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18/03/2022 | FRANCE | N°21BX00445

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 18 mars 2022, 21BX00445


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2015 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé son licenciement.

Par un jugement n° 1600402 du 30 juin 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 5 septembre 2017, le 12 novembre 2017, le 21 mars 2019 et le 19 juin 2019, Mme B

..., représentée par Me Simon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 29 septembre 2015 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche a prononcé son licenciement.

Par un jugement n° 1600402 du 30 juin 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 5 septembre 2017, le 12 novembre 2017, le 21 mars 2019 et le 19 juin 2019, Mme B..., représentée par Me Simon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 juin 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche du 29 septembre 2015 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale de la titulariser en qualité de professeure certifiée de sciences physiques et chimiques, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jury académique qui s'est prononcé sur sa situation était irrégulièrement composé, dès lors qu'il ne comportait aucun membre de sa spécialité ;

- l'arrêté du 29 septembre 2015 a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors qu'elle a reçu tardivement le courrier de convocation pour l'entretien avec le jury académique, qui ne l'invitait pas à prendre connaissance de son dossier individuel ou à se faire assister d'un défenseur et ne l'informait pas des conséquences de cet entretien ; cet entretien, d'une durée de 20 minutes, ne lui a pas permis de faire valoir ses observations ;

- l'arrêté en litige a été pris en méconnaissance de l'article 5 de l'arrêté du 22 août 2014 fixant les modalités de stage, d'évaluation et de titularisation de certains personnels enseignants et d'éducation du second degré stagiaires, dès lors que le jury n'a pas pris connaissance du rapport de l'autorité en charge de la formation du stagiaire ;

- elle n'a pas bénéficié d'un stage conforme aux dispositions de l'article 24 du décret du 4 juillet 1972, en particulier en ce qui concerne son suivi pas son tuteur ; en outre, le proviseur du lycée et l'inspecteur chargé de son suivi ont manqué à leur obligation de neutralité et d'objectivité ;

- l'arrêté litigieux est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elle n'a pas pu effectuer correctement son stage et que les appréciations du jury académique sont manifestement erronées.

Par des mémoires en défense enregistrés le 21 février 2019 et le 23 mai 2019, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de Mme B... ne sont pas fondés.

Par un arrêt n° 17BX03014 du 25 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la demande de Mme B....

Par une décision n° 436786 du 3 février 2021, le Conseil d'État, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté par Mme B..., a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'État :

Par des mémoires enregistrés le 24 mars 2021 et le 8 octobre 2021, Mme B..., représentée par Me Amblard, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 30 juin 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté du ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche du 29 septembre 2015 ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports de prononcer sa titularisation en qualité de professeur certifié de sciences physiques et chimiques et de la réintégrer dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- les signataires des mémoires en défense présentés pour le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports ne justifient pas d'une délégation de signature régulière ; ces mémoires doivent donc être écartés comme étant irrecevables ;

- l'auteur de l'arrêté litigieux n'est pas identifié ; cette décision est donc entachée d'incompétence ;

- elle a été convoquée tardivement à son entretien devant le jury académique, sans avoir été invitée à prendre connaissance de son entier dossier individuel avant cet entretien, ni informée de la possibilité de se faire représenter et assister au cours de cet entretien ;

- le jury académique s'est prononcé sans disposer du rapport établi par son tuteur de stage ;

- le jury académique était irrégulièrement composé en l'absence d'un spécialiste dans la discipline des sciences physiques et chimiques ;

- le jury et le ministre ont commis une erreur de fait et une erreur manifeste d'appréciation, qui est révélée par son licenciement le 11 septembre 2017 de son emploi de professeur de mathématiques au collège privé Notre Dame de Riberac et le harcèlement moral dont elle fait l'objet.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 septembre 2021, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 72-581 du 4 juillet 1972 ;

