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19/05/2022 | FRANCE | N°20BX02988

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 19 mai 2022, 20BX02988


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... et M. A... C... ont demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2015 par lequel le maire de Morne-à-L'eau a fait opposition à leur déclaration préalable en vue de la division de la parcelle AS 1198 en sept lots.

Par un jugement n° 1900091 du 11 juin 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2020, et un mémoire enregistré le 31

mars 2022, messieurs C..., représentés par Me Arvis, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... et M. A... C... ont demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2015 par lequel le maire de Morne-à-L'eau a fait opposition à leur déclaration préalable en vue de la division de la parcelle AS 1198 en sept lots.

Par un jugement n° 1900091 du 11 juin 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 septembre 2020, et un mémoire enregistré le 31 mars 2022, messieurs C..., représentés par Me Arvis, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 11 juin 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2015 par lequel le maire de Morne-à-L'eau a fait opposition à leur déclaration préalable en vue de la division de la parcelle AS 1198 en sept lots ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Morne-à-l'Eau la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier car non signé et il ne comporte pas le nom du second assesseur ;

- leur demande n'était pas tardive car le plan local d'urbanisme a été approuvé le 21 janvier 2018.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2022, la commune de Morne-à-L'eau, représentée par Me Deporcq, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance était irrecevable pour tardiveté et la requête d'appel pour défaut de moyen ;

- aucun des moyens n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- l'ordonnance n°2020-305 du 25 mars 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D... E...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me Arvis, représentant MM. C....

Considérant ce qui suit :

1. Le 28 août 2015, MM. Ninel C... et Johan C... ont déposé une déclaration préalable en vue de la création d'un lotissement et d'une division foncière en sept lots de la parcelle cadastrée n° AS 1198 d'une superficie totale de 17 078 m², dont ils sont propriétaires, située à Blanchet sur le territoire de la commune de Morne-à-l'Eau. Le maire de Morne-à-L'eau s'est opposé à la déclaration préalable, par un arrêté du 29 mai 2015. MM. C... ont formé un premier recours gracieux le 15 octobre 2015 contre ce refus du maire, qui a donné lieu à une décision implicite de rejet. Ils ont renouvelé cette demande gracieuse le 29 septembre 2018 qui a également donné lieu à une décision implicite de rejet. Ils ont saisi le tribunal administratif de la Guadeloupe d'une demande d'annulation de l'arrêté du 29 mai 2015 mais le tribunal a rejeté leur demande par un jugement du 11 juin 2020 dont ils relèvent appel.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif : " Durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée, il est dérogé aux dispositions législatives et réglementaires applicables aux juridictions administratives dans les conditions prévues au présent titre (...) ". Selon l'article 12 de la même ordonnance : " Par dérogation aux articles R. 741-7 à R. 741-9 du code de justice administrative, la minute de la décision peut être signée uniquement par le président de la formation de jugement. "

3. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué du 11 juin 2020 a été signée par le seul président de la formation de jugement, conformément aux prescriptions de l'article 12 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif. En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le nom des deux assesseurs est mentionné dans le jugement contesté. Par suite, le jugement contesté n'est pas irrégulier sur ces points.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". L'article R. 421-5 du code de justice administrative dispose que : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Il résulte de ces dispositions que ce délai n'est pas opposable au destinataire d'une opposition à déclaration préalable si elle ne lui a pas été notifiée avec l'indication des voies et délais de recours.

5. Toutefois, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En de telles hypothèses, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.

6. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée ait été notifiée aux requérants et qu'elle comportait la mention régulière des voies et délais de recours. Cependant, il ressort des pièces du dossier que MM. C... ont formé, le 15 octobre 2015, un recours gracieux contre la décision du 29 mai 2015 et en avaient donc nécessairement connaissance au 15 octobre 2015. Aussi, en admettant même que le délai de recours de deux mois, fixé par les dispositions précitées de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, n'aurait pas été opposable aux requérants en ce qui concerne l'arrêté attaqué, MM. C..., qui ne font état d'aucune circonstance particulière qui aurait été de nature à conserver à leur égard le délai de recours contentieux, n'ont introduit un recours devant le tribunal contre la décision du 29 mai 2015 que le 23 janvier 2019, soit plus de trois ans après en avoir eu connaissance le 15 octobre 2015. La circonstance qu'un nouveau plan local d'urbanisme soit entré en vigueur postérieurement à l'arrêté du 29 mai 2015 ne saurait être regardée comme étant une circonstance particulière de nature à conserver le délai de recours contentieux à l'encontre de cet arrêté.

7. En second lieu, l'exercice, au-delà du délai de recours contentieux contre un acte administratif, d'un recours gracieux tendant au retrait de cet acte ne saurait avoir pour effet de rouvrir le délai de recours. Par suite, le rejet d'une telle demande n'est, en principe, et hors le cas où l'administration a refusé de faire usage de son pouvoir de retirer un acte administratif obtenu par fraude, pas susceptible de recours.

8. Il ressort des pièces du dossier qu'un second recours gracieux a été formé par les requérants le 29 septembre 2018 alors que, comme il a été dit au point précédent, le délai raisonnable de recours était d'un an à compter du 15 octobre 2015, date à laquelle ils ont eu connaissance de l'arrêté du 29 mai 2015. Aussi, ce recours gracieux, formé au-delà du délai raisonnable de recours contentieux, n'a pu rouvrir un nouveau délai de recours à leur profit. Au demeurant la formation d'un second recours administratif dirigé contre la même décision du 29 mai 2015 n'a pu sauvegarder le délai de recours contentieux.

9. Il résulte de tout ce qui précède que c'est à bon droit que le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté la demande de MM. C... comme étant tardive et donc irrecevable. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté leur demande.

Sur les frais liés à l'instance :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Morne-à-L'eau, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent MM. C... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge des requérants la somme globale de 1 500 euros qu'ils verseront à la commune de Morne-à-L'eau.

DECIDE :

Article 1er : La requête de MM. C... est rejetée.

Article 2 : MM. C... verseront à la commune de Morne-à-L'eau la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à M. A... C... et à la commune de Morne-à-L'eau.

Délibéré après l'audience du 21 avril 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 mai 2022.

La rapporteure,

Fabienne E... La présidente,

Marianne HardyLa greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au préfet de la Guadeloupe en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX02988


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02988
Date de la décision : 19/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : DEPORCQ

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-05-19;20bx02988 ?
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