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08/03/2022 | FRANCE | N°19BX01819

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 08 mars 2022, 19BX01819


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association France nature environnement Hautes-Pyrénées, l'association protection environnementale de la commune Bastide de Trie-sur-Baïse et ses environs, Mme C... A... épouse B... et Mme E... D... ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2017 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées a délivré à la société Agrogaz des pays de Trie une autorisation unique de construire et d'exploiter une installation de méthanisation au lieu-dit Manas, sur le territoire de la

commune de Fontrailles, ensemble la décision du 14 mars 2018 par laquelle cett...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association France nature environnement Hautes-Pyrénées, l'association protection environnementale de la commune Bastide de Trie-sur-Baïse et ses environs, Mme C... A... épouse B... et Mme E... D... ont demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2017 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées a délivré à la société Agrogaz des pays de Trie une autorisation unique de construire et d'exploiter une installation de méthanisation au lieu-dit Manas, sur le territoire de la commune de Fontrailles, ensemble la décision du 14 mars 2018 par laquelle cette même autorité a rejeté le recours gracieux formé par l'association France nature environnement Hautes-Pyrénées, contre cet arrêté.

Par un jugement n° 1801046 du 5 mars 2019, le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour administrative d'appel :

Par une requête, des mémoires et des pièces, enregistrés les 3 mai 2019, 20 mai 2019, 18 juillet 2019, 2 décembre 2020 et 8 janvier 2021, l'association France nature environnement Hautes-Pyrénées, l'association protection environnementale de la commune Bastide de Trie-sur-Baïse et ses environs, Mme A... épouse B... et Mme D..., représentés par Me Aranda, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1801046 du tribunal administratif de Pau du 5 mars 2019 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2017 du préfet des Hautes-Pyrénées, ensemble la décision du 14 mars 2018 ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat, de la commune de Fontrailles et de la société Agrogaz la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de les condamner aux entiers dépens.

Ils soutiennent que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les présidents des associations France nature environnement Hautes-Pyrénées et protection environnementale de la commune Bastide de Trie-sur-Baïse et ses environs disposaient, au regard des statuts de ces associations, de la qualité pour agir en leur nom ; les associations ont produit, dans le cadre de notes en délibéré, les délibérations des organes compétents autorisant leur président à ester en justice ; les associations disposent également d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ;

- Mmes A... épouse B... et D... justifient de leur intérêt pour agir en raison de la proximité immédiate du projet avec leur domicile ;

En ce qui concerne la régularité procédurale de l'autorisation :

- le public n'a pas été informé, dans le cadre du dossier soumis à enquête publique, de l'arrêté du 13 juin 2017 approuvant un cahier des charges pour la mise sur le marché et l'utilisation de digestats de méthanisation agricoles en tant que matières fertilisantes ;

- le dossier présenté par le pétitionnaire n'est pas conforme aux dispositions légales et réglementaires du code rural et de la pêche maritime en vigueur avant le 13 juin 2017, notamment les articles L. 255 et suivants de ce code ;

- le plan d'épandage de substitution présenté par le pétitionnaire a pour conséquence qu'il n'existe plus d'engagement solide à utiliser localement les digestats ; le projet ne prévoit plus la vente de sa production aux producteurs locaux, la responsabilité de l'épandage relève directement de chacune des exploitations agricoles concernées ; ce projet s'écarte ainsi de son objectif étroitement territorial, global et collectif ;

- le plan d'épandage n'est pas conforme aux dispositions de l'article 48 de l'arrêté ministériel du 10 novembre 2009 fixant les règles auxquelles doivent satisfaire les installations de méthanisation soumises à autorisation ;

- l'étude préalable au plan d'épandage des parcelles sur lesquelles seront épandus les digestats de méthanisation agricole n'a pas analysé les conséquences de cet épandage sur l'environnement et ne comporte pas de cartographie de ces parcelles ; contrairement à ce qu'indique l'étude, il a pu être observé à Fontrailles la présence de la tortue Cistude et de vingt espèces d'oiseaux, dont quinze sont protégées ;

- les options consistant à prévoir plusieurs méthaniseurs de taille moins importante ou d'examiner la solution de la cogénération pour l'utilisation du méthane n'ont pas été proposées dans le dossier soumis à enquête publique, en méconnaissance de l'article 6§4 de la convention d'Aarhus et des dispositions de l'article R. 122-5 du code de l'environnement ; le public a été invité à prendre connaissance du dossier alors que la décision était déjà acquise au stade de l'enquête publique ;

- l'analyse du bilan carbone du projet est lacunaire ;

En ce qui concerne la légalité interne de l'autorisation unique :

- le permis de construire ne pouvait être accordé au pétitionnaire dès lors qu'il ne justifie pas, dans son dossier de demande, être propriétaire ou mandataire d'une propriété du terrain d'assiette du projet ; l'illégalité de la délibération de la communauté de communes du pays de Trie ayant décidé de la revente du terrain d'assiette au profit du pétitionnaire entache d'illégalité l'autorisation contestée ;

- la demande du permis de construire était incomplète ;

- elle a été détournée de son objet par le pétitionnaire dès lors qu'elle n'autorisait pas l'adoption d'une solution de substitution à la liquéfaction du méthane ce qui révèle, en outre, le caractère insincère des données financières présentées dans le dossier soumis à enquête publique ; la desserte du projet par le réseau national de la société Gaz réseau distribution France n'est pas conforme à l'arrêté attaqué ; le pétitionnaire a d'ailleurs engagé irrégulièrement la mise en œuvre de son projet, non conforme aux dispositions de l'arrêté attaqué ; par un arrêté du 11 août 2020, le préfet a modifié les prescriptions de l'arrêté initial, en raison de la mise en œuvre de cette solution alternative ;

