Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL FBL a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012.
Par un jugement n° 1601904 du 21 décembre 2018, le tribunal administratif de Poitiers a déchargé la société FBL du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires en réplique, enregistrés le 17 avril 2019 et les 3 juin, 11 septembre et 2 octobre 2020, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 décembre 2018 du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) de rétablir la société FBL au complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012 ;
Il soutient que :
- en cas de modification de la qualification d'un bien entre l'achat et la revente, liée à une transformation de sa nature, l'opération n'entre pas dans le champ de la dérogation prévue à l'article 268 du code général des impôts ; une telle interprétation est conforme à l'esprit de l'article 392 de la directive n° 2006/12/CE du 28 novembre 2006 ; elle est également conforme à la finalité de la réforme de la taxe sur la valeur ajoutée immobilière du 10 mars 2010 ;
- la notion d'achat-revente d'un terrain à bâtir issue du régime dérogatoire de l'article 268 du code général des impôts est d'interprétation stricte et doit s'entendre comme excluant toutes les opérations de transformation ; l'application de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge suppose ainsi une condition d'identité de qualification juridique entre le bien acquis et le bien vendu ;
- en l'espèce, des biens immobiliers initialement qualifiés d'immeubles bâtis sont devenus des terrains à bâtir, mais les premiers juges ont fait une inexacte application du droit, dès lors que la division parcellaire a été réalisée postérieurement à l'acquisition des parcelles.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 juillet 2019 et les 27 juillet et 28 septembre 2020, la SARL FBL, représentée par Me Mornet et Féraud, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'État le paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,
- les conclusions de Mme Florence Madelaigue, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société FBL exerce l'activité de marchand de biens. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle une proposition de rectification lui a été adressée le 26 aout 2015, remettant en cause le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge qu'elle avait appliqué sur la vente de deux terrains à bâtir situés à Le Bois-Plage-en-Ré (Charente-Maritime). Les rappels correspondants ont été mis en recouvrement le 30 novembre 2015 pour un montant total de 93 098 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012. La société FBL a formé une réclamation le 21 décembre 2015 qui a fait l'objet d'une décision implicite de rejet. Le ministre de l'action et des comptes publics fait appel du jugement du tribunal administratif de Poitiers du 21 décembre 2018, qui a déchargé la société FBL du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012.
2. Le I de l'article 257 du code général des impôts dans sa rédaction applicable, issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b de l'article 266 du même code, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession.
3. L'article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : " Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". L'article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction également issue de l'article 16 de la loi du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010, que : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / - soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain (...) ; / - soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués ".
4. Il résulte de ces dernières dispositions, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d'assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient s'appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s'appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l'objet d'une démolition de la part de l'acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l'objet d'une division parcellaire en vue d'en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d'assiette du bâtiment.
5. Il est constant que, le 16 juillet 2012, la société FBL a fait l'acquisition, d'une part, d'un terrain bâti, supportant une maison d'habitation et un garage, situé 10 rue Annesse de la Noue à Le Bois-Plage-en-Ré, sur la parcelle cadastrée AE 674, d'une superficie de 1 285 m² et, d'autre part, d'un autre terrain, supportant une maison d'habitation, situé 12 rue des Pinguettes dans la même commune, sur la parcelle cadastrée AM 527 d'une surface de 1 124 m², parcelles achetées par la société FBL sans ouvrir de droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée d'amont. Il est également constant qu'après division parcellaire de chacune de ces unités foncières, laquelle, contrairement à ce que soutient la société FBL n'était pas intervenue lors de l'acquisition des deux biens, ladite société a cédé, le 22 août et le 21 novembre 2012, quatre lots cadastrés aux nouvelles parcelles AE 104, AE 1405, AE 1827 et AM 1829, soit deux terrains bâtis avec leur maison d'habitation et deux terrains à bâtir.
6. Il résulte de ce qui vient d'être exposé que les terrains à bâtir cédés par la SARL FBL faisaient chacun partie, au moment de leur acquisition, d'une seule et même unité foncière supportant une maison d'habitation. Ces terrains avaient donc, au moment de leur acquisition, la qualité d'immeuble bâti et non de terrain à bâtir. La circonstance que les maisons d'habitation n'aient pas été démolies est à cet égard sans incidence sur le changement de qualification juridique des terrains entre leur acquisition et leur revente. Les biens cédés par la SARL FBL n'ayant pas, au moment de leur acquisition, le caractère de terrains à bâtir mais celui de terrains bâtis, la société ne pouvait se placer, pour vendre ces terrains, sous le régime de la taxation sur la marge prévu par l'article 268 du code général des impôts. Par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que les cessions des parcelles pouvaient être placées, au titre de la taxe sur la valeur ajoutée dont la société était redevable, sous le régime de la marge.
7. Il appartient toutefois, à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la SARL FBL devant le tribunal administratif et devant la cour.
8. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le moyen tenant à ce que la condition d'identité fiscale entre le bien vendu et le bien acquis serait purement doctrinal et ajouterait à la loi et celui tenant à ce que cette condition serait contraire à l'intention du législateur et au principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée, ne peuvent qu'être écartés.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a prononcé la décharge, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l'objet d'une démolition de la part de l'acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l'objet d'une division parcellaire en vue d'en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d'assiette du bâtiment, et à demander l'annulation du jugement.
10. L'État n'étant pas partie perdante, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la SARL FBL relatives aux frais liés au litige.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1601904 du tribunal administratif de Poitiers du 21 décembre 2018 est annulé.
Article 2 : Le complément de taxe sur la valeur ajoutée d'un montant total de 93 098 euros, réclamé à la société FBL au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012, est remis à sa charge.
Article 3 : Les conclusions de la SARL FBL sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société à responsabilité limitée FBL. Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 24 février 2022 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,
Mme Florence Rey-Gabriac, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mars 2022.
La rapporteure,
Florence Rey-Gabriac
Le président,
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX01516