Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée Seanergy Océan Indien a demandé au tribunal administratif de La Réunion de condamner la commune de Saint-Paul à lui verser, d'une part, la somme totale de 714 989,07 euros, assortie des intérêts moratoires à compter du 11 octobre 2017, au titre des prestations supplémentaires de maintenance, du solde du marché de maintenance, des bons d'intervention journaliers, du coût de création de la plateforme
numérique d'échanges Formstack et du préjudice résultant de l'atteinte à sa réputation et à son
image, d'autre part, la somme de 40 euros correspondant à l'indemnité forfaitaire de
recouvrement.
Par jugement n° 1800110 du 9 juillet 2020, le tribunal administratif de La Réunion a condamné la commune de Saint-Paul à verser à la société Seanergy Océan Indien la somme de 353 284,10 euros assortie des intérêts à compter du 11 novembre 2017, ainsi que 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement.
I. Sous le n° 20BX03371, par une requête et deux mémoires, enregistrés le 9 octobre 2020 et les 10 septembre et 8 novembre 2021, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la commune de Saint-Paul, représentée par Me Gaspar, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 9 juillet 2020 du tribunal administratif de La Réunion ;
2°) de rejeter la demande de la société Seanergy Océan Indien ;
3°) de mettre à la charge de la société Seanergy Océan Indien la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement,
- alors que la clôture d'instruction était fixée au 30 octobre 2019, le tribunal administratif a communiqué de nouvelles pièces émanant de la société Seanergy Océan Indien le 21 février 2020, ce qui a eu pour effet de rouvrir l'instruction, qui devait obligatoirement être close par une nouvelle ordonnance ; de plus, alors que l'audience s'est tenue le 18 juin 2020, le président s'est abstenu de clore l'instruction, alors même que, en application de l'ordonnance n° 2020-305, à défaut d'ordonnance de clôture, toutes les mesures de clôture d'instruction, en ce compris, par définition, les clôtures d'instruction automatique, sont réputées avoir été prorogées de plein droit jusqu'au 23 juin 2020, soit postérieurement à l'audience s'étant tenue le 18 juin 2020 ;
- il y a méconnaissance du contradictoire, dès lors qu'il ressort de l'application Sagace que la société Seanergy Océan Indien a communiqué, le 20 février 2020, des pièces complémentaires " demandées ", alors qu'aucune demande n'est enregistrée sur Sagace, et que cette demande n'a pas été portée à la connaissance de la commune ;
S'agissant de la recevabilité de la demande devant les premiers juges,
- le courrier du 10 octobre 2017, qui n'émane pas du titulaire du marché, mais de son avocat, n'est pas un mémoire de réclamation au sens de l'article 37.2 du cahier des clauses administratives générales fournitures courantes et services auquel se réfère le marché en cause ;
- les demandes étaient forcloses en application de l'article 37 du cahier des clauses administratives générales ; en effet, le différend relatif aux prestations de maintenance supplémentaires est né le jour de la réception de la lettre du 18 octobre 2016, dans laquelle la commune indiquait refuser de payer ces prétendus coûts de maintenance supplémentaires, et le délai de deux mois était expiré le 11 octobre 2017, jour de la réception du mémoire de réclamation ; en outre, par lettre du 24 novembre 2016, la société a mis en demeure la commune de lui régler la maintenance supplémentaire ; les demandes au titre des bons d'intervention journaliers ont fait l'objet des mêmes courriers ; s'agissant des demandes relatives à la plateforme numérique d'échanges Formstack, elles étaient concernées par la mise en demeure du 24 novembre 2016, tout comme le préjudice d'image ;
S'agissant des demandes relatives aux prestations de maintenance supplémentaires liées à l'augmentation de la surface des filets posés,
- ces prestations étaient prévues par l'avenant n° 1, qui porte la surface des filets de 3 826 m² à 4 924 m² à Boucan-Canot, et de 2 452 m² à 2 650 m² aux Roches Noires, soit une augmentation totale de 1 296 m² ; elles étaient donc prévues par le forfait de rémunération ;
- en tout état de cause, la société n'apporte aucune pièce de nature à démontrer la réalité des surcoûts exposés, et en admettant de l'indemniser à hauteur de près de 200 000 euros sur la base d'un simple calcul abstrait, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ;
