La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/04/2022 | FRANCE | N°19BX03288

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 11 avril 2022, 19BX03288


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme simplifiée Grands travaux austral a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'établir le solde du lot n° 2 " Gros œuvre " du marché de travaux relatif à la construction du collège de Kwalé en le fixant à la somme de 1 031 887, 50 euros et de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 161 682, 63 euros et de 3 310, 02 euros au titre des intérêts moratoires capitalisés correspondant au règlement tardif des situations de travaux des lots n° 2 et 3 de ce marché.

Par u

n jugement n°1700576 du 3 juillet 2019, le tribunal administratif de Mayotte a déchargé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme simplifiée Grands travaux austral a demandé au tribunal administratif de Mayotte d'établir le solde du lot n° 2 " Gros œuvre " du marché de travaux relatif à la construction du collège de Kwalé en le fixant à la somme de 1 031 887, 50 euros et de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 161 682, 63 euros et de 3 310, 02 euros au titre des intérêts moratoires capitalisés correspondant au règlement tardif des situations de travaux des lots n° 2 et 3 de ce marché.

Par un jugement n°1700576 du 3 juillet 2019, le tribunal administratif de Mayotte a déchargé la société Grands travaux austral de l'obligation de payer les pénalités de retard figurant dans le décompte général relatif à l'exécution du lot n° 2 et a rejeté le surplus de la requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 août 2019, la société Grands travaux austral, devenue société GTA Mayotte, représentée par Me Cerveaux, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Mayotte du 3 juillet 2019 en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à ses demandes :

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 1 031 887, 50 euros assortie des intérêts moratoires à compter du 25 novembre 2015 au titre du solde du lot n°2 du marché de travaux relatif à la construction du collège de Kwalé, ainsi que les sommes de 161 682, 63 euros et de 3 310, 02 euros au titre des intérêts moratoires correspondant au règlement tardif des situations de travaux des lots n° 2 et 3 de ce marché, à parfaire à la date du règlement effectif après, le cas échéant, capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le maître d'ouvrage a commis des fautes dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché et dans l'estimation de ses besoins en ne respectant pas le planning figurant dans l'offre qu'elle a présentée en dépit de sa contractualisation, en attribuant avec retard les différents lots et en exigeant une livraison par phase non prévue dans l'appel d'offre ;

- la maîtrise d'œuvre a également commis des fautes de nature à engager sa responsabilité solidaire avec le maître de l'ouvrage ;

- les retards pris dans l'exécution du marché ne sont pas de son fait ;

- le maître d'ouvrage est responsable à son égard des conséquences financières de ce retard, y compris s'il est imputable à ses autres co-contractants ;

- les fautes commises par le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre ont bouleversé l'économie du contrat ;

- l'avenant n°1 au lot n°2 n'a ni pour objet ni pour effet de prendre en compte les retards pris dans l'exécution des travaux, hors travaux supplémentaires ;

- elle justifie de la réalité et du montant de ses préjudices ;

- elle justifie des retards pris par le maître de l'ouvrage dans le paiement des acomptes mensuels ;

- les retenues de garanties correspondant à ces acomptes ne lui ont toujours pas été rendues.

Par un mémoire enregistré le 24 décembre 2021, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports conclut au rejet de la requête et, subsidiairement, à ce que le groupement de maîtrise d'œuvre soit condamné à le garantir de l'intégralité des condamnations prononcées à l'encontre de l'Etat.

Il soutient que :

- le planning prévisionnel joint à son offre par la société ne présente aucun caractère contractuel ;

- le rectorat n'a pas modifié le planning prévisionnel joint au dossier de consultation des entreprises, lequel prévoyait une livraison en deux temps, et qu'en application du CCAG travaux, le rectorat pouvait légalement procéder à une réception partielle de l'ouvrage ;

- en vertu des avenants n°1 et 2 au marché, la société GTA a déjà été indemnisée du décalage du démarrage des travaux et a, en particulier, accepté un allongement de leur durée ; que cette société ne justifie pas de son préjudice.