- une méthanisation à 40°C ne réduit pas assez le nombre de pathogènes présent dans les effluents agricoles et dans les digestats ;

- en méconnaissance des dispositions de l'article L. 181-3 du code de l'environnement, l'étude des dangers ne prévoit pas de mesures propres à assurer la prévention des dangers résultant du classement du site en zone B2 du plan de prévention des risques naturels ; les études géotechniques prévues par ce plan n'ont pas été réalisées ;

- l'arrêté attaqué n'a pas été précédé de l'octroi d'une dérogation à la présence de l'équipement d'hygiénisation pour des sous-produits animaux pouvant être utilisés comme matières premières sans transformation ; l'instruction technique 2020-41 du ministère de l'agriculture, prise en application de l'arrêté du 9 avril 2018, prévoit d'ailleurs d'hygiéniser tous les sous-produits animaux.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 juin 2019, 15 octobre 2019 et 5 novembre 2019, la société Agrogaz des pays de Trie, représentée par Me Larrouy-Castera, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que soit prononcé un sursis à statuer pour que les vices éventuellement constatés soient régularisés et à ce qu'il soit mis à la charge solidaire des requérantes la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête de première instance présentée par les associations était irrecevable dès lors que la production des délibérations autorisant leur président à ester en justice n'est intervenue qu'après la clôture de l'instruction, dans le cadre de notes en délibéré ;

- les requérantes personnes physiques étaient dépourvues d'intérêt à agir ;

- la requête de première instance était irrecevable pour absence de notification au titre de l'article 25 du décret du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, les requérantes ne justifiant pas de l'accomplissement de la formalité prévue par cet article au stade du recours gracieux ;

- la requête était tardive en ce qui concerne l'association protection environnementale de la commune Bastide de Trie-sur-Baïse et ses environs ainsi que les requérantes personnes physiques, qui ne se sont pas associées au recours gracieux de l'association France nature environnement Hautes-Pyrénées ;

- en tout état de cause, les moyens soulevés par les requérantes ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2020, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens invoqués par les requérantes ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 11 janvier 2021, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 26 février 2021 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention d'Aarhus du 25 juin 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement ;

- le règlement (CE) n° 1069/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 ;

- le règlement (UE) n° 142/2011 de la Commission du 25 février 2011 ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'ordonnance 2014-355 du 20 mars 2014 ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 ;

- l'arrêté du 10 novembre 2009 fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire les installations de méthanisation soumises à autorisation en application du titre Ier du livre V du code de l'environnement ;

- l'arrêté du 13 juin 2017 approuvant un cahier des charges pour la mise sur le marché et l'utilisation de digestats de méthanisation agricoles en tant que matières fertilisantes

- l'arrêté du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection ;

- l'arrêté du 9 avril 2018 fixant les dispositions techniques nationales relatives à l'utilisation de sous-produits animaux et de produits qui en sont dérivés, dans une usine de production de biogaz, une usine de compostage ou en " compostage de proximité ", et à l'utilisation du lisier.

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Michaël Kauffmann,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,

- et les observations de Me Poudampa, représentant l'association France nature environnement des Hautes-Pyrénées et autres, et de Me Larrouy-Castera, représentant la société Agrogaz des pays de Trie.

Une note en délibéré présentée par l'association France nature environnement des Hautes-Pyrénées et autres a été enregistrée le 7 février 2022.

Considérant ce qui suit :

1. La société Agrogaz des pays de Trie (APT) a sollicité, le 19 juillet 2016, une autorisation unique de construire et d'exploiter une installation de méthanisation d'effluents agricoles au lieu-dit Manas, sur le territoire de la commune de Fontrailles. Par un arrêté du 28 novembre 2017, le préfet des Hautes-Pyrénées lui a délivré cette autorisation, assortie de prescriptions qui ont été modifiées par un arrêté du 11 août 2020. Les associations France nature environnement Hautes-Pyrénées (FNE-65) et protection environnementale de la commune Bastide de Trie-sur-Baïse et ses environs (PEBTBE) ainsi que Mmes A... épouse B... et D... relèvent appel du jugement du 5 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement : " I. ' A titre expérimental, et pour une durée de trois ans, sont soumis aux dispositions du présent titre les projets d'installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, d'installations de méthanisation et d'installations de production d'électricité ou de biométhane à partir de biogaz soumises à l'autorisation prévue à l'article L. 512-1 du code de l'environnement sur le territoire des régions de (...) Midi-Pyrénées, (...) ". Aux termes de l'article 2 de la même ordonnance : " Les projets mentionnés à l'article 1er sont autorisés par un arrêté préfectoral unique, dénommé " autorisation unique " dans le présent titre. Cette autorisation unique vaut autorisation au titre de l'article L. 512-1 du code de l'environnement et, le cas échéant, permis de construire au titre de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme (...) ". Aux termes de l'article 3 de la même ordonnance : " L'autorisation unique ne peut être accordée que si les mesures que spécifie l'arrêté préfectoral permettent de prévenir les dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, ou au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014, avant le 1er mars 2017, sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ; / 2° Les demandes d'autorisation au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement, ou de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance n° 2014-619 du 12 juin 2014 régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable ; / (...) ".

