Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 6 octobre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a rejeté sa demande de renouvellement de titre de séjour et sa demande de changement de statut, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2100073 du 18 mars 2021, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 juin 2021, Mme B..., représentée par Me Karakus, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 18 mars 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 octobre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi n° 91-347 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant du refus de séjour,
- il méconnaît les articles L. 425-9 et R. 425-11 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le préfet, seul en mesure de verser au débat les preuves, n'établit pas que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a été rendu au terme d'une délibération collégiale ;
- le défaut de prise en charge entraînera des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
- elle ne peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, dès lors que les molécules et médicaments prescrits n'existent pas en Arménie ;
- le refus de séjour méconnaît son droit à une vie familiale normale, dès lors que le fils de son époux décédé, qu'elle a élevé, est titulaire d'un titre de séjour, et que son ex épouse et ses enfants résident à Limoges ; elle a travaillé du 8 janvier 2018 au 27 avril 2020 dans
le cadre d'un CDD, puis d'un CDI au sein de la société France Confection ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français,
- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi, elle est illégale du fait de l'illégalité des refus de titre et obligation de quitter le territoire français ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2021, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.
Par une décision du 20 mai 2021, Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 ;
- la loi n° 91-347 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... B..., de nationalité arménienne, est entrée irrégulièrement en France en 2012 et y a sollicité l'asile. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 avril 2013, confirmée le 6 janvier 2014 par la Cour nationale du droit d'asile. Elle a sollicité son admission en raison de son état de santé, a bénéficié d'un titre de séjour d'une durée de six mois pour recevoir les soins, et par arrêté du 25 juin 2015, le préfet de la Haute-Vienne a refusé le renouvellement de son titre de séjour, au motif que les soins nécessaires étaient disponible en Russie, pays dont l'intéressée avait déclaré être ressortissante lors de ses demandes d'asile et de titre. Par un arrêt n° 16BX01371 du 13 octobre 2016, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé cet arrêté, Mme B... produisant pour la première fois en appel son passeport arménien.
2. Le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ayant estimé, dans un avis du 23 mars 2018, que les soins nécessités par l'état de santé de Mme B... n'étaient pas disponibles en Arménie, et que le traitement devait être poursuivi pendant un an, le préfet de la Haute-Vienne, par arrêté du 21 septembre 2018, lui a délivré un titre de séjour en qualité d'étranger malade.
3. Le 25 juin 2019, Mme B... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour et, le 18 décembre 2019, elle a également sollicité la délivrance d'un titre en qualité de salariée. Par l'arrêté litigieux du 6 octobre 2020, le préfet de la Haute-Vienne a rejeté
sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 18 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant: a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".
5. En premier lieu, l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 3 octobre 2019 porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant " et a été signé par les trois médecins composant ce collège. La mention du caractère collégial du délibéré fait foi jusqu'à preuve du contraire, et la circonstance que les trois médecins composant le collège exercent dans des villes différentes ne suffit pas à mettre en doute le caractère collégial de la délibération, dès lors que les dispositions rappelées au point 6 autorisent le collège à délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. Par suite, sans qu'il soit besoin d'ordonner la production des extrait Thémis relatifs à l'instruction du dossier de Mme B..., le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis du 3 octobre 2019 doit être écarté.
6. En deuxième lieu, l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 3 octobre 2019 mentionne que l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que l'état de santé de l'intéressée peut lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Mme B... soutient que les soins nécessaires à son état de santé ne sont pas disponibles en Arménie, et produit un courrier adressé par un médecin cardiologue du CHU de Limoges à son médecin traitant le 15 septembre 2020, qui propose un traitement à base d'Aldactone, Temerit, Coveram et Hyperium, et le certificat de son médecin traitant du 10 octobre 2020, qui décrit les pathologies dont souffre la requérante et précise que " cet état nécessite une prise en charge médicale à vie, dont le défaut entraînerait des conséquences graves ", ce qui ne contredit pas les mentions de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Elle produit également la traduction d'un document rédigé en arménien, daté du 5 novembre 2020, qui donne une liste de médicaments, parmi lesquels figurent l'Aldactone et le Coveram, et affirme que " ces médicaments, les médicaments ayant la même composition moléculaire ne sont ni importés ni fabriqués en Arménie ". C..., ce document, qui ne mentionne pas les qualité et profession de son auteur, est dépourvu de force probante, et n'établit ni même n'allègue que l'intéressée ne pourrait bénéficier en Arménie d'un autre traitement adapté à son état de santé. Il est, par ailleurs, contredit par la liste des médicaments enregistrés en Arménie au 31 mai 2020, produite par le préfet, qui mentionne la spironolactone, molécule composant l'Aldactone, ainsi que la périndopril arginine et l'amlodipine bésilate, molécules composant le Coveram. Par suite, Mme B... ne contredit pas l'appréciation portée par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et le préfet sur la possibilité d'être traitée dans son pays d'origine.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Mme B... fait valoir qu'elle vit en France depuis 2012 et que le fils de son défunt mari, qu'elle a élevé, est présent en France sous couvert d'un titre de séjour, ainsi que son ex-épouse et leur fils. C..., A... B..., qui n'établit pas l'intensité des liens qu'elle entretient avec son beau-fils et la famille de celui-ci, n'a été admise à séjourner en France que le temps nécessaire à l'examen de sa demande d'asile, rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 avril 2013, confirmée le 6 janvier 2014 par la Cour nationale du droit d'asile, et au traitement de sa maladie. Si elle a travaillé du 8 janvier 2018 au 27 avril 2020 dans le cadre d'un CDD, puis d'un CDI au sein de la société France Confection, cette entreprise a été placée en liquidation judiciaire et Mme B... se trouve privée d'emploi depuis cette date du 27 avril 2020. Enfin, l'intéressée ne conteste pas la circonstance, mentionnée dans l'arrêté contesté, que son fils a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 15 novembre 2018 et qu'il a regagné l'Arménie en 2019. Elle ne se trouve ainsi pas dépourvue d'attache dans ce pays où elle a vécu jusqu'à l'âge de 51 ans. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le moyen tiré par Mme B... de ce que le refus de titre de séjour attaqué porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaîtrait par suite les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté.
10. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur le pays de renvoi :
11. Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées au titre des articles 37 de la loi n° 91-347 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... B... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.
Délibéré après l'audience du 10 février 2022 à laquelle siégeaient :
M. Éric Rey-Bèthbéder, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente assesseure,
Mme Nathalie Gay, première conseillère.
Rendu public par dépôt au greffe le 10 mars 2022.
La rapporteure,
Frédérique D...Le président
Éric Rey-Bèthbéder
La greffière,
Angélique Bonkoungou
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX02596