- le montant sollicité est surestimé ;
S'agissant du solde du forfait de maintenance,
- les demandes de la société correspondent au solde du forfait de maintenance pour les mois de septembre à novembre 2017 s'agissant du site du Boucan-Canot et pour les mois de septembre 2017 à mars 2018 pour le site des Roches Noires, alors même que le filet était
abaissé et, qu'elle n'avait donc plus à intervenir pour la maintenance ;
- les personnes publiques ne peuvent régler des sommes que si elles correspondent à un service fait ;
- l'article 11.4.5 du cahier des clauses administratives générales prévoit un paiement fractionné si la prestation n'est pas achevée ; or, aucune prestation de maintenance n'a été effectuée à compter du mois de juin 2017, date du retrait des filets ;
S'agissant de la création de la plateforme numérique d'échanges Formstack, le montant de 1 632,93 euros TTC n'est pas justifié ;
S'agissant des bons d'intervention journaliers,
- la société n'apporte aucun justificatif de ces prestations ;
- ses demandes correspondent à des prestations au titre de la garantie de la fourniture mise en place, prévue par l'article 28 du cahier des clauses administratives générales ; en effet, la quasi-totalité des bons d'intervention dont la société sollicite le
règlement concerne des interventions effectuées au cours du délai de garantie, à savoir avant le 15 décembre 2016 pour le site de Boucan-Canot et avant le 18 février 2017 pour le site des Roches Noires ;
- de plus, certaines interventions ont été rendues nécessaires par les carences de la société, en raison du phénomène d'affaissement des filets et de leur excessive fragilité ;
S'agissant du préjudice d'image, ni la faute ni le préjudice ne sont établis.
Par trois mémoires en défense, enregistrés les 5 mai, 9 septembre et 14 octobre 2021, la société Seanergy Océan Indien, représentée par Me Dugoujon, conclut :
- au rejet de la requête
- par la voie de l'appel incident, à ce que la somme que le tribunal administratif a condamné la commune de Saint-Paul à lui verser soit augmentée des sommes de 218 266,74 euros TTC au titre des bons d'intervention journaliers, et de 100 000 euros au titre de l'atteinte à la réputation et à l'image ;
- à ce que la somme de 3 000 soit mise à la charge de la commune de Saint-Paul au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
- les commandes qui excédaient le forfait de maintenance ont systématiquement fait l'objet de bons d'intervention journaliers émis par la société sur la base du bordereau de prix unitaires annexé à l'acte d'engagement ; en signant ces bons d'intervention, la commune a commandé des prestations supplémentaires ;
- chaque bon comprend une rubrique " travaux exécutés " qui permet de constater qu'il ne s'agit pas de maintenance traditionnelle comprise dans le forfait de rémunération, mais d'une prestation distincte ;
- le préjudice d'image est établi.
Par ordonnance du 15 octobre 2021, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 15 novembre 2021.
II. Sous le n° 20BX03374, par une requête et deux mémoires, enregistrés les 12 octobre 2020 et les 10 mai et 14 juin 2021, la commune de Saint-Paul, représentée par Me Gaspar, demande à la cour :
1°) d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement du 9 juillet 2020 du tribunal administratif de La Réunion ;
2°) de mettre à la charge de la société Seanergy Océan Indien la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle se prévaut des mêmes moyens que dans la requête n° 20BX03371.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 25 mai et 14 septembre 2021, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la société Seanergy Océan Indien, représentée par Me Dugoujon, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 soit mise à la charge de la commune de Saint-Paul au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par ordonnance du 16 juin 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 15 septembre 2021.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;
- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 ;
- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Frédérique Munoz-Pauziès,
- les conclusions de Mme Florence Madelaigue,
- et les observations de Me Bardoux, représentant la commune de Saint-Paul, et de Me Dugoujon, représentant la société Seanergy Océan Indien.