Il entend également s'approprier les écritures produites en première instance par le rectorat de Mayotte.

Par un mémoire enregistré le 4 mars 2022, M. B..., représenté par Me Caron conclut au rejet de la requête, subsidiairement au rejet de l'appel en garantie présenté à son encontre par l'Etat et, en tout état de cause, à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat ou tout autre partie succombante au titre des frais exposés pour l'instance.

Il soutient que :

- le planning joint à l'offre de la société GTA n'est pas au nombre des pièces du marché ; qu'une réception partielle était prévue par le CCAP et la CCAG applicables au marché ainsi que par le planning d'exécution prévisionnel ;

- l'ordre de réalisation des ouvrages n'a pas été modifié au cours des travaux ;

- les avenants 2 et 3 au marché, ont pris en compte le coût des travaux supplémentaires mis à la charge de la société GTA et de leur impact sur la durée du marché,

- il n'existe pas de lien entre ces circonstances et les préjudices dont se prévaut cette société ; que la société GTA ne justifie pas des retards de paiement dont elle se prévaut ;

- il n'a commis aucune faute dans l'exécution de ses prestations dès lors, en particulier, que la mission d'ordonnancement, de pilotage et de coordination du chantier (OPC) a été confiée à une tierce partie et que le respect des délais de paiement incombe uniquement au maître de l'ouvrage ; que celui-ci n'établit pas que la réalisation de travaux supplémentaires aurait été rendue nécessaire par les fautes commises par la maîtrise d'œuvre.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique,

- et les observations de Me Meyer, représentant M B....

Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement signé le 22 mai 2012, l'Etat, représenté par le vice-recteur de Mayotte, a confié à un groupement conjoint dont M. B... est le mandataire, la maitrise d'œuvre de l'opération de construction du collège de Kwalé. Par actes d'engagement des 17 octobre et 6 décembre 2013, les lots n° 2 " Gros œuvre " et 3 B " menuiserie Bois/occultation " du marché de travaux correspondant ont été confiés à la société Grands travaux austral (GTA). La réception des travaux des bâtiments B, E, F, G, H et I a été prononcée le 5 septembre 2016 à effet du 2 février 2015 s'agissant des bâtiments D, E, F et G, et du 25 août 2015 s'agissant des bâtiments H et I. Par deux mémoires en réclamation reçus le 3 février 2017, la société GTA a contesté le solde des décomptes généraux relatifs à ces lots n°2 et 3. La société GTA relève appel du jugement du 3 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Mayotte a retiré du décompte du lot n°2 les pénalités de retard figurant à son débit en tant qu'il a rejeté ses demandes tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme cumulée de 1 013 887, 50 euros au titre du solde du lot n°2 ainsi que les sommes de 161 682, 63 euros et de 3 310, 02 euros au titre des intérêts moratoires correspondant au règlement tardif des situations de travaux des lots n° 2 et 3 de ce marché.

Sur la responsabilité de l'Etat, maître d'ouvrage :

2. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

3. En premier lieu, en application de l'acte d'engagement correspondant au lot n°2, la durée de préparation des travaux était fixée à deux mois et la durée des travaux à huit mois. Par ordre de service n°1 du 17 décembre 2013, le démarrage de ces travaux a été fixé au 2 janvier 2014. Toutefois, par ordre de service n°4 du 10 mars suivant, ce démarrage a été reporté au 20 mars 2014. La société GTA a signé cet ordre de service avec réserve en faisant valoir que les travaux qui lui ont été confiés ne pouvaient pas démarrer avant la clôture du chantier et la réalisation d'une voie provisoire permettant d'accéder au site lui-même, tâches qui ont été achevées le 22 avril 2014. Enfin, il n'est pas contesté que les travaux n'ont effectivement démarré que le 5 mai 2014 après la livraison et l'installation des plateformes prévues au lot n°1, soit avec un retard de quatre mois.

