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22/02/2022 | FRANCE | N°19BX02637

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 22 février 2022, 19BX02637


Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La société Biomen Villeneuve, société à responsabilité limitée, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2017 par lequel le maire de la commune de Villeneuve-sur-Lot a décidé la fermeture au public du magasin " Le marché de Léopold " qu'elle exploite.

Par un jugement n° 1704014 du 30 avril 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a prononcé l'annulation de l'arrêté du 19 juillet 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le

24 juin 2019, la commune de Villeneuve-sur-Lot, représentée par Me Ferrant, demande à la cour :

1°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure antérieure :

La société Biomen Villeneuve, société à responsabilité limitée, a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2017 par lequel le maire de la commune de Villeneuve-sur-Lot a décidé la fermeture au public du magasin " Le marché de Léopold " qu'elle exploite.

Par un jugement n° 1704014 du 30 avril 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a prononcé l'annulation de l'arrêté du 19 juillet 2017.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juin 2019, la commune de Villeneuve-sur-Lot, représentée par Me Ferrant, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 avril 2019 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de rejeter la demande de la société Biomen Villeneuve ;

3°) de mettre à la charge de la société Biomen Villeneuve le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a retenu que l'établissement ne nécessitait pas une autorisation de travaux en se fondant sur l'arrêté du 25 juin 1980 portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public tel que modifié par l'arrêté du 13 juin 2017 alors que ce dernier arrêté n'était pas applicable ; en effet, la modification des classements par la commission compétente ne peut s'opérer qu'après respect d'une procédure qui n'avait pas été suivie à la date de la décision ;

- l'établissement relevait de la 3ème catégorie et non de la 5ème, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal ; la société a elle-même répertorié son établissement dans la 3ème catégorie ; ce classement est en outre justifié par l'ensemble commercial unique formé avec le magasin attenant ;

- les travaux étaient donc bien soumis à l'obtention d'une autorisation au titre de l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation ; la société ayant ouvert son magasin sans autorisation, l'infraction était constituée ;

- cette infraction justifiait la mesure de fermeture ; la mesure est au surplus fondée sur l'atteinte grave à la sécurité du public.

Par un mémoire, enregistré le 7 décembre 2020, la société Biomen Villeneuve, représentée par Me Lagier, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la commune de Villeneuve-sur-Lot le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens invoqués ne sont pas fondés ;

- la commission de sécurité n'a pas été consultée préalablement à la fermeture, en méconnaissance de l'article R. 123-52 du code de la construction et de l'habitation ;

- l'arrêté n'a pas été précédé d'une mise en demeure ;

- l'arrêté vise un article R. 143-46 du code de la construction et de l'habitation qui n'existe pas ;

- l'arrêté est entaché de détournement de pouvoir.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- l'arrêté du 25 juin 1980 portant approbation des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Elisabeth Jayat,

- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,

- et les observations de Me Guillout, représentant la commune de Villeneuve-sur-Lot.

Considérant ce qui suit :

1. La société Biomen Villeneuve exerce sous l'enseigne " Le marché de Léopold ", un commerce de vente de produits issus de l'agriculture biologique. La société a pris à bail le 21 décembre 2016 des locaux vacants situés à Villeneuve-sur-Lot qui étaient précédemment à usage de commerce de vêtements. Elle a déposé une déclaration préalable de travaux pour adapter le local à son activité et une demande d'autorisation d'aménager ou de modifier un établissement recevant du public. Par des arrêtés des 12 avril et 12 juillet 2017 que la société a contestés devant le tribunal administratif de Bordeaux, le maire de Villeneuve-sur-Lot a opposé un sursis à statuer sur la déclaration préalable de travaux, d'une part, et sur la demande d'autorisation de travaux, d'autre part. Ayant constaté le 7 juillet 2017 que l'établissement était ouvert au public sans avoir été visité au préalable par la commission de sécurité et sans que l'autorisation du maire ait été sollicitée, le maire de Villeneuve-sur-Lot a mis en demeure la société de procéder à la fermeture de l'établissement. Ce courrier étant resté sans suite, il a prononcé la fermeture des locaux en raison de la non-conformité de ce lieu aux prescriptions du code de la construction et de l'habitation, par arrêté du 19 juillet 2017 dont la société a demandé l'annulation. La commune de Villeneuve-sur-Lot fait appel du jugement du 30 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 19 juillet 2017.