Considérant ce qui suit :
1. Par acte d'engagement du 15 mai 2015, la commune de Saint-Paul a conclu avec la société Seanergy Océan Indien un marché ayant pour objet la fourniture, la mise en œuvre et la maintenance d'un système de protection contre les attaques de requins dans les zones d'activités nautiques de Boucan-Canot et des Roches Noires, pour un prix forfaitaire de 4 077 696 euros HT, augmenté de 379 708 euros par avenant du 21 octobre 2015. Les filets de protection ont été réceptionnés sans réserve par procès-verbal du 18 février 2016, s'agissant du site des Roches Noires, et par procès-verbal du 18 décembre 2015, s'agissant du site de Boucan-Canot.
2. Le 27 août 2016, alors que le site de Boucan-Canot était fermé à la baignade compte tenu de la découverte d'un trou dans le filet de protection, un baigneur a été grièvement blessé lors d'une attaque de requin. Le 18 juin 2017, alors que le site des Roches Noires était fermé au motif que les filets n'étaient pas opérationnels, un baigneur a de nouveau été blessé. La commune de Saint-Paul s'est alors aperçue que la zone de baignade n'était pas entièrement protégée, et un phénomène d'affaissement du filet a été constaté. Les deux zones ont alors été fermées à la baignade de nombreux jours en 2016 et 2017, et à partir du mois de juillet 2017, le filet n'a plus été déployé.
3. Par courrier du 24 août 2017, la commune de Saint-Paul a notifié à la société Seanergy Océan Indien sa volonté de ne pas reconduire le marché de maintenance, à compter du 18 décembre 2017 pour le filet du site de Boucan-Canot, et du 6 avril 2018 pour le filet situé aux Roches Noires. La société Seanergy Océan Indien a adressé à la commune un mémoire de réclamation puis saisi le tribunal administratif de La Réunion d'une demande tendant à ce que la commune soit condamnée au paiement de la somme de 714 989,07 euros TTC, augmentée des intérêts et de l'indemnité forfaitaire de recouvrement de 40 euros, au titre du solde du marché et d'un préjudice d'image.
4. Par le jugement attaqué du 9 juillet 2020, le tribunal administratif de La Réunion a condamné la commune de Saint-Paul à verser à la société Seanergy Océan Indien la somme de 353 284,10 euros assortie des intérêts à compter du 11 novembre 2017, ainsi que celle de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement. Sous le n° 20BX03371, la commune de Saint-Paul relève appel de ce jugement et, par la voie de l'appel incident, la société Seanergy Océan Indien demande que la somme que le tribunal administratif a condamné la commune à lui verser soit augmentée des sommes de 218 266,74 euros TTC au titre des bons d'intervention journaliers, et de 100 000 euros au titre de l'atteinte à la réputation et à l'image. Sous le n° 20BX03374, la commune de Saint-Paul demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement.
5. Les requêtes n° 20BX03371 et n° 20BX03374 sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
Sur la régularité du jugement :
6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 613-1 du code de justice administrative : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close (...) ". Aux termes de l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2 (...) ". Par ailleurs, aux termes du II de l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif : " Les mesures de clôture d'instruction dont le terme vient à échéance entre le 12 mars 2020 et le 23 mai 2020 inclus sont prorogées de plein droit jusqu'au 23 juin 2020 inclus, à moins que ce terme ne soit reporté par le juge (...) ".
7. Lorsqu'il décide de soumettre au contradictoire une production de l'une des parties après la clôture de l'instruction, le président de la formation de jugement du tribunal administratif doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction. Si la réouverture de l'instruction provoquée par la communication des pièces nouvelles a été effectuée plus de trois jours francs avant l'audience, le président n'est pas tenu de prendre une nouvelle ordonnance pour clore l'instruction, celle-ci se trouvant automatiquement close trois jours avant l'audience, en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.
8. En l'espèce, alors que l'instruction était close depuis le 30 juillet 2019, le tribunal administratif de La Réunion a communiqué à la commune de Saint-Paul, le 20 février 2020, un nouveau mémoire de la société Seanergy Océan Indien. Si cette communication a eu pour effet de rouvrir l'instruction, le président de la formation de jugement n'était nullement tenu de prendre une nouvelle ordonnance de clôture, et l'instruction s'est trouvée automatiquement close trois jours francs avant l'audience, fixée le 18 juin 2020. Si la commune de Saint-Paul se prévaut des dispositions du II de l'article 16 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020, prorogeant de plein droit, jusqu'au 23 juin 2020, les mesures de clôture dont le terme est venu à échéance entre le 12 mars et le 23 mai 2020, ces dispositions ne s'appliquent pas à la clôture automatique.
