enseignant en génie mécanique au lycée professionnel Saint- Exupéry de Limoges depuis 2014, a été suspendu de ses fonctions pour une durée de quatre mois par un arrêté du 13 janvier 2017. Par un arrêté du 15 septembre 2017, le ministre de l'éducation nationale a prononcé à son encontre la sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée d'un an dont onze mois avec sursis. M. B... a formé un recours gracieux contre cette décision, que le ministre de l'éducation nationale a rejeté par une décision du 12 décembre 2017. Saisi par M. B..., le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 15 septembre 2017 et la décision du 12 décembre 2017 et a enjoint à l'Etat de réintégrer juridiquement M. B... pour la période pendant laquelle il a été exclu et de reconstituer sa carrière ainsi que ses droits à pension. Le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports relève appel de ce jugement du 7 juillet 2020.

2. Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes.//(...) Troisième groupe : (...)- l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans.// (...)L'exclusion temporaire de fonctions, qui est privative de toute rémunération, peut être assortie d'un sursis total ou partiel ".

3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire sont matériellement établis et constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. M. B... a fait l'objet d'une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'un an dont onze mois avec sursis en raison d'une posture professionnelle inadaptée et de l'utilisation d'un vocabulaire inapproprié que l'administration a estimé contraires aux obligations de dignité et d'exemplarité qui incombent à un enseignant. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des propos recueillis lors de l'enquête administrative, que l'intéressé a eu un comportement inadapté avec un élève prénommé Alexandre, que l'enseignant a humilié à plusieurs reprises devant les élèves, et cela malgré l'intervention et les signalements de la mère de l'élève. A ce titre, la circonstance qu'un seul élève aurait été humilié durant l'année scolaire 2016-2017 ne saurait ôter à ces faits leur caractère de gravité dès lors qu'il incombe à tout enseignant de se comporter en adulte responsable et bienveillant à l'égard des élèves en situation de vulnérabilité compte tenu de leur jeune âge. En outre, il ressort également des pièces du dossier que M. B... a volontairement accéléré avec son véhicule sur un élève avec lequel il avait eu une altercation, puis a perdu son sang-froid, a menacé l'élève d'appeler son patron et a échangé avec lui un certain nombre d'insultes et de menaces, ce qui caractérise un comportement inapproprié ainsi que mentionné dans l'arrêté contesté. Ces faits, qui ne sont pas sérieusement contredits par les attestations émanant principalement des élèves du lycée qui ont été soumis par M. B... à un questionnaire rédigé par lui, alors que l'enseignant était suspendu et avait interdiction de pénétrer dans l'établissement, sont à eux seuls suffisants, eu égard à leur gravité et à leur réitération, pour être regardés comme étant constitutifs de fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire.

5. Compte tenu de leur gravité, ces faits portent atteinte aux obligations de dignité, d'exemplarité et de réserve attendues d'un enseignant, en toutes circonstances, dans le cadre de sa relation aux élèves et nuisent au fonctionnement et à l'image du service public d'enseignement. Aussi, en infligeant à M. B... une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'un an, dont onze mois avec sursis, l'administration a pris une sanction qui n'est pas disproportionnée eu égard à la gravité des fautes commises. Dès lors, c'est à tort que, pour annuler la décision du 15 septembre 2017, le tribunal administratif de Limoges s'est fondé sur ce motif.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif.

7. En premier lieu, aux termes de l'article 2 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : " L'organisme siégeant en Conseil de discipline lorsque sa consultation est nécessaire, en application du second alinéa de l'article 19 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, est saisi par un rapport émanant de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire ou d'un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cet effet (...) ". Selon l'article 29 du décret du 6 novembre 1992 relatif au statut particulier des professeurs de lycées professionnels : " (...)Le pouvoir de saisir la commission administrative paritaire compétente siégeant en conseil de discipline est délégué au recteur d'académie ".

8. Il ressort des pièces du dossier que le rapport de saisine du conseil de discipline a été signé par le recteur de l'académie de Limoges, lequel constitue l'autorité disciplinaire compétente à cet effet en application de l'article 29 du décret du 6 novembre 1992. Par suite, les dispositions de l'article 2 du décret du 25 octobre 1984 n'ont pas été méconnues.

9. En deuxième lieu, il ressort de la lecture de la décision du 15 septembre 2017 qu'elle contient les éléments de fait et de droit sur lesquels elle se fonde. Elle évoque le rapport disciplinaire, l'avis motivé du conseil de discipline, détaille les comportements et griefs reprochés à M. B.... Elle est, par suite, suffisamment motivée.

10. Enfin, en dernier lieu, M. B... fait valoir que le rapport d'enquête administrative ne satisferait pas au principe d'impartialité. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, que l'enquête administrative a été menée auprès de douze enseignants ou encadrants du lycée dans lequel était affecté l'intéressé et que des élèves en nombre suffisant ont également été entendus et ont d'ailleurs donné des témoignages favorables à M. B.... Si le requérant fait valoir que l'un des professeurs entendu lors de l'enquête administrative a indiqué que ses propos avaient été mal retranscrits, cette circonstance ne suffit pas à remettre en cause la teneur des autres témoignages recueillis lors de l'enquête réalisée à la demande du chef d'établissement. Par ailleurs, le rapport d'enquête était suffisamment circonstancié et comportait le nom des personnes entendues, de sorte que M. B... pouvait contester les propos retranscrits, ainsi qu'il l'a d'ailleurs fait pour l'un d'eux. Par suite, contrairement à ce que soutient M. B..., la procédure n'est pas irrégulière sur ces points.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 7 juillet 2020, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 15 septembre 2017, a enjoint à l'Etat de réintégrer juridiquement M. B... pour la période pendant laquelle il a été exclu et de reconstituer sa carrière ainsi que ses droits à pension et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance. Par suite ce jugement doit être annulé et les demandes présentées par M. B... devant le tribunal administratif doivent être rejetées, de même que ses conclusions d'appel tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1800207 du 7 juillet 2020, du tribunal administratif de Limoges est annulé.

Article 2 : La demande de M. B... devant le tribunal administratif de Limoges et ses conclusions d'appel présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 21 avril 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 mai 2022.

La rapporteure,

Fabienne D... La présidente,

Marianne HardyLa greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX03020


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03020
Date de la décision : 19/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SCP MAURY CHAGNAUD CHABAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-05-19;20bx03020 ?
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