2. L'article L. 111-7 du code de la construction et de l'habitation applicable en l'espèce dispose que : " Les dispositions architecturales, les aménagements et équipements intérieurs et extérieurs des locaux d'habitation, qu'ils soient la propriété de personnes privées ou publiques, des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des lieux de travail doivent être tels que ces locaux et installations soient accessibles à tous, et notamment aux personnes handicapées, quel que soit le type de handicap, notamment physique, sensoriel, cognitif, mental ou psychique, dans les cas et selon les conditions déterminés aux articles L. 111-7-1 à L. 111-7-11. Ces dispositions ne sont pas obligatoires pour les propriétaires construisant ou améliorant un logement pour leur propre usage ". Aux termes de l'article L. 111-8 de ce code : " Les travaux qui conduisent à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public ne peuvent être exécutés qu'après autorisation délivrée par l'autorité administrative qui vérifie leur conformité aux règles prévues aux articles L. 111-7, L. 123-1 et L. 123-2 (...) ". Aux termes de l'article L. 123-1 du même code : " Les travaux qui conduisent à la création, l'aménagement ou la modification d'un établissement recevant du public doivent être conformes aux règles de sécurité fixées par décret en Conseil d'Etat ".

3. Aux termes de l'article L. 111-8-3 du code de la construction et de l'habitation applicable en l'espèce : " L'ouverture d'un établissement recevant du public est subordonnée à une autorisation délivrée par l'autorité administrative après contrôle du respect des dispositions de l'article L. 111-7 (...) ". L'article R. 123-45 de ce code dispose que : " (...) Avant toute ouverture des établissements au public ainsi qu'avant la réouverture des établissements fermés pendant plus de dix mois, il est procédé à une visite de réception par la commission. Celle-ci propose les modifications de détail qu'elle tient pour nécessaires (...) L'exploitant demande au maire l'autorisation d'ouverture, sauf dans le cas des établissements visés au premier alinéa de l'article R. 123-14 qui ne comportent pas de locaux d'hébergement pour le public ". L'article R. 123-14 de ce code dispose que : " Les établissements dans lesquels l'effectif du public n'atteint pas le chiffre fixé par le règlement de sécurité pour chaque type d'établissement sont assujettis à des dispositions particulières déterminées dans le règlement de sécurité (...) Lorsque ces établissements disposent de locaux d'hébergement pour le public, les travaux qui conduisent à leur création, à leur aménagement ou à leur modification ne peuvent être exécutés qu'après délivrance de l'autorisation prévue aux articles L. 111-8 et suivants et après avis de la commission de sécurité compétente. Ils sont par ailleurs soumis aux dispositions des articles R. 111-19-14 et R. 123-22 ainsi qu'aux articles R. 123-43 à R. 123-52 ".

4. Aux termes de l'article L. 123-4 du code de la construction et de l'habitation : " Sans préjudice de l'exercice par les autorités de police de leurs pouvoirs généraux et dans le cadre de leurs compétences respectives, le maire ou le représentant de l'Etat dans le département peuvent par arrêté, pris après avis de la commission de sécurité compétente, ordonner la fermeture des établissements recevant du public en infraction avec les règles de sécurité propres à ce type d'établissement, jusqu'à la réalisation des travaux de mise en conformité (...) ". L'article R. 123-52 du même code dispose que : " Sans préjudice de l'exercice par les autorités de police de leurs pouvoirs généraux, la fermeture des établissements exploités en infraction aux dispositions du présent chapitre peut être ordonnée par le maire, ou par le représentant de l'Etat dans le département dans les conditions fixées aux articles R. 123-27 et R. 123-28. / La décision est prise par arrêté après avis de la commission de sécurité compétente. L'arrêté fixe, le cas échéant, la nature des aménagements et travaux à réaliser ainsi que les délais d'exécution ".

5. Pour prononcer, le 19 juillet 2017, la fermeture de l'établissement " Le marché de Léopold ", le maire de la commune de Villeneuve-sur-Lot s'est fondé sur l'absence d'autorisation de travaux, le maire ayant, par arrêté du 12 juillet précédent, prononcé un sursis à statuer sur la demande d'autorisation de travaux, sur l'absence de demande d'autorisation d'ouverture au public et sur l'absence de visite de réception par les commissions de sécurité et d'accessibilité compétentes.