4. La demande d'autorisation en litige, déposée dans le cadre du dispositif expérimental, le 19 juillet 2016, devait être instruite et délivrée selon les modalités prévues par l'ordonnance du 20 mars 2014 et le décret du 2 mai 2014 pris pour son application. En revanche, compte tenu de la date à laquelle l'autorisation unique a été délivrée, le 28 novembre 2017, le régime juridique applicable à la décision après sa délivrance est celui régissant les nouvelles autorisations environnementales, fixé par le chapitre unique du titre VIII du code de l'environnement, et en particulier le régime des recours contentieux défini par l'article R. 181-50 du code de l'environnement.

En ce qui concerne l'association FNE-65 :

5. Aux termes de l'article R. 181-50 du code de l'environnement : " Les décisions mentionnées aux articles L. 181-12 à L. 181-15-1 peuvent être déférées à la juridiction administrative : / (...) / 2° Par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3, dans un délai de quatre mois à compter de : / a) L'affichage en mairie dans les conditions prévues au 2° de l'article R. 181-44 ; / b) La publication de la décision sur le site internet de la préfecture prévue au 4° du même article. / Le délai court à compter de la dernière formalité accomplie. Si l'affichage constitue cette dernière formalité, le délai court à compter du premier jour d'affichage de la décision. / Les décisions mentionnées au premier alinéa peuvent faire l'objet d'un recours gracieux ou hiérarchique dans le délai de deux mois. Ce recours administratif prolonge de deux mois les délais mentionnés aux 1° et 2°. ".

6. En premier lieu, il résulte de l'article 16 des statuts de l'association FNE-65, dans leur rédaction en vigueur à la date d'introduction de leur requête de première instance, que le bureau de l'association a compétence pour décider d'ester devant les juridictions et notamment pour déférer toute décision administrative allant à l'encontre des intérêts qu'elle défend. Ce même article prévoit toutefois que, lorsqu'un délai de procédure empêche une décision du bureau avant le terme de sa prochaine réunion normalement prévue, le président de l'association a compétence exclusive pour décider d'ester en justice, sous réserve d'en informer le bureau à sa prochaine réunion.

7. Contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, il résulte de ces dispositions statutaires qu'eu égard au délai contentieux dans lequel était enfermé l'action des tiers pour contester l'arrêté du 28 novembre 2017, l'association FNE-65 devait être regardée comme valablement représentée par son président lors de l'introduction de la requête, enregistrée le 14 mai 2018 devant le tribunal administratif de Pau, quand bien même l'association n'a pas apporté de justification particulière sur l'existence de circonstances faisant obstacle à ce que le bureau de l'association prenne lui-même la décision d'engager une action contentieuse avant la date prévue de sa prochaine réunion. Dès lors, l'association FNE-65 est fondée à soutenir que son président disposait de la qualité pour agir.

8. En second lieu, la société APT fait valoir que la requête de première instance de l'association FNE-65 était également irrecevable faute, pour celle-ci, d'avoir produit devant les premiers juges la preuve de la notification à son endroit du recours gracieux introduit devant le préfet des Hautes-Pyrénées le 23 janvier 2018, conformément aux dispositions du II de l'article 25 du décret du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement. Toutefois, ces dispositions ont été abrogées par l'article 16 du décret du 26 janvier 2017 relatif à l'autorisation environnementale et les articles R. 181-50 et suivants du code de l'environnement, applicables à l'autorisation en litige à compter de sa délivrance, ainsi qu'il a été exposé au point 4, n'imposent plus à l'auteur d'un recours administratif la formalité de la notification préalable de ce recours au titulaire de l'autorisation. Dès lors, l'irrecevabilité tirée de l'absence d'accomplissement desdites formalités de notification ne pouvait être utilement opposée à l'association FNE-65 devant les premiers juges.

En ce qui concerne l'association PEBTBE et Mmes A... épouse B... et D... :

9. En premier lieu, la société APT fait valoir que l'association PEBTBE ainsi que Mmes A... épouse B... et D... ne se sont pas jointes au recours gracieux introduit le 23 janvier 2018 et que le délai de recours contentieux, qui n'a pu, en ce qui les concerne, être interrompu par l'exercice de ce recours gracieux, était expiré à la date d'introduction de leur requête de première instance. Toutefois, il résulte des dispositions précitées de l'article R. 181-50 du code de l'environnement que le délai de quatre mois ouvert aux tiers pour contester une autorisation environnementale ne court qu'à compter de l'accomplissement de la double formalité tenant, d'une part, à sa publication sur le site internet de la préfecture, d'autre part, à son affichage à la mairie de la commune d'implantation du projet. S'il ressort des pièces de première instance que l'arrêté litigieux a été publié le 30 novembre 2017 sur le site internet de la préfecture des Hautes-Pyrénées, la société ne produit en revanche aucun élément de nature à établir qu'il aurait fait l'objet d'un affichage en mairie et, le cas échéant, de la date à compter de laquelle un tel affichage aurait été mis en œuvre. Dès lors, faute d'établir la date à laquelle le délai de recours contentieux a commencé à courir à l'égard des intéressées, le moyen tiré de la tardiveté de leur requête de première instance doit être écarté.

