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19/05/2022 | FRANCE | N°20BX01400

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 19 mai 2022, 20BX01400


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2019 par lequel l'inspecteur d'académie des Landes lui a infligé une sanction d'exclusion temporaire de fonction d'une durée de dix-huit mois, ainsi que la décision implicite née du silence gardé par le recteur de l'académie de Bordeaux sur son recours hiérarchique formé le 12 septembre 2019.

Par une ordonnance n° 2000635 du 24 mars 2020, la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.<

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Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 avril...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2019 par lequel l'inspecteur d'académie des Landes lui a infligé une sanction d'exclusion temporaire de fonction d'une durée de dix-huit mois, ainsi que la décision implicite née du silence gardé par le recteur de l'académie de Bordeaux sur son recours hiérarchique formé le 12 septembre 2019.

Par une ordonnance n° 2000635 du 24 mars 2020, la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 avril 2020 et le 2 juin 2020, M. A..., représenté par Me Lonné, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Pau du 24 mars 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 juillet 2019 par lequel l'inspecteur d'académie des Landes lui a infligé une sanction d'exclusion temporaire de fonction d'une durée de dix-huit mois, ainsi que la décision implicite née du silence gardé par le recteur de l'académie de Bordeaux sur son recours hiérarchique formé le 12 septembre 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- son recours n'était pas tardif puisqu'il a été exercé dans le délai de 4 mois indiqué par la décision du 16 juillet 2019 ;

- sur le fond, il ne lui a pas été accordé de report d'audience alors qu'il était malade ;

- il n'a pas eu connaissance de l'avis du conseil de discipline, ni du rapport de saisine du conseil par son administration ;

- le motif sur lequel repose la sanction ne lui a pas été notifié ;

- les faits sur lesquels reposent la sanction ne sont pas établis.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mars 2022, la rectrice de l'académie de Bordeaux, conclut au rejet.

Elle soutient que :

- la requête était tardive devant le tribunal ;

- aucun des moyens n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... D...,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 16 juillet 2019 l'inspecteur d'académie des Landes a infligé à M. A... une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de dix-huit mois. Par un courrier du 12 septembre 2019, reçu le 16 septembre suivant, M. A... a saisi le recteur de l'académie de Bordeaux d'un recours hiérarchique dirigé contre cet arrêté. Sans réponse du recteur, M. A... a saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 16 juillet 2019 et de la décision implicite de rejet née du silence gardé sur son recours hiérarchique. La présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté la demande de M. A... par une ordonnance du 24 mars 2020 dont M. A... relève appel.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Le recours hiérarchique de M. A... contre la décision 16 juillet 2019 a été formé dans le délai du recours contentieux le 12 septembre 2019 et a été reçue le 16 septembre 2019 par l'administration. La décision du 16 juillet 2019 informait M. A... que s'il exerçait ce recours hiérarchique, en cas de silence gardé par l'administration sur ce recours, une décision implicite de rejet interviendrait après un délai de quatre mois et qu'il pourrait saisir le tribunal dans un délai de deux mois. Du fait de cette indication erronée quant à la naissance d'une décision implicite de rejet au bout de quatre mois au lieu de deux mois, le délai de recours de deux mois n'a commencé à courir qu'à compter de l'expiration de ce délai de quatre mois, soit le 16 janvier 2020. En conséquence, la demande présentée par M. A... au tribunal administratif de Pau le 16 mars 2019 n'était pas tardive. M. A... est donc fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente du tribunal administratif de Pau a rejeté comme étant tardive et irrecevable sa demande. Par suite, cette ordonnance du 24 mars 2020 doit être annulée.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Pau.

Sur la légalité de la décision du 16 juillet 2019 :

En ce qui concerne la légalité externe :

4. Aux termes du troisième alinéa de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier (...) ". L'article 2 du décret du 25 octobre 1984 dispose que : " L'organisme siégeant en conseil de discipline lorsque sa consultation est nécessaire, en application du second alinéa de l'article 19 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, est saisi par un rapport émanant de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire ou d'un chef de service déconcentré ayant reçu délégation à cet effet. / Ce rapport doit indiquer clairement les faits reprochés au fonctionnaire et préciser les circonstances dans lesquelles ils se sont produits ". Aux termes du premier alinéa de l'article 3 de ce décret : " Le fonctionnaire poursuivi peut présenter devant le conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix (...) ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " Lorsque le conseil de discipline examine l'affaire au fond, son président porte, en début de séance, à la connaissance des membres du conseil les conditions dans lesquelles le fonctionnaire poursuivi et, le cas échéant, son ou ses défenseurs ont exercé leur droit à recevoir communication intégrale du dossier individuel et des documents annexes. / Le rapport établi par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire ou par un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cet effet et les observations écrites éventuellement présentées par le fonctionnaire sont lus en séance (...) ".