9. En second lieu, il ressort de la consultation de l'intégralité du dossier de première instance que la commune de Saint-Paul a été destinataire de tous les mémoires et pièces produits par la société Seanergy Océan Indien devant le tribunal administratif de La Réunion. Elle n'est ainsi pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient méconnu le caractère contradictoire de la procédure.
Sur la recevabilité de la demande de la société Seanergy Océan Indien devant les premiers juges :
10. En premier lieu, la commune de Saint-Paul reprend en appel, sans l'assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, le moyen tiré de ce que le courrier du 10 octobre 2017 ne pourrait être regardé comme un mémoire de réclamation au sens de l'article 37.2 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services, dès lors qu'il n'émane pas du titulaire du marché mais de son avocat. Il convient d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
11. En second lieu, aux termes de l'article 37.2 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services : " Tout différend entre le titulaire et le pouvoir adjudicateur doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'un mémoire de réclamation exposant les motifs et indiquant, le cas échéant, le montant des sommes réclamées. Ce mémoire doit être communiqué au pouvoir adjudicateur dans le délai de deux mois, courant à compter du jour où le différend est apparu, sous peine de forclusion ".
12. L'apparition d'un différend, au sens de ces stipulations, entre le titulaire du marché et l'acheteur, résulte, en principe, d'une prise de position écrite, explicite et non équivoque émanant de l'acheteur et faisant apparaître le désaccord. Elle peut également résulter du silence gardé par l'acheteur à la suite d'une mise en demeure adressée par le titulaire du marché l'invitant à prendre position sur le désaccord dans un certain délai.
En ce qui concerne les demandes de paiement des prestations de maintenance liées à l'augmentation de la surface des filets posés et des bons d'interventions journaliers :
13. Il résulte de l'instruction que, dans son courrier du 18 octobre 2016, en réponse aux demandes adressées par la société Seanergy Océan Indien dans un courriel du 14 octobre 2016, le maire de la commune de Saint-Paul a, de façon très explicite, refusé à la société le paiement d'une part, des prestations de maintenance supplémentaires liées à l'augmentation par avenant de la surface des filets posés et d'autre part, des bons d'interventions journaliers. Le différend est ainsi apparu à cette date, et la société disposait d'un délai de deux mois pour présenter son mémoire de réclamation. Si la société Seanergy Océan Indien a adressé à la commune un courrier en date du 24 novembre 2016, ce courrier, postérieur à l'apparition du différend, se borne à mettre la commune en demeure, notamment, " de procéder au paiement des journées de maintenance supplémentaires effectuées chaque mois " et " de procéder au paiement de la maintenance de la surface supplémentaire suite à l'avenant n° 1 " dans un délai de quinze jours, sans indiquer le montant des sommes ainsi réclamées. Ce courrier ne peut donc être regardé comme le mémoire de réclamation prévu par les stipulations de l'article 37.2 du cahier des clauses administratives générales. La circonstance que la commune a adressé, le 17 février 2017, une demande au président du tribunal administratif de La Réunion aux fins d'organisation d'une procédure de médiation ne peut avoir eu pour effet de rouvrir le délai. Ainsi, s'agissant des différents relatifs au paiement des prestations de maintenance liées à l'augmentation de la surface des filets posés et au bons d'interventions journaliers, le délai de réclamation de deux mois était expiré à la date du mémoire de réclamation du 10 octobre 2017. La commune est, par suite, fondée à soutenir que les conclusions de la société Seanergy Océan Indien devant le tribunal administratif de La Réunion portant sur ces différends étaient irrecevables, et le jugement doit être annulé en tant qu'il l'a condamnée à payer la somme de 191 240,70 euros TTC au titre des prestations supplémentaires de maintenance liées à l'augmentation des surfaces de filets.