- l'arrêté du 22 août 2014 fixant les modalités de stage, d'évaluation et de titularisation de certains personnels enseignants et d'éducation de l'enseignement du second degré stagiaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Charlotte Isoard,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me Amblard, représentant Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., qui a été admise à la session 2014 du concours réservé de recrutement des professeurs certifiés en vue de l'obtention du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (CAPES) en sciences physiques et chimiques, a été nommée professeure stagiaire certifiée à compter du 1er septembre 2014 et affectée à compter de cette date à la cité scolaire Arnaut Daniel à Ribérac. A l'issue de cette année de stage, le jury académique a décidé, par une délibération du 12 juin 2015, de ne pas l'inscrire sur la liste des professeurs aptes à être titularisés et a émis un avis défavorable à ce que Mme B... effectue une deuxième année de stage. Par un arrêté du 29 septembre 2015, la ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de l'enseignement supérieur a prononcé son licenciement.

2. Mme B... a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande par un jugement du 30 juin 2017. Par un arrêt 25 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de ce jugement. Cet arrêt a été annulé par une décision n° 436786 du Conseil d'État statuant au contentieux du 3 février 2021 qui a renvoyé l'examen de l'affaire à la cour.

Sur la recevabilité des mémoires en défense :

3. D'une part, il résulte de la décision du 10 octobre 2018 portant délégation de signature, publiée le 28 octobre suivant au Journal officiel de la République française et librement consultable, que M. H... F..., chef du bureau des consultations et du contentieux relatifs aux personnels enseignants titulaires, qui a signé les mémoires en défense présentés dans l'instance n° 17BX03014, disposait d'une délégation de signature à effet de signer au nom du ministre chargé de l'éducation nationale, tous actes, arrêtés et décision, dans la limite des attributions de ce bureau. D'autre part, il résulte de la décision du 4 août 2021 modifiant la décision du 26 juillet 2021 portant délégation de signature, publiée au Journal officiel de la République française le 21 août 2021 et librement consultable, que Mme C... A..., cheffe du bureau des consultations et du contentieux relatifs aux enseignants titulaires, qui a signé le mémoire en défense enregistré le 9 septembre 2021, disposait d'une délégation de signature à effet de signer au nom du ministre chargé de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports tous actes, arrêtés et décision, dans la limite des attributions de ce bureau. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir opposée par la requérante aux mémoires en défense produit par l'administration ne peut qu'être écartée.

Sur la légalité de l'arrêté du 29 septembre 2015 :

4. En premier lieu, l'arrêté du 29 septembre 2015, qui comporte la signature et l'intitulé des fonctions de son auteure, était joint à un courrier du même jour comportant cette même signature et ce même intitulé, ainsi que le prénom et le nom de la personne l'ayant signé, à savoir Nadine G..., adjointe à la sous-directrice de la gestion des carrières. Ces éléments permettaient à Mme B... d'identifier l'auteure de l'arrêté en litige, alors même que le nom du signataire ne serait pas visible sous la signature de l'acte lui-même. Par ailleurs, par une décision du 22 janvier 2015 portant délégation de signature publiée au Journal officiel de la République française du 26 février 2015 et librement consultable, Mme E... G... a reçu délégation à effet de signer, au nom de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, notamment l'arrêté litigieux. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de cet arrêté doit être écarté.

5. En deuxième lieu, Mme B... soutient que la procédure devant le jury académique qui s'est prononcé sur sa titularisation est irrégulière.

6. Un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire. Il en résulte qu'alors même que la décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, et se trouve ainsi prise en considération de sa personne, elle n'est pas, sauf à revêtir le caractère d'une mesure disciplinaire, au nombre des mesures qui ne peuvent légalement intervenir sans que l'intéressé ait été mis à même de faire valoir ses observations ou de prendre connaissance de son dossier et n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et les règlements. Par ailleurs, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 22 août 2014 fixant les modalités de stage, d'évaluation et de titularisation de certains personnels enseignants et d'éducation de l'enseignement du second degré stagiaires : " Le jury entend au cours d'un entretien tous les fonctionnaires stagiaires pour lesquels il envisage de ne pas proposer la titularisation. ".

