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18/03/2022 | FRANCE | N°21BX02664

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 18 mars 2022, 21BX02664


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 13 juillet 2015 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son congé de longue durée à compter du 27 septembre 2013.

Par un jugement n° 1502242 du 23 janvier 2018, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision et enjoint au directeur du CHU de Poitiers de reconnaître l'imputabilité au service du congé de

longue durée.

Par un arrêt 18BX01450 du 25 février 2020, la cour administrative d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 13 juillet 2015 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son congé de longue durée à compter du 27 septembre 2013.

Par un jugement n° 1502242 du 23 janvier 2018, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision et enjoint au directeur du CHU de Poitiers de reconnaître l'imputabilité au service du congé de longue durée.

Par un arrêt 18BX01450 du 25 février 2020, la cour administrative d'appel de Bordeaux, a rejeté l'appel formé par le CHU de Poitiers contre ce jugement.

Par une décision n° 440136 du 28 juin 2021, le Conseil d'État statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par le CHU de Poitiers, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 25 février 2020 et a renvoyé l'affaire à la cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 9 avril 2018, le 17 juin 2019, ainsi qu'un mémoire récapitulatif produit le 20 août 2021 faisant suite à la demande de la cour faite en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, le CHU de Poitiers, représenté par la SCP KPL Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 23 janvier 2018 ;

2°) de rejeter la demande de Mme A... devant le tribunal administratif de Poitiers ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a reconnu un lien entre la pathologie et le service, compte tenu des antécédents psychiatriques de Mme A... et de l'absence de démonstration d'un contexte de travail pathogène ;

- les moyens de légalité externe invoqués devant le tribunal ne sont pas fondés, la décision est motivée, l'auteur de la décision disposait d'une délégation de signature du 16 mai 2014, régulièrement publiée, qui lui donnait compétence pour signer cet acte et la procédure suivie n'est pas irrégulière.

Par mémoires en défense enregistrés le 26 juillet 2018 et le 23 septembre 2021, Mme A..., représentée par la SELARL Grimaldi et Associés, conclut au rejet de la requête et demande à la cour d'enjoindre au CHU de Poitiers de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et de mettre à la charge du CHU de Poitiers une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- tous les avis médicaux concordent pour reconnaître le caractère professionnel de sa pathologie et, si elle était occasionnellement suivie par un psychiatre, son état dépressif ne trouve pas son origine dans l'évolution autonome d'un état préexistant ; l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale doit lui être appliqué ;

- la décision attaquée a été signée par une autorité qui n'avait pas compétence pour ce faire et elle est insuffisamment motivée ;

- le médecin du service de médecine préventive n'a pas été informé de la réunion du 2 juillet 2015 de la commission de réforme en méconnaissance des dispositions de l'article 18 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 et celui-ci n'a pu remettre le rapport écrit prévu à l'article 26 du même décret.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Fabienne Zuccarello,

- et les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., agent en fonction au centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers, a été placée en congé de longue durée à compter du 27 septembre 2013 en raison d'un syndrome anxio-dépressif. Par une décision du 13 juillet 2015, le directeur général du centre hospitalier a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie. Le CHU de Poitiers demande l'annulation du jugement du 23 janvier 2018 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision.

2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable au litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois (...) Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite (...) le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite (...) / 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. / Si la maladie ouvrant droit à congé de longue durée a été contractée dans l'exercice des fonctions, les périodes fixées ci-dessus sont respectivement portées à cinq ans et trois ans. / (...) ". Selon l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale : " (...) Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau (...). ".

3. D'une part, à la date des faits en cause, aucune disposition ne rendait applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière, qui auraient demandé le bénéfice des dispositions combinées du 2° de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 et de l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, les dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale instituant une présomption d'origine professionnelle pour toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans des conditions mentionnées à ce tableau.