10. En second lieu, la circonstance que l'un des auteurs d'une requête collective ne justifie pas d'un intérêt à agir ou, s'agissant d'une personne morale, de la qualité pour agir de son représentant, ne fait pas obstacle à ce que les conclusions de cette requête soient jugées recevables. Ainsi qu'il a été exposé aux points 6 à 8, la demande de première instance présentée par l'association FNE-65, dont l'intérêt à agir n'est pas contesté, était recevable. Par suite, à supposer même, ainsi que le fait valoir la société APT, que Mmes A... épouse B... et D... ne justifiaient pas d'un intérêt à agir contre l'autorisation contestée et que le représentant de l'association PEBTBE n'avait pas qualité pour ce faire, ces circonstances étaient sans incidence sur la recevabilité de la demande de première instance, présentée sous la forme d'une requête collective. Dès lors, la société n'est pas fondée à soutenir que, pour ces motifs, la requête de première instance, en ce qu'elle était présentée par les intéressées, était irrecevable.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les appelantes sont fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande comme irrecevable. Par suite, il y a lieu, pour la cour, d'annuler le jugement attaqué et, dans les circonstances de l'espèce, de se prononcer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande des associations FNE-65 et PEBTBE ainsi que de Mmes A... épouse B... et D... devant le tribunal, tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 novembre 2017.

Sur la légalité de l'arrêté du 28 novembre 2017 :

12. Les dispositions précitées de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale n'ont ni pour objet ni pour effet de modifier rétroactivement les dispositions régissant la procédure de délivrance d'une autorisation unique prévue par l'ordonnance du 20 mars 2014. Ainsi, la procédure d'instruction de la demande d'autorisation unique que la société APT a déposée le 19 juillet 2016, est régie par l'ordonnance du 20 mars 2014 et son décret d'application du 2 mai 2014.

13. Aux termes de l'article 1er du décret du 2 mai 2014 : " L'autorisation unique (...) est instruite et délivrée dans les conditions prévues aux sous-sections 1, 2 et 4 de la section 1 du chapitre II du titre Ier du livre V (partie réglementaire) du code de l'environnement (...) ". Aux termes de l'article 4 de l'ordonnance du 20 mars 2014 : " (...) les projets mentionnés à l'article 1er restent soumis aux dispositions du titre Ier du livre V du code de l'environnement et, le cas échéant : 1° Aux dispositions du chapitre III du titre V du livre V du code de l'environnement (...) 3° Lorsque l'autorisation unique tient lieu de permis de construire, aux dispositions du chapitre VI du titre IV du livre Ier, du chapitre Ier, du chapitre II, de la section 1 du chapitre V du titre II et du chapitre Ier du titre III du livre IV du code de l'urbanisme (...) ". En vertu de l'article 8 de l'ordonnance du 20 mars 2014, l'autorisation unique, devenue autorisation environnementale en application de l'article 15 précité de l'ordonnance du 26 janvier 2017, est soumise à un contentieux de pleine juridiction. Il revient au juge administratif, lorsqu'il est saisi d'une contestation contre une autorisation unique, d'apprécier le respect des règles relatives à la forme et à la procédure la régissant au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de sa délivrance. Lorsqu'il estime qu'une autorisation unique a été délivrée en méconnaissance des règles de forme et de procédure applicables à la date de sa délivrance, le juge peut, eu égard à son office de juge du plein contentieux, prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu'elles n'aient pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population. En outre, si une telle régularisation n'est pas intervenue à la date à laquelle il statue, le juge peut, en application de l'article L. 181-18 du code de l'environnement, créé par l'article 1er de l'ordonnance du 26 janvier 2017, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration d'un délai qu'il fixe afin de permettre à l'administration de régulariser l'illégalité par une autorisation modificative.

14. Il appartient par ailleurs au juge du plein contentieux de l'autorisation unique, comme de l'autorisation environnementale, d'apprécier le respect des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme qui s'apprécient au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.

En ce qui concerne la régularité procédurale de l'autorisation :

S'agissant du contenu du dossier soumis à enquête publique :

15. Aux termes de l'article 4 du décret du 2 mai 2014 : " I. - Le dossier accompagnant la demande d'autorisation comporte : 1° Les pièces mentionnées aux articles R. 512-4 à R. 512-6 (...) 3° Le projet architectural mentionné au b de l'article R. 431-7 du code de l'urbanisme. (...) ". Aux termes de l'article 14 du même décret : " L'enquête publique est régie par les dispositions du chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement et par l'article R. 512-14 du même code (...) ". Aux termes de l'article R. 123-8 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable : " Le dossier soumis à l'enquête publique comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme. / Le dossier comprend au moins : / 1° Lorsqu'ils sont requis, l'étude d'impact et son résumé non technique ou l'évaluation environnementale et son résumé non technique, et, le cas échéant, la décision d'examen au cas par cas de l'autorité environnementale mentionnée au IV de l'article L. 122-1 ou au III de l'article L. 122-4, ainsi que l'avis de l'autorité environnementale mentionné aux articles L. 122-1 et L. 122-7 du présent code ou à l'article L. 104-6 du code de l'urbanisme ; (...) ".

16. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant le dossier soumis à enquête publique ne sont susceptibles de vicier la procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise au vu de cette enquête, que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou, si elles ont été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative.

