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24/03/2022 | FRANCE | N°21BX01560

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 24 mars 2022, 21BX01560


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2005173 du 5 janvier 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 avril 2021, Mme B...

, représentée par

Me Tercero, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal admi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2005173 du 5 janvier 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 avril 2021, Mme B..., représentée par

Me Tercero, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 5 janvier 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 25 septembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'insuffisance de motivation ;

- les deux décisions sont entachées d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 février 2022, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme B... n'est fondé.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Olivier Cotte.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante congolaise née le 28 janvier 1992, est entrée en France le 21 novembre 2018 afin de solliciter l'asile. Sa demande de protection internationale a été rejetée en dernier lieu par la Cour nationale du droit d'asile le 9 septembre 2020. Par arrêté du 25 septembre 2020, le préfet de la Haute-Garonne lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par jugement du 5 janvier 2021 dont Mme B... relève appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, aux termes des dispositions alors codifiées au I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 743-1 et L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".

3. L'arrêté préfectoral du 25 septembre 2020 vise les dispositions alors codifiées

au 6° du I de l'article L. 511-1 précitées et précise que la demande d'asile de Mme B... a été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 9 septembre 2020. Après examen de sa situation personnelle et familiale, il ajoute qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et que l'intéressée n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. La circonstance que l'arrêté en litige ne précise pas les persécutions que Mme B... allègue craindre en cas de retour en République démocratique du Congo n'est pas de nature à l'entacher d'insuffisance de motivation. De même, eu égard au fondement de la décision litigieuse et alors qu'il n'est au demeurant pas établi que Mme B... a levé le secret médical envers le préfet, l'absence d'indication sur les traitements médicaux dont l'intéressée allègue avoir besoin est également sans incidence sur la régularité formelle de cette décision qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet a procédé à un examen sérieux de la situation de Mme B... avant d'édicter sa décision. Le fait qu'il n'a pas fait mention, dans ladite décision, de la naissance de son fils sur le territoire français

le 14 janvier 2019 ne suffit pas à considérer qu'il n'aurait pas procédé à un tel examen.

5. En troisième lieu, aux termes des dispositions alors codifiées à l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté

du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui dépose une demande de délivrance ou de renouvellement d'un document de séjour pour raison de santé est tenu, pour l'application des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de faire établir un certificat médical relatif à son état de santé par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier. / A cet effet, le préfet du lieu où l'étranger a sa résidence habituelle lui remet un dossier comprenant une notice explicative l'informant de la procédure à suivre et un certificat médical vierge, dont le modèle type figure à l'annexe A du présent arrêté. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... n'a jamais fait état auprès du préfet de la Haute-Garonne, au cours de l'instruction de sa demande d'admission au séjour, de problèmes relatifs à son état de santé. Au surplus, si elle produit des certificats médicaux évoquant un syndrome de stress post-traumatique qui nécessiterait une prise en charge médicale et thérapeutique, il n'est pas établi que le défaut d'un tel traitement aurait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'en édictant une décision portant obligation de quitter le territoire français, le préfet de la Haute-Garonne aurait méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

8. Mme B... soutient qu'elle encourt des risques de persécutions en cas de retour en République démocratique du Congo, en raison de l'emploi de son époux de chauffeur mécanicien au sein d'une association de défense des droits des détenus, de l'agression perpétrée le 17 mai 2018 par les services de police à la recherche de son époux et ayant conduit à son hospitalisation, et des menaces de mort qui lui ont été adressées pour le cas où son époux ne se présenterait pas aux autorités. Toutefois, elle se borne à produire des certificats médicaux qui ne font que reprendre ses dires quant à l'origine de ses traumatismes. Ni ces documents ni les rapports d'organisations non gouvernementales ou du bureau des droits de l'homme de l'Organisation des Nations-Unies relatifs aux exactions imputées aux services de police de ce pays ne permettent d'établir l'existence de risques personnels et actuels encourus à la date de la décision attaquée par

Mme B..., dont la demande d'asile a été au demeurant définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 9 septembre 2020, en cas de retour en République démocratique du Congo. Par suite, ainsi que l'a jugé le premier juge, dans sa décision qui est suffisamment motivée sur ce point, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatives, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

10. Ainsi que l'a jugé le premier juge qui a suffisamment motivé sa décision sur ce point, l'arrêté attaqué n'a ni pour objet ni pour effet de séparer l'enfant Kheiron de sa mère. Les risques allégués par Mme B... et dont pourrait être également victime son fils en cas de retour en République démocratique du Congo n'étaient, ainsi qu'il a été dit au point 8, pas établis à la date de la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral

du 25 septembre 2020. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera transmise au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 28 février 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Karine Butéri, présidente,

M. Olivier Cotte, premier conseiller,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mars 2022.

Le rapporteur,

Olivier Cotte

La présidente,

Karine Butéri

La greffière,

Catherine Jussy

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21BX01560


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01560
Date de la décision : 24/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUTERI
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : ATY AVOCATS ASSOCIES AMARI DE BEAUFORT-TERCERO-YEPONDE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-03-24;21bx01560 ?
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