La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/03/2022 | FRANCE | N°21BX01755

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 10 mars 2022, 21BX01755


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2021 par lequel la préfète de la Vienne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, ainsi que l'arrêté du même jour décidant son assignation à résidence dans le département de la Vienne pour une durée de quarante-cinq jours à compter du 19 janvier

2021.

Par un jugement n° 2100157 du 26 janvier 2021, la magistrate désignée par l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2021 par lequel la préfète de la Vienne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, ainsi que l'arrêté du même jour décidant son assignation à résidence dans le département de la Vienne pour une durée de quarante-cinq jours à compter du 19 janvier 2021.

Par un jugement n° 2100157 du 26 janvier 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 avril 2021, M. C..., représenté par Me Desroches, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 26 janvier 2021 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Poitiers ;

2°) d'annuler les arrêtés du 19 janvier 2021 de la préfète de la Vienne ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour d'une durée d'un an, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail jusqu'à ce que l'autorité administrative ait statué sur sa situation administrative, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et, à titre infiniment subsidiaire, de modifier la décision portant assignation à résidence en tant qu'elle fixe une présentation trois fois par semaine dans les locaux du commissariat de Poitiers à 8 heures ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- le tribunal n'a pas examiné le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant fixation du pays de destination.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :

S'agissant des arrêtés pris dans leur ensemble :

- les arrêtés litigieux ont été signés par une autorité incompétente.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreurs de fait sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

S'agissant de la décision portant refus d'un délai de départ volontaire :

- cette décision est insuffisamment motivée au regard des dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'erreurs d'appréciation.

S'agissant de la décision portant fixation du pays de destination :

- cette décision est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée.

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- l'appréciation portée au titre de la vie privée et familiale telle que protégée par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été portée au regard de la durée de cette décision mais pas de son prononcé ;

- la motivation de cette décision démontre un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle.

S'agissant de la décision portant assignation à résidence :

- cette décision est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'erreurs de fait.

Par une décision n° 2021/007171 du 8 avril 2021 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Éric Rey-Bèthbéder a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant ivoirien, est entré en France le 20 août 2016, selon ses déclarations. Par arrêté du 17 février 2020, confirmé par un jugement n° 2000853 du tribunal administratif de Poitiers du 23 juillet 2020, la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer le titre de séjour qu'il avait sollicité sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jour et a fixé le pays de destination. Par arrêté du 19 janvier 2021, la préfète de la Vienne lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un arrêté du même jour, la préfète l'a assigné à résidence dans le département de la Vienne pour une durée de quarante-cinq jours à compter du 19 janvier 2021. M. C... relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. À l'appui de sa demande, M. C... soutenait notamment que la décision portant fixation du pays de destination était insuffisamment motivée. La magistrate désignée ne s'est pas prononcée sur ce moyen, qui n'était pas inopérant et qu'elle a visé dans son jugement. Par suite, M. D... est fondé à soutenir que le jugement attaqué, en tant qu'il statue sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant fixation du pays de destination, est, pour ce motif, entaché d'irrégularité et à demander son annulation partielle.

3. Il s'ensuit qu'il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la demande de M. D... tendant à l'annulation de la décision de fixation du pays de destination et, par la voie de l'effet dévolutif, sur le surplus des conclusions de sa requête d'appel.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

S'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans :

4. Par un arrêté n° 2020-SG-DCPPAT-072 du 27 novembre 2020, publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial n° 86-2020-155, soit deux mois avant l'édiction de l'arrêté litigieux, la préfète de la Vienne a donné délégation à M. A... B..., sous-préfet hors classe et secrétaire général de la préfecture de la Vienne, signataire des décisions en litige, pour l'ensemble des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors que la publication de cet arrêté au recueil des actes administratifs de la préfecture du 18 octobre 2018 était accessible notamment sur le site internet de la préfecture, il ne peut être soutenu que la préfète de la Vienne, qui a produit cet arrêté devant le tribunal, n'aurait pas justifié de cette publication. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions litigieuses doit être écarté.