4. La société appelante établit, par les pièces qu'elle produit, que ces retards sont dus, d'une part, à une erreur du maître de l'ouvrage affectant l'appel d'offre portant sur le lot n°1, ce qui a nécessité un second appel d'offre occasionnant un retard dans la préparation des travaux correspondant à ce lot, d'autre part, à une modification du contenu de ce lot n°1 à l'issue de laquelle aucun des titulaires des différents lots n'était plus chargé de l'installation d'une clôture autour du chantier ainsi que de la réalisation d'une voie d'accès et de circulation provisoire, enfin à la communication, par ordre de service, d'une date de démarrage des travaux irréaliste. Le ministre de l'éducation nationale ne conteste pas que les fautes ainsi commises par l'Etat dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché et dans sa mise en œuvre, étaient de nature à engager sa responsabilité contractuelle mais soutient que le préjudice subi par la société GTA à raison du " décalage dans le démarrage des travaux " a été entièrement indemnisé à l'occasion de la signature de l'avenant n°1 le 25 avril 2014. Toutefois cet avenant, qui ne porte que sur la réalisation de travaux supplémentaires, pour des montants correspondants strictement aux devis produits, et sur l'allongement des délais d'exécution des travaux qui résulte de la réalisation de ces travaux supplémentaires ainsi que de jours d'intempérie, ne prévoit le versement d'aucune indemnité et, contrairement à ce que soutenait le vice-recteur devant les premiers juges, ne comporte aucune renonciation à recours. En outre, il en est de même des travaux supplémentaires prévus à l'avenant n°2 au même marché et de l'allongement des délais d'exécution qu'il prévoit. Par suite, la société GTA est fondée à demander que l'Etat soit condamné à l'indemniser des préjudices qu'elle a subis à raison du retard de quatre mois avec lequel les travaux ont effectivement démarré.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2 A du cahier des clauses administratives particulières du marché (CCAP) : " Le calendrier détaillé d'exécution visé à l'article 4-1.2 du présent CCAP, dont l'exemplaire original est conservé dans les archives du maitre de l'ouvrage, fait seul foi ". L'article 4-1.1 du même cahier prévoit que : " Le calendrier prévisionnel d'exécution est joint en annexe au présent CCAP. Il doit être signé par les entreprises. " Enfin L'article 4-1.2 de ce cahier précise que : " A. Le calendrier détaillé d'exécution est élaboré par le responsable de l'OPC après consultation des entrepreneurs titulaires des différents lots. ".

6. La société soutient qu'elle avait prévu de réaliser, dans un premier temps, les travaux relatifs aux bâtiments H et I ainsi qu'indiqué dans le planning prévisionnel figurant dans son offre, que ce planning est le seul qui lui soit opposable dès lors que la signature de l'acte d'engagement vaut acceptation de cette offre et que, par suite, la communication, par ordre de service n°4 du 1er mars 2014, d'un planning d'exécution retenant un ordre de réalisation des travaux différent, caractériserait une faute du maître de l'ouvrage dont elle serait fondée à demander réparation. Toutefois, il résulte au contraire de ce qui précède qu'en application de l'article 2 du CCAP et conformément à l'acte d'engagement, seul le planning détaillé d'exécution prévu à l'article 4-1.2 est contractuellement opposable aux parties. En outre, la société ne conteste pas que ce planning correspond, sur ce point, tant au planning prévisionnel figurant dans l'appel d'offre concernant le lot n°2 qu'au planning prévisionnel correspondant à l'ensemble des lots que la maîtrise d'œuvre avait établi préalablement à cet appel d'offre et qui est produit en défense.

7. Par suite, la société GTA, qui avait ainsi connaissance, au stade de l'appel d'offre, de l'ordre de réalisation des travaux, n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité du maître de l'ouvrage est engagée, sur le fondement de la faute ou du bouleversement de l'économie du marché, à raison des surcoûts qu'elle aurait subis à raison de la fixation d'un ordre de réalisation des travaux sur ce point inchangé.