4. D'autre part, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

5. Il ressort des pièces du dossier, que Mme A..., qui exerçait depuis 2002 des fonctions d'assistante sociale auprès des patients du service de cancérologie, a été affectée à compter du 1er juillet 2013, dans le cadre d'une réorganisation, au " médipool " constitué des services de médecine interne, d'ORL, de chirurgie plastique et d'ophtalmologie, où elle a dû faire face à une modification de ses conditions de travail. Elle a présenté en septembre 2013 une grave dépression décrite par son psychiatre traitant comme un " effondrement psychique (...) autour de problématiques professionnelles réveillant un passé traumatique chez une professionnelle surinvestissant son métier depuis plusieurs années ". Il ressort également des pièces du dossier, et notamment du rapport d'expertise médicale établi à la demande de la commission de réforme et de l'examen réalisé par le médecin du travail, que Mme A..., qui faisait l'objet d'un suivi psychiatrique depuis 1998 et connaissait des périodes répétées de fortes angoisses et d'épuisement psycho-affectif, présentait, au moment où sa maladie s'est aggravée, les signes d'une très grande fragilité psychique, qui s'était manifestée à plusieurs reprises lors d'événements sans rapport avec les modalités selon lesquelles s'était opéré son changement d'affectation. Dès lors, eu égard aux lourds antécédents psychiatriques non consolidés que présentaient Mme A..., cette circonstance doit être regardée comme étant une cause prépondérante dans l'aggravation de sa pathologie, de nature à détacher du service l'aggravation de son état de santé.

6. Il résulte de ce qui précède, que c'est à tort que, pour annuler la décision du 13 juillet 2015 du CHU de Poitiers, le tribunal administratif de Poitiers s'est fondé sur ce motif.

7. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif.

8. En premier lieu, par une décision du 16 mai 2014, régulièrement publiée, Mme B... D..., directrice adjointe en charge des ressources humaines du centre hospitalier universitaire de Poitiers, a reçu délégation de signature de la part du directeur de cet établissement, à l'effet de signer les décisions concernant la gestion de la direction des ressources humaines. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit, dès lors, être écarté.

9. En deuxième lieu, la décision contestée du 13 juillet 2015 refusant de reconnaitre l'imputabilité au service de la pathologie de Mme A... en raison d'un état préexistant, vise les textes applicables, les avis médicaux et l'avis de la commission de réforme. Par suite, cette décision qui comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement est suffisamment motivée.

10. Enfin, en dernier lieu, aux termes de l'article 18 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986, alors applicable : " Le médecin du travail attaché au service auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical ou à la commission de réforme est informé de la réunion et de son objet. Il peut obtenir, s'il le demande, communication du dossier de l'intéressé. Il peut présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion. Il remet un rapport écrit dans les cas prévus aux articles 34, 43 et 47-7. Le fonctionnaire intéressé et l'administration peuvent, en outre, faire entendre le médecin de leur choix par le comité médical ou la commission de réforme ". Selon l'article 26 de ce même décret : " Sous réserve du deuxième alinéa du présent article, les commissions de réforme prévues aux articles 10 et 12 ci-dessus sont obligatoirement consultées dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice des dispositions de l'article 34 (2°), 2° alinéa, de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. Le dossier qui leur est soumis doit comprendre un rapport écrit du médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire concerné (...) ".

11. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient Mme A..., par un courrier du 16 juin 2015, le CHU de Poitiers a informé le service Médecine du travail du CHU de la réunion de la commission de réforme et de son ordre du jour, conformément aux dispositions précitées de l'article 18 du décret du 14 mars 1986. D'autre part, il ressort également des pièces du dossier, que le rapport établi par le service de santé au travail du CHU était joint au dossier de Mme A.... Par suite, ces moyens doivent être écartés.

12. Il résulte de tout ce qui précède, que le CHU de Poitiers est fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a annulé sa décision du 13 juillet 2015.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CHU de Poitiers, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de Mme A... la somme que demande le CHU de Poitiers sur le fondement des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 23 janvier 2018 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Poitiers est rejetée.

Article 3 : Les conclusions du CHU de Poitiers au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Poitiers et à Mme C... A....

Délibéré après l'audience du 17 février 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Brigitte Phémolant, présidente,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 mars 2022.

La rapporteure,

Fabienne Zuccarello La présidente,

Brigitte Phémolant

La greffière,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 21BX02664


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX02664
Date de la décision : 18/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-02 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de longue durée.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : SCP PIELBERG KOLENC

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-03-18;21bx02664 ?
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