Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de la Martinique, à titre principal, de condamner La Poste à lui verser une première somme de 15 100 euros au titre des frais d'avocat qu'il a engagés et une seconde somme de 10 000 euros au titre de ses préjudices financier et moral.
Par un jugement n° 1000046 du 11 juillet 2011, le tribunal administratif de la Martinique a enjoint à La Poste d'accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle à M. C... A... et a rejeté le surplus de ses demandes.
Par un jugement n° 1300303 du 9 avril 2015, le tribunal administratif de la Martinique a enjoint à La Poste de procéder au remboursement des honoraires d'avocats exposés par M. A... au titre de la protection fonctionnelle dans le délai d'un mois à compter de sa notification, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par une ordonnance n° 1800687 du 18 juillet 2018, le président du tribunal administratif de la Martinique a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vue de prescrire, s'il y a lieu, les mesures qui seraient nécessaires à l'exécution de ce jugement du 9 avril 2015.
Par un jugement n° 1800687 du 28 juin 2019, le tribunal administratif de la Martinique a enjoint à La Poste de verser à M. A... deux sommes de 18 900 euros et de 1 000 euros, et a condamné La Poste à verser à M. A... une somme de 6 945 euros et à l'Etat une somme de 62 505 euro au titre de la liquidation de l'astreinte. Le tribunal a, en outre, prononcé une nouvelle astreinte de 100 euros par jour de retard.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 août 2019 et un mémoire enregistré le 23 avril 2021, la société La Poste, représentée par Me Bellanger, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Martinique du 28 juin 2019 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. A... devant ce tribunal ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- M. A... ne justifie pas s'être acquitté des frais d'honoraires en cause ;
- ces frais ne présentent pas de lien direct avec les attaques dont celui-ci a été victime et présentent un caractère excessif ;
- en tout état de cause, les frais irrépétibles perçus par M. A... ainsi que les sommes prises en charge par sa compagnie d'assurance au titre de la protection juridique doivent être déduits des sommes qui lui seraient dues ;
- la liquidation de l'astreinte est entachée d'une erreur d'appréciation ;
- l'appel incident de M. A... est irrecevable comme ressortissant d'un litige distinct ;
- elle n'est pas à l'origine des attaques dont il a fait l'objet et n'a pas cherché à le sanctionner à la suite de ces attaques ;
- elle a entièrement exécuté le jugement attaqué.
Par des mémoires enregistrés les 7 février et 10 mai 2021, M. A..., représenté par Me Radamonthe-Fichet conclut, dans le dernier état de ses écritures :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a ramené le taux de l'astreinte provisoire de 100 à 50 euros par jour de retard et n'a pas fixé le montant de cette astreinte à la somme de 69 450 euros ;
3°) d'enjoindre à La Poste de lui verser les sommes mentionnées dans le jugement du 9 avril 2015 ;
4°) de mettre à la charge de La Poste une somme de 6 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance.
Il soutient que les honoraires dont s'agit ne présentent pas de caractère excessif ainsi qu'il ressort du jugement devenu définitif du 9 avril 2015 ; qu'il a justifié du paiement de ces honoraires ; que ceux-ci ont été exposés en lien direct avec les attaques dont il a fait l'objet.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de justice administrative.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- les conclusions de Mme Le Bris, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bellanger, représentant La Poste .
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 28 juin 2019, le tribunal administratif de la Martinique, saisi d'une demande d'exécution par M. A..., a enjoint à La Poste de lui verser la somme de 18 900 euros au titre de la protection fonctionnelle, la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance, a condamné La Poste à lui verser une somme de 6 945 euros et à verser à l'Etat une somme de 62 505 euro au titre de la liquidation de l'astreinte et a, en outre, prononcé une nouvelle astreinte de 100 euros par jour de retard. La Poste demande à la cour d'annuler ce dernier jugement. Par la voie de l'appel incident, M. A... demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, de réformer ce jugement en tant qu'il a ramené le taux de l'astreinte provisoire de 100 à 50 euros par jour de retard et n'a pas fixé le montant de cette astreinte à la somme de 69 450 euros.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution (...) ". Si le juge de l'exécution, saisi, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-4 du code de justice administrative, d'une demande d'exécution d'une décision juridictionnelle comportant déjà des mesures d'exécution édictées sur le fondement de l'article L. 911-1, peut préciser la portée de ces mesures dans l'hypothèse où elles seraient entachées d'une obscurité ou d'une ambiguïté, éventuellement les compléter, notamment en fixant un délai d'exécution et en assortissant ces mesures d'une astreinte, il ne saurait en revanche les remettre en cause.