17. D'une part, il résulte de l'instruction que le dossier soumis à enquête publique, qui s'est déroulée du 22 mai au 23 juin 2017, comprenait une étude préalable à l'épandage des sous-produits de méthanisation, réalisée en juin 2016 par les services techniques de la chambre d'agriculture des Hautes-Pyrénées. S'agissant du statut réglementaire des produits sortant de l'unité de méthanisation projetée, notamment du digestat, cette étude indique qu'en l'état et dès lors que ces produits ne respectent pas les normes NFU 44-051 et NFU 42-001, ils possèdent un statut de déchet nécessitant un épandage sous la responsabilité du producteur du déchet. Toutefois, l'arrêté ministériel du 13 juin 2017 approuvant un cahier des charges pour la mise sur le marché et l'utilisation de digestats de méthanisation agricoles en tant que matières fertilisantes a facilité la vente aux utilisateurs finaux de ces produits en tant que matières fertilisantes, à la condition qu'ils respectent ce cahier des charges, sans qu'il soit nécessaire d'avoir recours à un plan d'épandage. Le préfet des Hautes-Pyrénées, tenant compte de cette évolution réglementaire, a indiqué, dans l'autorisation contestée, que les digestats de méthanisation conformes au cahier des charges homologué le 13 juin 2017 pouvaient être utilisés par le pétitionnaire comme des produits et mis sur le marché, le plan d'épandage figurant dans le dossier de demande d'autorisation n'étant plus nécessaire. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la modification de la réglementation relative à la mise sur le marché et l'utilisation de digestats de méthanisation agricoles au cours de l'enquête publique n'obligeait la société APT ni à insérer l'arrêté du 13 juin 2017, publié au Journal officiel le 18 juin suivant, dans le dossier soumis à enquête publique, ni à modifier le contenu de ce dossier alors, au demeurant, que ladite étude préalable fait explicitement état de l'hypothèse d'une évolution règlementaire facilitant la mise sur le marché des digestats. Par ailleurs et contrairement à ce qui est également soutenu, la mise sur le marché des digestats de méthanisation ne constitue pas un " plan d'épandage de substitution " qui aurait dû figurer au dossier soumis à enquête publique.

18. D'autre part, dès lors que la société APT a finalement renoncé à mettre en œuvre un plan d'épandage des sous-produits de méthanisation et a substitué à cette solution de traitement du digestat sa vente directe aux utilisateurs finaux, ce qui a été acté dans l'arrêté du 28 novembre 2017, la circonstance que l'étude préalable à l'épandage ne serait pas conforme aux dispositions des articles L. 255-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime et 48 de l'arrêté du 10 novembre 2009 fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire les installations de méthanisation soumises à autorisation en application du titre Ier du livre V du code de l'environnement n'a, en tout état de cause, pas pu avoir pour effet de nuire à l'information complète de la population ni exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. Pour ce même motif, les circonstances que l'étude préalable au plan d'épandage des parcelles n'aurait pas suffisamment analysé les conséquences de cet épandage sur l'environnement, ne comporterait pas de cartographie des parcelles concernées par l'épandage et ne mentionnerait pas son impact sur les espèces protégées observées sur le site sont insusceptibles de vicier la procédure de délivrance de l'autorisation litigieuse.

19. Enfin, si les requérantes soutiennent que le projet finalement autorisé par l'autorisation contestée s'écarte de l'objectif présenté au cours de l'enquête publique, étroitement territorial et collectif, en raison de l'abandon du plan d'épandage initialement prévu, il ne résulte pas de l'instruction que la gestion du digestat de méthanisation, par épandage ou par mise sur le marché, présentait un caractère déterminant pour le pétitionnaire, dont l'activité principale consiste en la production de biogaz via un procédé de méthanisation. Au demeurant et ainsi qu'il a été exposé au point 17, l'étude préalable réalisée en juin 2016 fait explicitement état de l'hypothèse d'une évolution règlementaire facilitant la mise sur le marché des digestats, hypothèse sur laquelle le public a ainsi été mis à même de formuler toutes observations utiles.

S'agissant de l'étude d'impact :

20. En premier lieu, aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement : " (...) II.- En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : / (...) / 7° Une description des solutions de substitution raisonnables qui ont été examinées par le maître d'ouvrage, en fonction du projet proposé et de ses caractéristiques spécifiques, et une indication des principales raisons du choix effectué, notamment une comparaison des incidences sur l'environnement et la santé humaine ; (...) ". Aux termes de l'article 6 de la convention pour l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 : " (...) 2. Lorsqu'un processus décisionnel touchant l'environnement est engagé, le public concerné est informé comme il convient, de manière efficace et en temps voulu, par un avis au public ou individuellement, selon le cas, au début du processus (...) / 3. Pour les différentes étapes de la procédure de participation du public, il est prévu des délais raisonnables laissant assez de temps pour informer le public conformément au paragraphe 2 ci-dessus et pour que le public se prépare et participe effectivement aux travaux tout au long du processus décisionnel en matière d'environnement. / 4. Chaque Partie prend des dispositions pour que la participation du public commence au début de la procédure, c'est-à-dire lorsque toutes les options et solutions sont encore possibles et que le public peut exercer une réelle influence. ". Ces stipulations doivent être regardées comme produisant des effets directs dans l'ordre juridique interne.