Sur les préjudices subis par la société GTA :

8. La société GTA soutient que le retard pris dans le démarrage effectif des travaux a augmenté ses frais généraux à raison de l'affectation au chantier de son personnel d'encadrement et des frais d'immobilisation de matériel qu'elle évalue à la somme de 209 437,50 euros. A l'appui de cette allégation, elle produit un planning détaillé ainsi qu'un tableau analytique qui ventile ses surcoûts personne par personne, ne comporte aucun frais supplémentaire au titre de l'affectation au chantier de son personnel ouvrier mais tient compte des économies tant de personnel que de matériel que ce retard lui a, au cas particulier, permis de réaliser. Toutefois, certains des postes de ce planning ont été établis sur la base d'un retard de cinq mois alors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 du présent arrêt que les travaux ont démarré avec seulement quatre mois de retard.

9. Dans ces conditions, eu égard à la précision des éléments avancés par la société, lesquels ne sont pas critiqués par le ministre, au montant du marché, à la durée pendant laquelle la société est demeurée dans l'attente de pouvoir démarrer effectivement les travaux alors que les délais contractuels avaient commencé à courir après l'émission de l'ordre de service n°1, celle-ci doit être regardée comme justifiant du montant de son préjudice à hauteur de 185 000 euros, somme que l'Etat sera condamné à lui verser.

10. Aux termes de l'article 3-2.7 du CCAP : " Le délai global de paiement des avances, acomptes, solde et indemnités est fixé à 45 jours. Le défaut de paiement dans ce délai fait courir de plein droit, et sans autre formalité, des intérêts moratoires au bénéfice du titulaire et des sous-traitants payés directement. Le taux des intérêts moratoires est égal au taux d'intérêt de la principale facilité de refinancement appliquée par la Banque Centrale Européenne à son opération de refinancement principal la plus récente effectuée avant le premier jour de calendrier du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de sept points. Le point de départ du délai global de paiement des acomptes est la date de réception du projet de décompte par le maître d'œuvre. Le point de départ du délai global de paiement du solde est la date d'acceptation du décompte général par le titulaire, celle-ci est constituée par la date de la réception de cette acceptation par le maître d'œuvre. ".

11. En l'occurrence, il résulte des pièces du dossier que le maître d'œuvre a réceptionné l'acceptation, avec réserves, du décompte général du marché par la société GTA le 3 février 2017. En application des stipulations précitées de l'article 3-2.7 du CCAP, cette acceptation a fait courir un délai de quarante-cinq jours avant l'expiration duquel la personne publique était tenue de mandater le solde du marché. Par suite, les intérêts moratoires étaient dus à compter du 21 mars 2017. En outre et en application des dispositions de l'article 1154 du code civil, la société GTA a droit à la capitalisation de ces intérêts à compter du 21 mars 2018, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur l'appel en garantie :

12. D'une part, aux termes du CCAP figurant dans l'appel d'offre auquel a répondu la société GTA, l'installation d'une clôture autour du chantier ainsi que la réalisation d'une voie d'accès et de circulation provisoire étaient du ressort du lot n°1. Toutefois, après que l'appel d'offre concernant ce lot a été déclaré infructueux, le CCAP figurant dans le nouvel appel d'offre concernant le même lot attribuait ces travaux au lot n°2. Le ministre de l'éducation nationale fait valoir qu'en application de l'acte d'engagement signé le 22 mai 2012, le groupement de maitrise d'œuvre avait une mission d'assistance au maître de l'ouvrage pour la passation des marchés de travaux. Le mandataire de ce groupement ne soutient ni, a fortiori, n'établit que la mission de ce groupement serait achevée au sens de l'article 9.2 du cahier des clauses particulières applicable à ce marché et ne conteste pas davantage qu'il aurait manqué à cette mission en ne signalant pas au maître de l'ouvrage, ainsi qu'il lui appartenait, que la répartition des taches confiés aux titulaires des lots n°1 et 2 présentait des incohérences à l'origine du retard pris dans le démarrage effectif des travaux. Dans ces conditions, il y a lieu de condamner le groupement conjoint de maîtrise d'œuvre à garantir l'Etat à hauteur de 50 % de la condamnation prononcée à son encontre.