3. En premier lieu, aux termes de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dans sa version alors en vigueur : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. (...) / IV. -La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. / (...) ".
4. Par un jugement du 11 juillet 2011, le tribunal administratif de la Martinique a enjoint à La Poste d'accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle à M. C... A... pour lui permettre de se défendre contre les attaques dont il a été victime de la part du secrétaire général de la CFDT Communication et Services de la Martinique. En application d'un second jugement du tribunal administratif de la Martinique du 9 avril 2015, il a été enjoint à La Poste " de rembourser à M. A... ses frais d'avocats sur production de justificatifs de paiement et dans les limites rappelées [...], sous astreinte de 100 euros par jour de retard après l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement ". Ainsi, La Poste est tenue de rembourser à M. A... les sommes dont il justifie le paiement et qui sont en lien direct avec les attaques dont il a fait l'objet.
5. D'une part, il résulte de l'instruction qu'aux termes de la lettre que son conseil a adressée à la Poste le 12 août 2011, M. A... a demandé le remboursement des frais qu'il a exposés pour une " Procédure amiable: Demande de documents : 800 euros ", une deuxième " Procédure amiable : Demande de protection juridique : 800 euros ", une troisième " Procédure amiable : Contestation de mutation d'office : 800 euros ", une " Procédure devant le Tribunal Administratif de Fort-de-France contre refus de remise de documents : 2300 euros ", une " Procédure devant le Tribunal Administratif de Fort-de-France suite au refus de protection juridique : 2300 euros " ainsi qu'une troisième " Procédure devant le Tribunal Administratif de Fort-de-France suite au refus de restitution de poste et de mutation d'office : 2300 euros ". Toutefois, ces demandes ne sont assorties d'aucun justificatif, notamment de paiement, et ne comportent pas les précisions permettant de considérer qu'elles ont été exposées en lien direct avec les attaques dont il a fait l'objet en dépit de leurs intitulés.
6. Le 13 juin 2019, M. A... a adressé au tribunal administratif de la Martinique, trois mémoires de frais et honoraires correspondant à des procédures gracieuses ou contentieuses devant le tribunal administratif aux fins d'obtenir le bénéfice de la protection fonctionnelle, la contestation de sa mutation professionnelle ainsi que la communication d'un document administratif qui ne correspondent pas aux frais initialement réclamés.
7. Il résulte de l'instruction que la procédure relative à la communication d'un document administratif pour un montant de 2 310,47 euros, alors même qu'il s'agit d'une procédure antérieure à la demande de protection fonctionnelle, présente un lien direct avec les attaques dont a fait l'objet M. A... dès lors que celui-ci avait été informé par sa hiérarchie de l'existence d'une plainte formée par écrit à son encontre par le syndicat CFDT. Il en est de même de la procédure visant à obtenir le bénéfice de cette protection fonctionnelle, pour un montant de 800 euros. En revanche, il n'est pas établi que le litige concernant une mutation d'office dans l'intérêt du service présenterait également un lien direct avec les attaques dont il a fait l'objet.
8. Par ailleurs le 13 juin 2019, M. A... a également adressé au tribunal administratif de la Martinique deux mémoires de frais et honoraires relatifs à une citation devant le tribunal correctionnel de Fort de France en 2014 pour un montant de 3 500 euros et à une " affaire pénale " incluant la rédaction d'une citation pour un montant total de 889 euros, dont les liens avec les attaques susmentionnées sont corroborés par la production, pour la première fois en appel, de la minute d'un jugement du tribunal correctionnel de Fort de France du 9 juillet 2014 concernant la citation directe par M. A... de l'auteur de ces attaques.
9. Enfin, M A... a également produit, pour la première fois en appel, une note d'honoraire d'un montant de 4 300 euros correspondant aux frais exposés pour la présente instance, laquelle présente également un lien direct avec les attaques dont il a fait l'objet.
