La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/03/2022 | FRANCE | N°20BX03295

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 18 mars 2022, 20BX03295


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Guadeloupe a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner M. A... C..., comme prévenu d'une contravention de grande voirie pour avoir édifié un quai en béton sur le domaine public maritime, au paiement de l'amende prévue à l'article L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques, à la remise en l'état des lieux dans le délai d'un mois sous astreinte, et d'autoriser l'État à procéder d'office, à défaut d'exécution dans le délai imparti, à

la démolition de l'installation litigieuse aux frais du contrevenant et enfin au paie...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Guadeloupe a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe de condamner M. A... C..., comme prévenu d'une contravention de grande voirie pour avoir édifié un quai en béton sur le domaine public maritime, au paiement de l'amende prévue à l'article L. 2132-26 du code général de la propriété des personnes publiques, à la remise en l'état des lieux dans le délai d'un mois sous astreinte, et d'autoriser l'État à procéder d'office, à défaut d'exécution dans le délai imparti, à la démolition de l'installation litigieuse aux frais du contrevenant et enfin au paiement des frais de procès-verbaux et d'instance.

Par un jugement n° 1900403 du 3 juin 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a condamné M. C... à payer une amende de 1 500 euros, lui a enjoint de procéder, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à la remise en état des lieux, et a autorisé l'État, à l'expiration de ce délai, à y faire procéder d'office aux frais de M. C....

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 octobre 2020, M. C..., représenté par Me Djimi, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 3 juin 2020 ;

2°) de le relaxer des fins de poursuites de contravention de grande voirie et de rejeter la demande du préfet de la Guadeloupe en ce qui concerne l'action domaniale ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le signataire du procès-verbal de contravention de grande voirie était incompétent ;

- le procès-verbal de contravention de grande voirie lui a été notifié plus de dix jours après sa rédaction en méconnaissance des dispositions de L. 774-2 du code de justice administrative ;

- il ne peut être poursuivi en son nom personnel mais uniquement en sa qualité de gérant de la SARL Idéal Béton ;

- l'infraction n'est pas constituée dès lors qu'il détenait une autorisation d'occupation du domaine public de la préfecture et une convention d'occupation de la forêt domaniale avec l'office national des forêts.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2021, la ministre de la transition écologique, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le procès-verbal de contravention de grande voirie du 12 novembre 2018 ;

- le certificat constatant la notification du procès-verbal, comportant invitation à produire une défense écrite.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code pénal ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Fabienne Zuccarello,

- et les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 12 novembre 2018 à l'encontre de M. C..., gérant de la SARL Idéal Béton, auquel il est reproché d'avoir édifié un quai en béton de 18 mètres de longueur, 11 mètres de largeur et 1,80 mètre de hauteur sur le domaine public maritime sur le territoire de la commune de la Désirade. Le préfet de la Guadeloupe a déféré le 16 avril 2019 M. C..., comme prévenu d'une contravention de grande voirie, devant le tribunal administratif de la Guadeloupe. M. C... relève appel du jugement du 3 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe l'a condamné à payer une amende de 1 500 euros, lui a enjoint de détruire l'ouvrage litigieux et de remettre le site en état dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, a autorisé l'administration, en cas d'inexécution de ces obligations dans le délai prescrit, à procéder d'office à la remise en état des lieux aux frais du contrevenant et a mis à sa charge les frais de procès-verbal et d'instance.

Sur la régularité des poursuites :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2132-21 du code général de la propriété des personnes publiques : " Sous réserve de dispositions législatives spécifiques, les agents de l'État assermentés à cet effet devant le tribunal judiciaire, les agents de police judiciaire et les officiers de police judiciaire, ainsi que les agents des douanes, sont compétents pour constater les contraventions de grande voirie ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le procès-verbal établi le 12 novembre 2018 a été dressé par M. B..., agent de l'État affecté à la DEAL de la Guadeloupe, assermenté à cet effet devant le tribunal d'instance de Basse Terre ainsi que le justifie le ministre en produisant la " carte de commission " de M. B... délivrée le 16 février 2018. Par suite, M. C... ne peut soutenir que ce procès-verbal serait nul pour avoir été établi par une personne n'ayant pas la qualité requise.

4. En deuxième lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 774-2 du code de justice administrative, " dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention ", l'autorité compétente " fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal ". L'observation de ce délai de dix jours n'étant pas prescrite à peine de nullité, le moyen tiré de ce qu'il aurait été méconnu ne peut être utilement invoqué. Pour autant, la notification tardive du procès-verbal ne saurait porter atteinte aux droits de la défense. A cet égard et en l'espèce, la circonstance que le procès-verbal de contravention de grande voirie n'a été notifié à M. C... que le 28 janvier 2019 alors qu'il avait été dressé le 12 novembre 2018, et procédait d'un constat d'infraction remontant au 15 octobre 2018, n'a pas privé la personne poursuivie de la possibilité de rassembler les éléments de preuve utiles à sa défense. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'atteinte portée aux droits de la défense doit être écarté.

