Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 22 février 2017 par laquelle le directeur santé de la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion (CGSSR) a prononcé à son encontre la suspension, pour une durée de douze mois, de la participation de la caisse au financement des cotisations sociales assurance maladie et des avantages complémentaires vieillesse.
Par un jugement n° 1700267 du 16 mai 2019, le tribunal administratif de La Réunion a annulé la décision du 22 février 2017 du directeur santé de la CGSSR.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 juillet 2019, la CGSSR, représentée par
Me Sammarcelli, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 16 mai 2019 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros au titre
de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- Mme B... a initialement fait l'objet d'une procédure d'examen de son activité individuelle et d'une procédure de sanction conventionnelle ; elle n'a été sanctionnée qu'à raison du non-respect des règles de remplissage des feuilles de soins et imprimés en vigueur ; elle a, d'une part, antidaté des séances, d'autre part, envoyé avec retard des demandes d'accord préalable ; alors que la demande d'accord préalable est une condition à la prise en charge des soins par l'Assurance Maladie, les demandes d'accord préalable adressées à la Direction de l'échelon régional du service médical en 2015 ont servi à valider des actes déjà réalisés, ce qui constitue une entorse grave aux règles de facturation de la profession d'orthophoniste ; Mme B... n'a en outre pas télétransmis ses feuilles de soins pour les années 2014, 2015 et 2016 ; la sanction était donc justifiée ;
- la sanction était proportionnée ; la sanction aurait pu être assortie d'une récupération d'indus sur l'ensemble des actes réalisés par l'orthophoniste sans demande d'accord préalable ; alors que l'obligation conventionnelle de télétransmission est applicable depuis le 5 mai 2012, l'omission de la requérante aurait pu alourdir la sanction.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 janvier 2020, Mme B..., représentée par Me Maillot, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la CGSSR d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en 2014, du fait d'une fracture du poignet droit nécessitant une immobilisation prolongée, elle a pris du retard dans le suivi administratif des dossiers de sa patientèle ; dès qu'elle a retrouvé l'usage de sa main droite, elle a adressé les demandes d'entente préalable concernant plusieurs de ses patients qui, portant sur des renouvellements de prises en charge, devaient nécessairement être accordées ; elle a également antidaté des séances dispensées alors que les déclarations d'entente préalable n'avaient pas été envoyées ; elle a expliqué les circonstances l'ayant conduite à antidater les séances dès son audition du 16 décembre 2016 ; elle n'a tiré aucun profit du décalage de datation des actes dispensés, qui ont bien été réalisés ;
- contrairement à ce que soutient la CGSSR, la répétition de l'indu ne fait pas partie des sanctions qui pouvaient être prononcées en application de la convention ;
- la sanction n'est pas fondée sur le défaut de télétransmission durant les années 2014 à 2016 ; la caisse ayant fait le choix de ne pas sanctionner ce manquement, le caractère proportionné de la sanction infligée ne saurait être apprécié en tenant compte de ce grief ;
- elle exerce depuis 1999 et n'a jamais fait l'objet d'autre procédure de sanction au titre de sa pratique professionnelle ;
- la sanction de la suspension de tout ou partie de la participation des caisses au financement des cotisations sociales du professionnel peut être partielle ou totale et d'une durée de 3, 6, 9 ou 12 mois ; la plus lourde de ces sanctions lui a été infligée, ce qui est disproportionné.
Par ordonnance du 7 avril 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 7 mai 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy,
- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Davous, représentant la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion (CGSSR).
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., orthophoniste depuis 1999, a été entendue le 16 décembre 2016 par la commission paritaire régionale des orthophonistes en raison, notamment, du dépassement, pour son activité de l'année 2015, du seuil d'alerte relatif au nombre d'actes par patient. Lors de cette audition, elle a expliqué que, du fait d'une fracture au poignet droit survenue à l'été 2014, elle avait tardé à adresser des demandes de prise en charge à l'assurance maladie, puis, une fois les accords obtenus, postdaté les feuilles de soins correspondant aux actes réalisés antérieurement aux accords en cause. Par des courriers du 4 janvier 2017, la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion (CGSSR) a informé Mme B..., d'une part, de l'abandon de la procédure liée au suivi de son activité pour 2015, d'autre part, de son intention de prononcer une sanction au titre du non-respect des règles de remplissage des feuilles de soins et du non-respect de l'obligation de télétransmission des feuilles de soins pour les années
2014 à 2016. Par courrier du 8 février 2017, Mme B... a présenté des observations sur ce projet de sanction. Par une décision du 22 février 2017, le directeur santé de la CGSSR a prononcé à l'encontre de l'intéressée une mesure de suspension de la participation de la caisse au financement des cotisations sociales assurance maladie et des avantages complémentaires vieillesse pour une durée de 12 mois, fondée sur le non-respect par l'intéressée des règles de remplissage des feuilles de soins. La CGSSR relève appel du jugement du 16 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de La Réunion a annulé cette décision.
2. Aux termes de l'article L. 162-9 du code de la sécurité sociale : " Les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les chirurgiens-dentistes, les sages-femmes et les auxiliaires médicaux sont définis par des conventions nationales conclues entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et une ou plusieurs des organisations syndicales nationales les plus représentatives de chacune de ces profession (...) ".
