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07/04/2022 | FRANCE | N°21BX04344

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 07 avril 2022, 21BX04344


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 14 mai 2019 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, ainsi que l'arrêté du 1er décembre 2020 par lequel cette même autorité l'a assignée à résidence dans le département de la Guadeloupe pour une durée de trente jours.

Par un jugement n° 200

1158 du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé ces deux a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 14 mai 2019 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, ainsi que l'arrêté du 1er décembre 2020 par lequel cette même autorité l'a assignée à résidence dans le département de la Guadeloupe pour une durée de trente jours.

Par un jugement n° 2001158 du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé ces deux arrêtés et a enjoint au préfet de la Guadeloupe de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 novembre 2021 et le 16 février 2022, le préfet de la Guadeloupe demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 30 septembre 2021.

Il soutient que :

- à titre principal, la requête de première instance de Mme A... est irrecevable, dès lors qu'elle est tardive ; en effet, l'erreur commise quant au délai qu'avait Mme A... pour exercer un recours administratif préalable, normalement de deux mois ainsi que prévu à l'article L. 411-2 du code de justice administrative, est sans incidence sur le délai imparti à Mme A... pour saisir le tribunal administratif dans le cadre d'un recours contentieux ;

- un tel recours n'aura pas pour effet de suspendre l'exécution de la décision préfectorale portant obligation de quitter le territoire français, ce dernier étant dépourvu de tout effet suspensif ;

- sauf à rendre inopposable le délai de trente jours dans le cadre d'un recours gracieux, la notification enferme néanmoins la saisine du tribunal administratif dans un délai de recours contentieux de soixante jours ; or, le pli recommandé contenant la décision litigieuse, qui mentionnait les voies et délais de recours, a été expédié par lettre recommandée avec avis de réception ; ce courrier, présenté par les services postaux le 17 mai 2019 à l'adresse indiquée par Mme A..., a été remis à l'intéressée en main propre, cette dernière ayant signé l'accusé de réception ; dans ces conditions, la notification de l'arrêté litigieux est réputée être régulièrement intervenue à la date de sa présentation, le 17 mai 2019, date à laquelle a commencé à courir le délai de deux mois imparti à la plaignante pour déposer une demande devant le tribunal administratif, soit avant le 18 juillet 2019 ;

- à supposer que les délais de recours contre l'arrêté litigieux ne fussent pas opposables en l'espèce à l'intéressée en raison du caractère erroné du délai de recours administratif, sa requête en annulation ne saurait être regardée comme recevable, dès lors qu'elle n'a pas démontré avoir effectué un recours gracieux ou hiérarchique, ni contesté l'arrêté dans un délai d'un an raisonnable ;

- à titre subsidiaire, la décision portant refus de titre de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Un mémoire a été présenté le 3 mars 2022 pour Mme A... par Me Djimi.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Éric Rey-Bèthbéder a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante haïtienne, est entrée irrégulièrement en France en 2015, selon ses déclarations. Le 11 juin 2016, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 14 mai 2019, le préfet de la Guadeloupe a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par arrêté du 1er décembre 2020, le préfet de la Guadeloupe l'a assignée à résidence dans le département de la Guadeloupe pour une durée de trente jours. Le préfet de la Guadeloupe relève appel du jugement du 30 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé ces deux arrêtés et lui a enjoint de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois.

Sur la recevabilité de la demande de première instance dirigée contre l'arrêté du 14 mai 2019 :

2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ".

3. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. Cette règle, qui a pour seul objet de borner dans le temps les conséquences de la sanction attachée au défaut de mention des voies et délais de recours, ne porte pas atteinte à la substance du droit au recours, mais tend seulement à éviter que son exercice, au-delà d'un délai raisonnable, ne mette en péril la stabilité des situations juridiques et la bonne administration de la justice, en exposant les défendeurs potentiels à des recours excessivement tardifs. Il appartient dès lors au juge administratif d'en faire application au litige dont il est saisi, quelle que soit la date des faits qui lui ont donné naissance.

4. En tout état de cause, si aucun délai n'est opposable à Mme A..., le recours dont elle a saisi le tribunal administratif de la Guadeloupe, un an et demi après la notification de l'arrêté contesté, intervenue le 17 mai 2019, excédait le délai raisonnable durant lequel il pouvait être exercé. Par suite, le préfet de la Guadeloupe est fondé à soutenir que la demande présentée devant le tribunal administratif de la Guadeloupe par Mme A... et tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 mai 2019 était irrecevable.

Sur la légalité de l'arrêté du 1er décembre 2020 :

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... demandait au tribunal administratif de la Guadeloupe, dans le dispositif de sa requête de première instance, d'annuler l'arrêté précité du 14 mai 2019 du préfet de la Guadeloupe, ainsi que l'arrêté l'assignant à résidence, pris le 1er décembre 2020.

6. Toutefois, et ainsi qu'il a été dit précédemment, l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du 1er décembre 2020 serait illégal du fait de l'illégalité de l'arrêté du 14 mai 2019, celui-ci étant devenu définitif.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Guadeloupe est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a annulé les arrêtés du 14 mai 2019 et du 1er décembre 2020 et lui a enjoint de délivrer à Mme A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois. Par conséquent, les conclusions de l'intimée tendant à l'application de l'article L. 761-1 du livre des procédures fiscales ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2001158 du tribunal administratif de la Guadeloupe est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de la Guadeloupe et ses conclusions en appel relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise pour information au préfet de la Guadeloupe.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2022 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.

Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 7 avril 2022

La présidente-assesseure,

Frédérique Munoz-Pauziès

Le président-rapporteur

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX04344 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 21BX04344
Date de la décision : 07/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : CABINET DJIMI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-04-07;21bx04344 ?
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