21. Contrairement à ce que soutiennent l'association FNE-65 et autres, les auteurs de l'étude d'impact ont présenté une esquisse des principales solutions de substitution et raisons pour lesquelles le projet a été retenu. (p.235 et s.) s'agissant, notamment, de son site d'implantation. Ainsi, une première version du projet, qui prévoyait une implantation du site sur la zone d'activités des communes de Lalanne-Trie et Trie-sur-Baïse, à 3,5 kilomètres au sud du projet actuel, a été abandonnée à la suite de la réalisation d'une précédente enquête publique. Il ne résulte pas de l'instruction qu'eu égard aux caractéristiques du projet dont s'agit, la participation du public au stade de la première enquête publique puis lors de l'enquête publique réalisée du 22 mai au 23 juin 2017 n'aurait pas permis de l'associer pleinement au processus décisionnel à un stade où toutes les options et solutions étaient encore envisageables, de sorte qu'il eût pu exercer une réelle influence sur le sens et la portée de l'autorisation délivrée à la société APT. Notamment, il résulte des explications apportées par cette société au commissaire enquêteur que des réponses circonstanciées ont été apportées aux interrogations de certains participants à l'enquête publique concernant la cogénération ou la création de plusieurs unités de méthanisation moins importantes et mieux réparties sur le territoire. Si les requérantes soutiennent que le public a été invité à prendre connaissance du dossier alors que la décision était déjà acquise au stade de l'enquête publique, elles n'assortissent cette branche du moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 122-5 du code de l'environnement et des stipulations du paragraphe 4 de l'article 6 de la convention d'Aarhus doit être écarté.

22. En second lieu, les requérantes reprochent à l'étude d'impact de ne pas évaluer les émissions de gaz à effet de serre induites par le transport du camion livrant le méthane à Tarbes, le transport de résidus de céréales Euralis depuis Lescare, le transport du digestat vers les lieux de stockage, exploitations, champs ainsi que l'épandage des digestats dans les champs et les travaux de construction. Toutefois, ainsi qu'il a été exposé précédemment, la solution de l'épandage a finalement été abandonnée par le pétitionnaire. Par ailleurs, il ressort des termes de l'étude d'impact (p.160) qu'un bilan carbone simplifié a été réalisé, conformément à la méthode développée par l'Agence nationale de l'environnement et la maîtrise de l'énergie (ADEME), listant notamment les émissions en tonne équivalent CO2 liées à l'unité de méthanisation et au transport des substrats vers l'unité de méthanisation. Il ne résulte pas de l'instruction que l'alternative proposée par les appelants, consistant en la création de plusieurs unités de méthanisation moins importantes et mieux réparties sur le territoire, aurait eu un impact plus favorable sur les émissions de gaz à effet de serre. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'étude d'impact n'aurait pas suffisamment analysé le bilan carbone du projet doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne de l'autorisation :

S'agissant de l'autorisation en tant qu'elle vaut permis de construire :

23. En premier lieu, aux termes de l'article R. 423-1 du code de l'urbanisme : " Les demandes de permis de construire (...) sont adressées par pli recommandé avec demande d'avis de réception ou déposées à la mairie de la commune dans laquelle les travaux sont envisagés : / a) Soit par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ; (...) ". Aux termes de l'article R. 431-5 du même code : " (...) La demande [de permis de construire] comporte également l'attestation du ou des demandeurs qu'ils remplissent les conditions définies à l'article R.* 423-1 pour déposer une demande de permis. ". Il résulte de ces dispositions que les demandes de permis de construire ne doivent comporter que les pièces attestant de ce que le pétitionnaire remplit formellement les conditions définies à l'article R. 423-1 précité. Les autorisations d'utilisation du sol, qui ont pour seul objet de s'assurer de la conformité des travaux qu'elles autorisent avec la législation et la réglementation d'urbanisme, étant accordées sous réserve du droit des tiers, il n'appartient pas à l'autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l'instruction d'une demande de permis, la validité de l'attestation produite par le demandeur. Ainsi, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui produit ladite attestation doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande. Il résulte de ce qui précède que les tiers ne sauraient utilement invoquer, pour contester une décision accordant une telle autorisation au vu de l'attestation requise, la circonstance que l'administration n'en aurait pas vérifié l'exactitude.

24. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. Dubosc, président de la société APT, a apposé sa signature sur le formulaire de demande de permis de construire, versé au dossier de demande d'autorisation unique, à côté de la mention selon laquelle il atteste avoir qualité pour demander l'autorisation de construire. Si les requérantes soutiennent que la délibération du 15 janvier 2016 du conseil communautaire de la communauté de communes du pays de Trie, par laquelle elle s'est portée acquéreur de la parcelle cadastrale sur laquelle doit être implanté le projet porté par la société APT afin de la lui revendre, est illégale en raison de la participation de cet établissement public de coopération intercommunal et de certains de ses membres au capital social de la société, elles n'établissent pas pour autant, en se bornant à l'affirmer, son caractère frauduleux. Par suite, le moyen tiré de ce que le pétitionnaire n'a pas justifié de la maîtrise foncière du terrain d'assiette du projet lors du dépôt de sa demande d'autorisation doit être écarté.

25. D'autre part, l'autorisation attaquée du 28 novembre 2017 n'est pas un acte pris pour l'application de la délibération du 15 janvier 2016 du conseil communautaire de la communauté de communes du pays de Trie, qui ne constitue pas plus la base légale de cette autorisation. Dès lors, le moyen tiré de ce que la délibération du 15 janvier 2016 serait illégale est inopérant et doit être écarté.

