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24/03/2022 | FRANCE | N°20BX02600

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 24 mars 2022, 20BX02600


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. A... et Stéphane B... ont demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011.

Par deux jugements n° 1900372 et n° 1900471 du 11 juin 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 20BX02600, le 10 août 2020, M. E... B..., représenté

par Me Gouranton, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1900372 du tribunal administ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. A... et Stéphane B... ont demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011.

Par deux jugements n° 1900372 et n° 1900471 du 11 juin 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 20BX02600, le 10 août 2020, M. E... B..., représenté par Me Gouranton, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1900372 du tribunal administratif de la Guadeloupe du 11 juin 2020 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les avis d'imposition sont irréguliers dès lors qu'ils ne précisent pas la nature des intérêts de retard et des pénalités qui sont appliqués ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé qu'il devait être regardé comme gestionnaire, membre et participant d'une société créée de fait ; sur la condition tenant à la participation des membres aux apports, les acquéreurs ont expressément manifesté le souhait d'affecter le terrain à la construction d'un immeuble à usage d'habitation destiné à leur usage personnel et n'ont jamais entendu l'affecter à une entreprise commune ; sur la condition tenant à la participation des membres à la gestion de l'entreprise, seule Mme C..., épouse B..., usufruitière, disposait d'un véritable pouvoir de contrôle sur les biens immobiliers indivis ;

- c'est à tort que les premiers juges ont qualifié son activité de nature commerciale imposable à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ;

- le prétendu caractère occulte de l'activité de la société créée de fait, qui étend le délai de reprise jusqu'à la fin de la dixième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due, n'est pas établi et, en conséquence, l'action de l'administration était prescrite.

Par un mémoire, enregistré le 2 mars 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens développés par M. B... ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 20BX02601, le 10 août 2020, M. A... B..., représenté par Me Gouranton, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1900471 du tribunal administratif de la Guadeloupe du 11 juin 2020 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2010 et 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les avis d'imposition sont irréguliers dès lors qu'ils ne précisent pas la nature des intérêts de retard et des pénalités qui sont appliqués ;

- c'est à tort que le tribunal a jugé qu'il devait être regardé comme gestionnaire, membre et participant d'une société créée de fait ; sur la condition tenant à la participation des membres aux apports, les acquéreurs ont expressément manifesté le souhait d'affecter le terrain à la construction d'un immeuble à usage d'habitation destiné à leur usage personnel et n'ont jamais entendu l'affecter à une entreprise commune ; sur la condition tenant à la participation des membres à la gestion de l'entreprise, seule Mme C..., épouse B..., usufruitière, disposait d'un véritable pouvoir de contrôle sur les biens immobiliers indivis ;

- c'est à tort que les premiers juges ont qualifié son activité de nature commerciale imposable à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ;

- le prétendu caractère occulte de l'activité de la société créée de fait, qui étend le délai de reprise jusqu'à la fin de la dixième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due, n'est pas établi et, en conséquence, l'action de l'administration était prescrite.

Par un mémoire, enregistré le 2 mars 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens développés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nathalie Gay;

- et les conclusions de Mme Madelaigue, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par acte notarié du 13 juin 2007, M. E... B..., et son frère, M. A... B..., ont acquis en indivision avec leur mère, Mme D... C..., épouse B..., un terrain à bâtir à Saint-François, au lieu-dit " Daubé ", sur lequel ils ont édifié deux bâtiments comprenant au total six logements à usage d'habitation dont quatre ont été vendus en l'état futur d'achèvement entre le 22 septembre 2010 et le 28 juin 2011 et deux ont été vendus achevés les 24 novembre et 7 décembre 2011. L'administration, estimant que MM. B... exerçaient une activité occulte de marchand de biens dans le cadre d'une société de fait constituée entre les indivisaires, les a informés, par deux propositions de rectification du 17 octobre 2016, de son intention de les imposer à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, à raison des profits résultant des ventes réalisées en 2010 et 2011. MM. B... relèvent appel des jugements n° 1900372 et n° 1900471 du 11 juin 2020 par lesquels le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté leurs demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011.

Sur la régularité de la procédure :

2. Les erreurs ou omissions qui peuvent entacher les avis d'imposition, lesquels sont des documents destinés à l'information du contribuable postérieurement à l'établissement des rôles de l'impôt, sont sans influence sur la régularité des impositions contestées. Par suite, les appelants ne peuvent utilement se prévaloir de la circonstance que les avis d'imposition ne préciseraient pas la nature de l'intérêt de retard et des pénalités.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'existence d'une société de fait entre les indivisaires :

3. L'existence d'une société de fait pour l'exploitation d'une entreprise résulte des apports faits à cette entreprise par deux ou plusieurs personnes comme de leur participation tant à l'administration et au contrôle de l'affaire qu'aux bénéfices et aux pertes.

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction et notamment de l'acte notarié du 13 juin 2007, que Mme D... C..., épouse B..., pour l'usufruit durant sa vie, MM. Stéphane et A... B..., pour la nue-propriété à laquelle se réunira l'usufruit au décès de leur mère, ont acquis la parcelle cadastrée section BH n° 103 située au lieu-dit " Daubé " à Saint-François pour un montant de 217 000 euros. Les apports de MM. B..., consistant en la nue-propriété du terrain sur lequel ont été édifiés deux bâtiments, comprenant au total six logements à usage d'habitation qui seront ultérieurement vendus, ont nécessairement contribué au développement de l'activité d'achat-revente. Les circonstances que les acquéreurs auraient expressément manifesté le souhait d'affecter le terrain à la construction d'un immeuble à usage d'habitation destiné à leur usage personnel et que l'acte notarié mentionne que la mutation n'entre pas dans le champ d'application de la taxe de la valeur ajoutée mais dans celui des droits d'enregistrement sont sans incidence quant à l'existence des apports effectués par les appelants.