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français comporte les considérations de fait et de droit qui en constitue le fondement. Par suite, elle est suffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Ce moyen doit donc être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. ' L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) ".

7. La décision litigieuse trouve son fondement légal dans les dispositions des 2° et 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui peuvent être substituées à celles du 1° dès lors que, s'étant maintenu sur le territoire français plus de trois mois après son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré et s'étant vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, M. C... se trouvait dans la situation où, en application des 2° et 3°, le préfet pouvait décider de lui faire obligation de quitter le territoire français. La substitution de base légale opérée en première instance, à la demande de l'administration, n'a pas pour effet de priver l'intéressé d'une garantie conférée par les dispositions sur lesquelles était initialement fondé l'arrêté en litige. Les dispositions des 2° et 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile conféraient au préfet de la Vienne un pouvoir d'appréciation identique à celui conféré par les dispositions du 1° du I du même article. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant et doit être écarté.

8. En troisième lieu, si M. C... soutient que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreurs de fait sur sa situation personnelle dès lors, contrairement à ce qu'indique la préfète de la Vienne dans l'arrêté litigieux, qu'aucun élément ne permettait de démontrer qu'il avait été interpellé et placé en retenue pour des faits de violences et d'insultes et qu'il était, à la date de l'arrêté litigieux, scolarisé en formation professionnalisante, en couple depuis un an et demi avec une ressortissante française et hébergé par une ressortissante française, ces circonstances, à les supposer toutes avérées, sont sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse, dès lors que, eu égard à ce qui a été dit au point précédent et aux autres éléments de la situation personnelle de l'intéressé, la préfète aurait pris la même décision si elle n'avait pas commis les erreurs qui lui sont reprochées et qu'elle aurait, en tout état de cause, pris la même décision si elle n'avait retenu que les motifs tirés de ce que l'intéressé s'était maintenu sur le territoire français plus de trois mois après son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré et de ce qu'il s'était vu refuser la délivrance du titre de séjour sollicité sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen doit être écarté.

9. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Si M. C... se prévaut de sa présence en France depuis quatre ans et demi, d'une bonne insertion à travers son investissement reconnu dans un cursus professionnalisant, de sa relation avec une ressortissante française et de son engagement en qualité de bénévole, il ne produit aucun élément de nature à établir qu'il aurait noué en France des liens privés, familiaux et professionnels anciens, intenses et stables, tels qu'il aurait vocation à y rester. Il ressort au contraire des pièces du dossier que sa relation amoureuse avec une ressortissante française présente un caractère récent et n'est établie que par l'attestation de cette dernière, qu'il n'a pas déféré à une précédente mesure d'éloignement et qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu la majeure partie de sa vie et où résident sa mère et son frère. Par ailleurs, il ressort du procès-verbal produit en défense que le 6 septembre 2019, M. C... a fait l'objet d'une interpellation pour possession de sachets d'herbe et de résine de cannabis. Par suite, la décision litigieuse n'a pas porté au droit de M. C... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

S'agissant de la décision portant refus d'un délai de départ volontaire :

11. En premier lieu, la décision refusant d'octroyer à M. C... un délai de départ volontaire vise les dispositions du d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles elle se fonde notamment et indique que l'intéressé s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire national malgré le prononcé à son encontre d'un précédent arrêté portant refus de délivrance d'un titre de séjour avec obligation de quitter le territoire français avec délai de départ et fixant le pays de renvoi pris par la préfecture de la Vienne le 17 février 2020. Par suite, cette décision est suffisamment motivée et n'est entachée d'aucun défaut d'examen particulier de sa situation personnelle.

12. En second lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. ' L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas (...). Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".