7. Mme B... se trouvait, en tant que stagiaire, dans une situation probatoire et provisoire. S'il n'est pas contesté que le courrier du 5 juin 2015 a été remis à la requérante le 8 juin, soit deux jours avant la réunion du jury académique, et ne mentionnait pas la possibilité de consulter son dossier individuel ou de se faire assister pendant l'entretien avec le jury académique, la circonstance alléguée que le délai pour préparer son entretien avec le jury aurait été insuffisant est sans incidence sur la régularité de la procédure préalable à la décision du jury, dès lors que la décision de ne pas titulariser l'intéressée ne constitue pas une sanction et que Mme B... n'invoque aucune disposition législative ou réglementaire qui aurait été méconnue et qui imposerait tant un délai particulier entre la date à laquelle le fonctionnaire stagiaire reçoit sa convocation et la date de l'entretien avec le jury que des informations sur la possibilité d'accéder à son dossier et de se faire assister lors de l'entretien. Au demeurant, les différents éléments de son évaluation étaient joints à la convocation ce qui lui a permis de préparer son entretien devant le jury académique Par suite, le moyen tiré de ce que le courrier du 5 juin 2015 aurait entaché d'irrégularité la procédure préalable à la décision du jury doit être écarté.

8. Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 22 août 2014 fixant les modalités de stage, d'évaluation et de titularisation de certains personnels enseignants et d'éducation de l'enseignement du second degré stagiaires, dans sa version alors applicable : " Le jury se prononce sur le fondement du référentiel de compétences prévu par l'arrêté du 1er juillet 2013 susvisé, après avoir pris connaissance des avis suivants : I. - Pour les stagiaires qui effectuent leur stage dans les établissements publics d'enseignement du second degré : 1° L'avis d'un membre des corps d'inspection de la discipline désigné par le recteur, établi sur la base d'une grille d'évaluation et après consultation du rapport du tuteur désigné par le recteur, pour accompagner le fonctionnaire stagiaire pendant sa période de mise en situation professionnelle. L'avis peut également résulter, notamment à la demande du chef d'établissement, d'une inspection ;/ 2° L'avis du chef de l'établissement dans lequel le fonctionnaire stagiaire a été affecté pour effectuer son stage établi sur la base d'une grille d'évaluation ; / 3° L'avis du directeur de l'école supérieure du professorat et de l'éducation responsable de la formation du stagiaire. ". Et aux termes de l'article 7 de cet arrêté : " Le fonctionnaire stagiaire a accès, à sa demande, à la grille d'évaluation, aux avis et aux rapports mentionnés à l'article 5. ".

9. Le courrier du 5 juin 2015 convoquant Mme B... à l'entretien avec le jury académique indiquait qu'étaient joints en annexe les différents éléments de son évaluation, " à savoir le rapport d'inspection, la grille et le rapport de votre chef d'établissement (ainsi que l'avis de l'ESPE pour les nouveaux concours) ". Mme B..., qui ne soutient pas que ces documents n'auraient pas été joints à ce courrier, n'est ainsi pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pas été informée de la possibilité d'avoir accès aux documents mentionnés à l'article 7 de l'arrêté du 22 août 2014 cité ci-dessus.

10. Il ne résulte pas des dispositions de l'article 5 de l'arrêté du 22 août 2014 que le jury académique d'évaluation des professeurs stagiaires certifiés, qui se prononce notamment après avoir pris connaissance de l'avis d'un membre des corps d'inspection de la discipline, doive prendre lui-même connaissance, pour l'évaluation du professeur stagiaire, du rapport de son tuteur. Ainsi, le jury académique pouvait ne pas tenir compte du rapport émanant du tuteur de Mme B..., lequel était au demeurant défavorable à cette dernière, pour se prononcer sur sa titularisation en tant que professeure certifiée.

11. Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 22 août 2014 : " Il est constitué un jury académique par corps d'accès de cinq à huit membres nommés par le recteur. / Le recteur ou son représentant préside le jury. / Le vice-président et les autres membres du jury sont choisis parmi les membres des corps d'inspection, les chefs d'établissement, les enseignants-chercheurs, les professeurs des écoles et les formateurs académiques. / Le jury académique est composé de membres qui ne sont pas affectés dans l'établissement d'enseignement supérieur chargé d'assurer la formation des stagiaires de l'académie. (...) ".

