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19/04/2022 | FRANCE | N°20BX03063

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 19 avril 2022, 20BX03063


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société " Frédéric et Corinne d'Orazio Distribution Guadeloupe" (FCDDG) a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er octobre 2014 au 31 décembre 2016 pour un montant total de 200 273 euros.

Par un jugement n° 1900163 du 11 juin 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a réduit les rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée auxquels la société FCDDG

a été assujettie, sur la base du prix de revient des marchandises, diminué de la taxe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société " Frédéric et Corinne d'Orazio Distribution Guadeloupe" (FCDDG) a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie pour la période du 1er octobre 2014 au 31 décembre 2016 pour un montant total de 200 273 euros.

Par un jugement n° 1900163 du 11 juin 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a réduit les rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée auxquels la société FCDDG a été assujettie, sur la base du prix de revient des marchandises, diminué de la taxe exigible, et calculée selon le coefficient de conversion de 0,921 applicable en Guadeloupe, puis multiplié par le taux de taxe sur la valeur ajoutée normal de 8,5 %, et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

I/ Par une requête n° 20BX03063, enregistrée le 9 septembre 2020, et un mémoire en réplique enregistré le 28 juin 2021, la société FCDDG représentée par Me Bette demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 11 juin 2020 en tant qu'il n'a pas entièrement donné satisfaction à sa demande ;

2°) de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée restant à sa charge qui lui a été réclamé pour la période du 1er octobre 2014 au 31 décembre 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;

- en ne collectant pas la taxe sur la valeur ajoutée relative aux ventes de tabac, elle a correctement appliqué l'article 298 sexdecies du code général des impôts ; elle se prévaut, à ce titre, de la doctrine référencée TVA-GE0-20-50 du 12 septembre 2012 ;

- en l'absence de toute insuffisance ou omission au titre de la période vérifiée, au sens de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, c'est à tort que l'administration a procédé à une compensation entre le montant des crédits de TVA reconnus justifiés et les rappels de taxe collectée ; elle se prévaut de l'instruction référencée au BOI-CTX-DG-20-40-10 n° 100 ;

- l'administration a fait une appréciation erronée du fait générateur de la TVA applicable aux ventes de tabacs manufacturés dans les DOM ;

- en incorporant les droits de consommation dans la base d'imposition de la taxe sur la valeur ajoutée de la société FCDDG, le service a surévalué la base d'imposition.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 mars 2021 et 11 mars 2022, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

II/ Par un recours n° 20BX03289, enregistré le 5 octobre 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 11 juin 2020 en tant qu'il a partiellement donné satisfaction à la société FCDDG ;

2°) de rétablir la société FCDDG à l'entièreté de la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamée pour la période du 1er octobre 2014 au 31 décembre 2016.

Il soutient que la décision du tribunal selon laquelle le prix de revient doit être réputé comme étant un montant TTC procède d'une erreur de droit.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code des douanes ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Nicolas Normand,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société FCDDG, qui exerce une activité d'importation et de vente en gros de tabacs manufacturés dans le département de la Guadeloupe, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Par une proposition de rectification du 1er septembre 2017, le service a informé la société des rappels de taxe sur la valeur ajoutée envisagés sur la période du 1er octobre 2014 au 31 décembre 2016, estimant que les opérations de vente réalisées au profit des distributeurs locaux étaient passibles de la TVA sur le fondement des dispositions combinées des articles 298 quaterdecies et 298 sexdecies du code général des impôts. Par un jugement du 11 juin 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a réduit les rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée auxquels la société FCDDG a été assujettie et rejeté le surplus de sa demande. Sous le n° 20BX03063, la société FCDDG relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande et sous le n° 20BX03289, le ministre de l'action et des comptes publics relève appel de ce jugement en tant qu'il a partiellement fait droit à la demande de la société FCDDG.

Sur la jonction :

2. Les requêtes enregistrées respectivement sous les nos 20BX03063 et 20BX03289 sont dirigées contre le même jugement et concernent les mêmes parties. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

En ce qui concerne l'appel de la société FCDDG :

S'agissant de la régularité de la procédure d'imposition :

3. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable, sa réponse doit également être motivée ".

4. Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de redressement doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.

5. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 1er septembre 2017 fait mention des dispositions dont elle fait application et notamment l'article 298 sexdecies du code général des impôts. Elle indique notamment que la TVA collectée a été calculée sur la base du prix de revient du tabac déterminé à partir de la base d'imposition retenue par le service des douanes correspondant au prix d'importation et au droit de consommation. Cette proposition était suffisamment précise pour permettre à la société requérante, d'engager une discussion contradictoire avec l'administration, ce qu'elle a d'ailleurs fait. Par suite, le moyen tiré de ce que la proposition de rectification serait dans cette mesure insuffisamment motivée doit être écarté.

