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24/02/2022 | FRANCE | N°20BX03625

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 7ème chambre (formation à 3), 24 février 2022, 20BX03625


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, par deux requêtes distinctes, d'une part, d'annuler l'arrêté du 21 juin 2018 par lequel le préfet du Tarn lui a ordonné de remettre toutes les armes et munitions en sa possession et lui a interdit d'acquérir ou de détenir des armes et munitions de toutes les catégories, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2019 par lequel le préfet du Tarn a prononcé la saisie définitive des armes et munitions lui appartenant et lui a interdit d'a

cquérir ou de détenir des armes et munition de toutes les catégories.

Par u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, par deux requêtes distinctes, d'une part, d'annuler l'arrêté du 21 juin 2018 par lequel le préfet du Tarn lui a ordonné de remettre toutes les armes et munitions en sa possession et lui a interdit d'acquérir ou de détenir des armes et munitions de toutes les catégories, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 18 juillet 2019 par lequel le préfet du Tarn a prononcé la saisie définitive des armes et munitions lui appartenant et lui a interdit d'acquérir ou de détenir des armes et munition de toutes les catégories.

Par un jugement n° 1803463-1904944 du 10 septembre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a joint ses demandes avant de les rejeter.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 8 novembre 2020 et le 2 juin 2021, M. A..., représenté par Me Vialaret, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 10 septembre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 juin 2018 par lequel le préfet du Tarn lui a ordonné de remettre toutes les armes et munitions en sa possession et lui a interdit d'acquérir ou de détenir des armes et munitions de toutes les catégories, ainsi que l'arrêté du 18 juillet 2019 par lequel le préfet du Tarn a prononcé la saisie définitive des armes et munitions lui appartenant et lui a interdit d'acquérir ou de détenir des armes et munition de toutes les catégories

3°) d'enjoindre au préfet du Tarn de lui restituer ses armes dans le délai de huit jours sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre des articles 37 de la loi n° 91-347 du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la légalité externe :

- ils ne comportent pas la mention selon laquelle l'intéressé doit pouvoir présenter des observations écrites ou orales, éventuellement assisté d'un conseil, en méconnaissance des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration et 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- l'arrêté du 18 juillet 2019 n'est pas motivé en droit dès lors qu'il omet de citer l'article R. 312-73 du code de la sécurité intérieure, et en fait, dès lors que les faits sur lesquels il s'appuie ne sont pas avérés ;

- l'arrêté du 18 juillet 2019 est entaché d'incompétence ;

S'agissant de la légalité interne :

- les arrêtés sont entachés d'inexactitude matérielle des faits, dès lors que les propos menaçants qu'il aurait tenu lors d'échanges publics des 4 et 8 juin 2018 ne sont pas avérés et ne ressortent pas des retranscriptions des réunions ; la transcription réalisée par huissier de justice le 14 février 2019 atteste du caractère mesuré de ses propos ; c'est en procédant à une substitution de motif irrégulière que le tribunal administratif a retenu un prétendu message vocal du 27 mars 2018, sur lequel l'arrêté préfectoral n'est pas fondé ; le courrier de la maire d'Albi du 18 juin 2018 ne fait référence qu'à des propos qui lui seraient " attribués " sans précision, et comporte des allégations mensongères et vexatoires ; il n'a pas menacé d'avoir recours aux armes mais au juge, et s'il avait prononcé les menaces qu'on lui attribue, le préfet aurait dû les dénoncer en vertu de l'alinéa 2 de l'article 40 du code de procédure pénale ;

- le juge administratif se montre réticent à sanctionner les atteintes simplement potentielles à l'ordre public ;

- les nuisances dont il se plaint sont établies et le procureur de la République a saisi le tribunal de police d'Albi de poursuites engagées contre le circuit automobile Le Séquestre ;

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 23 mars et 15 juillet 2021, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique,

- le rapport de Mme Frédérique Munoz-Pauziès,

- et les conclusions de Mme Florence Madelaigue.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... demeure dans la commune du Séquestre et est riverain du circuit de vitesse d'Albi et président du Comité des riverains de l'autodrome d'Albi consternés (CRAAC). Estimant que son comportement laissait craindre une utilisation des armes à feu qu'il possédait contre les personnes qu'il estime responsables des nuisances sonores du circuit, le préfet du Tarn, par un arrêté du 21 juin 2018, lui a ordonné de remettre sans délai toutes les armes et munitions détenues, et, par un second arrêté du 18 juillet 2019, mis les armes ainsi remises aux enchères et a interdit à l'intéressé d'acquérir ou de détenir des armes et des munitions quelle que soit leur catégorie. M. A... relève appel du jugement du 10 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux arrêtés.