12. Ces dispositions n'imposent pas, contrairement à ce que soutient Mme B..., qu'un professeur ou enseignant de la discipline enseignée par le professeur stagiaire figure dans le jury académique se prononçant sur sa titularisation, ni que l'identité, les qualités et les qualifications des membres de ce jury soient portées à la connaissance des stagiaires. Ainsi, le jury académique ayant délibéré sur sa situation, auquel ont participé une professeure d'histoire-géographie, une professeure de lettres, une professeure de mathématiques, un professeur de sciences et vie de la terre, un principal de collège et un proviseur de lycée régulièrement nommés par le recteur de l'académie de Bordeaux, était régulièrement composé.

13. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 12 que la procédure suivie devant le jury académique qui s'est prononcé le 12 juin 2015 sur la titularisation de Mme B... n'est pas entachée d'irrégularité.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article 24 du décret du 4 juillet 1972 relatif au statut particulier des professeurs certifiés, dans sa version alors applicable : " (...) Le stage a une durée d'un an. Ses prolongations éventuelles sont prononcées par le recteur de l'académie dans le ressort de laquelle il est accompli. / Au cours de leur stage, les professeurs stagiaires bénéficient d'une formation organisée, dans le cadre des orientations définies par l'État, par un établissement d'enseignement supérieur, visant l'acquisition des compétences nécessaires à l'exercice du métier. Cette formation alterne des périodes de mise en situation professionnelle dans un établissement scolaire et des périodes de formation au sein de l'établissement d'enseignement supérieur. Elle est accompagnée d'un tutorat et peut être adaptée pour tenir compte du parcours antérieur des professeurs stagiaires. (...) ".

15. En ce qui concerne son année de stage, il ressort des pièces du dossier que Mme B... a été affectée à la cité scolaire Arnaut Daniel à Ribérac, située à cinquante kilomètres de son domicile. Il n'est toutefois pas contesté que cet établissement était le seul susceptible d'accueillir un professeur stagiaire en sciences physiques et chimiques dans le département de la Dordogne, alors au demeurant qu'une telle distance ne peut être regardée comme de nature à affecter la validité du stage de Mme B.... Par ailleurs, l'intéressée ne se prévaut d'aucune disposition législative ou réglementaire faisant obstacle à ce que trois niveaux de classes, parmi lesquels figurent des classes " à examen ", soient confiés à un professeur stagiaire. En outre, si la requérante fait valoir qu'elle a été obligée d'effectuer 21 heures 30 d'enseignement hebdomadaire, soit 3 heures 30 supplémentaires par rapport à ce qui lui avait été annoncé, il ressort de son planning définitif pour l'année scolaire 2014-2015 que celui prévoyait moins de dix-huit heures d'enseignement par semaine.

16. Par ailleurs, il ressort des éléments versés au dossier que le tuteur de Mme B..., qui justifiait de seize années d'enseignement en tant que professeur de sciences physiques et chimiques, accompagnait de manière régulière les professeurs stagiaires de cette matière et est décrit, dans le témoignage de l'ancien conseiller principal d'éducation de l'établissement versé au dossier par l'intéressée elle-même, comme un tuteur en général " très attentionné ". Au cours de l'année scolaire 2014-2015, il a assisté à cinq séances de cours assurés par Mme B..., certes avant le mois de janvier 2015, et a renseigné plusieurs " fiches de positionnement " qui comportaient une appréciation sur sa manière de servir et des conseils de progression. La requérante n'a, quant à elle, assisté qu'à quatre séances dispensées par son tuteur, alors que, contrairement à ce qu'elle soutient, son emploi du temps lui aurait permis d'assister aux cours qu'il dispensait, notamment le mercredi matin. Ainsi, alors même que la requérante a rencontré avec ce tuteur des difficultés de communication, les compétences de ce dernier, tant professionnelles que pédagogiques, ne sauraient être remises en cause. Au demeurant, et contrairement à ce qu'elle soutient, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que Mme B... aurait sollicité un changement de tuteur.