13. Il ressort des pièces du dossier que, lors de son audition par les services de police de Poitiers le 18 janvier 2021, provoquée par une altercation dans un autobus, M. C... a déclaré avoir eu connaissance de la décision du 17 février 2020 lui ayant précédemment fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et expliqué qu'il ne s'était pas conformé à cette décision en raison du projet qu'il avait d'aller à l'école et de ses nombreuses formations en France. Il ne saurait ainsi soutenir que la décision lui refusant un délai de départ volontaire serait intervenue pendant la période de confinement où les déplacements vers l'étranger n'étaient pas possibles, alors au demeurant qu'il ressort des pièces du dossier que l'espace aérien de la Côte-d'Ivoire était ouvert à la date de l'arrêté litigieux. Ainsi, l'intéressé s'est volontairement soustrait à l'obligation qui lui incombait de quitter le territoire français, l'effet suspensif de son recours devant le tribunal administratif de Poitiers ayant cessé à la date de notification du jugement du 23 juillet 2020. Le motif tiré de la soustraction à une précédente mesure d'éloignement prévu au d) du 3° du II de l'article précité justifie à lui seul la décision de refus d'octroi d'un délai de départ volontaire. Par suite, le moyen tiré de ce que la préfète aurait commis une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions précitées doit être écarté.

S'agissant de la décision portant fixation du pays de destination :

14. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit précédemment, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination serait illégale du fait de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen doit être écarté.

15. En second lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : " 1° À destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou, en application d'un accord ou arrangement de réadmission communautaire ou bilatéral, à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou, avec son accord, à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". En vertu de l'article L. 513-3 du même code : " La décision fixant le pays de renvoi constitue une décision distincte de la mesure d'éloignement elle-même (...) ".

16. La décision fixant le pays de destination vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, elle indique que l'intéressé, de nationalité ivoirienne, est obligé de quitter le territoire français sans délai pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité à savoir la Côte d'Ivoire ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'accord de Schengen où il est légalement admissible et que la décision ne contrevient pas aux dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, elle est suffisamment motivée. Le moyen doit donc être écarté.

S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans :

17. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. ' L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".

18. D'une part, il résulte de ces dispositions, en vigueur depuis le 1er novembre 2016, que, lorsque le préfet prend, à l'encontre d'un étranger, une décision portant obligation de quitter le territoire français ne comportant aucun délai de départ, ou lorsque l'étranger n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour satisfaire à cette obligation, il appartient au préfet d'assortir sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français, sauf dans le cas où des circonstances humanitaires y feraient obstacle. Seule la durée de cette interdiction de retour doit être appréciée au regard des quatre critères énumérés au III de l'article L. 511-1, à savoir la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, l'existence ou non d'une précédente mesure d'éloignement et, le cas échéant, la menace pour l'ordre public que constitue sa présence sur le territoire. Ainsi, M. C... ne saurait soutenir que la préfète n'aurait pas examiné l'atteinte éventuelle aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard du prononcé de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et aurait ainsi entaché l'arrêté litigieux d'une analyse erronée. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 11, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français ne méconnaît pas, au surplus, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

19. D'autre part, il résulte également des dispositions précitées que l'autorité compétente doit, pour fixer la durée de l'interdiction de retour assortissant l'obligation de quitter le territoire français tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

20. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et le cas échéant aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit selon elle être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

21. En l'espèce, si M. C... soutient que la préfète ne pouvait se fonder sur l'existence d'une menace à l'ordre public représentée par l'intéressé pour prendre à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, les autres motifs de cette décision, tirés de ce que l'intéressé est célibataire et sans enfant, de ce qu'il ne justifie pas de son intégration dans la société française, de ce que son entrée en France est récente et de ce qu'il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement suffisaient à eux seuls à motiver cette décision. En outre, la décision litigieuse n'avait pas à être motivée s'agissant de circonstances humanitaires, dès lors qu'aucune de ces circonstances ne pouvait être relevée en sa faveur. Par suite, le moyen doit être écarté.

22. Il résulte de tout ce qui précède que, d'une part, M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et que, d'autre part, il n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 19 janvier 2021 en tant qu'il fixe le pays de destination.

En ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

23. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant assignation à résidence serait illégale du fait de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

24. En deuxième lieu, par l'arrêté n° 2020-SG-DCPPAT-072 du 27 novembre 2020, mentionné au point 2 du présent arrêt, publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial n° 33-2021-086, la préfète de la Gironde a donné délégation à M. A... B..., sous-préfet hors classe et secrétaire général de la préfecture de la Vienne, signataire de l'arrêté litigieux, à l'effet de signer toutes les décisions d'assignation à résidence issues des articles L. 561-1 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des arrêtés litigieux doit être écarté.

25. En troisième lieu, la décision litigieuse comporte les considérations de droit et de fait qui la fondent et notamment le fait que M. C... a fait l'objet d'une mesure d'éloignement sans délai, permettant à l'intéressé de connaître, à sa seule lecture, les raisons pour lesquelles il fait l'objet d'une assignation à résidence. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision d'assignation à résidence litigieuse doit être écarté.

26. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " I. -L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ". En vertu de l'article R. 561-2 du même code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application des articles L. 561-1, L. 561-2, L. 744-9-1 ou L. 571-4 ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5 est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ".

27. Il ressort des pièces du dossier que si M. D... était effectivement en possession d'un passeport à la date de l'édiction de la décision litigieuse, il n'est pas contesté qu'il ne justifiait d'aucun moyen de transport immédiat de nature à permettre son départ du territoire français sans délai. Ce nouveau motif de fait, qui n'est contesté ni en première instance, ni en appel par M. C..., est propre à justifier la décision d'assignation à résidence.

28. Par ailleurs, d'une part, aucune disposition légale ou réglementaire ne fait obligation au préfet de préciser en quoi l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français dont fait l'objet l'étranger demeure une perceptive raisonnable à peine d'irrégularité de la décision d'assignation à résidence. D'autre part, contrairement à ce que soutient M. C..., il ressort des pièces du dossier, et notamment de celles produites par la préfète en première instance, que le 22 janvier 2021, l'espace aérien ivoirien était ouvert. Par suite, son éloignement demeurait une perspective raisonnable.

29. Enfin, M. C... se borne à soutenir que les modalités de pointage prévues par l'arrêté critiqué, à raison de trois jours par semaine au commissariat de Poitiers à 8 heures, ne sont pas adaptées à ses horaires de stage. Toutefois, il n'est établi ni que l'intéressé, qui a déclaré résider à Poitiers, ne pourrait se rendre sur son lieu de stage après avoir satisfait à ses obligations de présentation, ni que son emploi du temps ne pourrait être adapté. Ainsi, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle doit être écarté dans toutes ses branches.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

30. Aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Si la décision de ne pas accorder de délai de départ volontaire, la décision de placement en rétention ou la décision d'assignation à résidence est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin rappelle à l'étranger son obligation de quitter le territoire français dans le délai qui lui sera fixé par l'autorité administrative en application du II de l'article L. 511-1 ou du sixième alinéa de l'article L. 511-3-1. Ce délai court à compter de sa notification ".

31. Le présent arrêt ne prononçant pas l'annulation d'une des décisions prises à l'encontre de M. C..., n'implique pas qu'il soit enjoint à l'autorité préfectorale de lui délivrer un titre de séjour, ni, davantage, de réexaminer sa situation. Dès lors, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par l'appelant doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

32. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 relatives à l'aide juridique et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. C... la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2100157 du 26 janvier 2021 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Poitiers est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision prise le 19 janvier 2021 par la préfète de la Vienne portant fixation du pays de destination.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise pour information à la préfète de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 10 février 2022 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente-assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public par mise à dispositions au greffe, le 10 mars 2022.

La présidente-assesseure,

Frédérique Munoz-Pauziès

Le président-rapporteur

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Angélique Bonkoungou

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX01755 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 21BX01755
Date de la décision : 10/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: M. Eric REY-BETHBEDER
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : DESROCHES

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-03-10;21bx01755 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award