26. En second lieu, aux termes de l'article 4 du décret du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement : " I. ' Le dossier accompagnant la demande d'autorisation comporte : / 1° Les pièces mentionnées aux articles R. 512-4 à R. 512-6 ainsi qu'aux articles R. 512-8 et R. 512-9 et, le cas échéant, à l'article R. 515-59 du code de l'environnement, à l'exception de celles mentionnées aux 1° et 2° de l'article R. 512-4 et au 6° du I de l'article R. 512-6 ; / 2° La lettre de demande mentionnée aux articles R. 512-2 et R. 512-3 du code de l'environnement précisant en outre : / a) L'identité de l'architecte auteur du projet, sauf dans les cas prévus à l'article R.* 431-2 du code de l'urbanisme et si les travaux nécessitent des démolitions soumises à permis de démolir ; / b) La destination des constructions, par référence aux différentes destinations définies à l'article R.* 123-9 du code de l'urbanisme ; / c) La surface de plancher des constructions projetées, s'il y a lieu répartie selon les différentes destinations définies à l'article R.* 123-9 du code de l'urbanisme ; / d) Lorsque le terrain d'assiette comporte des constructions : la destination de ces constructions, par référence aux différentes destinations définies à l'article R.* 123-9 du code de l'urbanisme et leur surface de plancher si ces constructions sont destinées à être maintenues et si leur destination est modifiée par le projet ; / 3° Le projet architectural mentionné au b de l'article R.* 431-7 du code de l'urbanisme. En l'absence de recours à un architecte ou en cas d'accord de l'architecte, ces éléments pourront figurer dans les pièces mentionnées au 1° ; / 4° La déclaration des éléments nécessaires au calcul des impositions, prévue au h de l'article R.* 431-5 du code de l'urbanisme, par commune concernée. (...) ".

27. Il n'est pas contesté par l'association FNE-65 et autres que la demande d'autorisation unique déposée par la société APT le 19 juillet 2016 et signée par son président, accompagnée d'un fascicule de présentation du projet, comportait l'ensemble des informations prévues par les dispositions précitées de l'article 2 du décret du 2 mai 2014. La circonstance que le formulaire Cerfa de demande de permis de construire, également joint au dossier, dont la production formelle n'est pas exigée par lesdites dispositions, ne soit pas signé par le pétitionnaire et que certaines cases n'y soient pas cochées est sans incidence sur la régularité de la procédure d'instruction et de délivrance de l'autorisation unique en tant qu'elle vaut permis de construire.

S'agissant du contenu du projet réalisé :

28. L'association FNE-65 et autres soutiennent que l'autorisation délivrée le 28 novembre 2017 a été détournée de son objet par le pétitionnaire dès lors que ce dernier a finalement opté pour l'injection directe du biométhane dans le réseau de gaz naturel alors que l'autorisation ne prévoyait pas l'adoption d'une solution de substitution à la liquéfaction du méthane et à son transport. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 11 août 2020, le préfet des Hautes-Pyrénées a autorisé la société APT à procéder à la modification dont s'agit en lui imposant des nouvelles prescriptions se substituant aux prescriptions prévues par l'arrêté initial du 28 novembre 2017. Si les intéressés soutiennent que ce nouvel arrêté ne contient pas de prescriptions spécifiques concernant la canalisation reliant le méthaniseur au réseau de gaz naturel et n'évoque pas le volet économique lié à cette nouvelle installation, il ressort des termes mêmes de l'arrêté, qui n'est pas sérieusement contesté, que l'ouvrage en cause est une canalisation de distribution de gaz qui, en tant que telle et à la différence d'une canalisation de transport, n'est pas soumise à autorisation, en application de l'article L. 555-1 du code l'environnement. Dès lors, à la date à laquelle la juridiction de céans se prononce, les requérantes n'établissent pas que le pétitionnaire aurait substantiellement modifié son projet au regard de l'autorisation du 11 août 2020 qu'il détient désormais.

S'agissant du moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-1 du code de l'environnement :

29. Aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ". Aux termes de l'article L. 512-1 dudit code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral. ".

30. En premier lieu, les requérantes soutiennent que le processus de méthanisation conduisant à la création du digestat solide n'atteindrait pas des températures suffisamment élevées pour éliminer l'ensemble des pathogènes présents dans les effluents agricoles et, à l'inverse, favoriserait l'activation de certaines bactéries. Cependant, il résulte de l'instruction et notamment des termes de la demande d'agrément sanitaire élaborée par la société APT que, au sein des digesteurs, les matières se trouvent à une température moyenne de 39°C (± 2°C) pendant un temps de séjour moyen de 41 jours (± 5 jours) alors que, dans le post-digesteur, les matières se trouvent à une température moyenne de 39°C (± 4°C) pendant un temps de séjour moyen de 16 jours (± 5 jours). Par ailleurs, il résulte de l'instruction que le digestat subit ensuite plusieurs post-traitements permettant de l'assainir, dont un stockage de 60 jours pour le digestat solide et une phase dite " d'évapo-concentration ", pour le digestat liquide, qui atteint des températures comprises entre 55°C et 60 °C et qui, selon l'étude annexée à la demande d'agrément sanitaire, élimine le surplus des supports bactériologiques et des pathogènes. En définitive, il résulte des termes de cette étude qu'en tenant compte, en outre, des modalités de stockage des intrants ainsi que des contrôles réalisés sur chaque produit sortant, les dangers sanitaires liés à ces produits sont qualifiés de " faibles " à " négligeables ". L'association FNE-65 et autres, qui se bornent à des considérations très générales et à l'évocation d'études ou d'articles scientifiques, sans même les produire ou en citer les passages pertinents, n'établissent pas que ces conditions de conservation et de température n'assureraient pas la quasi-élimination des pathogènes ou favoriseraient l'apparition de nouvelles bactéries. Dans ces conditions, l'autorisation en litige n'a pas méconnu les intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

