Vu la procédure suivante
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 29 mars 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2102380 du 4 juin 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par requête, enregistrée le 9 août 2021, Mme D..., représentée par Me Rivière, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 juin 2021 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 29 mars 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer, dans un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le premier juge a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales non seulement en raison de la présence de quatre de ses enfants en France mais aussi en raison de son état de santé ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 2 mars 2022, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête de Mme D.... Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par décision du tribunal judiciaire de Bordeaux du 8 juillet 2021, Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme B... A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., née le 21 septembre 1958 à Bimbo (Centrafrique), est entrée en France le 19 janvier 2019 munie d'un visa de court séjour. Sa demande d'asile a été rejetée le 17 juillet 2020 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et le 25 janvier 2021 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par un arrêté du 29 mars 2021, le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme D... relève appel du jugement du 4 juin 2021 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté du 29 mars 2021.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. A supposer que Mme D... ait entendu contester la régularité du jugement attaqué en soutenant que le premier juge a commis une erreur manifeste d'appréciation, cette circonstance relève du bien-fondé dudit jugement et non de sa régularité.
Sur la légalité de l'arrêté du 29 mars 2021 :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
4. Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
5. D'une part, Mme D... fait valoir qu'elle vit en France depuis deux ans et que deux de ses fils et sa fille ainsi que ses trois petits-enfants, dont elle s'occupe souvent, résident régulièrement sur le territoire français, et qu'un autre de ses fils se trouve également en France. Si elle se prévaut de liens affectifs forts avec ses enfants, tous majeurs, et ses petits-enfants, âgés de 11 ans, 16 ans et 18 ans, elle a vécu séparée de ces derniers pendant plusieurs années avant d'arriver sur le territoire français en 2019 à l'âge de soixante-et-un ans et rien ne fait obstacle à ce qu'elle vienne leur rendre visite sous couvert du visa adéquat. En outre, si l'intéressée fait valoir qu'elle s'occupe régulièrement de ses petits-enfants, il ne ressort ni des attestations produites en première instance ni d'aucune autre pièce du dossier que sa présence auprès d'eux serait indispensable. Elle ne justifie d'aucune insertion sociale sur le territoire français, alors qu'au surplus elle a vécu la majeure partie de son existence en République centrafricaine où sont nécessairement ancrées ses attaches personnelles et sociales.
6. D'autre part, Mme D... fait valoir pour la première fois en appel qu'elle bénéficie d'un suivi psychologique en raison des séquelles résultant des événements vécus dans son pays d'origine. Elle produit à cet égard une attestation d'une psychologue qui indique qu'elle la reçoit en consultation de façon hebdomadaire depuis le 29 janvier 2021 et que cette patiente " présente un syndrome psycho traumatique " et une " décompensation dépressive ". Toutefois, alors que ce document ne permet pas d'évaluer le degré de gravité des troubles psychologiques dont l'intéressée souffre et pour lesquels elle bénéficie d'un suivi thérapeutique, il n'en ressort pas qu'elle suivrait un traitement particulier. Enfin, si Mme D... produit un certificat faisant état d'un rendez-vous pour une IRM, une ordonnance pour une paire de lunettes ainsi que des radiographies, ces éléments ne permettent pas à eux seuls d'établir que l'état de santé de l'intéressée nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
7. Dans ces conditions, compte tenu de la durée de séjour de Mme D..., qui ne résidait en France que depuis deux ans à la date de l'arrêté en litige, dont la demande d'asile a définitivement été rejetée par la CNDA par une décision du 25 janvier 2021, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.
8. En second lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
9. Mme D... soutient qu'un retour en République centrafricaine l'expose à des risques de persécution en raison des menaces et agressions qu'elle y subissait, notamment en raison de sa religion, que son pays est le théâtre d'une violence généralisée et qu'il y règne une situation d'extrême pauvreté. Si Mme D... produit à l'appui de ses allégations de nombreux articles de presse faisant état de la situation en République centrafricaine, l'intéressée, dont la demande d'admission au bénéfice de l'asile a été rejetée par l'OFPRA le 17 juillet 2020 puis par la CNDA le 25 janvier 2021, n'établit pas, par ces éléments généraux, qu'à la date de la décision attaquée elle encourait des risques personnels et actuels en cas de retour dans ce pays. Dans ces conditions, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision portant fixation du pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 alors applicable du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 29 mars 2021. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et au ministre de l'intérieur. Copie sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Karine Butéri, présidente,
M. Olivier Cotte, premier conseiller,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 mai 2022.
L'assesseur le plus ancien
dans l'ordre du tableau,
Olivier Cotte
La présidente-rapporteure,
Karine A...
La présidente-rapporteure,
Karine A...
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX03268