Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 9 avril 2021 par lequel le préfet de la Charente-Maritime a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.
Par un jugement n° 2101137 du 14 septembre 2021, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour administrative d'appel :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 et 12 octobre 2021, M. A..., représenté par Me Guillard, doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2101137 du tribunal administratif de Poitiers du 14 septembre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 avril 2021 du préfet de la Charente-Maritime ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " travailleur temporaire " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne les moyens communs aux différentes décisions :
- l'arrêté du 9 avril 2021 ne comporte pas la signature de son auteur, mais un simple tampon, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors, d'une part, que contrairement à ce qu'a estimé le préfet, son comportement ne représente pas une menace pour l'ordre public ; il est présumé innocent pour les faits mentionnés par le préfet pour lesquels il n'a jamais fait l'objet d'une condamnation ; d'autre part, son manque d'assiduité à suivre la formation dans laquelle il est inscrit résulte de la situation socialement précaire dans laquelle il se trouve et de l'absence d'autonomie financière ; il a effectivement des difficultés à lire et écrire le français mais le parle parfaitement.
La requête a été communiquée au préfet de la Charente-Maritime qui n'a pas produit de mémoire en défense.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 novembre 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.
Par une ordonnance du 6 décembre 2021 la clôture d'instruction a été fixée au 24 janvier 2022 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant malien né le 1er août 2001, est entré en France au cours du mois de novembre 2017, à l'âge de seize ans, et a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance de la Charente-Maritime à compter du 22 novembre 2017. Par un arrêté du 9 avril 2021, le préfet de la Charente-Maritime a rejeté sa demande de titre de séjour sollicité sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours à destination de son pays d'origine. M. A... relève appel du jugement du 14 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 avril 2021.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention "salarié" ou la mention "travailleur temporaire" peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé. ". Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a conclu avec l'entreprise GSF Athena un contrat d'apprentissage à compter du 21 octobre 2019 et jusqu'au 31 août 2021 et a suivi, en alternance, une formation au sein de l'institut national de l'hygiène et du nettoyage industriel (INHNI), à Pessac, pour l'obtention d'un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) en qualité d'agent de propreté et d'hygiène. Pour rejeter la demande de titre de séjour de l'intéressé, le préfet de la Charente-Maritime a estimé que son comportement constituait une menace pour l'ordre public et, par ailleurs, que le suivi de sa formation ne présentait par un caractère réel et sérieux.
4. Toutefois et d'une part, le préfet se borne à indiquer que M. A... a fait l'objet d'une mention du 23 novembre 2020 dans le fichier du traitement d'antécédents judiciaires pour des faits de violence sur une personne dépositaire de l'autorité publique et rébellion sans expliciter, au sein de l'arrêté attaqué ou dans ses écritures en défense de première instance, les circonstances de fait précises qui ont prévalu à cette mention, alors que la matérialité des faits en cause est contestée par le requérant et qu'il est constant qu'ils ne lui ont valu aucune condamnation pénale. Au demeurant, à les supposer avérés, ces faits apparaîtraient comme isolés. Dès lors, le requérant est fondé à soutenir que le premier motif qui lui a été opposé par le préfet, tiré de la menace pour l'ordre public que représenterait son comportement, n'est pas de nature à fonder légalement le refus de titre de séjour qui lui a été notifié.
5. D'autre part, M. A... produit, pour la première fois en appel, un rapport de situation du 3 mai 2021 établi par la cheffe du service des mineurs non accompagnés de la direction de l'enfance et de la famille du département de la Charente-Maritime qui, s'il est postérieur à la date de l'arrêté attaqué, est de nature, en l'espèce, à révéler une situation antérieure. Il ressort des termes de ce rapport que M. A... est arrivé en France analphabète et n'a pu bénéficier, lors de son arrivée au sein de la structure associative qui l'a accueilli à Rochefort, de la classe d'alphabétisation, à défaut de places disponibles. Si cette situation l'a fortement pénalisé dans le cadre de la formation suivie à l'INHNI, ainsi qu'il en résulte des appréciations portées par ses formateurs sur ses bulletins semestriels des années 2019/2020 et 2020/2021, l'intéressé a malgré tout obtenu des résultats globaux satisfaisants, proches de la moyenne, et s'est notamment distingué dans les matières scientifiques pour lesquelles la maîtrise de la lecture et de l'écriture de la langue française est moins prépondérante. Il ressort par ailleurs des termes de ce rapport que, jusqu'en juillet 2020, date à laquelle M. A... s'est vu délivrer un récépissé de demande de titre de séjour et a pu ouvrir un compte bancaire, l'intéressé se trouvait dans une situation économique précaire, compliquant l'organisation des trajets de son domicile, situé dans le département de la Charente-Maritime, vers le lieu de sa formation théorique et expliquant, pour partie, son fort absentéisme constaté au cours du premier semestre 2019/2020, de l'ordre de 141h30. Cette situation s'est ensuite nettement améliorée puisqu'au titre du deuxième semestre 2019/2020 et du premier semestre 2020/2021, le volume horaire des absences injustifiées s'est élevé respectivement à 21h30 et à 29h. Enfin, il ressort de ce rapport que, depuis la fin de l'année 2020, M. A... a pu accéder à la location, se rend de manière assidue au centre de formation, et est présent à tous les regroupements. Dès lors, le requérant est fondé à soutenir que c'est à tort que, pour lui refuser la délivrance d'un titre de séjour, le préfet lui a également opposé le motif de l'absence de caractère réel et sérieux de sa formation.
6. Enfin, il ressort des éléments versés au dossier que, dans les différents lieux d'accueil au sein desquels il a été pris en charge depuis son arrivée sur le territoire, M. A... n'a posé aucun problème de comportement ni avec ses pairs ni dans son rapport au cadre éducatif et que, nonobstant des difficultés persistantes, il réalise des progrès importants dans la maitrise de la langue française écrite et lue. Par ailleurs, son engagement professionnel au sein de l'entreprise GSF Athena est souligné dans le rapport du 3 mai 2021. Dans ces conditions, malgré la présence de sa mère au Mali, compte tenu de la situation de l'intéressé prise dans sa globalité, en particulier, des éléments relatifs à son intégration dans la société française et au caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, le préfet de la Charente-Maritime a entaché son refus de titre de séjour, sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen soulevé dans la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de titre de séjour du 9 avril 2021 ainsi que, par voie de conséquence, de la décision portant obligation de quitter le territoire français et de celle fixant le pays de destination.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
8. Eu égard à l'évolution de la situation de l'intéressé, dont la formation en alternance devait s'achever au 31 août 2021, l'exécution du présent arrêt implique seulement le réexamen de la situation de M. A.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Charente-Maritime de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de munir le requérant, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
9. D'une part, M. A... n'établit pas avoir exposé d'autres frais que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée par décision du 4 novembre 2021. D'autre part, l'avocat de M. A... n'a pas demandé, sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la mise à la charge de l'Etat de la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle totale. Dès lors, les conclusions de la requête tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2101137 du tribunal administratif de Poitiers du 14 septembre 2021 et l'arrêté du préfet de la Charente-Maritime du 9 avril 2021 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Charente-Maritime de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Charente-Maritime.
Délibéré après l'audience du 15 février 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Nicolas Normand, premier conseiller,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mars 2022.
Le rapporteur,
Michaël C... La présidente,
Evelyne BalzamoLe greffier,
André Gauchon
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 21BX039242