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24/03/2022 | FRANCE | N°20BX02541

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 24 mars 2022, 20BX02541


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Carré Outremer a demandé au tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 d'un montant de 47 575 euros.

Par un jugement n° 1900587 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés l

es 6 août 2020 et 24 mars 2021, la société Carré Outremer, représentée par Me Dhonneur, demande à la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Carré Outremer a demandé au tribunal administratif de la Martinique de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 d'un montant de 47 575 euros.

Par un jugement n° 1900587 du 25 juin 2020, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 août 2020 et 24 mars 2021, la société Carré Outremer, représentée par Me Dhonneur, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 25 juin 2020 ;

2°) de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 d'un montant de 47 575 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 6 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification du 29 juin 2017 est insuffisamment motivée, en méconnaissance de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; cette insuffisance de motivation constitue une erreur substantielle au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales et doit être sanctionnée par la décharge de l'ensemble de l'imposition ;

- la motivation de la décision de rejet du 13 juin 2019 est irrégulière en ce que l'administration a modifié les motifs de droit et de fait de sa décision entre la proposition de rectification dans laquelle le service indiquait que l'activité de la société consistait uniquement en une activité de monteur en défiscalisation s'inscrivant dans un cadre commercial et imposable au taux normal en vertu des dispositions du I de l'article 256 du code général des impôts et la décision de rejet du 13 juin 2019 aux termes de laquelle la société facture des prestations d'entremise ou de commercialisation de parts/titres de sociétés civiles qui visent à l'attribution en propriété des biens immobiliers et dont la cession est soumise à la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions prévues au 3° du 1 du I de l'article 257 du code général des impôts ;

- elle exerce une activité, via la société Defiscalliance, d'entremise, d'intermédiaire auprès d'investisseurs ou de conseillers en gestion de patrimoine qu'elle démarche afin de lever des fonds nécessaires aux augmentations de capital de sociétés civiles et au financement des projets immobiliers ; les opérations facturées ou refacturées consistent en des commissions pour prestations d'intermédiation ou d'entremise, aux fins de commercialisation de parts sociales qui ne sont des prestations ni de garde ni de gestion et qui sont exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en application du e du 1° de l'article 261 C du code général des impôts ; dès lors que l'activité de prestation facturée par la société Défiscalliance est exonérée de taxe sur la valeur ajoutée, sa refacturation par la société Carré Outremer est nécessairement exonérée de taxe sur la valeur ajoutée, en application des règles de la taxe sur la valeur ajoutée telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que les sociétés Carré Outremer et Defiscalliance procédaient à des augmentations de capital, que la société Carré Outremer n'exerçait qu'une activité unique de montage et défiscalisation et que les parts de SCI conféraient à leur propriétaire la propriété d'une fraction des biens immobiliers.

Par deux mémoires, enregistrés les 8 février 2021 et 16 février 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens développés par la société Carré Outremer ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nathalie Gay;

- et les conclusions de Mme Madelaigue, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Carré Outremer a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015 à l'issue de laquelle l'administration l'a informée, par une proposition de rectification du 29 juin 2017 annulant et remplaçant celle datée du 21 décembre 2016, de son intention d'imposer à la taxe sur la valeur ajoutée les honoraires de commercialisation des parts de sociétés civiles immobilières facturés à ces dernières qu'elle a exonérés en vertu du e du 1° de l'article 261 C du code général des impôts. La société Carré Outremer relève appel du jugement du 25 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015.

Sur la régularité de la procédure :

2. Aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de façon entièrement utile.

3. La proposition de rectification du 29 juin 2017 présente l'entreprise, son activité, ses relations avec les sociétés Defiscalliance, ARCAVS et BTP SO et SAS ITERATO, les différents contrats conclus par elle, contrat de montage avec les sociétés civiles immobilières (SCI), contrat de commercialisation avec la société Defiscalliance ainsi que leur mode de rémunération, et mentionne, après avoir cité les textes applicables, les motifs des rehaussements envisagés, la facturation des honoraires de commercialisation de parts sociales à des SCI, en exonération de taxe sur la valeur ajoutée, alors que la société Carré Outremer exerce une activité de monteur en défiscalisation, prestations de services imposables à la taxe sur la valeur ajoutée au sens du I de l'article 256 du code général des impôts. Contrairement à ce que soutient la société appelante, l'administration indique, dans la proposition de rectification, la base d'imposition, à savoir le montant des honoraires perçus en exonération de TVA soit 268 399 euros pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2014 et 273 592 euros pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2015 ainsi que le taux appliqué et la méthode de calcul par application de la jurisprudence. Le bien-fondé de l'argumentation figurant dans la proposition de rectification est sans influence sur le caractère suffisant de sa motivation. Par suite et ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, la proposition de rectification du 29 juin 2017 répond aux exigences des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales. Par suite, le motif tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification doit être écarté.

4. Contrairement à ce que soutient l'appelante, les faits exposés dans la décision de rejet de sa réclamation du 13 juin 2019 sont identiques à ceux présentés dans la proposition de rectification du 29 juin 2017. Si l'administration fait valoir, dans la proposition de rectification, que " l'activité de monteur en défiscalisation de la SARL Carré Outremer s'inscrit dans un cadre commercial " et que ces prestations de services sont imposables à la TVA au taux normal en vertu des dispositions du I de l'article 256 du code général des impôts alors que dans la décision de rejet, elle indique que " les parts des SCI visent en fait à l'attribution en propriété de biens immobiliers " et qu'elles sont imposables sur le fondement du 3° du 1 du I de l'article 257 du code général des impôts, la circonstance qu'elle a ultérieurement justifié le maintien des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur un nouveau fondement légal n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'imposition.

Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

5. Aux termes de l'article 242 septies du code général des impôts : " L'activité professionnelle consistant à obtenir pour autrui les avantages fiscaux prévus aux articles 199 undecies A, 199 undecies B, 199 undecies C, 217 undecies, 217 duodecies, 244 quater W, 244 quater X ou 244 quater Y ne peut être exercée que par les entreprises inscrites sur un registre public tenu par le représentant de l'Etat dans les départements et collectivités désignés par arrêté conjoint des ministres chargés du budget et de l'outre-mer (...) ".Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. -Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) / 2° Sont également considérées comme des prestations de services (...) / b) Les opérations portant sur les actions, les parts de sociétés ou d'associations, les obligations et les autres titres, à l'exclusion des titres représentatifs de marchandises et des parts d'intérêt dont la possession assure en droit ou en fait l'attribution en propriété ou en jouissance d'un bien immeuble ou d'une fraction d'un bien immeuble. / Le chiffre d'affaires afférent aux opérations, autres que celles de garde et de gestion, mentionnées ci-dessus est constitué par le montant des profits et autres rémunérations ".

6. Lorsqu'une opération économique soumise à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée par un faisceau d'éléments et d'actes, il y a lieu de prendre en compte toutes les circonstances dans lesquelles elle se déroule aux fins de déterminer si l'on se trouve en présence de plusieurs prestations ou livraisons distinctes ou d'une prestation ou livraison complexe unique. Chaque prestation ou livraison doit en principe être regardée comme distincte et indépendante. Toutefois, l'opération constituée d'une seule prestation sur le plan économique ne doit pas être artificiellement décomposée pour ne pas altérer la fonctionnalité du système de la taxe sur la valeur ajoutée. De même, dans certaines circonstances, plusieurs opérations formellement distinctes, qui pourraient être fournies et taxées séparément, doivent être regardées comme une opération unique lorsqu'elles ne sont pas indépendantes. Tel est le cas lorsque, au sein des éléments caractéristiques de l'opération en cause, certains éléments constituent la prestation principale, tandis que les autres, dès lors qu'ils ne constituent pas pour les clients une fin en soi mais le moyen de bénéficier dans de meilleures conditions de la prestation principale, doivent être regardés comme des prestations accessoires partageant le sort fiscal de celle-ci. Tel est le cas, également, lorsque plusieurs éléments fournis par l'assujetti au consommateur, envisagé comme un consommateur moyen, sont si étroitement liés qu'ils forment, objectivement, une seule opération économique indissociable, le sort fiscal de celle-ci étant alors déterminé par celui de la prestation prédominante au sein de cette opération.

7. Il résulte de l'instruction que la société Carré Outremer exerce l'activité de monteur en défiscalisation prévue à la l'article 242 septies du code général des impôts. Elle crée pour chaque investissement ou programme d'investissement une ou plusieurs sociétés civiles immobilières qui constituent les véhicules fiscaux. Elle acquiert des droits sociaux dans ces sociétés en y apportant 100 euros lors de la constitution. Elle confie, par un contrat de commercialisation, à la société Défiscalliance, qui appartient au même groupe, la mission de démarcher et rechercher des investisseurs financiers afin de lever des fonds nécessaires à l'augmentation de capital des sociétés civiles, en contrepartie d'une rémunération à hauteur de 10 % des apports de ceux-ci. La société Carré Outremer facture les sociétés civiles bénéficiant des apports en capital des honoraires de montage, ingénierie et gestion de société à hauteur de 7,47 % des sommes versées par les investisseurs avec taxe sur la valeur ajoutée et des honoraires de commercialisation à hauteur de 10 % des sommes versées par les investisseurs en franchise de taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement du e du 1° de l'article 261 C du code général des impôts.

8. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la société appelante, l'opération consistant à regrouper et organiser l'intervention des investisseurs fiscaux dans les opérations d'investissement fait partie de l'activité de monteur en défiscalisation et nécessite la recherche, la prospection et le démarchage des investisseurs en vue de leur intervention sans laquelle aucun montage en vue d'obtenir des avantages fiscaux ne pourrait être réalisé. Ainsi, l'opération de commercialisation confiée à la société Défiscalliance a le caractère d'une activité économique, menée par une assujettie agissant en tant que telle dès lors qu'elle est le prolongement direct, permanent et nécessaire de l'activité taxable de monteur en défiscalisation et, par suite, les honoraires refacturés de la société Defiscalliance doivent s'analyser comme la contrepartie d'opérations de prestations de services effectuées à titre onéreux au sens des dispositions précitées de l'article 256 du code général des impôts. En deuxième lieu, il ne résulte de l'instruction ni qu'une stipulation des statuts des sociétés civiles, ni qu'une autre stipulation entre associés aurait pour objet ou pour effet d'assurer à chacun d'eux, à raison des parts qu'il possède, l'attribution privative en propriété ou en jouissance du ou des immeubles sociaux. Par suite, l'administration était fondée à remettre en cause l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée pratiquée par la SARL Carré Outremer sur les honoraires de commercialisation facturés aux sociétés civiles immobilières.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Carré Outremer n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande tendant à la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015 d'un montant de 47 575 euros.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par les sociétés appelantes et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Carré Outremer est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Carré Outremer et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 24 février 2022 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mars 2022.

La rapporteure,

Nathalie GayLe président,

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX02541


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX02541
Date de la décision : 24/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux fiscal

Analyses

19-06-02-01-01 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Personnes et opérations taxables. - Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : DIRECT LEGAL FISCAL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-03-24;20bx02541 ?
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