S'agissant du bien-fondé des impositions :

Sur le terrain de la loi fiscale :

6. Aux termes, d'une part, de l'article 298 quaterdecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. Les opérations portant sur les tabacs manufacturés sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions de droit commun, sous réserve des dispositions ci-après. / II. Le fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée applicable aux ventes dans les départements de France continentale de tabacs manufacturés est celui qui est prévu à l'article 575 C (relatif à la mise à la consommation). / La taxe est assise sur le prix de vente au détail, à l'exclusion de la taxe sur la valeur ajoutée elle-même. / Elle est acquittée par le fournisseur dans le même délai que le droit de consommation ". Aux termes de l'article 298 sexdecies du même code : " Dans les départements de La Réunion, de la Martinique et de la Guadeloupe, les marges commerciales postérieures à la fabrication ou à l'importation demeurent exclues de la taxe sur la valeur ajoutée ". En vertu de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de l'article 15 de la loi du 24 mai 1976 dont elles sont issues, en Corse et dans les départements d'outre-mer, les opérations portant sur les tabacs manufacturés sont, à chacun des stades du circuit de commercialisation, soumises à la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle sont soumises les ventes de tabacs manufacturés réalisées dans les conditions du droit commun. Demeurent toutefois exclues de l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée à laquelle sont soumises les ventes de tabacs manufacturés réalisées dans les départements d'outre-mer, les marges commerciales prises postérieurement à la fabrication ou à l'importation de ces tabacs, comme elles l'avaient été avant l'entrée en vigueur de la loi du 24 mai 1976.

7. Aux termes d'autre part, de l'article 292 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " La base d'imposition est constituée par la valeur définie par la législation douanière conformément aux règlements communautaires en vigueur. Toutefois, sont à comprendre dans la base d'imposition : 1° Les impôts, droits, prélèvements et autres taxes qui sont dus en raison de l'importation, à l'exception de la taxe sur la valeur ajoutée elle-même ; 2° Les frais accessoires, tels que les frais de commission, d'emballage, de transport et d'assurance intervenant jusqu'au premier lieu de destination des biens à l'intérieur du pays ; par premier lieu de destination, il faut entendre le lieu mentionné sur la lettre de voiture ou tout autre document de transport sous le couvert duquel les biens sont importés ; à défaut de cette mention, le premier lieu de destination est celui de la première rupture de charge. [...] ; ". Aux termes de l'article 268 du code de douanes dans sa rédaction applicable " 1. Les cigarettes, les cigares, cigarillos, les tabacs à mâcher, les tabacs à priser, les tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes et les autres tabacs à fumer, destinés à être consommés dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion, sont passibles d'un droit de consommation (...] 2. Le droit de consommation est exigible soit à l'importation, soit à l'issue de la fabrication par les usines locales. ". Aux termes de 575 E du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " Dans les départements d'outre-mer, le droit de consommation est exigible, soit à l'importation, soit à l'issue de la fabrication par les usines locales. Il est liquidé et perçu selon les règles et garanties applicables en matière douanière ". Enfin, l'article 302 D du même code dans sa rédaction applicable dispose que : " L'impôt est exigible : 1° Lors de la mise à la consommation. Le produit est mis à la consommation [...] b. Lorsqu'il est importé, à l'exclusion des cas où il est placé, au moment de l'importation ".

8. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées des articles 298 quaterdecies et 298 sexdecies du code général des impôts que la société requérante est légalement redevable de la taxe sur la valeur ajoutée à raison de ses opérations de vente à des détaillants des tabacs manufacturés qu'elle a importés. En l'absence de facturation et de collecte de la taxe sur la valeur ajoutée sur son prix de vente diminué des marges commerciales réalisées à la revente, l'administration a pu sans excéder la base d'imposition prévue par les dispositions précitées, établir la taxe litigieuse sur le seul prix de revient des tabacs revendus, dès lors que d'une part les dispositions de l'article 292 précité du code général des impôts permettent de déterminer l'assiette de la taxe des biens importés à partir de sa valeur douanière et que d'autre part ce prix de revient ainsi calculé n'a pas, par construction, inclus la marge commerciale qui doit être exclue de la base taxable selon les dispositions précitées.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande. ".

