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19/04/2022 | FRANCE | N°19BX04814

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 19 avril 2022, 19BX04814


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1702557 du 26 novembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 décembre 2019, M. A..., représenté par Me Martin, demande à la cour :

1

) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 26 novembre 2019 ;

2°) de prononcer la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010.

Par un jugement n° 1702557 du 26 novembre 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 décembre 2019, M. A..., représenté par Me Martin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 26 novembre 2019 ;

2°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010, pour un montant total de 27 523 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en opposant au contribuable des renseignements obtenus par une procédure contraignante, qu'il était impossible au contribuable d'obtenir et qu'il ne lui était pas demandé de fournir, l'administration a méconnu l'article L 76 B du livre des procédures fiscales ;

- l'administration a également méconnu le principe d'égalité des armes résultant de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'interprétation du fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts rendue par les premiers juges méconnaît les principes constitutionnels de confiance légitime et de sécurité juridique ainsi que l'article premier du 1er protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la reprise de la réduction d'impôt est dépourvue de base légale, dès lors que les conséquences de la perception prématurée de l'aide de l'Etat ne sont prévues par aucun texte.

Par mémoire en défense, enregistré le 27 avril 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 14 juin 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 septembre 2021 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Dominique Ferrari,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a bénéficié au titre de l'année 2010 d'une réduction d'impôt sur le revenu, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, à raison d'investissements productifs réalisés outre-mer par 1'intermédiaire des sociétés en participation (SEP) Sunra Fluide 1028, Sunra Fluida 1029 et Sunra Fluide 1030, consistant en l'acquisition de centrales photovoltaïques données en location à d'autres sociétés en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique. A l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration, par proposition de rectification du 16 avril 2013, a remis en cause cette réduction d'impôt au motif que, faute de raccordement des centrales au réseau électrique à la date du 31 décembre 2010, les investissements ne pouvaient être regardés comme ayant été effectivement réalisés. L'imposition supplémentaire résultant du contrôle a été mise en recouvrement le 30 novembre 2013 pour un montant de 30 441 euros. Après réclamation de M. A..., l'administration a rendu une décision d'acceptation partielle, en date du 7 avril 2017, par laquelle elle a procédé au dégrèvement d'une somme de 2 916 euros en droits et 2 euros de pénalités. M. A... a sollicité la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu maintenue à sa charge au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes, pour un montant total de 27 523 euros. Il relève appel du jugement du 26 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la procédure :

2. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".

3. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en œuvre, et au plus tard avant la mise en recouvrement, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des documents et renseignements obtenus auprès de tiers, qu'elle a utilisés pour fonder les impositions, avec une précision suffisante pour mettre à même l'intéressé d'y avoir accès avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent. Lorsque le contribuable lui en fait la demande, l'administration est, en principe, tenue de lui communiquer, alors même qu'il en aurait eu connaissance, les renseignements, documents ou copies de documents obtenus auprès de tiers qui lui sont opposés, afin de lui permettre d'en vérifier l'authenticité ou d'en discuter la teneur ou la portée. Toutefois, cette obligation ne s'impose à l'administration que pour les renseignements effectivement utilisés pour fonder les rectifications.

4. Il résulte des termes de la proposition de rectification du 16 avril 2013 adressée à M. A..., que l'administration a remis en cause la réduction d'impôt sur le revenu dont se prévalait l'intéressé, sur le fondement des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, au motif que, faute de raccordement des centrales au réseau électrique à la date du 31 décembre 2010, les investissements ne pouvaient être regardés comme ayant été effectivement réalisés. Pour ce faire, l'administration a exercé son droit de communication auprès d'EDF, afin d'obtenir des informations sur les dates de dépôt de demandes de raccordement complètes, de réception du certificat du comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité (Consuel) et de mise en production effective des centrales photovoltaïques acquises par les sociétés dont M. A... est associé. Il est constant que l'administration a informé l'intéressé de ce qu'elle avait exercé son droit de communication auprès d'EDF et qu'une copie des documents transmis par EDF était jointe à la proposition de rectification notifiée à M. A....

5. Le requérant fait cependant valoir que si l'administration l'a informé des dates de réception, par la société EDF, des demandes de raccordement et de Consuel, elle n'a jamais transmis copie des documents invoqués comportant ces dates. Toutefois, d'une part, il ne résulte pas de l'instruction que, pour établir les motifs et le montant des rehaussements contestés, l'administration aurait eu recours à d'autres documents obtenus de tiers que ceux transmis à M. A.... D'autre part, et en tout état de cause, le requérant ne justifie pas qu'il aurait présenté à l'administration fiscale une demande de communication d'une copie des demandes de raccordement avant la mise en recouvrement des impositions. Il s'ensuit que l'administration a satisfait à ses obligations d'information au sens des dispositions précitées de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales tant en ce qui concerne l'origine des renseignements utilisés que leur teneur. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 76 B précité du livre des procédures fiscales antérieurement à la mise en recouvrement de l'imposition supplémentaire en litige doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