5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que MM. B..., en leur qualité de nus propriétaires, ont été présents ou dûment représentés lors de la signature de l'ensemble des actes notariés et M. A... disposait d'une procuration pour représenter sa mère. Il résulte, de plus, des contrats de vente des différents lots que Mme B... et MM. B... désignés sous le libellé " le vendeur ", ont obtenu les permis de construire en vue de la construction de la résidence Mango et ont pris les décisions nécessaires afin de respecter leur engagement quant au délai d'achèvement des travaux de construction. La circonstance, invoquée par les appelants, que leur mère a, en sa qualité d'usufruitière, le droit de jouir du bien en vertu des articles 578 et suivants du code civil, est sans influence quant à la participation, selon les modalités qui viennent d'être exposées, de MM. B... à l'administration et au contrôle des opérations d'achat et de revente des biens de l'affaire.

6. En troisième lieu, MM. B... en leur qualité de nu-propriétaires, étaient nécessairement intéressés aux profits ou aux pertes de l'entreprise. Ils ont ainsi été bénéficiaires, à concurrence de leurs droits respectifs, des prix de vente des appartements cédés.

7. De l'ensemble de ces éléments, il résulte qu'une société existait en fait entre les indivisaires pour l'exploitation des profits résultant de la vente des immeubles construits sur le terrain acquis le 13 juin 2007.

En ce qui concerne le caractère commercial de l'activité de la société :

8. Aux termes de l'article 35 du code général des impôts : " I. Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l'application de l'impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : / 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou parts de sociétés immobilières ou qui, habituellement, souscrivent, en vue de les revendre, des actions ou parts créées ou émises par les mêmes sociétés. / 1° bis Personnes qui, à titre habituel, achètent des biens immeubles, en vue d'édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre, en bloc ou par locaux (...) ". L'application de ces dispositions est subordonnée à la double condition que les opérations procèdent d'une intention spéculative et présentent un caractère habituel.

9. Il résulte de l'instruction que, le 13 juin 2007, MM. B... ont acquis, avec leur mère, un terrain à bâtir, cadastré section BH n° 103 d'une contenance de 20 a et 91 ca, pour un montant de 217 000 euros et ont fait construire sur une partie de ce terrain, cadastrée BH 686 d'une contenance de 10 a et 18 ca, deux bâtiments comprenant six lots à usage d'habitation. Ces lots ont été vendus par actes notariés en date des 22 septembre 2010, 1er et 28 juin 2011 et 7 et 19 décembre 2011 pour un montant total de 879 000 euros. D'une part, les opérations d'achat, de construction des immeubles et de vente de lots se sont déroulées entre 2007 et 2011. Cette brève période, compte tenu du temps d'études et des démarches administratives nécessaires à la construction des immeubles, montre l'existence dès l'origine de l'intention spéculative des indivisaires. Si les indivisaires ont déclaré, dans l'acte notarié du 13 juin 2007, avoir acquis ce terrain en vue d'y construire un immeuble à usage d'habitation, ils n'indiquent pas dans quelle intention, autre que spéculative, ils auraient acquis un terrain de plus de 2 000 m². D'autre part, en raison de la continuité des opérations d'achat, construction et cession, du nombre des transactions, de la brève période qui sépare l'achat du terrain à bâtir et la vente de deux immeubles ainsi que de l'importance des plus-values réalisées, et alors même que ce terrain constituait l'unique acquisition de MM. B..., les cessions consenties par la société ont revêtu un caractère habituel. Par suite, les opérations immobilières réalisées par la société de fait répondaient à un objet commercial et entraient en conséquence dans le champ d'application du I de l'article 35 du code général des impôts.

En ce qui concerne l'existence d'une activité occulte :

10. Aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. / Par exception aux dispositions du premier alinéa, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due, lorsque le contribuable exerce une activité occulte ou lorsqu'il est bénéficiaire de revenus distribués par une personne morale exerçant une activité occulte. L'activité occulte est réputée exercée lorsque le contribuable ou la personne morale mentionnée à la première phrase du présent alinéa n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et soit n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, soit s'est livré à une activité illicite (...) ".

11. Il résulte de ce qui a déjà été exposé que MM. B... ont exercé en commun, dans le cadre d'une société de fait, une activité professionnelle entrant dans le champ d'application du I de l'article 35 du code général des impôts, relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux. Il est constant que la société de fait n'a ni fait connaître son activité au centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, ni souscrit de déclarations fiscales au titre de son activité. Les appelants ne peuvent utilement se prévaloir de la connaissance par l'administration de l'activité de la société par la publicité des actes de mutation, ni de ce qu'elle ne pouvait recourir à la procédure d'office pour exercice d'une activité occulte dans le cadre d'un contrôle sur pièces. Par suite, l'administration était fondée à mettre en œuvre la prescription décennale pour cette activité occulte en application des dispositions de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales.

12. Il résulte de tout ce qui précède que MM. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal de la Guadeloupe a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par les appelants et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes présentées par MM. B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., M. E... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 24 février 2022 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mars 2022.

La rapporteure,

Nathalie GayLe président,

Éric Rey-Bèthbéder La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX02600 ; 20BX02601


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX02600
Date de la décision : 24/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Questions communes - Personnes imposables - Sociétés de fait.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Personnes et activités imposables.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : WINTER-DURENNEL-PREVOT ET BALADDA SCP D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-03-24;20bx02600 ?
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