17. Enfin, s'il ressort des pièces du dossier que le proviseur de l'établissement d'affectation de Mme B... se questionnait, depuis un accident survenu le 7 novembre 2014 en classe, sur le comportement de cette dernière et sur la sécurité des élèves, aucun élément ne permet de tenir pour établi qu'il aurait manqué à son obligation de neutralité à l'égard de l'intéressée. De même, la seule attestation de l'ancien conseiller pédagogique d'éducation produite par la requérante, qui rapporte des propos que le proviseur lui aurait tenus s'agissant d'une conversation avec l'inspecteur pédagogique régional ne permet pas de regarder cet inspecteur comme ayant fait preuve de partialité envers Mme B....

18. Par suite, le moyen tiré de ce que la requérante n'aurait pas été mise en mesure d'effectuer un stage probatoire dans les conditions prévues par l'article 24 du décret du 4 juillet 1972 doit être écarté.

19. Enfin, s'agissant de l'appréciation du jury académique, Mme B... se prévaut des évaluations favorables des chefs d'établissement lorsqu'elle enseignait en tant que professeure contractuelle de mathématiques et de sciences physiques et chimiques, d'attestations favorables de certains de ses collègues, ainsi que de l'avis favorable du 27 mai 2015 à sa titularisation du directeur de l'école supérieure du professorat et de l'éducation (ESPE). Toutefois, il ressort des rapports d'inspection des 13 octobre 2014, 30 janvier 2015 et 9 avril 2015, établis par deux inspecteurs différents, que les séances assurées par Mme B..., qui adoptait une posture pédagogique frontale et descendante, révélaient des difficultés d'ordre didactique et pédagogiques ne permettant pas à tous les élèves de bénéficier de l'enseignement dispensé. Par ailleurs, le rapport d'inspection du 9 avril 2015, l'avis défavorable à la titularisation de Mme B... émis par le chef d'établissement et le compte-rendu de l'entretien du 10 juin 2015 avec le jury académique soulignent tous une réelle difficulté de la requérante à remettre en cause ses pratiques, au détriment de la qualité de son enseignement, et à accepter les critiques et conseils prodigués. Le compte-rendu d'entretien avec le jury académique mentionne également une conception erronée des objectifs disciplinaires et un discours qui ne présente qu'une faible prise en considération de ses élèves. Ces éléments concordent d'ailleurs avec des remarques sur la manière de servir de Mme B... formulées dans des rapports d'inspection établis le 21 mars 2012 et le 13 février 2014, alors que l'intéressée étaient encore professeure contractuelle. Ainsi, c'est sans commettre de fait ou d'erreur manifeste d'appréciation que le jury académique a estimé que Mme B... ne pouvait être titularisée en tant que professeure certifiée en sciences physiques et chimiques à l'issue de son année de stage et qu'il n'y avait pas lieu de renouveler son stage. A cet égard, la circonstance que Mme B... a été licenciée le 11 septembre 2017 en tant que professeure contractuelle de mathématiques dans un établissement privé, qui est postérieure à l'arrêté litigieux, ne révèle pas davantage une erreur matérielle ni une erreur manifeste d'appréciation, ni une situation de harcèlement moral, contrairement à ce que soutient l'intéressée.

20. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche du 29 septembre 2015. Sa requête doit par suite être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

Délibéré après l'audience du 17 février 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Brigitte Phémolant, présidente,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme Charlotte Isoard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 mars 2022.

La rapporteure,

Charlotte IsoardLa présidente,

Brigitte Phémolant

La greffière,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX00445 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21BX00445
Date de la décision : 18/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-03-04-01 Fonctionnaires et agents publics. - Entrée en service. - Stage. - Fin de stage.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: Mme Charlotte ISOARD
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : CABINET CHAPON et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-03-18;21bx00445 ?
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