5. En premier lieu, en application des dispositions citées au point 4, le fonctionnaire qui fait l'objet de poursuites disciplinaires doit être informé des insuffisances qui lui sont reprochées et mis à même de demander la communication de son dossier. Toutefois, aucune disposition ne prévoit que le fonctionnaire poursuivi doive recevoir communication, avant la séance du conseil de discipline, du rapport de l'autorité ayant saisi l'instance disciplinaire.

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier, et notamment du compte rendu d'entretien signé par M. A..., que l'intéressé a été reçu par le directeur académique des Landes le 12 juin 2019, lequel l'a informé des griefs formés à son encontre et de l'engagement d'une procédure disciplinaire pour des faits d'exercice d'une activité professionnelle non déclarée pendant un arrêt de travail pour maladie. La convocation adressée à M. A... mentionnait également le motif pour lequel le conseil de discipline était réuni et l'informait de la possibilité de consulter son dossier, ce qu'il a fait le 1er juillet 2019. D'autre part, le rapport établi par le directeur des services départementaux de l'éducation nationale des Landes, lu devant le conseil de discipline, se bornait à reprendre les griefs reprochés à M. A... ainsi que le contenu des pièces du dossier dont le requérant avait pu prendre connaissance dans son intégralité. Dans ces conditions, et alors qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoit la communication au fonctionnaire concerné du rapport établi par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire avant la séance de la commission administrative paritaire siégeant en formation disciplinaire, la décision contestée sanctionnant M. A... n'est pas intervenue en méconnaissance des droits de la défense tels que garantis par les dispositions de la loi du 13 juillet 1983.

7. En deuxième lieu, M. A... fait valoir qu'il était souffrant le 8 juillet 2019 lors du conseil de discipline et qu'il a demandé en vain le report de cette séance. Toutefois, il n'établit pas avoir sollicité le report de l'audience, alors au contraire qu'il ressort du procès-verbal du conseil de discipline que le président de séance a précisément mentionné, avant la lecture du rapport de saisine, que M. A... ne serait pas présent mais qu'il n'avait pas formulé de demande de renvoi d'audience.

8. En troisième lieu, aucune disposition législative ou réglementaire applicable aux fonctionnaires de l'État ne prévoit la communication, à un fonctionnaire faisant l'objet d'une procédure disciplinaire, de l'avis du conseil de discipline avant l'intervention de la décision qui prononce une sanction. Par suite, la circonstance que l'avis émis par le conseil de discipline n'aurait pas été porté à la connaissance de M. A..., est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.

En ce qui concerne la légalité interne :

9. En vertu de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, les sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées aux fonctionnaires de l'Etat sont réparties en quatre groupes. Relève du troisième groupe la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction.

10. M. A... fait valoir que la décision de le sanctionner d'une exclusion temporaire de fonctions de dix-huit mois repose sur des faits qui ne sont pas matériellement établis. La décision attaquée repose sur des faits d'exercice d'une activité professionnelle non déclarée pendant un arrêt de travail. Il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un courriel adressé à l'adresse " dufourgelectricité ", que, le 7 février 2019, M. A... a organisé les étapes d'un chantier de rénovation électrique pour un tiers en lui indiquant le montant de son intervention, 2 500 euros, et en lui précisant qu'il se présenterait les 11 et 12 février 2019 pour réaliser les travaux accompagné " d'un ou deux mecs ". Le 11 février 2019, M. A... a obtenu un arrêt de travail pour maladie jusqu'au 14 février 2019. [0]S'il n'est pas contesté que M. A... souffrait de lithiase urinaire, les pièces qu'il produit ne permettent pas de tenir pour établi qu'il n'aurait pas pu, en raison de son état de santé, effectuer les travaux mentionnés dans le courriel, alors au demeurant que son arrêt de travail l'autorisait à se déplacer. Les faits d'exercice d'une activité professionnelle sans autorisation de cumul et alors que M. A... était placé en congé de maladie doivent donc être regardés comme établis par les pièces du dossier et ne sont pas sérieusement contredits par les attestations non circonstanciées de tiers, qui ne sauraient remettre en cause les éléments objectifs contenus dans le courriel émanant de M. A.... Ces agissements constituent un manquement grave aux obligations de probité et de loyauté attendues d'un fonctionnaire et étaient de nature à justifier une sanction disciplinaire.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 16 juillet 2019 du recteur de l'académie de Bordeaux prononçant à son encontre la sanction d'exclusion temporaire de fonctions de dix-huit mois. Par suite sa demande doit être rejetée, y compris celle au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative tant en première instance qu'en appel.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Pau du 24 mars 2020 est annulée.

Article 2 : La demande de première instance présentée par M. A... et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Copie en sera délivrée à la rectrice de l'académie de Bordeaux.

Délibéré après l'audience du 21 avril 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, présidente,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 mai 2022.

La rapporteure,

Fabienne D... La présidente,

Marianne HardyLa greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX01400


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01400
Date de la décision : 19/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SCP HEUTY LORREYTE LONNE CANLORBE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-05-19;20bx01400 ?
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