31. En second lieu, les requérantes soutiennent qu'en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 181-3 du code de l'environnement, l'autorisation délivrée à la société APT ne prévoit pas de mesures destinées à réduire les effets des risques identifiés dans l'étude des dangers, liés au phénomène de retrait-gonflement des sols argileux, alors que le projet se situe dans le périmètre d'un plan de prévention des risques naturels (PPRN) approuvé par arrêté préfectoral du 21 juin 2010. Il résulte de l'instruction que le site d'implantation du projet se situe en zone B2 du PPRN, que ce dernier identifie comme une zone faiblement à moyennement exposée. Conformément aux dispositions de l'article 1er du règlement du PPRN, l'étude d'impact et l'étude des dangers prévoient, préalablement à la réalisation des travaux et après leur achèvement, la réalisation d'études géotechniques d'avant-projet, de projet et d'exécution afin de limiter les aléas géotechniques. L'article 1.3 de l'arrêté du 28 novembre 2017 prévoit que les installations et leurs annexes sont disposées conformément aux plans et données techniques contenus dans les dossiers déposés par l'exploitant. Dans ces conditions, en se bornant à faire valoir que l'arrêté contesté aurait dû être assorti de prescriptions complémentaires pour réduire les risques liés au phénomène de retrait-gonflement des sols argileux, les requérantes n'établissent pas, par la seule circonstance que les études géotechniques n'ont pas été produites, que les mesures prévues par le pétitionnaire dans sa demande d'autorisation, qui lui sont opposables, seraient inefficaces ou insuffisantes pour permettre la protection des intérêts protégés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

S'agissant de l'absence de dérogation à la présence d'un équipement d'hygiénisation :

32. Il résulte des dispositions de l'article L. 181-2 du code de l'environnement, comme, avant elles, de celles de l'ordonnance du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique, que l'autorisation environnementale tient lieu, y compris pour l'application des autres législations, des autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments qu'elles listent, parmi lesquels ne figurent pas les dérogations pouvant être délivrées par le directeur départemental en charge de la protection des populations aux exploitants d'une usine de production de biogaz ne disposant pas d'une unité de pasteurisation/hygiénisation, sur le fondement de l'arrêté du 9 avril 2018, pris en application des règlements (CE) n° 1069/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 et (UE) n° 142/2011 de la Commission du 25 février 2011. Au demeurant, il résulte de l'instruction que la société a sollicité l'octroi d'une telle dérogation et que l'arrêté du 28 novembre 2017 comme celui du 11 août 2020 ont expressément entendu écarter, à l'article 1.1.4, la délivrance d'une telle dérogation, en soulignant que l'autorisation délivrée ne valait pas agrément au titre de la réglementation sanitaire applicable aux sous-produits animaux et produits dérivés non destinés à la consommation humaine et que celui-ci devrait être obtenu avant la mise en exploitation des installations. Dès lors, les requérantes ne peuvent utilement soutenir que l'autorisation contestée est illégale faute de prévoir une telle dérogation.

33. Il résulte de tout ce qui précède que l'association FNE-65 et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 28 novembre 2017 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées a délivré à la société APT une autorisation unique de construire et d'exploiter une installation de méthanisation au lieu-dit Manas, sur le territoire de la commune de Fontrailles, ensemble la décision du 14 mars 2018 par laquelle cette même autorité a rejeté le recours gracieux formé par l'association FNE-65 contre cet arrêté. Il en va de même, par voie de conséquence, du surplus des conclusions de première instance.

Sur les frais liés à l'instance :

34. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, de la société APT et de la commune de Fontrailles, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme demandée par l'association FNE-65 et autres, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'association FNE-65 et autres, une somme globale de 2 500 euros au titre des frais exposés par la société APT tant devant le tribunal administratif de Pau que devant la cour et non compris dans les dépens

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1801046 du 5 mars 2019 du tribunal administratif de Pau est annulé.

Article 2 : La demande présentée par l'association France nature environnement Hautes-Pyrénées, l'association Protection environnementale de la commune Bastide de Trie-sur-Baïse et ses environs, Mme C... A... épouse B... et Mme E... D... devant le tribunal administratif de Pau et le surplus de leurs conclusions d'appel sont rejetés.

Article 3 : L'association France nature environnement Hautes-Pyrénées, l'association Protection environnementale de la commune Bastide de Trie-sur-Baïse et ses environs, Mme C... A... épouse B... et Mme E... D... verseront à la société Agrogaz des pays de Trie, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme globale de de 2 500 euros au titre des frais exposés par elle tant devant le tribunal administratif de Pau que devant la cour.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association France nature environnement Hautes-Pyrénées, à l'association Protection environnementale de la commune Bastide de Trie-sur-Baïse et ses environs, à Mme C... A... épouse B..., à Mme E... D..., à la société Agrogaz des pays de Trie, à la ministre de la transition écologique et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Copie en sera adressée au préfet des Hautes-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 1er février 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 mars 2022.

Le rapporteur,

Michaël KauffmannLa présidente,

Evelyne Balzamo

Le greffier,

Fabrice Phalippon

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chacune en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX01819

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01819
Date de la décision : 08/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Nature et environnement - Installations classées pour la protection de l'environnement - Régime juridique.

Procédure - Introduction de l'instance - Qualité pour agir - Représentation des personnes morales.


Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : ARANDA

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-03-08;19bx01819 ?
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