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04/04/2022 | FRANCE | N°21BX02383

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 3ème chambre, 04 avril 2022, 21BX02383


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 15 février 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il a été assigné à résidence.

Par un jugement n° 2100890 du 19 février 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :<

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Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 juin 2021 et le 21 décembre 2021, M. A..., repré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 15 février 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé son transfert aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il a été assigné à résidence.

Par un jugement n° 2100890 du 19 février 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 juin 2021 et le 21 décembre 2021, M. A..., représenté par Me Naciri, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse du 19 février 2021 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 15 février 2021 du préfet de préfet de la Haute-Garonne susmentionnés ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de 24 heures à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, en tout état de cause, de réexaminer sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions des articles 35 et 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'aux entiers dépens.

Il soutient que :

En ce qui concerne l'arrêté portant transfert :

- l'arrêté portant transfert aux autorités espagnoles est entaché d'un défaut de motivation ;

- la France est devenue le pays responsable de sa demande d'asile, dès lors que le préfet n'établit pas qu'il est en fuite au sens de l'article 29.2 du Règlement 604/2013 pouvant justifier la prolongation du délai de transfert ; il a respecté les prescriptions de pointage du premier arrêté d'assignation à résidence du 15 février 2021 ;

- la prolongation du délai de transfert est illégale par voie de conséquence de l'arrêté du préfet portant assignation à résidence du 15 juillet 2021 ; pris sur le fondement de l'arrêté de transfert, ce nouvel arrêté l'assignant à résidence relève de la théorie de l'acte complexe, de sorte qu'il est recevable à exciper de l'illégalité de cet arrêté d'assignation à résidence du 15 juillet 2021 à l'encontre de la prolongation du délai de transfert prévu au paragraphe 1 de l'article 29 du règlement n° 604/201 ; cet arrêté est insuffisamment motivé en droit et en fait ; il est dépourvu de base légale ; il est entaché d'erreurs de droit et de fait ;

- l'arrêté portant transfert aux autorités espagnoles est entaché d'erreur de droit au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors que le préfet n'a pas sérieusement examiné la possibilité que la France prenne en charge sa demande d'asile au regard de ces dispositions et s'est cru lié par la circonstance que sa demande semblait relever de la compétence des autorités espagnoles ; de plus, il est affecté d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa demande eu égard aux dispositions de l'article 17 précité ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles 17.1 et 17.2 du règlement du 26 juin 2013.

En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

- l'arrêté portant assignation à résidence, qui ne fait pas la démonstration du caractère raisonnable de la perspective d'éloignement, est affecté d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation et est insuffisamment motivé ;

- il est illégal par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté portant transfert ;

- il est entaché d'une erreur de droit au regard de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet ne démontrant pas que l'exécution de la décision de transfert demeure une perspective raisonnable.

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation et porte une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales eu égard aux modalités de contrôle excessives dont est assortie l'assignation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2021, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête de M. A.... Il fait valoir que les moyens invoqués par M. A... ne sont pas fondés.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 mai 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968 ;

- le règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison d'empreintes digitales aux fins de l'application effective du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre l'administration et le public ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Agnès Bourjol a été entendu au cours de l'audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... est un ressortissant algérien né le 22 novembre 1985 à Mostaganem (Algérie). Il a déclaré être entré sur le territoire français le 20 octobre 2020 en provenance d'Espagne. Il s'est présenté le 11 décembre 2020 à la plateforme d'accueil des demandeurs d'asile. A l'occasion de l'enregistrement de sa demande, le 14 décembre 2020, le relevé des empreintes de M. A... a révélé qu'il avait été contrôlé en Espagne le 13 octobre 2020 et que les autorités espagnoles étaient ainsi responsables de l'examen de sa demande d'asile en application des dispositions du règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil n° 604/2013 du 26 juin 2013. Saisies le 16 décembre 2020 d'une demande de prise en charge sur le fondement de l'article 13.1 du Règlement précité, les autorités espagnoles ont accepté ce transfert le 22 décembre 2020. Par deux arrêtés du 15 février 2021, le préfet de la Haute-Garonne a décidé le transfert de M. A... aux autorités espagnoles, responsables de l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence dans le département de la Haute-Garonne. M. A... relève appel du jugement du 19 février 2021 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du l'arrêté du 15 février 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a décidé son transfert aux autorités espagnoles et l'arrêté du même jour par lequel la même autorité l'a assigné à résidence.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne l'arrêté portant transfert aux autorités espagnoles :

2. En l'espèce, si M. A... invoque la seule circonstance qu'il serait isolé en Espagne alors que des membres de sa famille sont présents en France, cela ne permet pas de considérer que les autorités espagnoles ne seraient pas en mesure de traiter sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Par suite, en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe en Espagne des défaillances systémiques dans le traitement des demandeurs d'asile, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse serait contraire à ces conditions et entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doivent être écartés. Il en est de même, pour les mêmes motifs, du moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

3. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 susvisé, le transfert du demandeur vers l'État membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Et aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ".