2. Aux termes de l'article L. 312-7 du code de la sécurité intérieure, dans sa rédaction alors applicable : " Si le comportement ou l'état de santé d'une personne détentrice d'armes et de munitions présente un danger grave pour elle-même ou pour autrui, le représentant de l'État dans le département peut lui ordonner, sans formalité préalable ni procédure contradictoire, de les remettre à l'autorité administrative, quelle que soit leur catégorie ".

3. Il ressort des pièces du dossier que, par courrier du 13 juin 2018, la maire d'Albi a adressé au préfet du Tarn un courrier, ayant pour objet " Sécurité des personnes face aux menaces ", qui faisait état de menaces de mort anonymes, pour lesquelles la maire avait déposé plainte, et de propos qui lui auraient été rapportés, attribués à M. A..., et qui soulèveraient " légitimement des interrogations et autres inquiétudes ". Toutefois, rien ne permet de tenir pour avérés les propos ainsi reprochés au requérant. Par courrier du 21 juin 2018 adressé au préfet, le directeur départemental de la sécurité publique du Tarn explique que M. A... " se plaint de manière véhémente du bruit excessif " du circuit d'Albi, et rappelle les termes d'un message laissé par ce dernier le 27 mars 2018, sur le répondeur téléphonique d'un agent de la préfecture, qui se concluait par " vous attendez quoi, qu'on tire à coup de fusil sur le truc parce qu'on y est là, on y est, vous allez voir, surtout ne prenez rien, ne prenez personne au téléphone, et ne faites pas appliquer la loi on va s'en charger ". De même, une fiche à l'attention du commandant de groupement de gendarmerie du Tarn du 21 juin 2018, après avoir rappelé l'identité de M. A... et la circonstance qu'il a déposé plainte à maintes reprises contre le circuit d'Albi, mentionne " le caractère sulfureux de l'intéressé par rapport au circuit ". Ces courriers, qui relatent le comportement d'un homme en colère et véhément, ne suffisent pas à établir que M. A... présenterait un danger grave pour autrui. Le préfet fait également valoir que l'intéressé aurait, le 18 juin 2018, conclu une conversation téléphonique avec un agent de la préfecture en affirmant " le compromis, les négociations, c'est terminé, vous allez voir ". Toutefois, de tels propos, à les supposer établis, ne constituent pas des menaces de mort. Si l'arrêté litigieux du 21 juin 2018 affirme également que l'intéressé " a tenu des propos menaçants à l'occasion d'échanges publics notamment en faisant preuve d'une virulence en présence du représentant de l'État ", à l'occasion des réunions de médiation et de conciliation des 4 et 8 juin 2018, ces menaces ne sont pas établies. À cet égard, les comptes rendus de ces réunions, l'un signé du préfet, l'autre du secrétaire général, ne font état d'aucun propos menaçant, M. A... ayant simplement " appelé l'attention des membres de l'instance de dialogue sur le fait que le bruit peut générer des réactions imprévisibles. Les nuisances et l'énervement s'accumulent ". De plus, M. A... produit trois procès-verbaux, établis les 25 et 26 juin 2018 par un officier de police du commissariat d'Albi, lors de l'audition de personnes ayant assisté à ces réunions, soit la cheffe du bureau des élections et de la réglementation de la préfecture, une technicienne de sécurité sanitaire de l'Agence régionale de santé (ARS), spécialisée dans les problèmes de bruit, et un ingénieur du Génie sanitaire au sein de l'ARS. Or, si les personnes interrogées font état de la colère de M. A..., qui " semblait très énervé ", aucune d'elles ne l'a entendu proférer de menaces. Ainsi, M. A... est fondé à soutenir qu'en estimant, dans l'arrêté du 21 juin 2018, que son comportement présentait un danger grave pour autrui, le préfet du Tarn a inexactement apprécié les faits en présence. L'arrêté du 21 juin 2018 doit, par suite, être annulé ainsi que, par voie de conséquence, celui du 18 juillet 2019.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

4. Le présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Tarn restitue à M. A... les armes qui lui ont été remises. Il y a lieu de lui enjoindre cette restitution dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions tendant au bénéfices de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse et les arrêtés du préfet du Tarn des 21 juin 2018 et 18 juillet 2019 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Tarn se restituer ses armes à M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à M. A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Une copie en sera adressée au préfet du Tarn.

Délibéré après l'audience du 27 janvier 2022 à laquelle siégeaient :

M. Éric Rey-Bèthbéder, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente assesseure,

Mme Nathalie Gay, première conseillère.

Rendu public après mise à disposition au greffe le 24 février 2022.

La rapporteure,

Frédérique Munoz-PauzièsLe président

Éric Rey-Bèthbéder

La greffière,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 20BX03625


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 7ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 20BX03625
Date de la décision : 24/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-05 Police. - Polices spéciales. - Police du port et de la détention d'armes.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BETHBEDER
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: Mme MADELAIGUE
Avocat(s) : VIALARET

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-02-24;20bx03625 ?
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