Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté
du 25 septembre 2019 par lequel le président de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de l'a radiée des cadres pour abandon de poste et d'enjoindre à cette autorité de la réintégrer dans les effectifs de l'établissement sur un poste adapté dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte
de 50 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1902776 du 15 décembre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 16 février 2021, le 8 décembre 2021,
le 13 décembre 2021 et le 1er mars 2022, Mme A..., représentée par Me Laveissiere, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 15 décembre 2020 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2019 ;
3°) d'enjoindre au président de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de La Croix d'Hervault de la réintégrer dans les effectifs de l'établissement sur un poste adapté dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes de La Croix d'Hervault la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision attaquée a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que le médecin expert chargé d'examiner son état de santé a fait l'objet de plusieurs signalements ; la commission de réforme était irrégulièrement composée ; elle n'a pas été régulièrement mise en demeure de reprendre son poste ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 ;
- la décision en litige est entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation au regard de l'obligation de reclassement qui pèse sur son employeur en application des dispositions de l'article 81 de la loi du 26 janvier 1984 ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation dès lors qu'elle ne pouvait être regardée, à la date à laquelle cette décision a été prise, comme ayant manifesté son intention de rompre le lien avec le service.
Par des mémoires en défense enregistrés le 17 novembre 2021 et le 5 janvier 2022, le centre intercommunal d'action sociale de Pamproux, représenté par son président en exercice, ayant pour avocat Me Leeman, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens invoqués par Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caroline Gaillard,
- les conclusions de M. Axel Basset, rapporteur public,
- et les observations de Me Roncin, représentant Mme A... et de Me Leeman, représentant le CIAS de Pamproux.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., qui était employée en qualité d'agent social depuis le 16 juillet 2003 à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) de La Croix d'Hervault, lequel est sous la tutelle du centre intercommunal d'action sociale de Pamproux, a été victime, le 13 juin 2017, d'un accident reconnu imputable au service par un arrêté
du 10 octobre 2017. Placée en congé de maladie pour accident imputable au service, son état a été réputé consolidé au 31 octobre 2018. Etant cependant toujours en arrêt de travail pour maladie, elle a bénéficié d'un congé de maladie ordinaire à compter du 1er novembre 2018, jusqu'à sa reprise de fonctions, dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique, le 1er mars 2019. A la suite d'une chute qui serait survenue le 5 mars 2019, Mme A... a été de nouveau placée en arrêt de travail pour cause de maladie jusqu'au 31 août 2019. Par un courrier du 10 septembre 2019, Mme A... a été mise en demeure de reprendre ses fonctions dans un délai de sept jours à compter de la réception dudit courrier. Un second courrier du 17 septembre 2019 l'a mise en demeure de reprendre son service au plus tard le 23 septembre suivant. Faute pour Mme A... d'avoir déféré à cette mise en demeure, le président de l'EHPAD, par une décision
du 25 septembre 2019, a radié l'intéressée des cadres pour abandon de poste. Par une
ordonnance n° 1902775 du 17 décembre 2019, l'exécution de cette décision a été suspendue par le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond du litige. Mme A... relève appel du jugement du 15 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté au fond sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté
du 25 septembre 2019.
Sur la légalité de l'arrêté du 25 septembre 2019 :
2. D'une part, une mesure de radiation des cadres pour abandon de poste ne peut être régulièrement prononcée que si l'agent concerné a, préalablement à cette décision, été mis en demeure de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié qu'il appartient à l'administration de fixer. Une telle mise en demeure doit prendre la forme d'un document écrit, notifié à l'intéressé, l'informant du risque qu'il court d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. Lorsque l'agent ne s'est pas présenté et n'a fait connaître à l'administration aucune intention avant l'expiration du délai fixé par la mise en demeure, et en l'absence de toute justification d'ordre matériel ou médical, présentée par l'agent, de nature à expliquer le retard qu'il aurait eu à manifester un lien avec le service, cette administration est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé.
3. D'autre part, l'obligation pour l'administration, dans la mise en demeure qu'elle doit préalablement adresser à l'agent, de lui impartir un délai approprié pour reprendre son poste ou rejoindre son service, constitue une condition nécessaire pour que soit caractérisée une situation d'abandon de poste, et non une simple condition de procédure de la décision de radiation des cadres pour abandon de poste.
4. Il ressort des pièces du dossier que la mesure de radiation des cadres contestée a été précédée d'une première mise en demeure adressée le 10 septembre 2019 par le président de l'EPHAD de La Croix d'Hervault à Mme A..., réceptionnée par celle-ci le 11 septembre 2019, lui demandant de reprendre ses fonctions dans un délai de sept jours à compter de la réception du courrier sous peine d'une radiation pour abandon de poste " sans respect des droits tirés de [son] statut ", suivie d'une seconde mise en demeure adressée par un courriel du 17 septembre 2019 du conseil de l'employeur de Mme A... au conseil de cette dernière auquel il était indiqué que sa cliente devait reprendre ses fonctions avant le 23 septembre 2019 sous peine de faire l'objet d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable. En l'absence de mise en demeure, notifiée à Mme A..., enjoignant à l'intéressée, préalablement à sa radiation des cadres pour abandon de poste, de rejoindre son poste ou de reprendre son service dans un délai approprié fixé par l'administration et l'informant du risque d'une radiation des cadres sans procédure disciplinaire préalable, la mesure de radiation des cadres pour abandon de poste en litige n'a pas été régulièrement prononcée, ainsi que le soutient pour la première fois en appel Mme A..., en dépit de l'édiction de deux mises en demeure successives.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 25 septembre 2019.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Compte tenu du motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique nécessairement, d'une part, que Mme A... soit réintégrée juridiquement à la date de prise d'effet de la décision de radiation des cadres pour abandon de poste et, d'autre part, que l'administration examine, en lien avec la médecine de prévention, la possibilité de l'affecter à un poste adapté. Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au centre intercommunal d'action sociale de Pamproux de réintégrer juridiquement Mme A..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et d'examiner la possibilité de l'affecter à un poste adapté. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, quelque somme que ce soit au titre des frais engagés par le centre intercommunal d'action sociale de Pamproux, non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre intercommunal d'action sociale de Pamproux une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais, engagés par Mme A....
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 15 décembre 2020 et la décision du 25 septembre 2019 du président de l'EPHAD de la Croix d'Hervault sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au centre intercommunal d'action sociale de Pamproux, d'une part, de réintégrer Mme A... à la date de prise d'effet de la décision de radiation des cadres pour abandon de poste et, d'autre part, d'examiner, en lien avec la médecine de prévention, la possibilité de l'affecter à un poste adapté, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le centre intercommunal d'action sociale de Pamproux versera à Mme A... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A... est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par le CIAS de Pamproux sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au centre intercommunal d'action sociale de Pamproux.
Délibéré après l'audience du 14 mars 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Karine Butéri, présidente,
M. Olivier Cotte, premier conseiller,
Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 avril 2022.
La rapporteure,
Caroline Gaillard
La présidente,
Karine Butéri
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au préfet des Deux-Sèvres, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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No 21BX00634