10. D'autre part, par deux lettres des 14 novembre 2015 et 3 janvier 2016, M. A... a réitéré ces demandes de remboursement auprès de la Poste en les assortissant d'une attestation émanant de son conseil, d'attestations de proches indiquant qu'ils lui ont prêté plusieurs sommes en janvier et février 2009 ainsi que de relevés bancaires faisant état du débit de plusieurs chèques. Au terme de ces lettres, M. A... entendait également justifier les frais qu'il a exposés en se prévalant de virements et du " Règlement par chèque reçu de la GMF comme protection juridique d'une somme de 990 euros. ".
11. Toutefois, aucune des notes d'honoraires produites ne porte la mention " payée " ou " acquittée ". En outre, les attestations des proches de M. A... ne précisent pas les motifs pour lesquels ils auraient prêté à M. A..., en liquide, une somme globale de 5 400 euros, à une date antérieure de plus d'un an aux premiers contacts de M. A... avec son avocate tels qu'ils sont mentionnés dans ses mémoires de frais et honoraires, et pour un montant très supérieur à celui que lui a facturé cette même avocate au titre de la plus ancienne des procédures engagées. Par ailleurs, les montants des chèques dont M. A... justifie le débit ne correspondent pas aux sommes facturées et ne sont pas susceptibles de présenter le caractère d'acomptes tandis qu'il ne produit aucun justificatif des virements qu'il aurait effectué en 2014 au profit de son avocate. Enfin, il n'est pas fondé à demander le remboursement des sommes qu'il aurait perçues en exécution du contrat de protection juridique souscrit auprès de son assureur.
12. Ainsi, M. A... ne justifie pas s'être acquitté des sommes dont il demande le remboursement par La Poste mais uniquement être redevable à son conseil, au titre des frais pris en charge par la protection fonctionnelle, d'une somme globale de 10 499,47 euros dont La Poste ne soutient par ailleurs pas utilement qu'elle présenterait un caractère excessif et dont il convient de déduire les frais versés à M. A... pour un montant total de 1 500 euros en exécution des jugements du tribunal administratif enjoignant à La Poste de lui communiquer un document puis de lui accorder la protection fonctionnelle.
13. En second lieu, il n'est pas contesté que La Poste n'a pas exécuté le jugement du 9 avril 2015 en tant qu'il a mis à sa charge une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés pour l'instance par M. A.... En outre, La Poste n'a articulé aucun moyen à l'encontre du jugement attaqué en tant qu'il lui a fait injonction de verser cette somme à M. A... dans un délai de quinze jours à compter de la notification de ce jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
14. Il résulte de tout ce qui précède que, faute en particulier pour M. A... de justifier du paiement des honoraires dont il a demandé le remboursement, la société La Poste est fondée à soutenir que c'est tort que, par le jugement attaqué du 28 juin 2019, les premiers juges ont considéré qu'elle n'avait pas exécuté l'article 1er du jugement du tribunal administratif du 9 avril 2015. Par suite, La Poste est également fondée à demander l'annulation du jugement du 28 juin 2019 en tant qu'il lui a enjoint de verser à M. A... une somme de 18 900 euros et l'a condamnée à verser à M. A... une somme de 6 945 euros et à l'Etat une somme de 62 505 euro au titre de la liquidation de l'astreinte. Enfin, il y a lieu, pour les mêmes motifs, de rejeter les conclusions incidentes présentées par M. A... devant la cour ainsi que celles qu'il a présentées devant le tribunal administratif de la Martinique à l'exception de ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à La Poste de lui verser une somme de 1 000 euros sous astreinte en exécution du jugement du 9 avril 2015.
15. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement attaqué du 28 juin 2019 est annulé en tant qu'il a enjoint à La Poste de verser à M. A... la somme de 18 900 euros et l'a condamnée à verser à M. A... une somme de 6 945 euros et à l'Etat une somme de 62 505 euro au titre de la liquidation de l'astreinte.
Article 2 : Le surplus des conclusions de La Poste et les conclusions présentées par M. A... sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et à la société La Poste.
Délibéré après l'audience du 28 février 2022 à laquelle siégeaient :
M. Didier Artus, président,
Mme Frédéric Faïck, président-assesseur,
M. Manuel Bourgeois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mars 2022.
Le rapporteur,
Manuel B...
Le président,
Didier ArtusLa greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°19BX03554 2