3. Aux termes de l'article 3 de la convention nationale destinée à organiser les rapports entre les orthophonistes et les caisses d'assurance maladie approuvée par arrêté interministériel du 31 décembre 1996, dans sa rédaction issue de l'avenant du 14 mai 2014 : " (...) Lors de chaque acte, l'orthophoniste porte sur la feuille de soins ou le document de facturation toutes les indications prévues par l'article R. 161-40 à R. 161-44 du Code de la sécurité sociale et par la réglementation en vigueur (...) La prestation des soins, y compris s'il s'agit d'actes en série, doit être mentionnée - au jour le jour - en utilisant la cotation prévue à la nomenclature générale des actes professionnels(...) L'orthophoniste remplit et signe les imprimés nécessaires aux demandes d'accord préalable dans les conditions prévues à l'article 7 des dispositions générales de la nomenclature générale des actes professionnels ". En vertu de l'article R.161-42 du code la sécurité sociale, les rubriques de renseignements des feuilles de soins dont l'indication conditionne le droit à remboursement de l'assuré font apparaître, notamment, la date à laquelle chaque acte est effectué.
4. Aux termes de l'article 21 de la même convention : " Lorsqu'un orthophoniste ne respecte pas les dispositions de la présente convention, il peut, après mise en œuvre des procédures prévues au présent titre, encourir une ou plusieurs des mesures suivantes :
- suspension du conventionnement, avec ou sans sursis : Les suspensions de conventionnement sont de 1, 2, 3, 6, 9 mois ou 12 mois, suivant l'importance des griefs (...) - décision de déconventionnement (pour la durée de la convention) prononcée dans des cas exceptionnels - suspension de tout ou partie de la participation des caisses, au financement des cotisations sociales du professionnel. La suspension de tout ou partie de la participation des caisses au financement des cotisations est de 3, 6, 9 ou 12 mois- interdiction temporaire ou définitive de pratiquer le DE en cas d'abus répétés dûment constatés. - suspension de la participation des caisses aux avantages sociaux d'une durée de trois mois en cas de non-respect de manière systématique de l'obligation de transmission électronique des documents de facturation posée à l'article L. 161-35 du code de la sécurité sociale (...) ". Aux termes de l'article 22 de cette convention : " Les caisses peuvent appliquer les mesures prévues à l'article 21 de la présente convention à l'encontre de tout orthophoniste n'ayant pas respecté les tarifs opposables, et /ou les règles de remplissage des feuilles de soins et imprimés en vigueur. Les caisses peuvent également appliquer les mesures prévues à l'article 21 en cas de non-respect de manière systématique de l'obligation de transmission électronique à l'assurance maladie, posée à l'article L. 161-35 du code de la sécurité sociale, des documents de facturation des actes et prestations. Dans les cas énumérés ci-dessus, les caisses doivent au préalable communiquer leurs constatations au professionnel concerné qui dispose d'un délai de 1 mois pour présenter ses observations éventuelles ou être entendu à sa demande par les directeurs de caisses ou leurs représentants ; l'orthophoniste peut se faire assister par un orthophoniste de son choix ". Aux termes de l'article 24 de la même convention : " Les décisions prises en application de
l'article 22 de la présente convention s'appliquent 1 mois après leur notification au professionnel par la caisse primaire du lieu d'exercice principal de ce dernier (...). Toute décision peut faire l'objet d'un recours devant le tribunal administratif ".
5. Il est constant qu'en postdatant des feuilles de soins, pour un volume correspondant à un trimestre de feuilles de soins de l'année 2015 selon ses propres déclarations,
Mme B... a méconnu ses obligations conventionnelles de remplissage des feuilles de soins. Un tel manquement était passible d'une sanction en vertu des dispositions précitées des articles 21 et 22 de la convention nationale destinée à organiser les rapports entre les orthophonistes et les caisses d'assurance maladie. Il résulte cependant de l'instruction que l'intéressée, qui n'avait jamais fait l'objet de procédure de sanction au titre de sa pratique professionnelle, a spontanément reconnu son manquement aux obligations de remplissage des feuilles de soins dès son audition du 16 décembre 2016 par la commission paritaire régionale des orthophonistes. Mme B... fait valoir que le retard pris en 2014 dans l'envoi des demandes d'accord préalable est imputable à ses difficultés à écrire en raison d'une fracture du poignet droit, et produit des éléments médicaux corroborant ses allégations. L'intéressée explique en outre, sans contredit sur ce point, que le retard pris en 2014 portait exclusivement sur des demandes de renouvellement d'accord préalable, de sorte que le manque de rigueur qui lui est reproché n'a lésé ni ses patients, ni l'assurance maladie. Dans ces conditions, et comme l'ont estimé les premiers juges, la suspension, pour la durée maximale de douze mois, de la participation de la caisse au financement des cotisations sociales assurance maladie et des avantages complémentaires vieillesse de Mme B... a revêtu un caractère disproportionné par rapport à l'unique manquement sanctionné, à savoir un manquement aux obligations de remplissage des feuilles de soins commis dans les circonstances ci-avant décrites. Si la CGSSR fait valoir que Mme B... avait en outre méconnu son obligation de télétransmission des feuilles de soins, le caractère proportionné de la mesure en litige ne saurait être apprécié au regard de ce manquement, qui ne constitue pas le fondement de la sanction finalement infligée à l'intéressée. De même, la circonstance que la sanction choisie aurait pu être assortie d'une récupération d'indu sur l'ensemble des actes réalisés sans demande d'accord préalable est dépourvue d'incidence sur l'appréciation du caractère proportionné de la sanction en cause.
6. Il résulte de ce qui précède que la CGSSR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Réunion a annulé la décision de son directeur santé du 22 février 2017.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B..., qui n'a pas la qualité de partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés dans le cadre de la présente instance par la CGSSR. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de
la CGSSR une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la CGSSR est rejetée.
Article 2 : La CGSSR versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse générale de sécurité sociale de La Réunion et à Mme A... B....
Délibéré après l'audience du 8 février 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente-assesseure,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 mars 2022.
La rapporteure,
Marie-Pierre Beuve Dupuy
La présidente,
Catherine Girault
Le greffier
Fabrice Benoit
La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 19BX03010