5. En troisième lieu, la personne qui peut être poursuivie pour contravention de grande voirie est, soit celle qui a commis ou pour le compte de laquelle a été commise l'action qui est à l'origine de l'infraction, soit celle sous la garde de laquelle se trouvait l'objet qui a été la cause de la contravention. Il est constant que M. C... est également le gérant de la société Idéal Béton, et qu'en cette qualité il disposait des pouvoirs lui permettant de prendre toutes dispositions pour libérer le domaine public maritime. Aussi, si le procès-verbal du 12 novembre 2018 constatant la contravention de grande voirie mentionnait l'identité de M. C... en son nom personnel alors que la poursuite devant le tribunal a été faite au nom de M. C... en sa qualité de gérant de la société Idéal Béton, cette circonstance n'est pas de nature, en l'absence de toute ambiguïté sur l'identification de M. C..., à l'exonérer des poursuites engagées à son encontre.

Sur le bien-fondé de la contravention :

6. aux termes de l'article L. 2132-2 du code général de la propriété des personnes publiques : " Les contraventions de grande voirie sont instituées par la loi ou par décret, selon le montant de l'amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n'appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l'intégrité ou de l'utilisation de ce domaine public, soit d'une servitude administrative mentionnée à l'article L. 2131-1. / Elles sont constatées, poursuivies et réprimées par voie administrative. ". Selon l'article L. 2111-4 du même code : " Le domaine public maritime naturel de L'État comprend : / 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; / 2° Le sol et le sous-sol des étangs salés en communication directe, naturelle et permanente avec la mer; / 3° Les lais et relais de la mer (...) 4° La zone bordant le littoral définie à l'article L. 5111-1 dans les départements de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique et de La Réunion (...) ".

7. Pour constater que l'infraction, à caractère matériel, d'occupation irrégulière du domaine public, est constituée, le juge de la contravention de grande voirie doit déterminer, au vu des éléments de fait et de droit pertinents, si la dépendance concernée relève du domaine public. S'agissant du domaine public maritime, le juge doit appliquer les critères fixés par l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques et n'est pas lié par les termes d'un arrêté, à caractère déclaratif, de délimitation du domaine public maritime. L'appartenance d'une dépendance au domaine public ne peut résulter de l'application d'un tel arrêté, dont les constatations ne représentent que l'un des éléments d'appréciation soumis au juge.

8. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. C... a procédé à des travaux consistant en la création d'un quai en béton de 18 mètres de longueur, de 11 mètres de largeur et 1,80 mètre de hauteur sur la parcelle cadastrée AB n° 381 sur le territoire de la commune de la Désirade dans le secteur de la pointe dite Colibri. Si M. C... fait valoir que le quai de béton litigieux ne peut être regardé comme ayant été construit sur le domaine public en l'absence d'acte de délimitation de ce domaine, d'une part un tel acte n'est pas une condition nécessaire au constat d'une contravention de grande voirie, le juge de la contravention de grande voirie n'étant, en tout état de cause, aucunement lié par les termes d'un tel acte, qui ne présente qu'un caractère déclaratif. D'autre part, en l'espèce, il ressort clairement des photographies annexées au procès-verbal du 12 novembre 2018 que l'ouvrage en cause est édifié sur le domaine public naturel, dans la zone définie par le 3 ° et le 4° de l'article L. 2111-4 précité du code général de la propriété des personnes publiques des lais et relais de la mer et dans la zone des cinquante pas géométriques.

9. En second lieu, si M. C... se prévaut d'autorisations qu'il détiendrait pour occuper le domaine public maritime, d'une part la convention conclue le 11 octobre 2016 avec l'Office National des Forêts concerne l'occupation d'un emplacement dans la forêt domaniale du littoral et non sur le domaine public maritime, et d'autre part, les autorisations qu'il a obtenu des services de l'État en 2016 pour l'occupation de ce domaine public maritime sont expirées et ne visaient qu'une installation escamotable et non permanente telle que le quai en béton objet du litige.

10. Il résulte de ce qui précède que l'édification et le maintien de cette construction sans autorisation sur le domaine public maritime, constituent la contravention de grande voirie prévue par l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal l'a condamné au paiement d'une amende de 1 500 euros, dont il ne conteste au demeurant pas le montant, lui a enjoint, de remettre les lieux en l'état originel dans un délai de deux mois et a autorisé l'État à procéder à son expulsion et à la remise en état des lieux à ses frais, risques et périls.

Sur les dépens et les frais liés à l'instance :

12. Les dépens de la présente procédure, qui inclus les frais de procès-verbal, sont mis à la charge de M. C.... Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la ministre de la transition écologique.

Délibéré après l'audience du 17 février 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Brigitte Phémolant, présidente,

Mme Fabienne Zuccarello, présidente-assesseure,

Mme Christelle Brouard-Lucas, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 mars 2022.

La rapporteure,

Fabienne Zuccarello La présidente,

Brigitte Phémolant

La greffière,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX03295


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03295
Date de la décision : 18/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux répressif

Analyses

24-01-03-01 Domaine. - Domaine public. - Protection du domaine. - Contraventions de grande voirie.


Composition du Tribunal
Président : Mme PHEMOLANT
Rapporteur ?: Mme Fabienne ZUCCARELLO
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : CABINET DJIMI

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-03-18;20bx03295 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award