En ce qui concerne la demande relative à la plateforme Formstack :
14. Il résulte de l'instruction que, dans le courrier du 24 novembre 2016, la société Seanergy Océan Indien a mis en demeure la commune, notamment, " de procéder au paiement de la plateforme d'échanges Formstack (...) dans un délai de quinze jour à compter de la réception de la présente mise en demeure ". La commune de Saint-Paul n'a pas donné suite à ces demandes, et le différend est ainsi né à l'expiration de ce délai de quinze jours. Par suite, pour cette demande également, le délai de réclamation était expiré à la date du mémoire de réclamation du 10 octobre 2017, et le jugement doit être annulé en tant qu'il a condamné la commune de Saint-Paul à verser la somme de 1 632,93 euros au titre du paiement de la plateforme Formstack.
En ce qui concerne les demandes tendant au paiement du solde du forfait de maintenance et au préjudice d'image :
15. Il ne résulte pas de l'instruction que le délai de réclamation pour les demandes tendant au paiement du solde du forfait de maintenance et au préjudice d'image était expiré à la date du mémoire de réclamation du 10 octobre 2017.
Sur le solde du forfait de maintenance :
16. Aux termes de l'article 1.2 du cahier des clauses administratives particulières du marché en cause : " Forme et durée du marché (...) Le marché est passé pour une durée d'un an renouvelable trois fois de manière tacite dans la limite de quatre années maximum pour la partie maintenance. Le délai d'un an court à compter de la date de réception des travaux d'installation du dispositif. / Si le représentant du pouvoir adjudicateur ne souhaite pas renouveler le marché, celui-ci se prononce au moins trois mois avant la fin de chaque période de validité du marché par courrier recommandé avec accusé de réception ".
17. Il résulte de l'instruction que les filets de protection ont été réceptionnés sans réserve par procès-verbal du 18 février 2016 s'agissant du site des Roches Noires, et par procès-verbal du 18 décembre 2015 s'agissant du site de Boucan-Canot. En application des stipulations rappelées au point 16, le marché, tacitement reconduit pour un an à l'échéance de la première année, prenait ainsi fin le 18 février 2018 pour les Roches Noires et le 18 décembre 2017 pour Boucan-Canot. Par courrier du 24 août 2017, le maire a informé la société de sa décision de ne pas reconduire le marché de maintenance du système de protection, à compter du 18 décembre 2017 s'agissant du site de Boucan-Canot, et du 6 avril 2018 s'agissant du site des Roches Noires. Les filets ayant été arisés dès le mois de juin 2017, et aucune maintenance n'étant donc effectuée, la commune de Saint-Paul a refusé de régler à la société Seanergy Océan Indien les sommes relatives aux prestations dues au titre des mois de décembre 2017 au mois de février 2018.
18. En l'absence d'exécution des prestations de maintenance au titre des mois de décembre 2017 à février 2018, la société Seanergy Océan Indien n'est pas fondée à se prévaloir du caractère global et forfaitaire des prix du marché pour demander le règlement de prestations qu'elle n'a pas exécutées.
Sur le préjudice d'atteinte à l'image et à la réputation :
19. La société Seanergy Océan Indien ne justifiant pas avoir subi un préjudice d'atteinte à l'image et à la réputation, ses conclusions tenant à ce que la commune soit condamnée à lui verser à ce titre la somme de 100 000 euros doivent, en tout état de cause, être rejetées.
20. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Saint-Paul est fondée à soutenir que c'est à tort que, dans le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion l'a condamnée à verser à la société Seanergy Océan Indien la somme de 353 284,10 euros assortie des intérêts.
21. Le présent arrêt statuant au fond du litige, la requête n° 20BX03374 présentée par la commune, et tendant à ce que la cour ordonne le sursis à exécution du jugement attaqué, se trouve privée d'objet.
22. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Seanergy Océan Indien, au profit de la commune de Saint-Paul, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de rejeter les conclusions présentées par la société sur le fondement de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 9 juillet 2020 est annulé.
Article 2 : La demande portée par la société Seanergy Océan Indien devant les premiers juges ainsi que ses conclusions d'appels incidents sont rejetées.
Article 3 : La société Seanergy Océan Indien versera à la commune de Saint-Paul la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées sur ce fondement par la société Seanergy Océan Indien sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Seanergy Océan Indien et à la commune de Saint-Paul.
Délibéré après l'audience du 10 mars 2022 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,
Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 avril 2022.
La rapporteure,
Frédérique Munoz-Pauziès Le président
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au préfet de La Réunion en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 20BX03371, 20BX03374