6. En application de l'article GN 2 des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public, approuvé par l'arrêté modifié du 25 juin 1980 dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée, les bâtiments d'une même exploitation et les exploitations groupées dans un même bâtiment ou dans des bâtiments voisins, qui ne répondent pas aux conditions d'isolement du règlement, sont considérés comme un seul établissement recevant du public. Il résulte des pièces du dossier et notamment du rapport non sérieusement contredit établi le 18 mai 2017 par le service départemental d'incendie et de secours de Lot-et-Garonne, que le commerce de la société Biomen Villeneuve est exploité dans le même bâtiment qu'un autre commerce et que les cellules où sont implantés ces commerces ne sont pas isolées. Dans ces conditions, la catégorie à laquelle appartient l'établissement pour le classement visé à l'article R. 123-19 du code de la construction et de l'habitation doit être déterminée en tenant compte des effectifs des deux commerces. En application de ce texte et selon les règles définies aux articles M 1 et M 2 des dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public dans leur rédaction applicable en l'espèce, l'établissement, dont l'effectif total s'établit à 350, relevait de la 3ème catégorie et était ainsi soumis, en application des articles L. 111-8 et R. 123-45 du code de la construction, tant à une autorisation de travaux qu'à une autorisation d'ouverture.

7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Villeneuve-sur-Lot est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif, pour annuler la décision de fermeture contestée, s'est fondé sur le motif tiré de la méconnaissance du champ d'application des autorisations de travaux et d'ouverture au public. Il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par la société Biomen Villeneuve.

8. Comme il a été dit, la société n'a pas obtenu l'autorisation de travaux qu'elle avait sollicitée ni demandé l'autorisation d'ouverture au public à laquelle elle était soumise. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le sursis à statuer opposé le 12 juillet 2017 à la demande d'autorisation de travaux présentée par la société, sur laquelle la commission de sécurité compétente avait émis un avis favorable avec prescriptions le 24 mai 2017, n'a pas été motivé par des non-conformités affectant la sécurité du public ou l'accessibilité mais par les orientations prises dans le futur plan local d'urbanisme intercommunal en matière d'implantation de différents types de commerces en centre-ville et en périphérie. Au demeurant, cette décision de sursis à statuer a été annulée par un jugement devenu définitif du tribunal administratif du 16 avril 2019 au motif que le maire ne pouvait légalement opposer un sursis à statuer à une demande d'autorisation de travaux régie par le code de la construction et de l'habitation. Par ailleurs, la circonstance que la société, dont la demande d'autorisation de travaux n'avait pas été satisfaite, n'ait pas formulé de demande d'ouverture au public ne traduit pas, par elle-même, l'existence de risques pour la sécurité du public ou de non-conformités aux règles d'accessibilité. L'absence de visite de réception des commissions de sécurité et d'accessibilité ne révèle pas davantage, en elle-même, de tels risques ou non-conformités à la date de la décision contestée, alors que la société Biomen Villeneuve a produit en première instance un rapport du bureau Véritas du 27 décembre 2018 qui ne fait apparaître aucune non-conformité. La société Biomen Villeneuve n'a au surplus pas été préalablement invitée à présenter ses observations sur d'éventuels travaux à réaliser pour se mettre en conformité avec les règles de sécurité et l'arrêté ne comporte aucune prescription en ce sens, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 123-4 du code de la construction et de l'habitation selon lesquelles la fermeture est prononcée jusqu'à la réalisation des travaux de mise en conformité. Dans ces conditions, et alors que la décision a de plus été prise sans avis de la commission de sécurité compétente en méconnaissance de l'article R. 123-52 précité du code de la construction et de l'habitation, la fermeture de l'établissement qui n'est justifiée par aucune infraction avec les règles de sécurité propres au type d'établissement auquel appartient le commerce de la société Biomen Villeneuve, méconnaît l'article L. 123-4 du code de la construction et de l'habitation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Villeneuve-sur-Lot n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a prononcé l'annulation de la décision du 19 juillet 2017 ordonnant la fermeture de l'établissement de la société Biomen Villeneuve.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Biomen Villeneuve, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la commune de Villeneuve-sur-Lot au titre des frais qu'elle a exposés à l'occasion de l'instance. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune requérante le versement d'une somme de 1 500 euros à la société Biomen Villeneuve au titre des frais d'instance exposés par elle.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Villeneuve-sur-Lot est rejetée.

Article 2 : La commune de Villeneuve-sur-Lot versera à la société Biomen Villeneuve la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Villeneuve-sur-Lot et à la société Biomen Villeneuve.

Une copie en sera adressée au préfet de Lot-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente,

Mme Birsen Sarac-Deleigne, première conseillère,

Mme Laury Michel, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 février 2022.

La première assesseure,

Birsen Sarac-Deleigne

La présidente-rapporteure,

Elisabeth Jayat La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au préfet de Lot-et-Garonne en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 19BX02637


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX02637
Date de la décision : 22/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Attributions - Police - Police de la sécurité - Police des établissements recevant du public.

Police - Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Elisabeth JAYAT
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : CABINET ARCC

Origine de la décision
Date de l'import : 01/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-02-22;19bx02637 ?
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