10. Il résulte de l'instruction que pour rejeter la demande de remboursement de crédit de taxe sur la valeur ajoutée présentée par la société requérante, l'administration n'a pas procédé à une compensation légale sur le fondement de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales entre les droits de taxe sur la valeur ajoutée déductibles dont elle reconnaissait le bien-fondé et des insuffisances d'imposition au titre de la taxe sur la valeur ajoutée en raison de l'omission de la collecte de la même taxe à l'occasion de la revente des tabacs manufacturés. En effet, le service s'est borné, pour répondre à la demande de remboursement, à tirer les conséquences des rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée sur les opérations de vente de tabacs réalisées par cette dernière, notifiés à la société requérante par proposition de rectification du 1er septembre 2017. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'administration aurait pratiqué une compensation illégale.

11. Il résulte de ce qui précède, qu'au regard de la loi fiscale, la société requérante n'est pas fondée à contester le bien-fondé des rappels de taxe qui procèdent d'une exacte application de la loi fiscale précitée.

Sur le terrain de la doctrine administrative :

12. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " (...) Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. (...) ". Si ces dispositions instituent une garantie contre les changements de doctrine de l'administration, qui permet aux contribuables de se prévaloir des énonciations contenues dans les notes ou instructions publiées, qui ajoutent à la loi ou la contredisent, c'est à la condition que les intéressés entrent dans les prévisions de la doctrine, appliquée littéralement, résultant de ces énonciations. Les contribuables ne peuvent se prévaloir utilement, sur le fondement de l'article L. 80 A précité, d'une partie seulement d'une telle doctrine dont les éléments, bien qu'énoncés successivement, sont indissociables.

13. En premier lieu, sur le fondement de ces dispositions, la société requérante se prévaut de l'instruction 3G-261 du 1er septembre 1998 publiée au bulletin officiel des impôts BOI-TVA-GEO-20-50 du 12 septembre 2012 aux termes de laquelle : " 1. Dans les départements de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion où la législation sur les taxes sur le chiffre d'affaires a été introduite, les tabacs manufacturés sont soumis à la TVA dans les conditions ci-après. 10. Dans ces départements, les marges commerciales postérieures à la fabrication ou à l'importation sont, aux termes de l'article 298 sexdecies du CGI, exclues de la TVA. Il en résulte que les négociants grossistes, dépositaires, détaillants ou débitants qui opèrent la distribution des tabacs ne doivent pas être recherchés en paiement de la taxe. 20. La TVA est exigible soit à l'importation, soit à l'issue de la fabrication, c'est-à-dire à la sortie des tabacs manufacturés des établissements de production.30. Le taux applicable aux tabacs est le taux normal applicable dans les DOM. 40. Les fabricants exercent leurs droits à déduction par imputation sur la taxe due à l'issue des opérations de fabrication des tabacs et, le cas échéant, la fraction non imputable de ces droits peut faire l'objet d'un remboursement dans les conditions fixées aux articles 242 OA et suivants de l'annexe II au CGI. Dans la mesure où ils sont dispensés du paiement de la TVA, les négociants qui opèrent la distribution des tabacs dans les départements d'outre-mer ne peuvent prétendre à aucun droit à déduction ".

14. Si cette instruction retient une interprétation différente de la loi fiscale, en ce qu'elle exclut les ventes de tabacs importés du champ d'application de la TVA, les contribuables ne peuvent se prévaloir utilement, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, d'une partie seulement d'une telle doctrine dont les éléments, bien qu'énoncés successivement, sont indissociables. La doctrine précitée permet aux négociants grossistes, dépositaires, détaillants ou débitants de ne pas être recherchés en paiement de la taxe collectée en contrepartie de la renonciation à leur droit de déduction de la taxe acquittée. La société requérante ne satisfait pas aux conditions posées par cette doctrine.

15. En second lieu, la société requérante n'est pas davantage fondée à se prévaloir de l'instruction référencée au BOI-CTX-DG-20-40-10 n° 100 qui ne comporte pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont fait application le présent arrêt.

En ce qui concerne l'appel du Ministre :

16. Pour réduire la TVA mise à la charge de la société FCDDG sur la période du 1er octobre 2014 au 31 décembre 2016, le tribunal a estimé que l'administration aurait dû calculer le rappel de taxe sur la valeur ajoutée en considérant que le prix de revient était réputé TTC et donc calculer la taxe sur la valeur ajoutée " en dedans " et non " en dehors " comme elle l'a fait et que l'administration fiscale aurait dû rétablir le prix hors taxe en appliquant au prix convenu TTC le coefficient de conversion de 0,921 applicable en Guadeloupe, puis multiplier le résultat obtenu par le taux de taxe sur la valeur ajoutée normal de 8.5 %.