6. En premier lieu, M. A... soutient qu'en lui opposant des renseignements obtenus dans le cadre d'une procédure contraignante alors qu'il est lui-même dans l'incapacité d'y accéder, l'administration a méconnu le principe d'égalité des armes résultant de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cependant, M. A... ne peut utilement se prévaloir des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et invoquer, sur ce fondement, l'atteinte au principe d'égalité des armes pour contester la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu devant le juge de l'impôt dès lors que ces stipulations ne sont applicables qu'aux procédures contentieuses suivies devant les juridictions lorsqu'elles statuent sur des droits et obligations de caractère civil ou sur des accusations en matière pénale.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article 199 undecies B du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur : " I. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs neufs qu'ils réalisent dans les départements d'outre-mer (...) dans le cadre d'une entreprise exerçant une activité agricole ou une activité industrielle, commerciale ou artisanale relevant de l'article 34. / (...) La réduction d'impôt prévue au premier alinéa est pratiquée au titre de l'année au cours de laquelle l'investissement est réalisé (...) / La réduction d'impôt est de 50 % du montant, hors taxes et hors frais de toute nature (...) des investissements productifs (...) Les projets d'investissement comportant l'acquisition, l'installation ou l'exploitation d'équipements de production d'énergie renouvelable sont pris en compte dans la limite d'un montant par watt installé fixé par arrêté conjoint des ministres chargés du budget, de l'outre-mer et de l'énergie pour chaque type d'équipement. (...) Ces taux sont majorés de dix points pour les investissements réalisés dans le secteur de la production d'énergie renouvelable ". Aux termes de l'article 95 Q de l'annexe II au même code, dans sa rédaction applicable : " La réduction d'impôt prévue au I de l'article 199 undecies B du code général des impôts est pratiquée (...) au titre de l'année au cours de laquelle l'immobilisation est créée par l'entreprise ou lui est livrée ou est mise à sa disposition (...) ".

8. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que le fait générateur de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts est la date de la création de l'immobilisation au titre de laquelle l'investissement productif a été réalisé ou de sa livraison effective dans le département d'outre-mer. Dans ce dernier cas, la date à retenir est celle à laquelle l'entreprise, disposant matériellement de l'investissement productif, peut commencer son exploitation effective et, dès lors, en retirer des revenus. S'agissant de l'acquisition de centrales photovoltaïques données en location à des sociétés en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'énergie électrique, la date à retenir est celle du raccordement des installations au réseau public d'électricité, dès lors que les centrales photovoltaïques, dont la production d'électricité a vocation à être vendue par les sociétés exploitantes, ne peuvent être effectivement exploitées et, par suite, productives de revenus qu'à compter de cette date. Il appartient en outre au juge de l'impôt de constater, au vu de l'instruction, qu'un contribuable remplit ou non les conditions lui permettant de se prévaloir de cet avantage fiscal. Cette interprétation des dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts telle qu'elle a été formulée par le Conseil d'Etat dans sa décision du 26 avril 2017 n° 398405 s'agissant de l'acquisition de centrales photovoltaïques données en location à des sociétés en vue de leur exploitation pour la production et la vente d'électricité, qui ne constitue pas un revirement de jurisprudence et ne présente aucun caractère rétroactif, ne méconnaît pas le principe de sécurité juridique ni, en tout état de cause, le principe de confiance légitime.

9. Il est constant que les centrales photovoltaïques restant en litige dans lesquelles avaient investi les sociétés dont le requérant était associé n'étaient pas raccordées au réseau public d'électricité au 31 décembre 2010, de sorte que les investissements en cause ne pouvaient être regardés comme réalisés au titre de l'année 2010. Cette condition d'éligibilité à la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B tenant à la réalisation de l'investissement était connue à la date à laquelle a été décidé cet investissement et n'a pas été modifiée. Par suite, et en tout état de cause, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'application rétroactive de la jurisprudence Adam du Conseil d'Etat du 26 avril 2017 a méconnu les principes de sécurité juridique et de confiance légitime.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précitées ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou amendes ". Le requérant ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que s'il peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte. A défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations.

11. En l'espèce, il est constant qu'au 31 décembre 2010, les investissements pour lesquels M. A... a sollicité le bénéfice d'une réduction d'impôt ne remplissaient pas les conditions prévues par les dispositions de l'article 199 undecies B du code général des impôts. Le requérant ne peut, dès lors, se prévaloir d'aucune espérance légitime devant être regardée comme un bien au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

12. En dernier lieu, dès lors que les investissements en cause ne remplissaient pas les conditions de l'article 199 undecies B du code général des impôts, l'administration était fondée à remettre en cause la réduction d'impôt appliquée par M. A... sur son impôt sur le revenu de l'année 2010, sans que ce dernier puisse utilement soutenir qu'aucune disposition ne prévoit l'obligation de restituer une aide d'Etat versée prématurément.

13. Il résulte de tout ce qui précède, que M. A... n'est pas fondé à demander la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des majorations correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2010 consécutivement à la remise en cause de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 undecies B du code général des impôts.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Dominique Ferrari, président-assesseur,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 avril 2022.

Le rapporteur,

Dominique Ferrari La présidente,

Evelyne Balzamo La greffière,

Véronique Epinette

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX04814


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04814
Date de la décision : 19/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Règles générales.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Dominique FERRARI
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SELARL DGM et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-04-19;19bx04814 ?
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