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11/04/2022 | FRANCE | N°21BX04115

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 11 avril 2022, 21BX04115


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 3 juin 2021 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit de revenir sur le territoire national pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2103361 du 12 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le

3 novembre 2021, M. A..., représentée par Me Laspalles, demande à la cour :

1°) d'annuler ce ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 3 juin 2021 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit de revenir sur le territoire national pour une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2103361 du 12 juillet 2021, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 novembre 2021, M. A..., représentée par Me Laspalles, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 12 juillet 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 juin 2021 par lequel le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et lui a interdit de revenir sur le territoire national pour une durée de trois ans ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- les décisions litigieuses sont insuffisamment motivées ;

- ces décisions sont intervenues en méconnaissance du principe du contradictoire tel que prévu par les dispositions des articles L. 122-1 du Code des relations entre le public et l'administration et 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- cette décision méconnait les stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il doit être jugé par le tribunal correctionnel de Bourgoin-Jallieu ;

- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée pour lui refuser un délai de départ volontaire et a entaché cette décision de refus d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est titulaire d'un passeport périmé et bénéficie de garanties de représentation.;

- la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision fixant le pays de renvoi a méconnu les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 7 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant kosovar né le 27 juillet 1985 à Viti (Kosovo) est entré en France au cours de l'année 2009. Il a sollicité le 15 décembre 2009 son admission au séjour au bénéfice de l'asile, mais sa demande a été rejetée par une décision du 4 mai 2010 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 10 mai 2011 de la Cour nationale du droit d'asile. Le réexamen de sa demande d'asile a été rejeté le 11 aout 2011 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, puis le 6 juin 2012 par la Cour nationale du droit d'asile. A la suite de son interpellation le 1er juin 2021 pour des violences envers sa concubine, le préfet de l'Isère a, par arrêté du 3 juin 2021, fait obligation à M. A... de quitter le territoire sans délai et lui a interdit d'y revenir pour une durée de trois ans. M. A... relève appel du jugement du 12 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, à l'appui des moyens tirés de ce que les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire, refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et fixant le pays de renvoi sont insuffisamment motivées, l'appelant ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée en première instance et ne critique pas utilement la réponse apportée par le tribunal administratif. Par suite, il y a lieu de rejeter ces moyens par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision lui faisant interdiction de revenir sur le territoire national pour une durée de 3 ans comporte les considérations de fait et de droit qui en constitue le fondement. Par suite, elle est suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

4. En troisième lieu, il résulte des dispositions des articles L. 614-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français selon le délai qui lui est prescrit et lui fait interdiction de revenir sur le territoire national. Dès lors, M. A... ne peut pas utilement se prévaloir des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, codifiée aux articles L. 121-1 et L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui fixent les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de l'article L. 211-2 de ce code, à l'encontre des décisions lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français et interdiction de revenir sur le territoire national.

5. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment de l'arrêté litigieux, que le préfet de l'Isère n'a pas procédé à un examen de la situation personnelle de l'appelant ou qu'il se soit cru en situation de compétence liée pour refuser un délai de départ volontaire sans que M. A... puisse utilement faire valoir, à cet égard, qu'il n'a pas été entendu avant de faire l'objet d'une mesure d'éloignement.

6. En cinquième lieu, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. A... entend se prévaloir de l'ancienneté de son séjour habituel en France, de son intégration dans la société française et de sa relation avec une ressortissante française. Toutefois, il n'établit pas que sa résidence en France depuis plus de 12 ans présenterait un caractère habituel en se bornant à produire, pour les années considérées des pièces attestant seulement du caractère ponctuel de cette présence ainsi que des quittances de loyer qui présentent un caractère insuffisamment probant. En outre, il ne justifie pas de son intégration dans la société française en se bornant à produire des documents attestant qu'il a suivi des cours de français en 2010 et 2011 ainsi qu'une promesse d'embauche et à soutenir, mais sans l'établir, qu'il a travaillé tout au long de son séjour, notamment dans le secteur du bâtiment. Enfin, il n'établit pas davantage avoir des attaches familiales et affectives en France et ne justifie en particulier pas qu'il entretiendrait une relation amoureuse ancienne de près de trois années avec la ressortissante française qui a porté plainte contre lui pour des violences conjugales ni que le couple se serait réconcilié et vivrait à nouveau sous le même toit ainsi qu'il le soutient. Dans ces conditions, M. A..., qui n'établit ni même ne soutient qu'il serait dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire aurait porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En sixième lieu, aux termes de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (...) ".

9. M. A... fait valoir qu'il est poursuivi devant le tribunal correctionnel de Bourgoin-Jallieu pour des faits de violences conjugales. Toutefois, l'exécution de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire ne fait pas obstacle à ce qu'il puisse se faire représenter dans cette procédure juridictionnelle. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que l'exécution de cette décision porterait atteinte à son droit à un procès équitable.

10. En septième lieu, les dispositions les articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient que l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire s'il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet et que ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, notamment lorsque l'étranger " s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ", " s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ", " ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité ".

11. En l'occurrence, il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire national après que sa demande d'asile et que ses demandes de titre de séjour ont été définitivement rejetées, qu'il s'est soustrait aux obligations de quitter le territoire dont il a fait l'objet les 24 décembre 2012 et 2 mars 2017 et que le passeport dont il se prévaut est périmé. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant un délai de départ volontaire serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 612-2 et L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans pouvoir utilement faire valoir qu'il a, une nouvelle fois, sollicité un rendez-vous auprès de la sous-préfecture de la Tour-du-Pin le 5 mai 2021 pour demander la délivrance d'un titre de séjour.

12. En huitième lieu, aux termes de l'article L. 612-10 3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. "

13. M. A... n'établit pas que le préfet aurait commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation en lui faisant interdiction de revenir sur le territoire français pendant une durée de trois années en se bornant à faire valoir qu'il n'a fait l'objet d'aucune condamnation pénale alors qu'il a déjà fait l'objet de plusieurs mesures d'éloignement à l'exécution desquelles il s'est soustrait et qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, il ne justifie ni se son intégration dans la société française ni y entretenir des relations affectives particulières.

14. En neuvième et dernier lieu, si l'appelant soutient qu'il risque d'être exposé à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, cette allégation n'est pas assortie des éléments permettant d'en apprécier la portée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être rejeté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux du 3 juin 2021, Par suite, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2022 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 avril 2022.

Le rapporteur,

Manuel B...

Le président,

Didier ArtusLa greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°21BX04115 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX04115
Date de la décision : 11/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : LASPALLES

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-04-11;21bx04115 ?
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