Sur le règlement tardif des acomptes et la restitution de la retenue de garantie :

13. Il résulte des écritures de la société GTA que celle-ci a considéré que le délai global de paiement des acomptes sur les lots n°2 et 3B était de 30 jours à compter de l'édition de la facture et non de 45 jours à compter de la réception de celle-ci ainsi que stipulé à l'article 3-2-7 précité du CCAP. Eu égard à l'erreur ainsi systématiquement commise par la société appelante dans le calcul des délais de paiement, celle-ci n'établit pas que le maître de l'ouvrage ne l'aurait pas entièrement indemnisée à raison du paiement tardif des acomptes en lui versant la somme non contestée de 5 556,20 euros au titre des lots n°2 et 3B.

14. En second lieu, aux termes des dispositions de l'article 101 du code des marchés publics dans sa rédaction alors en vigueur : " La retenue de garantie est remboursée (...) un mois au plus tard après l'expiration du délai de garantie. Toutefois, si des réserves ont été notifiées au titulaire du marché (...) les sûretés sont libérées un mois au plus tard après la date de leur levée. ".

15. Si la société GTA soutient que les retenues mensuelles de garantie prévues à l'article 5.1 du CCAP ne lui ont pas été restituées dans les trente jours suivant la date de réception des ouvrages, il résulte de l'instruction que les réserves dont la réception du lot n°2 était assortie n'ont été levées que le 25 novembre 2016, soit moins d'un mois avant l'établissement du décompte général. Par suite, la société n'est pas fondée à soutenir que l'Etat aurait dû lui restituer le montant de ces retenues avant l'établissement de ce décompte en application des dispositions précitées de l'article 101 du code des marchés publics ni, d'ailleurs, postérieurement à son établissement dès lors qu'il ressort de ce décompte que la société GTA restait redevable à l'Etat d'une somme de 329 009, 55 euros, supérieure au montant total de ces retenues.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la société GTA est seulement fondée à demander que le jugement attaqué soit réformé en tant qu'il n'a pas condamné l'Etat à lui verser la somme de 185 000 euros au titre des préjudices que lui ont causé les fautes commises par le maître de l'ouvrage dans le cadre de l'exécution du lot n°2 du marché, assortie des intérêts de retards capitalisés. Par ailleurs, l'Etat est fondé à demander la réformation de ce même jugement en tant qu'il n'a pas condamné le groupement de maîtrise d'œuvre à le garantir, à hauteur de 50% de cette condamnation.

17. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés pour l'instance par la société GTA. En revanche, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de M. B... tendant à l'application des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : L'Etat est condamné à verser à la société GTA Mayotte la somme de 185 000 euros assortie des intérêts contractuels de retard à compter du 21 mars 2017, lesquels seront capitalisés à compter du 21 mars 2018 et à chaque échéance annuelle,

Article 2 : Le groupement de maîtrise d'œuvre dont M. B... est le mandataire est condamné à garantir l'Etat de cette condamnation à hauteur de 50 %.

Article 3 : Le jugement attaqué est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à la société GTA une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de M. B... tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme simplifiée GTA Mayotte à M. A... B... et ministre de de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2022 à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

Mme Frédéric Faïck, président-assesseur,

M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 avril 2022.

Le rapporteur,

Manuel C...

Le président,

Didier Artus

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre de de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N°19BX03288 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-02 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat. - Règlement des marchés.


Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: M. Manuel BOURGEOIS
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : CERVEAUX

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 11/04/2022
Date de l'import : 26/04/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19BX03288
Numéro NOR : CETATEXT000045592414 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-04-11;19bx03288 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award