17. Il est, à cet égard, constant que la taxe sur la valeur ajoutée dont est redevable un vendeur est un élément qui grève le prix convenu avec le client et non un accessoire de ce prix. De ce fait, l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée est égale au prix convenu entre les parties, diminué notamment de la taxe exigible sur cette opération. Par suite, lorsqu'un assujetti réalise une opération moyennant un prix convenu qui ne mentionne aucune TVA dans des conditions qui ne font pas apparaître que les parties seraient convenues d'ajouter, au prix stipulé, un supplément de prix égal à la TVA applicable à l'opération, la taxe due au titre de cette opération doit être assise sur une somme égale à ce prix diminué notamment du montant de cette même taxe.

18. En l'espèce, il résulte de l'instruction que le vérificateur avait, en l'absence de toute TVA collectée par la société requérante, le droit de reconstituer celle-ci à partir du coût de revient du tabac importé lequel d'ailleurs ne comporte, à ce stade du circuit de commercialisation, aucune marge pour l'importateur. Il suit de là que c'est par erreur de droit que le tribunal a estimé que la base d'imposition à la TVA était excessive en ce qu'elle n'a pas été calculée en dedans sur les produits revendus.

19. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société FCDDG.

20. D'une part, si la société requérante soutient qu'en se basant sur la valeur d'importation, l'administration n'a pas tenu compte du fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée tel qu'il est défini par le législateur, qui est la livraison des biens meubles corporels et non le dédouanement, il résulte de ce qui précède que la détermination de l'assiette de la TVA retenue par le service est légalement justifiée.

21. D'autre part, en application des dispositions précitées et notamment l'article 268 du code de douanes et l'article 575 E du code général des impôts, la société requérante a supporté le règlement du droit de consommation sur les tabacs manufacturés qu'elle a importés. Cet impôt fait partie du prix de revient sur la base duquel a été déterminé, en l'espèce par l'administration fiscale, la taxe sur la valeur ajoutée collectée par cette société. Conformément aux dispositions précitées de l'article 292 du code général des impôts, qui transposent les dispositions des articles 85 et 86 de la directive du Conseil n° 2006/112/CE du 28 novembre 2006, modifiée, relative au système commun de la TVA auquel est soumis la société requérante, les impôts, droits, taxes et prélèvements dus à raison de l'importation de biens sont à comprendre dans la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée. Ces dispositions n'excluent d'ailleurs que la taxe sur la valeur ajoutée elle-même. Il suit de là que le droit de consommation fait partie du prix de revient supporté par l'importateur sur la base duquel la taxe sur la valeur ajoutée est appliquée. En outre, il ne peut être déduit ni de l'article 298 sexdecies précité du code général des impôts ni de travaux parlementaires que le législateur a entendu exclure de l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée le droit de consommation. Il résulte de ce qui précède, qu'alors même que les faits générateurs du droit de consommation d'une part, et de la taxe sur la valeur ajoutée d'autre part, sont différents, que l'assiette du droit de consommation, par opposition à un droit de douane calculé sur le prix d'achat du bien importé, ne correspond pas au coût d'achat des produits mais au prix de vente au détail des tabacs dont est redevable l'importateur, que le droit de consommation perçu à l'importation n'est pas la contrepartie directe d'une livraison de bien, que les services de recouvrement de ces deux taxes ne sont pas les mêmes et que les règles de comptabilisation de ces impositions sont distinctes, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le droit de consommation acquitté à l'importation n'est pas compris dans la base d'imposition de la TVA due à l'importation.

22. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a réduit les rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée auxquels la société FCDDG a été assujettie et que cette dernière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance soit condamné à verser à la société FCDDG la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée en litige sont remis à la charge de la société FCDDG.

Article 2 : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1900163 du 11 juin 2020 du tribunal administratif de la Guadeloupe sont annulés.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société FCDDG est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société " Frédéric et Corinne d'Orazio Distribution Guadeloupe" (FCDDG) et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzalmo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Nicolas Normand premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 avril 2022.

Le rapporteur,

Nicolas Normand

La présidente,

Evelyne Balzamo

La greffière,

Véronique Epinette

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX03063, 20BX03289


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03063
Date de la décision : 19/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : AARPI STEERING LEGAL - THEMESIS;;AARPI STEERING LEGAL - THEMESIS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-04-19;20bx03063 ?
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