4. La notion de fuite, au sens de ces dernières dispositions, doit s'entendre comme visant notamment le cas où un ressortissant étranger non admis au séjour se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant. Le caractère intentionnel et systématique d'un tel comportement s'apprécie au regard, d'une part, des diligences accomplies par l'autorité administrative pour assurer l'exécution de la mesure de remise dans le délai de six mois, d'autre part, des dispositions prises par l'intéressé pour s'y conformer.

5. D'une part, il ressort des pièces du dossier et il n'est pas sérieusement contesté que M. A... ne s'est pas présenté aux six convocations qui lui ont successivement été adressées, à l'adresse qu'il avait déclarée, par les services de la préfecture de la Haute-Garonne, dans le cadre de l'exécution de l'arrêté d'assignation à résidence. Le préfet a pu ainsi à bon droit, et pour ce seul motif, regarder M. A... comme étant en fuite au sens de l'article 29 du règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et en déduire que le délai imparti pour son transfert vers l'Espagne devait être prolongé jusqu'au 19 août 2022.

6. D'autre part, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. S'agissant d'un acte non réglementaire, l'exception n'est, en revanche, recevable que si l'acte n'est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l'acte et la décision ultérieure constituant les éléments d'une même opération complexe, l'illégalité dont l'acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte.

7. Si le requérant, pour contester la prolongation du délai de transfert, se prévaut de l'illégalité du second arrêté du 13 juillet 2021 notifié en main propre le même jour, par lequel le préfet l'a assigné à résidence jusqu'à son départ, il ressort des pièces du dossier que cet arrêté, qui comporte les voies et délais de recours, est devenu définitif en l'absence de contestation par l'intéressé dans le délai de recours contentieux. Dès lors, M. A... n'est pas recevable à contester par la voie de l'exception d'illégalité la décision du 13 juillet 2021 qui a le caractère d'un acte individuel devenu définitif.

8. A supposer même que la décision d'assignation à résidence puisse être regardée comme prise pour l'application de la décision de transfert, il est constant qu'un arrêté de remise pris en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne forme pas avec l'éventuelle assignation à résidence ultérieure une opération complexe. Dans ces conditions, M. A... n'est pas recevable à invoquer son illégalité dans la présente instance.

En ce qui concerne l'arrêté d'assignation à résidence :

9. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) / 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...) ". L'assignation à résidence prévue par les dispositions précitées constitue une mesure alternative au placement en rétention prévu par les dispositions de l'article L. 551-1 du même code, dès lors qu'une mesure d'éloignement demeure une perspective raisonnable et que l'étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à celle-ci.

10. Contrairement à ce que prétend M. A..., aucune disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne fait obstacle à ce que soit prise à son encontre une décision l'assignant à résidence après avoir laissé expirer un délai de cinq mois entre la première assignation à résidence et le renouvellement de celle-ci dès lors qu'elle n'a pas déjà fait l'objet d'un premier renouvellement et que l'exécution du transfert de l'intéressé en Espagne demeure une perspective raisonnable. La circonstance qu'il a respecté la précédente assignation à résidence n'est pas de nature à faire obstacle à un tel renouvellement, dès lors que la décision de transfert, qui peut en principe être exécutée au plus tard dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de reprise en charge, le cas échéant prolongé, demeurait encore une perspective raisonnable à la date de la décision attaquée.

11. M. A... reprend en appel les moyens, déjà soulevés en première instance, et tirés du caractère insuffisamment motivé de la décision portant assignation à résidence, de son illégalité par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté portant transfert, de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation au regard de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, du défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle et de l'atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. A... ne se prévaut devant la cour d'aucun élément de fait ou de droit nouveau par rapport à l'argumentation développée devant le tribunal. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par le premier juge.

12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation des arrêtés contestés, n'appelle aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. A... ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais d'instance :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont M. A... demande le versement au profit de son conseil au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de celles de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2022, à laquelle siégeaient :

M. Didier Artus, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme Agnès Bourjol, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2022.

La rapporteure,

Agnès BOURJOLLe président,

Didier ARTUS

La greffière,

Sylvie HAYET

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 21BX02383


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02383
Date de la décision : 04/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. ARTUS
Rapporteur ?: Mme Agnès BOURJOL
Rapporteur public ?: Mme LE BRIS
Avocat(s) : NACIRI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-04-04;21bx02383 ?
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